Dans une semaine, je vais faire le dernier grand repas de mon année « scolaire » au restaurant Taillevent. Je vais livrer les vins du dîner et j’en profite pour venir déjeuner en invitant quelqu’un qui a une grande expertise des vins, mais des vins jeunes.
Il se trouve que j’ai acheté récemment des vins anciens en demi-bouteilles. C’est l’occasion de vérifier si la petitesse du format a une influence sur la longévité des vins. Je suis arrivé au restaurant avec très peu d’avance. On peut donc considérer que les vins sont ouverts au dernier moment. Aux quatre flacons apportés, j’ai ajouté le reliquat de deux vins bus au Yacht Club de France qui pourraient ainsi composer un programme excitant.
Le restaurant propose un repas à trois plats qui me paraît insuffisant pour la variété des vins que j’ai choisis. Le menu Héritage Taillevent à quatre plats me semble beaucoup plus conforme à la diversité des vins. Il comporte : langoustines, boudin « Tradition Taillevent », fenouil confit, sauce choron, graines de courges, Brocciu / filet de bœuf façon Wellington, morilles au sarrasin, asperges blanches gratinées au vieux Comté, pomme purée / plateau de fromages / Chocolat, chocolat, chocolat.
Le Champagne Pol Roger ½ bouteille 1969 a une belle couleur d’un ambre jeune. En bouche même si le champagne n’a pas de bulles il a un beau pétillant. Le champagne est large, riche et agréable à boire.
Le Champagne Ayala ½ bouteille 1979 est beaucoup plus fluide et frais que le Pol Roger. L’un, le 1969 est dans la force et la puissance et l’autre, le 1979 est dans la fraîcheur féminine. Aucun des deux ne semble avoir eu une évolution différente de celle qu’il aurait eue en bouteille.
Si les champagnes ont idéalement accompagné les subtils amuse-bouches et la langoustine, il me semble que les deux vins liquoreux vont accompagner idéalement le boudin.
Le Beerenauslese Pinot blanc Weinbau Landauer Autriche 1995 ouvert il y a deux jours a une belle fraîcheur qui m’évoque un peu les vins de glace autrichiens mais il est plus consistant qu’eux.
Le Clos Saint Urbain Rangen de Thann Zind Humbrecht Pinot Gris Vendange Tardive 1994 est absolument magique. Avec deux jours de plus il est d’une largeur incroyable. C’est un vin glorieux, souriant, riche et accompli. Il va trouver un étage supplémentaire de sa fusée avec les morilles qui sont à se damner.
Le filet de bœuf en croûte est copieux. Le Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes ½ bouteille 1971 lui aussi ne laisse pas penser qu’il aurait évolué différemment en bouteille. Il est riche et joyeux, subtil et entraînant et montre que son année est grande.
L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné ½ bouteille 1962 est un vin que j’adore et que je considère comme très proche du légendaire 1961. Celui-ci est merveilleux. Il a tout pour lui. Sa complexité est infinie et son épanouissement est parfait. C’est un très grand vin, idéal sur la viande.
Nous avons essayé les vins doux sur les fromages et pour le dessert au chocolat plus que copieux, c’est le Zind Humbrecht qui s’est montré le plus cohérent même si le Clos des Papes était possible.
Le classement que nous avons fait avec mon invité en retenant le meilleur de chaque série est : 1 – Hermitage 1962, 2 – Rangen de Thann 1994, 3 – Pol Roger 1969. Je suis très heureux d’avoir assemblé des vins d’une telle diversité.
La cuisine du chef Giuliano Sperandio est remarquable et devra être couronnée rapidement par des étoiles. J’ai retrouvé le Taillevent que j’aime, dans sa splendeur. C’est réconfortant.
Nous avons ensuite travaillé, le chef et moi, à la composition du menu du 265ème dîner. Je pense que nous allons nous régaler.