Je me rends au restaurant Chinois on Main de Santa Monica pour un des événements marathon de Bipin Desai, dont le thème est celui des vins de la maison Trimbach. Les vins seront présentés par Jean Trimbach à une quarantaine d’amateurs, du cercle proche de Bipin. Nous sommes répartis en tables de huit dans une salle exiguë, où les neuf vins de chaque service auront bien du mal à se loger sur table. Le service des vins fut impeccable. Près de 1500 verres ont été utilisés, tous étiquetés au pied avec le nom du vin à déguster. Le menu fut particulièrement délicat avec cette subtilité inhérente à la belle cuisine chinoise, qui sied bien aux vins d’ Alsace de ce calibre.
Le menu : trio of foie gras, mousse tart with Kumquat chutney, pastrami on Rye crisp, sautéed with rhubarb / sorbet break / toro tataki with micro peppercress abd Shiso Miso vinaigrette / Shangai loster with curry sauce and crispy spinach / duo of Korabuta pork, crisp belly and roasted loin with sweet and sour tamarind glaze / laquered carpenter ranch squab breast and leg with spicy shrimp poststickers / citrus pudding cake with vanilla ice cream and blackberry sauce. La profusion des goûts aurait pu indisposer mais en fait, cette cuisine légère a bien suivi la magie des vins.
Pour mes dîners, mon plaisir est de choisir les vins, leur pondération dans ce qui doit être un dîner unique. L’art de Bipin Desai est de déterminer les séquences de ce que nous buvons. Je vais indiquer les séries de vins et mes préférences. Les commentaires précis figurent à la suite.
CSH veut dire Clos Sainte Hune, le fabuleux Riesling de Trimbach, l’un des plus légendaires. La Cuvée Frédéric Emile (CFE) est son petit frère qui a montré ce soir de belles dispositions.
Première série : CSH vendanges tardives 1989 et CSH vendanges tardives 1989 « Hors choix ». Préférence pour le premier (Bipin préfère le second).
Deuxième série : CFE 1994, 1993, 1992, 1988 – CSH 1994, 1993, 1992, 1988. Mon choix : CFE 1988, CSH 1988, CSH 1993, CSH 1994.
Troisième série : CFE 2000, 1999, 1998, 1997 – CSH 2000, 1999, 1998, 1997. Mon choix : CSH 2000, CFE 1997, CSH 1997. Ces classements montrent que la Cuvée Frédéric Emile est loin de rester en retrait par rapport au prestigieux Sainte Hune.
Quatrième série : CFE 1996, 1995, 1985, 1979 – CSH 1996, 1995, 1985, 1979, 1975. Mon choix : CSH 1975, CSH 1985, CSH 1996, CSH 1995.
Cinquième série : CFE 1990, 1989, 1983, 1976, 1971 – CSH 1990, 1983, 1976, 1971. Mon choix : CSH 1976, CSH 1971, CSH 1983, CSH 1990.
Une soirée agréable où j’ai retrouvé des amateurs américains que je connaissais. J’étais assis près de Jean-Michel Cazes, propriétaire de Lynch-Bages dont je parlerai dans le compte-rendu de la dégustation de nombreux millésimes de ce vin allant jusqu’à 1929 et de James Suckling, journaliste du Wine Spectator, connu pour ses opinions tranchées sur le vin. En retrouvant ma chambre sur l’océan Pacifique, je savais que j’avais participé à la dégustation très rare d’un des plus grands vignobles alsaciens. Ce fut une grande soirée.
Les notes qui suivent sont de simples commentaires instantanés et pas des vraies notes de dégustation. Il faut dire que l’intérêt pour moi était beaucoup plus dans les discussions passionnantes avec ces personnages importants du monde du vin.
Une remarque importante. Je me suis astreint à boire les vins très vite après leur mise sur table. Il y a donc une homogénéité d’approche. Car j’ai constaté que lorsque le vin s’installe dans le verre, comme on le laisserait faire en un « vrai » dîner gastronomique, il devient beaucoup plus chaleureux et séduisant. Des vins discrets dans mes notes sont apparus peu après beaucoup plus chaleureux, aimables et civilisés. Mais l’exercice était plus à essayer de dégager des tendances par millésimes.
Première série :
Clos Sainte Hune Trimbach 1989 VT : nez expressif joyeux, précis, magnifiquement fait. J’ai tendance à préférer le "normal".
Clos Sainte Hune Trimbach 1989 VT "Hors Choix" : nez expressif. Le "hors choix" est beaucoup plus sucré. Le plus "sec" est plus long. Bipin préfère le "hors choix".
Deuxième série :
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1993 : forte acidité, très strict et fermé.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1994 : plus fruité, rond.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1992 : pétrole, rugueux mais très viril, magnifiquement fait.
Clos Sainte Hune Trimbach 1994 : plus de matière.
Clos Sainte Hune Trimbach 1992 : magnifique, beau, bien structuré, élégant. Classé 4ème de la 2ème série.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1988 : très beau, quelle générosité! C’est rond. Classé 1er de la 2ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1993 : excellent, magnifique. Classé 3ème de la 2ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1988 : servi après les autres et ajouté. Vin très grand, très complexe. Classé 2ème de la 2ème série.
Troisième série :
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 2000 : un peu fermé, coloré, profond mais rêche.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1999 : très riche, très concentré, limité.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1998 : pas assez structuré.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1997 : nez de pétrole, ouvert, j’adore. Classé 2ème de la 3ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 2000 : magnifique de promesses. Classé 1er de la 3ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1999 : un peu fermé.
Clos Sainte Hune Trimbach 1998 : pas assez ouvert, puis il se découvre.
Clos Sainte Hune Trimbach 1997 : promet beaucoup. Quand il s’ouvre, il est magnifique. Classé 3ème de la 3ème série.
Quatrième série
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1996 : nez fruité, belle bouche.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1995 : plus amer. Léger goût de bouchon.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1985 : joli, un peu serré mais expressif. Long en bouche.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1979 : moins coloré. C’est un vin de gastronomie qui appelle une viande.
Clos Sainte Hune Trimbach 1996 : exceptionnel, prometteur, une attaque et une puissance remarquable. Classé 3ème de la 4ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1995 : plus racé, plus acide, plus fort. Classé 4ème de la 4ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1985 : magie pure. Intégration remarquable. C’est un très grand vin. Classé 2ème de la 4ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1979 : Il est plus fatigué. Le côté fermé apparait.
Clos Sainte Hune Trimbach 1975 : Très joli. Un peu entre deux âges. Devient grand quand il s’ouvre. Classé 1er de la 4ème série.
Cinquième série :
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1990 : Bon vin, mais un peu serré.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1989 : Pas mal. Assez fruité, mais paradoxalement aussi assez sec.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1983 : un peu fatigué.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1976 : bouchonné. Quel dommage de ne pas le comparer au Clos Sainte Hune.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1971 : très joli, bien arrondi.
Clos Sainte Hune Trimbach 1990 : vin magnifique. Très beau. Classé 4ème de la 5ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1983 : Très rond. Grand vin. Classé 3ème de la 5ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1976 : Magnifique. Absolument parfait. Conforme à ce que j’ai déjà bu. Classé 1er de la 5ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1971 : Très beau. Agé sans doute, mais beau. Magnifique maintenant. Classé 2ème de la 5ème série.
Comme prévu, c’est le Clos Sante Hune Trimbach 1976 qui a été la star de la soirée, vin que j’ai bu plusieurs fois avec un immense plaisir, représentant la perfection du Riesling actuel. Ces soirées ont l’avantage de donner l’occasion de mieux connaître un domaine. J’ai eu la confirmation de la perfection du Clos Sainte Hune, qui gagne avec l’âge délicieusement. La Cuvée Frédéric Emile s’est montrée sous un jour très favorable. Jean Trimbach a parlé avec passion de son domaine dont il représente, je crois, la treizième génération. De telles expériences montrent, une fois de plus, à quel point les vins d’Alsace méritent une attention plus marquée de la part des amateurs de grands vins.