J’invite ma sœur et mon beau-frère à déjeuner dans ma cave. Ils viendront avec des victuailles et je ne connais pas leur programme. Le choix des vins doit se faire pour convenir à toutes les situations. Le premier vin que je choisis est un champagne Salon 1997 car je souhaite voir où en est ce millésime qui promet d’être grand.
Pour la suite pourquoi ne pas rester sur le millésime 1997 ? Je prends un Corton-Charlemagne Bouchard Père & Fils 1997 et une Côte Rôtie La Turque Guigal 1997, année particulièrement grande dans le Rhône.
Avec de tels vins, je n’ai pas besoin de venir aux aurores pour les ouvrir. C’est donc à 10 heures seulement que commence l’ouverture. Le bouchon du vin blanc est extrêmement serré dans le goulot et à ma grande surprise il se brise en mille morceaux à la levée. Je n’avais pas imaginé qu’il fallait user de la mèche longue réservée aux vins anciens, aussi des petites miettes de liège tombent dans le vin, que je repêche avec les outils adéquats. C’est étonnant qu’un bouchon aussi jeune se soit désagrégé à ce point. Le bouchon du vin rouge est sans problème. Je m’attendais à une forte résistance du bouchon du Salon 1997 car les bouchons des jeunes Salon sont souvent trop serrés, mais celui-ci vient avec des efforts certes, mais vient.
A l’arrivée de mes invités je constate avec un grand plaisir qu’il y aura une douzaine d’huîtres pour chacun des deux qui mangent des huîtres. Que demander de mieux que cela pour le champagne ?
Le Champagne Salon 1997 avait offert un pschitt cordial sans être tonitruant. Sa couleur est belle et sa bulle active. Le nez est intense et le mariage avec les huîtres est divin, car le goût iodé de l’huître se prolonge dans le goût salin et minéral du Salon. C’est un régal et le Salon a une longueur infinie. Ce grand champagne promet.
Pour le poulet cuit avec de petites pommes de terre, nous passons au Corton-Charlemagne Bouchard Père & Fils 1997. Son nez est envoûtant. En bouche il est d’une largeur extrême, débordant de fruits dorés. Sa complexité est belle et la largeur de sa palette aromatique est infinie. C’est sur les pommes de terre croquantes que le vin blanc s’exprime le mieux. Ce bourgogne est noble.
Ma sœur a apporté un seul fromage, un Soumaintrain, fromage de l’Yonne à pâte molle, affiné tous les deux à trois jours pendant trois semaines. Les senteurs d’une étable ou d’un dortoir de jeunes soldats auraient du mal à lutter avec la virilité du parfum de ce fromage qui convient aussi bien au vin rouge qu’au vin blanc, celui-ci étant certainement le plus idoine. La Côte Rôtie La Turque Guigal 1997 a un nez très jeune fait de fruits noirs. En bouche le cassis et les fruits noirs abondent et la jeunesse du vin est infinie. Son finale est juteux et gourmand, avec de petites notes mentholées. Un régal qui est loin d’avoir atteint son apogée.
La tarte aux mirabelles va accueillir d’abord le diabolique Calvados dont je ne me lasse pas tant il combine puissance et douceur. Ensuite je verserai à mes convives des verres du Marc de rosé du Domaine d’Ott 1929 au parfum de punaise ou de poussière, encore plus viril que le Calvados. J’aurais dû inverser l’ordre de service des deux alcools.
Alors que ma cave devient un endroit où l’on déjeune fort bien, c’est le soir même que le Premier Ministre annonce le troisième confinement. Il faudrait un nouvel Hercule pour nettoyer les incuries d’Augias.