Un ami de longue date me propose de déjeuner au restaurant Epicure de l’hôtel Bristol car cela fait des années que nous ne sommes pas vus puisqu’il vivait en Australie. Par ailleurs l’américaine qui est la plus fidèle de mes dîners vient d’arriver à Paris, et participera demain au déjeuner au restaurant Plénitude. Elle me demande quand nous pourrions nous voir. Je lui propose de se joindre à nous.
Jonathan demande à Epicure s’ils pratiquent un droit de bouchon. Le prix qu’ils indiquent est tellement ridiculement haut que je lui suggère d’annuler sa réservation. Nous irons donc déjeuner au restaurant Pages. Nous serons quatre, car j’ai demandé à ma femme de se joindre à notre petit groupe car l’américaine est une amie.
Jonathan a apporté un Krug Clos du Mesnil 2008. J’ai apporté un Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1967 et un Château Chalon Bouvret 1959 que j’ouvre en arrivant. Le bouchon du 1967 est illisible et le parfum subtil est engageant. Le parfum du Château Chalon est tonitruant et conquérant. Une bombe de saveur.
Je fais le menu avec le chef Ken : carpaccio de wagyu / pagre cru / turbot / wagyu ou lièvre à la royale ou les deux / dessert.
Le Champagne Krug Clos du Mesnil 2008 a un parfum délicat qui est assez réservé. En bouche, je suis très agréablement surpris de sa largeur et de sa convivialité, alors que le champagne est jeune. Avec les deux entrées de viande et poisson crus, le champagne est brillant, vif et profond. Mais c’est en fait dans vingt ans que ce champagne donnera ses plus belles complexités, car ce champagne gagne en vieillissant, le millésime 1979, le premier de tous, étant le plus exceptionnel.
L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1967 me fait tomber en pâmoison. Et je souris. Depuis des années je participe à la présentation des vins du domaine de la Romanée Conti et l’Echézeaux est servi en premier, considéré comme le petit débutant qui doit ouvrir le spectacle. Or cet Echézeaux est absolument étonnant, d’un niveau très supérieur à ce qu’il devrait offrir. Il est délicat, raffiné, et je le considère l’égal d’une Romanée Saint-Vivant qui serait parfaite.
Ce vin m’émeut au plus haut point car ses finesses progressent en bouche sans trouver de fin. C’est un régal sans limite. Alors bien sûr, il est tentant de le boire avec le turbot cuit nature, et c’est parfait. Nous sommes deux à manger le wagyu et deux à profiter du lièvre à la royale. Ayant eu ce lièvre hier j’ai pris le wagyu. L’accord est parfait et toute l’âme de la Romanée Conti se montre en ce vin, sel, finesse, longueur terrienne infinie.
Un Comté est prévu pour le Château Chalon Bouvret 1959. Quelle déception ! Alors que le parfum est explosif, le vin est plat, réservé, sans l’énergie que l’on aimerait. Quel dommage. Bien sûr il se boit mais il manque d’âme.
Le subtil dessert de Lucas est accompagné par le Krug toujours aussi élégant.
Le classement sera facile : 1 – Echézeaux 1967, 2 – Clos du Mesnil 2008, 3 – Château Chalon 1959. De nombreux souvenirs communs ont ensoleillé ce repas où l’équipe de cuisine a fait des prouesses.