Depuis le confinement, il n’y a eu aucune possibilité pour faire nos déjeuners de conscrits. L’occasion s’est présentée de faire un de ces déjeuners dans ma cave. Nous serons cinq au lieu de huit, les autres amis n’ayant pas la possibilité de venir. De bon matin j’ai ouvert les bouteilles pour qu’elles aient l’aération nécessaire. Aucun incident ne se produit. Le sauternes Domaine de la Forêt a une étiquette très peu lisible mais j’avais noté sur mes fiches son année, 1920. Illisible sur l’étiquette elle apparaît sur le bouchon. C’est bien un 1920, à la hauteur dans le goulot montrant qu’il n’y a pas eu l’ombre d’une évaporation et le parfum à l’ouverture est divin.
Les amis arrivent à des horaires décalés et nous commençons par la rituelle visite de cave. L’un des amis est un fan du champagne Delamotte aussi le premier vin que nous buvons pour l’apéritif est un Champagne Delamotte Blanc de Blancs 2007. Il a le charme des blancs de blancs de Mesnil-sur-Oger. J’ai voulu l’associer avec le Champagne Salon 2007 nous pas pour faire une confrontation mais plutôt pour faire une association. Je préfère qu’il en soit ainsi. Si l’on constate que le Salon est plus noble et plus précis, ce n’est pas pour déprécier le Delamotte que je considère aussi comme un grand champagne.
Nous avons de petits fours salés et nous continuons avec des sushis et des sashimis de saumon et de thon. Je sers alors le Chablis Premier Cru Fourchaume A. Regnard & Fils 1959. Mes amis sont émerveillés par la jeunesse et la richesse de ce grand chablis qui trouve avec le thon un accord magnifique. Quel grand chablis dont le finale riche de fruits est éblouissant.
Ma femme a préparé pour notre déjeuner un foie gras dont elle a le secret. Il est associé au Champagne Dom Pérignon 1973. Là aussi mes amis, peu habitués aux vins anciens, sont subjugués par l’énergie et la largeur aromatique de cet éblouissant champagne. Il est plus guerrier et conquérant que ce que j’attendais. Il est fruité, doté de belles bulles picotant agréablement le palais. L’accord est idéal.
Le Château Canon La Gaffelière Saint-Emilion 1959 est le seul vin rouge du repas, ce qui n’est pas habituel dans les déjeuners de conscrits. Il est absolument splendide, charbonneux, truffé, à la longueur extrême. Il faut dire que 1959 est une année qui en ce moment est au firmament. Il est intéressant de constater que le saint-émilion s’associe nettement mieux avec un fromage de chèvre qu’avec le saint-nectaire qui dans les livres lui conviendrait mieux.
Pour le Shropshire et le stilton, je sers maintenant le Domaine de la Forêt Sauternes Preignac 1920. Sa couleur est d’un or d’un acajou sombre. Son parfum envahit la pièce. Son goût luxuriant et charmeur est un bonheur absolu. Il est un peu sec, mais à peine, et conserve un fruit percutant. Il est parfait sur les fromages et brille aussi sur une tarte à la mirabelle.
Mes amis sont aux anges. Nous allons voter. Le Dom Pérignon a trois votes de premier et le sauternes en a deux. Le vote du consensus est : 1 – Champagne Dom Pérignon 1973, 2 – Domaine de la Forêt Sauternes Preignac 1920, 3 – Château Canon La Gaffelière 1959, 4 – Chablis Fourchaume A. Regnard & Fils 1959.
Mon vote est : 1 – Domaine de la Forêt Sauternes Preignac 1920, 2 – Champagne Dom Pérignon 1973, 3 – Chablis Fourchaume A. Regnard & Fils 1959, 4 – Château Canon La Gaffelière 1959.
Sur un menu extrêmement simple puisque je n’ai en ce local qu’un embryon de cuisine, on se rend compte que lorsque les vins sont de haut niveau, et ils le furent tous, on peut faire un repas de haute gastronomie. Le plaisir de revoir mes amis est doublé du plaisir de leur offrir une expérience gastronomique mémorable. Vive la vie qui revit.
un Dom Pérignon revenant d’Italie
le 1920 est très lisible sur le bouchon