C’est l’anniversaire de ma fille aînée et je suis invité chez elle comme un peu plus d’une quinzaine de ses amis. J’ai décidé de contribuer au programme des vins. J’arrive vers 11 heures pour ouvrir mes vins. Avant l’arrivée des convives nous trinquons en famille sur un Champagne Billecart-Salmon Brut sans année qui est fort agréable à boire, frais et tonique.
Lorsque presque tout le monde est là je propose que nous buvions un Byrrh en bouteille d’un litre pour s’éclaircir le palais et le préparer aux champagnes. Ce vin doux est d’une douceur charmeuse extrême accompagnée d’une belle amertume de fruits orangés et leurs zestes, mais aussi de quinine et autres ingrédients. C’est tellement agréable qu’on en reprendrait mais le breuvage est comme les sirènes sur la mer, il est envoûtant et perfide. Je n’avais pas remarqué qu’il y avait écrit à la main sur l’étiquette « Mars 1938 ». J’aurais volontiers dit que ce Byrrh est des années 50. Il est probablement d’avant-guerre, ce qui ajoute à son charme.
J’ai apporté deux bouteilles de Champagne Pommery Brut Royal sans année. Je n’imaginais pas qu’ils soient aussi vieux car en retirant les bouchons et en voyant la couleur ambrée et l’absence de bulle, on est de plain-pied dans les années 60. Pour beaucoup, c’est une découverte car l’idée que les champagnes ne vieillissent pas a la peau dure et subsiste encore. Ce champagne est délicieux, rond et presque doux.
Le Château Brane Cantenac 1978 est d’une construction parfaite. Il est épanoui et serein. Le Château Trotte Vieille 1967 a une jeunesse qui surprend aussi les amis de ma fille. Il est d’un charme subtil.
Au contraire, le Château de Sales Pomerol 1985 est un solide guerrier droit et carré, vin conquérant. Le Cabernet H.Lun 4073 de Bolzano en Italie 1967 m’est totalement inconnu. Il est agréable à boire même si nous n’avons pas beaucoup de repères. Il est bien construit et aussi solide. Une belle découverte d’un vin simple.
Le Chambolle-Musigny Bouchard Père & Fils 1967 est une merveille de charme. Toute la Bourgogne se trouve dans ce vin charmeur, subtil et réussi. Un grand moment.
Le Marquès de Murrietta rouge Ygay 1978 est costaud. Conquérant il sait être accessible, il a des façons de toreros. C’est un vin noble et puissant et gouleyant.
Sur un délicieux roquefort nous avons bu deux bouteilles de 50 cl de Tokaji Escenzia Aszu 1988 toujours aussi doucereux et convivial. Un vrai bonheur.
La vraie curiosité, c’est le Champagne Vve Laurent Perrier Medium Demi Sec qui doit être très vieux, peut-être des années d’avant-guerre, que j’attendais doux et qui se révèle sec, dry, avec des saveurs énigmatiques, lançant nos papilles sur des pistes trompeuses, chargées d’énigmes. Plusieurs convives ont plébiscité ce champagne que je trouve inclassable tant il déroute. J’ai appris par la suite en me renseignant que le mot « Vve » (veuve) a disparu en 1948 sur les étiquettes. L’hypothèse avant-guerre est donc bonne.
Ma fille avait préparé des tas de petits fours d’apéritifs et des plats originaux délicieux. Ma petite-fille a réalisé un fraisier réussi d’un talent fou.
Dans une ambiance amicale et affectueuse, nous avons voyagé dans les saveurs des plats et dans l’éclectisme des vins. Chacun est reparti heureux d’avoir retrouvé des amis ou des parents pour un événement d’une grande sensibilité.
avant et après