Dîner au restaurant Hiramatsu pour vérifier si la première impression (voir bulletin 87) était la bonne. Evidemment, en reprenant le même menu dégustation l’effet de surprise n’est plus là. Mais cela permet de s’installer dans le plaisir d’une cuisine bien dosée, de cuissons audacieuses et passionnantes. Bipin Desai m’avait dit que lorsqu’il est de passage à Paris, il vient boire l’une des antiques bouteilles du Domaine Michel Gaunoux qui sont sur la belle carte des vins. Je décidai de faire de même. J’ai demandé qu’on ouvre vers 17 heures la bouteille que j’ai choisie. Le Pommard Grands Epenots Michel Gaunoux 1926 est le vin d’un grand vigneron.
A la première gorgée le nez ne s’exprime pas encore complètement, et une petite trace de vieillesse rappelle discrètement ses 77 ans. Mais lorsque le vin s’épanouit dans le verre, les caractéristiques d’un vrai et beau Pommard se révèlent, l’âge disparaît pour laisser la place à un vin à la fois léger et puissant, d’une belle trame, et aimablement généreux. J’avais bu son cadet de 70 ans, le 1996, au Bristol (bulletin 87). Celui-ci a beaucoup plus de choses à raconter. C’est comme une pièce d’orfèvrerie qui n’est pas restée en vitrine : elle est beaucoup plus belle quand elle a servi. C’est donc un grand Pommard bien construit, à la belle jeunesse (à l’aveugle, on dirait un 1978), et très expressif. L’accord le plus naturel et délicieux est sur les médaillons de veau. C’est l’orthodoxie culinaire. L’accord le plus excitant est sur un ris de veau habillé d’une fine feuille d’épinard. Là, le vin s’amuse. Et, juste pour le plaisir d’une titillation gustative, l’accord avec la feuille de chou qui entoure un beau foie gras est un petit trésor. Délicate cuisine, excitant non seulement la curiosité mais aussi le plaisir, et un vin de grande race. Contre toute attente, j’ai presque préféré le Pommard 1923 de Marius Meulien (n°89), prolétaire plus sauvage que cet aristocrate bien construit. C’est peut-être mon coté Fanfan la Tulipe.