Justin a participé au déjeuner Ultimate au restaurant Plénitude Arnaud Donckele. Il souhaite organiser un repas de ce calibre et m’annonce qu’il séjourne à Saint-Tropez. Je l’invite à déjeuner dans notre maison du sud. Il vient avec son épouse, un ami Craig et Olympia la fille de Craig. Nous avons eu de longs échanges avec ma femme pour mettre en place un menu et j’ai choisi les vins après avoir fait plusieurs programmes.
Le menu sera : apéritif avec gouda au pesto, anchoïade, rillette / comparaison de deux caviars, osciètre prestige et Baeri, avec baguette et beurre / cœur de saumon fumé / pommes de terre et caviar Baeri / tarte aux oignons / tarte aux fruits d’été.
J’ai ouvert les vins à neuf heures du matin. Les deux champagnes ont des bouchons qui se sont cisaillés lorsque j’ai essayé de les retirer. Le Chevalier-Montrachet a un nez extraordinaire de générosité fruitée. Le Vega Sicilia Unico a un nez glorieux et d’une belle jeunesse. Je n’ouvre pas plus de vins. Nous aviserons le moment venu car il fait très chaud.
Nos amis sont ponctuels. Il fait une chaleur caniculaire.
Le Champagne Dom Pérignon 1971 a une belle couleur ambrée, presque la même que celle du jus de pomme servi à Olympia. La bulle est présente et un gentil pschitt avait accompagné l’ouverture lorsque mon tirebouchon avait tiré la lunule du bas de bouchon. Dès la première gorgée, on sait qu’on est en face d’un somptueux champagne. Quelle grâce, quelle présence, quelle intensité. Un grand champagne charmeur et noble. Il se trouve que nous avons bu un Moët & Chandon Brut Impérial 1971 il y a peu. Malgré la prestation du Dom Pérignon, j’ai une préférence pour le Moët plus large, plus généreux et plus riche. Il faut dire aussi que mon cœur balance vers celui que l’on n’attendait pas à ce niveau.
Le gouda est absolument parfait pour le champagne avec son gras délicieux. Mais c’est la rillette qui est le meilleur complice.
Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle sans année est probablement du début des années 1970 ou de la fin des années 60. Sa couleur est très proche de la couleur du Dom Pérignon. J’aime ce champagne parce qu’il est le témoignage le plus convaincant de l’apport considérable du vieillissement à la qualité et l’émotion d’un champagne. Si le Dom Pérignon est glorieux, le Grand Siècle est plus romantique et subtil. Les deux caviars font briller le délicat champagne.
Le Chevalier-Montrachet Domaine Leflaive 1995 a un parfum inouï. C’est ce qui me marque le plus. Ce parfum est indéfinissable à base de fruits inconnus. En bouche, ce qui frappe c’est la richesse de ce vin plein, large et complexe. Un véritable régal. Avec le saumon, il est idéal. Sa robe est d’un bel or clair et Justin me dit qu’hélas, aux Etats-Unis il est difficile d’avoir des vins aussi parfaits de cette époque.
J’avais envisagé pour le vin rouge d’avoir un faux-filet de bœuf mais du fait de la chaleur, ma femme a préféré faire une tarte à l’oignon qui côtoie merveilleusement le Vega Sicilia Unico 1989. Le niveau dans la bouteille était à moins d’un demi-centimètre du bas du bouchon ce qui est parfait, comme la qualité du bouchon. Le nez à l’ouverture était d’une belle richesse et d’une grande jeunesse malgré ses 33 ans, riche de cassis et de fruits noirs. En bouche ce vin est glorieux, d’un naturel remarquable. Quoi de plus agréable que ce vin juteux facile à vivre. Mais il est noble, complexe, et flamboyant.
Pour le dessert je vais chercher dans un réfrigérateur un Champagne Perrier-Jouët rosé 1966. J’ai acheté il y a plus de trente ans une belle quantité de ce rosé et aussi de l’année 1969. Et chaque fois que j’en ai ouvert, le plaisir était au rendez-vous. Ce champagne a un beau pétillant et la couleur rosée est engageante. Avec la tarte aux fruits, ce champagne est idéal, et ce qui est étonnant, c’est qu’il n’a aucun signe d’âge. Il est expressif, doux, aimable et très plaisant, sans qu’on se pose la moindre question. Il est assez significatif qu’Olympia, autorisée par son père à goûter les vins, ait fait de ce rosé son préféré. Cela prouve qu’il est franc et charmeur.
Justin préfère le Dom Pérignon 1971 et je préfère le Chevalier Montrachet 1995, mais ce qui est intéressant, c’est que les cinq vins ont été parfaits. Et je suis content du choix de vins que j’ai fait, de mettre trois champagnes anciens très différents et un vin blanc et un vin rouge de l’aristocratie des vins de pur plaisir.
L’ambiance du déjeuner a été très amicale et promet de nouvelles aventures prochaines.
Des vins restaient. Le lendemain, le parfum du Chevalier Montrachet était encore envoûtant, magique et énigmatique. Immense. Et le vin était encore plaisant.