Noël approche. Mon fils et une de mes filles viennent déjeuner à la maison. Ma femme a annoncé son programme : gougères / saumon fumé / épaule d’agneau et pommes de terre grenaille / poires Belle-Hélène. J’ai envie d’explorer quelques vins que je ne connais pas et d’en faire profiter mes invités.
De bon matin, vers 9 heures, je commence les ouvertures des vins. Les bouchons se déchirent dans tous les sens et en m’armant de patience j’arrive à ce qu’aucune miette de liège ne tombe dans les vins. Pour le Châteauneuf, le bouchon descendant à chaque fois que j’essaie de le piquer, la lutte durera presque un quart d’heure pour que j’arrive à trouver le point d’ancrage évitant que le bouchon ne tombe. Le problème se complique avec le madère dont le bouchon est collé au goulot. Le tirebouchon ne remonterait que des bribes, le reste collé ne se laissant pas faire. J’ai donc utilisé le Durand, ce tirebouchon associé à un bilame. Il a un peu blessé le bouchon mais tout est rentré dans l’ordre. Les odeurs sont engageantes, surtout le madère. Seul le Châteauneuf aura besoin d’aération pour se montrer sous son meilleur jour.
Le Champagne Batiste Pertois Blanc de Blancs Premier Cru à Cramant 1979 a une étiquette comme neuve. Le bouchon se brise au moment où je veux l’extirper et libère un pschitt discret mais significatif. La couleur dans le verre est ambrée. D’habitude, je n’aime pas que l’on dise qu’un vin est madérisé, car c’est souvent une erreur d’analyse si le vin est évolué et pas madérisé. Mais là, force est de constater que ce champagne est madérisé et ne présente pas d’intérêt.
D’un commun accord nous estimons qu’il est inutile de persévérer à boire ce champagne aussi je vais chercher un Champagne Diamant Bleu Heidsieck Monopole 1985. La bouteille est très jolie, son verre biseauté suggérant le diamant. Le bouchon se brise aussi comme le précédent. Le pschitt est franc et énergique. La couleur du champagne est très claire. La bulle est fine.
Sur du caviar osciètre prestige que j’ai ajouté au programme de ma femme, Le Diamant Bleu est meilleur que le Salon 2004 bu récemment, du fait de sa maturité. Ce qui m’impressionne, c’est la longueur de ce champagne et sa persistance aromatique. Il est vif, d’une belle acidité et sa complexité est entraînante. C’est un très grand champagne, joyeux sur les gougères et noble sur le caviar.
Le dos de saumon de la Manufacture Kaviari est superbe, avec un goût divin. Le Gewurztraminer Jean Biecher 1961 a un nez de litchi. En bouche il n’a pas une once de moelleux. Il est sec avec une acidité agréable. L’accord avec le saumon est idéal, le vin montrant une grande fraîcheur et pas le moindre signe d’âge. Le temps donne de la noblesse aux vins d’Alsace.
Sur le carré d’agneau Le Châteauneuf-du-Pape La Bernardine Chapoutier 1957 est un vin lourd et puissant, riche et suggestif. Il est long, truffé, avec un fruit indéfinissable. Mes enfants l’adoreront, en le classant premier des vins du déjeuner alors que je mettrai en tête le champagne Diamant Bleu. Le vin du Rhône s’impose en bouche et sa précision le rend parfait.
Les poires Belle-Hélène vont cohabiter avec un Madère Sec João Marcello Gomes vers 1950 d’une belle bouteille à l’étiquette très belle. Le nez est superbe et riche et en bouche on voit bien que le madère comme l’indique l’étiquette est sec. J’adore ses saveurs exotiques, subtiles, riches mais en même temps fluides. Le fait d’être sec le rend plus léger qu’un classique. L’accord se forme naturellement avec un dessert qui n’est pas facile pour les vins.
Je suis content d’avoir choisi d’ouvrir un vin d’Alsace et un madère car ces vins figurent trop peu souvent dans mes repas. Ce déjeuner fut réussi.