Depuis quelques années, je réserve des places aux séances de l’académie des vins anciens à des élèves de grandes écoles comme HEC ou d’autres écoles de commerce. C’est pour beaucoup une occasion d’entrer dans le monde des vins anciens pour un budget sans équivalent. Des élèves ayant participé à des séances m’ont proposé de faire une conférence devant le groupe qu’ils ont constitué entre élèves de plusieurs écoles : « le cercle du goût ».
Je leur propose une dégustation de vins permettant de prendre conscience de l’évolution du goût avec l’âge. Ils financent les huit bouteilles que je leur propose. Dans un immeuble qui abrite de nombreuses organisations, trente élèves de plusieurs horizons mais tous intéressés par le monde du vin écoutent ma vision du monde du vin et surtout de celui des vins anciens. Nous dégustons ensuite quatre vins différents.
Le premier groupe compte un Château de Chantegrive Cérons 1995 et un Cérons doux Cru Saint Marc A. Claverie 1943. Les couleurs sont très différentes, le jeune est d’un or clair et le plus ancien est d’un ambre prononcé que le verre de la bouteille rend presque gris. Les deux vins ont des parfums quasiment identiques.
Le Cérons 1995 a un goût très doucereux, solide et bien construit. Le Cérons 1943 est presque sec tant il a mangé une partie de son sucre. Au premier abord, on trouverait le plus jeune plus plaisant. Mais j’avais demandé à Stanislas, l’un des organisateurs, d’acheter du Stilton. Et sur le fromage, c’est le plus ancien qui est le plus enthousiasmant, cohérent, superbe. Les élèves se rendent compte que la complexité du 1943 est plus expressive.
La deuxième série comporte un Château Lafaurie-Peyraguey 1996 et un Château Lafaurie-Peyraguey 1964. Les couleurs ont des différences très prononcées, le plus jeune d’un or clair comme le Cérons et le plus ancien d’un or plus ensoleillé que le Cérons 1943. Fort curieusement, les parfums des deux sauternes sont moins épanouis que ceux des deux Premières Côtes de Bordeaux.
C’est en bouche que tout se joue, car Lafaurie-Peyraguey fait partie des sauternes les plus puissants. Les deux sont conquérants, et il est clair que l’on peut aimer les deux, l’un d’une magnifique jeunesse et l’autre d’une belle sérénité. Et l’on voit que le plus vieux est plus cohérent et plus intégré.
Des gâteaux secs et des financiers accompagnent la dégustation. Chacun s’imprègne des différences que donne l’âge et comprend que la complexité et l’accomplissement est du côté des anciens, mais je constate avec plaisir qu’on peut aimer les deux, tant les jeunes vins doux ont de charme.
On me pose mille questions auxquelles je réponds. Pour beaucoup le monde des vins anciens était inconnu. Je crois leur avoir donné envie de l’explorer. Dans une ambiance extrêmement sympathique, nous avons passé une soirée très sympathique, avec, je l’espère, de nouveaux horizons.