Un ami aime cuisiner. Alors les envies et les projets fusent. Ils se bousculent même au moins que ma recherche de vins qui conviendraient au repas de ce soir n’est pas facile à faire. Voici le résultat final du menu : tempuras de fleurs de courgettes / anguille fumée / couteaux / rouget et écrasé de pomme de terre à l’huile / œufs au lait au caramel.
Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1975 a un bouchon recroquevillé qui vient facilement, sans pschitt. La couleur est fortement ambrée mais agréable à l’œil. Le vin offre un pétillant très présent et sa complexité est très engageante. L’ami cordon bleu qui n’a pas l’expérience des champagnes anciens le trouve tout à son goût. Il est riche, noble. Il a sans doute un peu trop de maturité, mais c’est un grand champagne qui forme avec les tempuras un accord très pertinent.
L’ami m’a demandé pour la cuisson des couteaux un verre de vin blanc « ordinaire ». Que ferait-on du reste ? En cherchant en cave, je trouve une bouteille que j’ignorais, un Puligny-Montrachet Les Chalumeaux Leroy Négociant 1978. Je préfère un vin de grand plaisir pour l’associer au repas. Sa couleur est superbe comme son niveau. Lorsque j’ouvre le vin quatre heures avant le repas, le parfum puissant du vin est riche et généreux, annonçant un très grand vin. A table, ce vin est splendide, racé, d’un fruit généreux et d’un équilibre rare. Très complexe, c’est un très grand vin. Il accompagne parfaitement les anguilles fumées alors que le champagne n’en est pas capable, et c’est sur les couteaux aillés qu’il démontre sa grandeur raffinée.
J’avais imaginé pour les rougets qu’on ouvre un Pétrus, mais je n’en ai aucun dans le sud. L’idée d’associer au poisson un vin de 1978, comme le blanc, me plait. C’est un Château Lynch-Bages Pauillac 1978 qui est ouvert en même temps que le blanc quatre heures à l’avance. Son parfum à l’ouverture était relativement discret en comparaison avec le blanc. A table le vin est épanoui et c’est un pauillac riche, noble, droit, auquel on serait bien en peine de donner un âge tant il a trouvé un point d’équilibre d’une grande sérénité. Il y a des accents de truffe qui font de l’accord avec les rougets une rencontre idéale. La chair des rougets remarquablement cuite par notre ami trouve son prolongement dans le vin.
Cela fait donc trois accords pertinents, le champagne avec les fleurs de courgettes, le vin blanc avec l’anguille fumée et avec les couteaux et enfin les rougets avec le vin rouge. Les œufs au lait n’ont besoin d’aucun accompagnement. Lors de la partie de belote qui a suivi le dîner et nous a entraînés au milieu de la nuit, les anciens ont montré à la génération du dessous qu’il fallait compter avec ceux qui ont connu les trente glorieuses. Un bien beau repas dont mon préféré est le Puligny Leroy.