Une américaine qui fait partie des plus assidues de mes dîners veut une réciprocité à l’invitation que nous lui avions faite de dîner au restaurant d’Arnaud Donckele au Cheval Blanc Paris. Nous sommes donc quatre au restaurant Le Sergent Recruteur que j’ai choisi puisque Sarah m’avait demandé de le faire. Il y a Sarah, un des participants du dîner au siège de Veuve Clicquot, ma femme et moi.
J’avais dit à Sarah que j’apporterais un vin. Je n’avais aucune idée et par hasard, j’ai vu une bouteille qui m’est apparue intéressante, un Château de L’Espinglet Rions-Bordeaux 1921. L’occasion de boire un vin de cent ans m’a plu, car il ne reste plus que quelques jours pour boire un 1921 centenaire.
Nous choisissons nos menus. Le mien sera : polenta Taragna truffée, sot-l’y-laisse, crumble de parmesan et jaune d’œuf coulant / paleron de bœuf maturé puis grillé au bois de hêtre, céleri rave « mini » rôti, farci de trompette de la mort et d’anchois, pommes soufflées / fromage / poire rôtie à l’étoile d’anis, crème glacée à la betterave, mousseline au chocolat blanc sur un sablé breton.
Pour l’apéritif, nous prenons un Champagne La Colline Inspirée Jacques Lassaigne Extra Brut Blanc de Blancs sans année. Ce champagne apporté froid fait ressortir un peu plus le côté sauvage de l’extra brut. Sur une originale mise en bouche le champagne montre son talent. Le vin vif est large et grand. C’est un champagne de gastronomie doté d’une vivacité exemplaire. Le finale est beau.
Le Chablis Grand Cru Vaudésir Jean-Paul et Benoît Droin 2020 me faisait peur en regardant sur la liste des vins le millésime, mais en fait il est extrêmement agréable, facile à boire à cette période de sa vie. Il est relativement doux car il est timide, mais s’accorde bien à la polenta délicieuse, doté d’une truffe goûteuse.
Le Pommard Les Petits Noizons Domaine de la Vougeraie 2018 est lui aussi une belle surprise car je ne m’attendais pas à une maturité naissante aussi affirmée. Il est tout en velours, délicat mais conquérant aussi. Un bien agréable vin qui demanderait quand même quelques années pour offrir ses complexités qui sont en promesse. Le paleron de de bœuf est délicieux et le vin l’accompagne bien.
Le Château de L’Espinglet Rions-Bordeaux 1921 est d’une bouteille soufflée très ancienne et a un niveau dans le goulot. La couleur est de mangue claire. Hélas, un petit nez de bouchon gâche le plaisir. Normalement, les vins d’avant 1940 n’ont quasiment jamais de nez de bouchon, car les lièges utilisés n’avaient pas cette maladie. Etonné de ce défaut je me suis mis à échafauder une hypothèse : il est probable que le château avait ce vin en cave. Vers les années 50, le château a décidé de reconditionner des bouteilles de 1921 en prélevant dans une bouteille de 1921 de quoi remettre les autres bouteilles à niveau. Et c’est le bouchon de rebouchage qui a apporté au vin son nez de bouchon, ce qui ne serait pas apparu si l’on avait gardé les bouteilles en l’état. Lorsqu’on voit une telle bouteille au niveau dans le goulot, on ne se pose pas de question alors qu’on devrait s’en poser.
Par un hasard qui comme tous les hasards est étonnant, ma fille aînée a réservé à son nom une table le lendemain ici-même. Elle a pu bénéficier de la bouteille de 1921. Elle a trouvé le vin superbe, sans une trace d’odeur de bouchon. Le temps est un bon infirmier pour les vins.
Nous avons fini notre dîner avec des mignardises et une Chartreuse verte année 2000 offerte par Aurélien le compétent sommelier du restaurant que je connais depuis des années. Le restaurant est agréable et la cuisine pertinente. Il y a des améliorations à apporter dans le service et l’ordonnancement des plats que nous avons parfois trop attendus. Ce qui n’enlève rien au plaisir de venir en ce restaurant tenu par le chef Alain Pégouret que je connais depuis des lustres.