Il y a cinq mois, j’avais publié sur Instagram une photo d’un vin « le sang du peuple » cuvée spéciale avec une Marianne au bonnet phrygien. Je n’avais aucun souvenir de ce qui avait pu me pousser à acquérir ce vin dit « vin de table ». Sans chercher plus, j’ai annoncé sur Instagram que si quelqu’un montrait une photo de la même étiquette, j’ouvrirais avec lui une bouteille de Pétrus. Deux personnes avaient envoyé des photos de cette étiquette et après la période des vacances d’été, nous avons choisi de déjeuner ensemble et de partager une bouteille de Pétrus.
Le déjeuner est prévu au restaurant Pages et j’ai demandé que l’on prévoie du rouget pour accompagner le Pétrus. La veille, Lumi, directrice du restaurant Pages m’écrit qu’elle a trouvé des rougets. Peu après je reçois un mail de l’un des gagnants du jeu, vivant à Monaco, disant qu’il fait partie d’un groupe de personnes interdites de circulation pour cause de Covid. Pour être en nombre suffisant compte tenu des vins, la table s’élargit. Ce n’est pas très compliqué quand on annonce qu’il y a un Pétrus.
J’arrive avant 11 heures au restaurant Pages pour ouvrir Le Pétrus 1973 au niveau dans le goulot, qui n’a pas perdu le moindre volume en 47 ans. Le bouchon vient entier et facilement car il n’était pas fortement collé au goulot. C’est assez étrange que parfois des bouchons fortement collés au goulot ont laissé s’évaporer du vin alors que ce bouchon qui pouvait presque tourner sans effort dans le goulot n’a laissé échapper aucun liquide. Vinicius, le gagnant de ce jeu est arrivé très peu de temps après moi et j’ouvre l’un de ses apports, un vin rouge grec Orgion, pentes d’Aenos, Produit par E. Sklavos Kechrionas, Cephalonia 2012, qui titre 13°. Vinicius a apporté ce vin car il a participé aux vendanges de ce millésime et veut me le faire goûter.
Il a aussi un autre apport, un Champagne Krug Grande Cuvée 164ème édition dont la base comporte de façon significative des vins de 2008. Ce champagne a une maturité bien affirmée. Il est superbe, large et raffiné. C’est un très grand champagne qui va accompagner les amuse-bouches : velouté de Kabocha / chou au parmesan et noisette / maquereau fumé au foin.
Il se trouve que la veille, je venais d’acheter six demi-bouteilles de Champagne Bollinger 1943. Parmi les six l’une est vide, car son contenu s’est évaporé et une autre a un niveau à moitié de bouteille et une couleur franchement sombre. C’est celle-ci que j’ai ajoutée à mon apport. Quand je l’ouvre, le bouchon se cisaille à mi-hauteur et il me faut un tirebouchon pour sortir le bas du bouchon. Le liquide est franchement gris et rebutant. Mais le nez est prometteur. En bouche l’acidité est belle et l’amertume agréable. J’apprécie ce champagne d’autant plus que des amateurs n’auraient probablement pas daigné le goûter. Les vieux champagnes ont une solidité extrême. J’aime les rescapés.
Le menu que nous allons suivre est le « grand » menu prévu pour ce jour : caviar Daurenki, mousseline de pomme de terre, esturgeon fumé, céleri / cannelloni de homard et de daïkon, consommé de crustacés, Kalamansi / risotto, seiche, céleri rave / rouget, sauce civet / canard de Challans façon Apicius, sauce au foie gras, salsifis et oignons / dégustation de bœufs de maturation, normande et charolaise 7 semaines, wagyu / Opéra de la pâtissière Yuki Hayato / mignardises.
Le Krug et le Bollinger cohabitent bien avec le caviar, le Bollinger profitant bien de la présence de l’esturgeon. Ayant senti le plat de homard et son consommé, j’ai l’intuition que le vin grec sera le plus approprié. Et c’est le cas. Le Orgion, pentes d’Aenos, Produit par E. Sklavos Kechrionas, Cephalonia 2012 est une très agréable surprise. Si on devait situer son goût en France, son grain très dense le mettrait parmi les bordeaux de la rive droite, saint-émilion par exemple. C’est un très bon vin et l’accord avec le homard surprend Vinicius par sa pertinence.
Le risotto appelle plutôt le Krug et c’est le tour du Pétrus 1973 sur le rouget. A l’ouverture, son parfum était superbe. Il est servi un peu chaud et dès qu’il retrouve de la fraîcheur, son caractère brillant apparaît. Il a une puissance très supérieure à ce que l’on attend de ce millésime timide. Il est grand, profond et plus lisible que d’autres millésimes de Pétrus, car sa cohérence est extrême. L’accord avec le rouget est toujours aussi pertinent. Ce Pétrus est noble, d’une grande élégance. La sauce, faite avec un grand bordeaux de 1982 est un peu trop réduite. Une sauce plus légère eût été opportune. Pour les deux plats qui suivront les deux vins rouges sont également appropriés mais sont rapidement bus, au point que nous commandons au verre de la carte du restaurant un Chambolle-Musigny 1er Cru Les Baudes Sérafin Père & Fils 2010 qui joue honnêtement son rôle.
Le dessert Opéra est le même que celui que nous avions aimé chez mon ami Tomo. Il est de très haute qualité et forme un accord parfait avec le Tokaji Aszu Eszencia Disznoko 1988 extrêmement charmeur, doux et aérien que j’ai apporté.
C’est assez difficile de classer les vins. Je mettrai en premier le prétexte de ce repas, le Pétrus 1973, suivi du Krug Grande Cuvée, puis le Bollinger 1943 et le vin grec 2012. Ce repas fut amical, décontracté et riche en émotions gustatives.
Voici l’objet du jeu que j’avais lancé sur Instagram
la récompense