Un ami italien qui a participé à plusieurs de mes dîners m’appelle et me demande si je serais partant pour partager avec lui au restaurant La Tour d’Argent un Ermitage Cuvée Cathelin de la maison Chave. L’idée me plait car les occasions de boire ce vin mythique sont rares.
Lorsque je me présente au restaurant, j’ai mon masque sur le nez. Le réceptionniste me dit « bonjour monsieur Audouze ». La table ayant été réservée par mon ami, je suis étonné qu’on ait pu me reconnaître. Je m’en étonne et il me répond : « si je ne vous avais pas reconnu il faudrait que je change de métier ». Voilà qui met de bonne humeur.
Lorsque je monte à l’étage du restaurant je vois mon ami qui étudie la liste des vins dans un livre d’une épaisseur qui inspire le respect. Il suggère que nous prenions un Auxey-Duresses Domaine d’Auvenay et avec le sommelier nous choisissons les millésimes, 1998 pour le vin blanc et 1995 pour le vin rouge.
Nous choisissons les plats que nous prendrons. Pour moi ce sera : cèpes confits au beurre d’ail et sarrasin torréfié, Guanciale Al Pepe voilé à l’huile de cerfeuil / ris de veau fermier doré au sautoir à l’huile de noisettes, endives braisées au pralin, jus torréfié.
Le sommelier apporte l’Auxey-Duresses Domaine d’Auvenay 1998 et se verse une belle dose dans un verre pour goûter le vin. Il nous sert et dès la première gorgée mon ami et moi sentons que le vin est plat. L’énergie qui est une des caractéristiques de ce vin fait par Lalou Bize-Leroy n’est pas au rendez-vous. Je n’ai aucune envie de discuter avec le sommelier de son diagnostic lorsqu’il a bu le vin aussi serons-nous obligés de voyager avec cet Auxey-Duresses qui ne montre qu’une pâle image de ce qu’il pourrait être.
Lorsque le sommelier avait ouvert la bouteille nous avons vu qu’il peinait et que des miettes de liège étaient tombés dans le vin, ce qui ne devrait jamais se produire avec un vin si jeune. Le bouchon humide avait donc été imprégné par le vin dans la cave du restaurant. Les amuse-bouches sont particulièrement simples et la mise en bouche de saumon fumé est très simple également.
Le plat de cèpes est délicieux et gourmand avec une sauce divine. C’est un plat simple mais bien fait qui va réveiller le vin blanc.
J’avais demandé que le vin rouge soit ouvert seulement au moment où le ris de veau serait servi. C’est ce qui fut fait et mon ami a pu constater ainsi à quel point la fraîcheur du vin qui éclot est pertinente. Le vin n’a pas le flamboyant que doit avoir un Cathelin, mais cet Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1995 est un grand vin. Le ris de veau est parfaitement cuit et sa sauce est superbe.
Les deux vins vont se révéler vraiment au moment des fromages de grande qualité. Du moins nous faisons tout pour nous persuader qu’ils retrouvent leur splendeur.
Ne prenant pas de dessert nous recevons des mignardises qui ne sont pas dignes d’un restaurant historique et emblématique de la cuisine française. Le chef Yannick Franques qui est MOF 2004 a incontestablement du talent dans une cuisine bourgeoise simple et goûteuse mais il devrait rehausser le niveau de ses ambitions culinaires. Il est très probable que ce jugement sur la cuisine est influencé par la déception pour les vins.
Nous avons passé une excellente soirée car nous étions heureux de nous revoir, mais on ne peut pas cacher un regret quand deux vins emblématiques ont offert une partie seulement de ce dont ils sont capables.