Le lendemain nous avons à la maison le déjeuner dominical où nous aurons la chance inouïe de recevoir nos deux filles ainsi que ma belle-fille que nous n’avons pas vue en cette maison depuis son départ aux USA il y a douze ans. Nous ne l’avons retrouvée que lors de nos voyages à Miami ou dans notre maison du sud. Ce déjeuner sera l’occasion d’ouvrir tous les vins que j’ai bus au château de Saran il y a quatre jours qui ont été rebouchés à mon intention avec un soin remarquable.
L’apéritif consiste en des sablés au parmesan confectionnés de bon matin par ma femme et qui ont embaumé la cuisine, des têtes de moines, des chips à la truffe blanche, du Cecina de Lèon, du Pata Negra qui a conservé son gras contrairement à ce qu’avait préparé Lumi chez Tomo. Le Champagne Dom Pérignon 2010 a perdu de sa bulle. Il est très clair et s’est un peu assagi alors que le Champagne Dom Pérignon 2008 est beaucoup plus solaire, large et a gardé sa bulle. Ils jouaient jeu égal au château de Saran et aujourd’hui, le 2008 a deux longueurs d’avance.
Le Champagne Dom Pérignon P2 1996 est comme il y a quatre jours brillantissime. Il combine avec grâce une folle jeunesse avec une belle maturité.
Le Champagne Dom Pérignon P3 1982 est tellement énergique que lorsque j’ai ouvert la bouteille rebouchée à Saran, le bouchon m’a échappé des mains et a failli éborgner le compagnon de ma fille. Son énergie est incroyable et alors que j’avais trouvé le Champagne Dom Pérignon P3 1990 très largement au-dessus du 1982, aujourd’hui, c’est l’inverse.
Nous passons à table et le menu composé par ma femme est : coquilles Saint-Jacques crues au caviar osciètre prestige de Kaviari / lait fumé en émulsion, anguille fumée, œufs de saumon, pomme de terre / dos de saumon / coraux de coquilles Saint-Jacques / fromages / reine de Saba et glace vanille fumée au bois de hêtre.
Le Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1996 est large et puissant, solaire, solide et magnifique. Il est superbe sur le sucré de la coquille Saint-Jacques. Il restait un fond de la bouteille du Vin du Jura, vin de l’Etoile 1929 qui est extrêmement sombre puisqu’il ne reste que la lie. Il y en a suffisamment pour que j’en fasse profiter mes filles. Le goût est transcendantal. C’est une quintessence de perfection, racée, vive, d’une personnalité infinie. Il est fugace car il en reste très peu mais laisse une trace indélébile dans nos palais et nos cerveaux.
Le plat au lait fumé est subtil et raffiné. Le Ciclopi Vino Etna Bianco 1968 que j’avais ouvert au château de Saran a toujours ce goût étrange de vin jaune. Je l’aime beaucoup, même s’il est difficile à apprécier pour beaucoup autour de la table. Il est parfait sur ce plat. Il cohabite bien avec le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1966 qui a perdu un peu de sa vigueur mais garde une belle subtilité développée par sa maturité.
J’avais dans ma cave une bouteille énigmatique. C’est un Château Haut-Brion 1961 dont l’étiquette indique bien l’année mais dont un propriétaire antérieur avait inscrit sur l’année 1961 au crayon : 67. Ma fille aînée étant de cette année j’ai voulu que l’on puisse vérifier si le millésime est bien l’officiel, celui de l’étiquette, ou celui rajouté. A l’ouverture il y a quatre heures le parfum était trop incertain pour que je puisse juger. Maintenant, le doute n’est plus permis, il s’agit du brillantissime et légendaire Château Haut-Brion 1961. En regardant plus attentivement l’étiquette on peut imaginer que le 7 est en fait un 1 qui aurait prolongé sa barre verticale plus bas que la base d’un 1, créant l’équivoque sur 1 ou 7. Avec les coraux, le Haut-Brion est sublime, riche complet, équilibré, le seigneur absolu.
Mais c’est compter sans le Château Trotanoy 1945 que l’on avait bu chez Tomo et dont j’avais conservé la bouteille. Ma fille aînée et moi le trouvons beaucoup plus grand que le Haut-Brion alors que ma fille cadette est en faveur du vin de Graves. Le Trotanoy est très au-dessus de ce qu’il offrait la nuit dernière. L’aération lui a particulièrement profité.
Il en est de même pour le Champagne Dom Pérignon rosé 2006 qui est beaucoup plus large et racé qu’à Saran. Il accompagne le gâteau au chocolat et la diabolique glace à la vanille d’agréable façon.
Nous avons fait au cours de ce repas un voyage de douze vins dont deux seulement étaient nouvellement ouverts, le Pol Roger Winston Churchill 1996 et le Haut-Brion 1961. Le classement des vins est aussi difficile qu’hier. Je le ferais ainsi : 1 – Trotanoy 1945, 2 – Haut-brion 1961, 3 – Dom Pérignon 1982, Dom Pérignon 1996, Pol Roger Winston Churchill 1996, Dom Pérignon 2008, sachant qu’il convient de mettre hors catégorie les reliques du Vin de l’Etoile 1929.
Cette réunion familiale fut un grand bonheur.
l’énigme du 61 surchargé de 67 ou un imprécis 61 ?
la couleur du Dom Pérignon 2006 rosé
les champagnes du déjeuner à Saran et le TRotanoy 1945 du dîner chez Tomo s’ajoutent aux nouveaux vins