Beau dîner dans le sud avec des vins originauxsamedi, 23 août 2014

Gerhard est un compositeur et chef d’orchestre grand amateur de vins. Son épouse concertiste et ses deux fils partagent la même passion, enrichie par de nombreuses visites qu’ils font ensemble chez des vignerons devenus au fil du temps leurs amis. C’est ainsi, entre autres, que Gerhard a pu organiser chez lui en Autriche une verticale de la Romanée Liger Belair de 41 millésimes. Leurs périples changent chaque année mais une halte est presque toujours prévue dans ma maison du sud. C’est l’occasion d’un dîner de vins.

J’ai invité d’autres personnes pour former une table sympathique et pouvoir partager de nombreux vins. Les journées étant plus courtes, j’ai demandé que les convives arrivent à 19h30 pour profiter d’un apéritif face à la mer.

Gerhard arrive à 17 heures avec ses vins et j’ouvre les vins du dîner, les siens et les miens, car nous serons les deux seuls apporteurs de vins pour le dîner. Mes vins seront marqués d’une « * ». L’ami Cédric, traiteur, arrive à 18h15 pour préparer avec son collaborateur Denis l’apéritif et le dîner. Cédric sera à table à nos côtés.

A 19h30 nous attendons un vigneron et un couple de vignerons. A 20h personne. La pluie menace et le jour tombe. Nous devions commencer par un champagne ancien, mais tout le monde a soif. Pour tromper notre attente, j’ouvre un champagne non prévu, un *Champagne Delamotte 2004. Il accompagne des petites sardines délicieuses. Le Delamotte est toujours aussi précis, rassurant blanc de blancs qui fait un sans faute, très fluide et de belle soif. A 20h15, je commence à être agacé et je sers le *Champagne Salon magnum 1997. Il sera rejoint par de fines tranches de Cecina de Leon, de Pata Negra découpé devant nous et de poutargue. Dès la première gorgée on ressent le saut qualitatif que représente Salon. Il est plus vineux, plus complexe, de très grande longueur et l’effet magnum joue à plein pour lui, donnant plus d’ampleur et de coffre à son message. A 20h30 le vigneron arrive. Ma fille qui devait ne participer qu’à l’apéritif fera-t-elle venir ses amis pour remplacer le couple de vignerons absents ? Le nombre de places à table oscille entre 10, originellement prévu, 11, si ma fille vient avec ses deux amis qui remplaceraient le couple qui entretemps m’avait envoyé un message expliquant leur absence, puis 9 quand j’apprends que les amis de ma fille avaient déjà dîné. Rester zen.

Cédric nous sert des tranches de truffes d’été posées sur des morceaux de pain blanc recouverts de gouttes d’huile d’olive et d’une pincée de gros sel. L’effet avec le Salon 1997 est miraculeux, car le champagne est enhardi par le caractère terrien de la truffe. Un accord de rêve. Salon a une complexité dynamique que j’apprécie.

Nous passons à table. Les camerones, immenses crevettes juste poêlées sont associées à deux vins. Le Riesling Weingut Brundlmayer Vieilles Vignes Autriche 1997 est d’un joli jaune citronné. Le vin est clair, précis, net comme les rieslings savent le faire. Il est très agréable, un peu perlant et manque un peu de longueur. Mais nous constaterons que dans le verre il restera tout au long de ce repas d’une solidité à toute épreuve. A côté de lui le *Chateauneuf-du-Pape Château La Nerthe Clos de Beauvenir blanc 1999 a une couleur déjà très ambrée. S’il est oxydé, il est quand même agréable à boire avec de petites notes fumées. Le Riesling est le plus pertinent sur les camerones et le Châteauneuf est divin avec la poêlée de cèpes qui suit. Cédric n’a sélectionné que des cèpes de petite taille et le plat est intensément goûteux. Et le blanc du Rhône est magiquement ragaillardi. Original et hors norme, il est très accompli sur les cèpes.

Lorsque j’avais ouvert la Côte Rôtie Côte Blonde A. Dervieux-Thaize 1979 j’avais constaté que la moitié supérieure du bouchon était complètement noire. Une étiquette indiquant que la bouteille a été importée par un marchand de vins de San Francisco et achetée par Gerhard en Allemagne, on peut supposer que des différences de températures dans les divers transports a créé la torréfaction que montre ce vin. On devine ce qu’il aurait pu être mais il est trop « cuit » pour être plaisant. Il met sans le vouloir encore plus en valeur le *Chateauneuf-du-Pape rouge Jean et Jean-Paul Versino 1989 qui est une merveille de fluidité et de précision. Ce vin est enthousiasmant tant il glisse bien en bouche, équilibré, généreux et gracieux. C’est un achat de hasard et je ne m’attendais pas à trouver le vin à ce niveau. Le ris de veau juste poêlé se comporte bien avec les deux vins, donnant un coup de main à la Côte Rôtie pour la rendre plus sociable. La selle d’agneau avec un pressé de pommes de terre est brillante, fondante, et avantage encore plus les deux vins.

N’ayant peur de rien, j’avais programmé une deuxième viande pour les deux « costauds » qui arrivent. Nous étions déjà rassasiés mais le cœur de romsteak est tellement fondant que l’on ne peut résister. L’aubergine confite est, elle aussi, fondante à souhait. Le Chateauneuf-du-Pape rouge Domaine du Vieux Télégraphe 1971 est un seigneur. Il a la sérénité d’un millésime réussi. C’est un bonheur de boire un tel vin. A côté de lui, le *Château Rayas Chateauneuf-du-Pape 2005 est un trésor de complexité envoûtante. Au premier contact, je ressens une trace saline qui est celle des vins du domaine de la Romanée Conti. Mais peu de temps après, c’est une impression sucrée et de douceur qu’offre ce vin. Enfin, viril, puissant, il laisse une trace en bouche de chaude complexité.

Les deux vins cohabitent très bien. On serait bien en peine de désigner un vainqueur, tant ils sont différents. Le 1971 est plus dans la logique de l’appellation, le 2005 est plus énigmatique, mais les deux sont au sommet de leur art, même si le 2005 va s’accomplir encore et encore.

A la surprise de mes convives, le Rayas a bien voulu se prêter à l’exercice de la cohabitation avec un camembert Jort. Il l’a réussi.

Cédric est le prince du moelleux au chocolat. Face à ce moelleux divin et satanique de séduction, deux vins dissemblables. Le *Maury Mas Amiel 15 ans d’âge mis en bouteille en 1998 après 14 ans de fût et une première année en bonbonne de verre est un bonbon tant il est doux et sensuel. C’est lui qui crée le plus bel accord avec le chocolat. Le Pedro Ximenez 1927 Alvear est trop lourd de sucre. Il a des intonations de noix, de café, de caramel et écrase le dessert de sa lourdeur. Il mériterait un dessert comme une tarte aux pommes acides ou une glace au café.

Cédric a appliqué à la lettre la recommandation que je lui avais faite : « le produit, le produit, le produit, sans fioriture ». Ce fut un succès d’autant plus grand que ses fournitures sont de première qualité. Le plat le plus saisissant est la poêlée de cèpes, la sensation la plus forte est la truffe d’été avec le Salon 1997. Les viandes étaient fondantes. La plus belle surprise parmi les vins est le Chateauneuf-du-Pape rouge Jean et Jean-Paul Versino 1989. Les plus grands vins sont Rayas 2005, le Vieux Télégraphe 1971 et le Salon 1997 en magnum.

C’est fort tard que nous avons salué nos convives, heureux d’avoir partagé un grand moment de plats superbes et de grands vins.

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2014-08-22 17.59.26 2014-08-22 17.59.32 2014-08-22 17.59.56

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2014-08-22 18.02.43 2014-08-22 18.02.38 2014-08-22 18.02.48

2014-08-22 11.05.21 2014-08-22 11.05.05

2014-08-22 18.01.29 2014-08-22 18.01.50

2014-08-22 11.06.21 2014-08-22 11.06.10

2014-08-22 11.16.47 2014-08-22 11.17.12

2014-08-22 18.04.15 2014-08-22 18.03.46

2014-08-22 18.05.46 2014-08-22 23.58.40

2014-08-22 20.49.35 2014-08-22 21.35.19 2014-08-22 21.35.26 2014-08-22 21.50.41 2014-08-22 22.14.04 2014-08-22 22.40.48 2014-08-22 23.11.07 2014-08-23 00.10.07