Dans la commune du sud où nous passons nos vacances, au port, une brasserie propose des plateaux de fruits de mer. Des amis nous les avaient conseillés et nous avions vérifié l’intérêt de ces plateaux. Ce soir, ce sera plateau de fruits de mer, avec des huîtres fines de claires numéro trois, des crevettes, des gambas et des pinces de crabe royal.
Pour les huîtres, un champagne s’impose. Mais il faut un champagne qui sache aussi se comporter honorablement avec les gambas et les pinces de crabes. Un blanc de blancs est exclu et je jette mon dévolu sur un Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1999. Ce champagne de production microscopique est issu de vignes préphylloxériques, ce qui lui donne une aura particulière.
Je l’ouvre deux heures avant le repas, car j’ai envie qu’il prenne de la largeur. Le pschitt à l’ouverture est très affirmé. Le bouchon est d’un cylindre parfait. Je m’autorise à en boire un peu juste à l’ouverture. Il est riche, solide comme un roc, et puissant. Il a une forte personnalité avec des évocations d’abricot, et ce qui m’étonne, c’est qu’il a du gras, mais un gras noble, de présence et d’ampleur. Je sens qu’il sera gastronomique, comme je le souhaitais.
Quand nous nous mettons à table, le champagne est parfait sur les huîtres, qui lui donnent un caractère tranchant. Sur les crevettes et gambas, le champagne devient un bloc de marbre, ou plutôt une pyramide égyptienne. Car il est massif mais aussi porteur d’évocations sensibles. Ce champagne combine une puissance certaine avec une belle sérénité et une faculté de s’adapter à toutes les saveurs.
En fin de compte ce champagne adaptatif, à l’aise dans toutes les situations, n’est pas très complexe. Il est franc, plus que complexe. Mais comme il occupe l’espace, on en peut que l’aimer. C’est son adaptabilité qui m’a convaincu. Si je devais donner de lui une image préphylloxérique, ce serait un soldat de l’an II, en uniforme d’apparat, honoré par Napoléon.