Il y a quatre ans, un ami m’avait demandé de faire un dîner de vingt personnes au restaurant Marsan Hélène Darroze. Leur grande table au rez-de-chaussée se prête idéalement à réaliser un tel repas. L’ambiance avait été chaleureuse et enjouée, ce qui explique sans doute que l’ami me demande de faire un nouveau dîner pour ses amis au même endroit.
Mes interlocuteurs du restaurant sont tous différents de ceux avec qui j’avais organisé le 240ème diner. Je réserve une table pour faire connaissance avec la cuisine du chef de cuisine Paul Genthon et rencontrer le directeur Dimitri Auriant. Un ami fin gourmet se joint à moi pour cette expérience.
Nous sommes accueillis par de larges sourires. Je salue le chef et le directeur et nous prenons place dans la salle à manger. Nous préférons que le chef choisisse lui-même ce qu’il veut nous faire goûter.
Le chef sommelier me montre la carte des vins et je ne dépasserai pas la première page de son beau livre car j’ai vu un Champagne Charles Heidsieck Blanc des Millénaires 2006 qui me fait envie. Ce champagne est un blanc de blancs d’une belle personnalité. Il est solide et vieillira bien.
Le champagne est bon, mais dès que le premier plat est servi, à base de poisson cru, il se propulse à un niveau de complexité et d’émotion très supérieur. Il a vraiment un très grand potentiel, pour atteindre un jour la divine perfection du millésime 1985.
Le chef sommelier s’appelle Avishek Bhugaloo. Il était heureux que je choisisse le Blanc de Blancs des millénaires et c’est lui qui a suggéré le 2006 avec des arguments convaincants.
Devant lui, j’ouvre le vin que j’ai apporté, trouvé en me promenant dans ma cave. Il s’agit d’un Château Brane-Cantenac 1978 qui a une particularité : il a une étiquette d’un importateur argentin qui a stocké ce vin à Buenos-Aires et n’ayant sans doute pas eu de succès l’a revendu aux enchères en France. J’en ai acquis une bonne vingtaine, et l’idée m’est venue de vérifier si les voyages de ce vin l’ont affecté.
Le parfum à l’ouverture est riche et engageant. Le plat qui suit le poisson cru est à base de betteraves, or la betterave n’est pas l’amie des vins. On nous sert ensuite un plat de de champignons et dès la première bouchée, on sait que l’on est en face d’un plat parfait. On a la même impression qu’avec les plats légendaires de Guy Savoy. Ce plat peut devenir lui aussi une légende. Il n’y a pas un bouton de guêtre à changer. Il est parfait avec le champagne.
D’instinct, le homard doit accompagner le vin de Bordeaux et leur accord est sublime. Le Bordeaux est transcendant et cette perfection est due à l’âge. Le vin a 46 ans. Il est à l’idéal de sa maturité et je peux constater que les pérégrinations du vin n’ont en rien entamé sa prestance.
Les plats qui suivent sont tous intéressants. J’ai versé des verres du bordeaux pour que le chef et le sommelier ainsi que le directeur puissent ressentir l’intérêt des vins anciens.
Ce repas a été manifestement copieux et très épicé. Le champignon et le homard sont des plats exceptionnels. Le menu m’a été envoyé plus tard. Il est extrêmement détaillé et en voici un résumé : daurade royale marinée aux baies roses / mikado de betteraves rouges et crapaudine poudrée de roses de Damas / cèpe de Bordeaux, carpaccio au foie gras / homard bleu aux épices tandoori / pintade jaune des Landes / chocolat et cèpes de Bordeaux / le véritable baba, à l’armagnac Darroze. C’est une belle imprégnation dans le monde d’Hélène Darooze avec Paul Genthon.
Nous sommes descendus dans la salle où se tiendra le repas pour composer le menu. Juliette Le Floc’h, la pâtissière, s’est jointe à Paul Genthon et Dimitri Auriant. Nous sommes tous motivés pour réussir le dîner du mois prochain.