Nous sommes chez un marchand de vin à Fort Lauderdale, au nord de Miami, le Wine Watch. Nous avons participé à une dégustation informelle qui se tient tous les vendredis à 17 heures et nous nous sommes inscrits, mon fils, Austin et moi de façon tout-à-fait impromptue à un dîner de sept personnes, autour d’Andrew le propriétaire des lieux.
C’est sa femme qui fait la cuisine et voici le menu (de traduction approximative) : charcuterie et sélection de fromages : fermin iberico de Bellota, parmigiano-reggiano / foie gras poêlé aux champignons sauvages sautés sur toasts briochés / saumon royal glacé Hoisin sur Bok Choy sauté / confit de canard et lasagne aux champignons sauvages, sauce Pomerol / crème au chocolat avec coulis de framboise.
Andrew chérit particulièrement le Champagne Krug 1990 parce que c’est sa dernière bouteille. Il a pour lui les yeux de Chimène. Je les ai moins car je trouve que ce champagne est marqué par une acidité trop appuyée. Il n’est pas impossible qu’Andrew ait exposé cette bouteille à des températures inadaptées.
Le Champagne Selosse Lieux Dits Le Bout du Clos dégorgé en avril 2013 est aussi la dernière bouteille d’Andrew et il la chérit aussi. Ce champagne est magique. Il est d’une rare complexité. Il en est presque déroutant. C’est un très grand champagne sans concession.
Le Champagne Salon Blanc de Blancs 1996 est large, accueillant, d’un magnifique équilibre. Je suis très à l’aise avec ce champagne que j’adore dont la puissance est moins sensible que d’habitude puisqu’il passe après le Selosse. Nous nous amusons à classer ces trois champagnes et le Selosse recueille beaucoup de votes de premier. Mon classement est Salon, Selosse et Krug, car j’ai rarement bu un Salon 1996 aussi accueillant.
Andrew a fait servir les verres de tous les rouges un peu moins d’une heure avant le dîner et je note une attention qui me touche. J’avais dit à Andrew que j’adore boire les lies. Il y a donc devant ma place une double rangée de verres, les grands verres ayant les vins et les petits verres placés derrière ayant la lie des mêmes vins. J’apprécie énormément ce sens de l’accueil.
Le Château La Fleur Pétrus 2000 est une très heureuse surprise. Il a une densité et un équilibre que je n’attendais pas. C’est un vin riche et grand avec un grain très riche de belle truffe.
Le Château Pétrus 2003 est aussi la dernière bouteille d’Andrew. Le vin n’est pas du tout tonitruant. Il joue en discrétion. Et je retrouve en lui tout ce que j’aime en Pétrus, qui n’est pas dans l’affirmation mais dans la suggestion. Ce vin noble et complexe est aimable. C’est un seigneur dont on admire la grâce. Il y a des Pétrus beaucoup plus affirmés, voire très puissants. Celui-ci est le prince de la suggestion.
Andrew, manifestement d’humeur généreuse, a ajouté un Château Clinet 2015, pour former un trio de pomerols. Il est évidemment trop jeune, mais je lui trouve un bel équilibre et déjà une belle affirmation. C’est un vin de plaisir qui tracera sa voie plus tard.
Le Barolo Giuseppe Rinaldi 2003 est très plaisant et riche. Dans la salle, je sens une insistante odeur de truffe et Andrew nous dit qu’un des plus grands succès de ses dégustations, c’est l’association frites et truffes. Il en commande pour notre table et l’association de ces démoniaques frites avec les vins italiens est magique.
Le Barolo Giacosa Riserva Le Rocche del Falletto 2000 est un très grand Barolo. Il est plus capé que le Rinaldi mais j’ai une préférence pour le Rinaldi plus franc.
Les deux vins italiens sont ensoleillés et charmeurs, mais mon cœur fait peser la balance vers les pomerols. Nous désignerons nos préférés et les choix seront très variés, les barolos faisant quasi jeu égal avec les bordeaux. Je mettrai Pétrus en premier et le seul qui sera de mon avis sera Austin dont c’est le premier Pétrus.
La cuisine est excellente et j’admire la femme d’Andrew qui fait cette belle cuisine mais fait aussi la comptabilité et encaisse les achats des clients. Il y a quelque chose de très sympathique dans l’engagement de ce couple qui gère un vrai trésor.
Une fois de plus la générosité d’Andrew se montre sur le vin suivant : un Malmsey Blandy Madeira 1880, vin d’une rare richesse, combinant les caractéristiques d’un vin doux avec une personnalité de vin sec et poivré. Il est long en bouche et d’un bel équilibre. Un très grand madère.
Mon classement final sera Pétrus 2003 et Salon 1996. Seul Austin aura le même classement que moi, les Barolos et le Selosse récoltant beaucoup de votes.
Andrew a une personnalité attachante. Il a ses convictions, comme celle de ne pas aimer les vins anciens. Nous verrons si nous pouvons organiser certains de mes dîners avec lui dans cette ambiance chaleureuse. J’aime les aventures comme celle-ci. Merci Instagram d’être à l’origine du contact avec Austin dont découle celui avec Andrew.
(certaines photos sont floues)