La nuit a été douce pour tous, comme si la Chartreuse nous avait protégés des effets de l’alcool et de la bonne chère. Nous arrivons aux portes du siège du domaine de la Romanée Conti. Aubert de Villaine avait prévenu qu’il ne serait pas avec nous car il doit se rendre à Paris. Nous avons juste le temps de le saluer car son taxi est en retard. Je lui ai parlé de l’impression désagréable que j’avais eue récemment avec une Romanée Conti 1964 que j’avais trouvée trop puissante par rapport à ce que j’attendais. Aubert m’a rassuré et Bernard Noblet le fera un peu plus tard, la Romanée Conti 1964 est extrêmement puissante et Bernard la préfère à la 1969. J’avais donc commis une erreur d’appréciation en buvant ce grand vin. C’est bien dommage de m’être trompé sur son message.
Nicolas, chef des cultures du domaine nous entraîne le long des vignes pour expliquer aux vignerons la philosophie de la gestion des vignes. Pour les vignerons du Rhône, qui posent de bonnes questions, les exposés très clairs de Nicolas sont un régal. Pour moi, qui ne comprends pas tout ce qui est dit, je me régale aussi mais sans la perspective que peuvent avoir les vignerons. Il fait froid, nous nous tenons chaud comme le fait un troupeau car il y a un petit vent glaçant.
Nous nous rendons ensuite en cave où Bernard Noblet, l’homme qui fait les vins du domaine à la suite de son père dans une continuité historique rare, va nous faire déguster à l’aveugle quelques vins. Il fait froid dans cette cave séculaire et il faut réchauffer son verre pour en tirer le meilleur des arômes. L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti magnum 2001 a un nez fermé. Il est d’un millésime de connaisseurs nous dit Bernard. Il a été fait en vendanges entières, c’est-à-dire en conservant les rafles. Il est floral, avec de jolies épices, avec des fruits rouges jolis et discrets. J’aime beaucoup ce vin élégant.
Le vin suivant a un nez très vif. Au nez, je pense à Richebourg. Il a une très forte personnalité. Pour trouver l’année, j’oublie que le vieillissement en cave du domaine est beaucoup plus lent que dans la cave d’un particulier. Aussi, l’idée des années 80 sur une année discrète comme 1984 me paraît possible. Il s’agit en fait du Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1965, d’une petite année mais qui réussit à ce Richebourg. Il y a une belle salinité, des suggestions de sous-bois, d’humus, de forêt. Le vin, très salin est superbe, au message pénétrant. Nous sommes aux anges.
Bernard va chercher deux bouteilles d’un même blanc. Le nez pétrole une grande minéralité. La bouche est intense. Immédiatement je reconnais les caractéristiques d’un Bâtard-Montrachet, mais le vin est tellement puissant que j’imagine que ce pourrait être un Montrachet qui se serait engagé sur les pistes d’un Bâtard. Il y a de la noisette, de l’amande, du caramel. Il y a aussi des notes salines. Ce vin riche est de très forte puissance. Les vendanges ont été faites tardivement de grains très mûrs. Il s’agit d’un Bâtard-Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2007. C’est probablement le Bâtard le plus riche de tous ceux que j’ai bus au domaine.
Nous remercions Bernard et Nicolas de cette visite et de cette dégustation. Les vignerons sont contents de l’accueil chaleureux que nous avons eu. Ils offrent plusieurs bouteilles de leurs domaines. Ce fut un grand moment.