Ça y est, c’est décidé, nous allons partir dans le sud après presque trois mois de confinement dans notre domicile de la région parisienne. J’avais envisagé la possibilité de rester près de Paris pendant tout l’été, mais l’appel de la mer est trop fort et le besoin de changement aussi.
Pour fêter cette décision (il me fallait bien un prétexte), je décide d’ouvrir un Champagne Dom Pérignon 1993. J’avais acheté trois bouteilles de ce champagne et le prix avait été ajusté car ces bouteilles avaient souffert, avec des étiquettes salies et des capsules heurtées. Mais les couleurs du champagne me paraissaient saines.
Le pschitt existe mais n’est pas très puissant. La bulle est très fine. Le parfum est expressif et vif. En bouche j’éprouve un sentiment étrange. Le vin a tout ce qui fait un grand Dom Pérignon, et je ressens chacune de ses qualités, mais je ne suis pas complètement satisfait, et je ne suis pas capable de savoir pourquoi. Le champagne au bouchon très chevillé est peut-être un peu plus vieux qu’il ne devrait, mais je ne trouve aucun signe d’âge. L’image qui me vient est celle d’un puzzle de mille pièces. Il est terminé et il manque une pièce, sans doute perdue. Le puzzle est donc terminé, mais il n’est pas terminé. C’est ce que m’inspire ce champagne qui a du charme mais n’en a pas assez. Je décide donc de garder la moitié de la bouteille pour voir ce qui se passera le lendemain.
Le lendemain, pour mettre toutes les chances de mon côté, j’ouvre une boîte de caviar osciètre. Et dès la première seconde, je sais que c’est gagné. J’avais remis le bouchon d’origine sur la bouteille et un joli pschitt apparaît. Le champagne a une énergie qu’il n’avait pas hier, une cohérence extrême, une joie de vivre et je bois un très grand champagne, de belle pureté. Il était donc coincé hier et l’oxygénation qui a eu le temps de se faire dans la bouteille pendant une journée a reconstitué le puzzle et enrichi ce très beau champagne d’une année qui n’est pas des plus brillantes, mais qui mêle élégance et beau fruité. On ne dira jamais assez à quel point l’aération calme fait des miracles. L’oxygénation est un sauveur.