C’est la Saint Sylvestre. Pour le midi nous grignotons des amuse-bouches aux goûts francs et clairs : tranche de foie gras frais, andouille de Guéméné, jambon ibérique Pata Negra, anchoïade. J’aime ces goûts directs. Il y avait assez de vins à terminer pour que nous soyons heureux de ce petit pique-nique.
Une phase importante de la préparation est de choisir les verres du repas. Il faut sortir tous les verres des boîtes dépareillées et les présenter sur table pour choisir les verres idoines. Nous avons commencé de bon matin.
A 16 heures, je lance l’ouverture des vins. Le Pétrus 1985 a un parfum riche et engageant. Le Clos de la Roche Dujac 2002 a un parfum subtil et délicat. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1985 a un bouchon tellement serré qu’il me faudra près d’un quart d’heure pour l’extirper car le cylindre en verre du goulot a des surépaisseurs qui bloquent la montée. Le parfum du vin est une récompense car il est brillant, avec tout ce que j’aime dans la Romanée Conti.
Le parfum du magnum de Dom Pérignon 1998 est très expressif et le pschitt est royal. Le Krug Clos du Mesnil s’annonce noble et élégant, avec un pschitt plus discret. J’ouvre un Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle années 60 qui est un des champagnes anciens que j’adore.
Ça fourmille en cuisine car la préparation des plats nécessite une rigueur absolue. Le menu sera : canapés amuse-bouches d’un traiteur local, dont on ne peut pas attendre des goûts purs, puisqu’il cherche des raffinements, anchoïade, jambon Pata Negra, pains Pita au curry, boudin blanc truffé, tomates séchées et poulpes, asperges tapenade, crevettes au curry, foie gras figue, etc. Le menu est : deux caviars Baeri et osciètre avec pain blanc et beurre Bordier / pommes de terre à la crème et à la truffe / pigeon en deux services avec purée Robuchon, filets d’abord et cuisses ensuite / fromages : Mont-d’or et Epoisses / tarte Tatin.
Dès que je hume le Champagne Dom Pérignon magnum 1998, je ressens un nez de bouchon qui influence le goût, mais de façon discrète car les amuse-bouches variés arrivent à faire oublier ce défaut. Je sens que mes convives ne sont pas gênés par le léger défaut au point que nous finirons ce champagne sur les caviars lorsque nous passerons à table.
Le Champagne Krug Clos du Mesnil 2004 montre avec évidence comme il est racé, fin et d’une grande élégance. Souvent caviar varie, car ce soir, c’est l’osciètre que je préfère au Baeri. Nous nous régalons de la cohérence de l’accord, mais personnellement, je pense que le Dom Pérignon plus rond enveloppe mieux les caviars.
Comme nous allons passer aux pommes de terre à la truffe, je ne sers pas le Laurent Perrier Grand Siècle, bien qu’il soit ouvert.
Au moment de la préparation du plat, la truffe embaumait dans toute la maison. Associée avec une pomme de terre à la crème délicieuse, un accord divin se forme. Et le Pétrus 1985 est lui-même divin. Il ‘est’ truffe et son association au plat est fusionnelle. Le Pétrus est riche, très truffe, dense et noble. Un très grand vin.
Sur les filets de pigeon nous aurons deux vins servis avec un décalage. Le Clos de la Roche Domaine Dujac 2002 est élégant, charmeur, le gentleman courtois. Dans un autre contexte où il serait le seul vin, on l’adorerait, mais le vin qui va être servi lui fait de l’ombre. Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1985 est parfait et me comble d’aise car il a les marqueurs des vins du Domaine, la rose et le sel. Sa subtilité est aussi présente que sa puissance. Le régal se poursuit sur les pattes.
Le Vega Sicilia Unico 1960 apparaît maintenant sur les deux fromages, un Mont-d’or et un Époisses d’une puissance extrême. Il a probablement dépassé sa date de péremption et ce sera une bonne chose, car à ma grande stupeur le vin espagnol a un fort nez de bouchon qui se ressent en bouche, sauf avec l’époisses. Je suis mécontent car j’avais acheté cette bouteille tout juste avant Noël pour qu’il brille à la Saint-Sylvestre. Cette bouteille au niveau parfait me faisait envie. Je suis triste, mais les amis ont fait bonne figure à ce vin.
La tarte Tatin est une des plus réussies que ma femme ait faite, avec des accents caramélisés parfaits. Le Château Coutet Barsac 1959 a une couleur d’un or noble qui n’a pas foncé. Au nez et en bouche, c’est la perfection absolue et l’accord couleur sur couleur du vin avec la tarte est un exemple d’accord parfait. Quel bonheur, quel charme, quelle suavité.
Comme l’an dernier je compterai ce dîner dans les dîners de wine-dinners, même si aucune compensation financière n’a été demandée, on l’imagine. Ce sera le 280ème dîner. Le vote est sur quatre vins seulement parmi les sept que nous avons bus.
Trois vins ont eu des votes de premier, le Richebourg trois fois, le Coutet trois fois aussi et le Clos du Mesnil une fois.
Le vote de la table est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1985, 2 – Château Coutet 1959, 3 – Krug Clos du Mesnil 2004, 4 – Pétrus 1985.
Mon vote est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1985, 2 – Château Coutet 1959, 3 – Pétrus 1985, 4 – Krug Clos du Mesnil 2004.
Si l’on avait voté sur cinq vins, le Clos de la Roche Dujac 2002 aurait certainement été celui-là.
La contreperformance du Vega Sicilia m’a attristé, mais l’ambiance de ce dîner a été tellement amicale et riante que nous le passage d’un millésime à l’autre a été une vraie réussite.