Chaque année, Aubert de Villaine vient présenter au siège de la société "Grains Nobles" les vins du domaine de la Romanée Conti du millésime qui a trois ans. Dans l’étroite cave voûtée probablement aussi vieille que la parcelle de la Romanée Conti, ou peu s’en faut, les habitués sont nombreux à venir célébrer le vin le plus emblématique du monde. Ils vont écouter religieusement Aubert de Villaine qui parle tout doucement, et Michel Bettane qui ajoute des anecdotes colorées sur les vins, pendant que Bernard Burtschy prend des notes sur son ordinateur.
Aubert de Villaine parle du film de l’année 2009 et dit qu’en août 2009 on savait déjà que l’année serait bonne, même si le début d’année fut assez difficile. Août fut chaud, marqué fort classiquement par l’orage du 15 août. Le beau temps a duré jusqu’en octobre. Les vendanges ont été faites du 10 au 18 septembre. Les raisins fins étaient très fins.
Pendant qu’Aubert continue ses considérations sur ce grand millésime, on nous sert un Pernand-Vergelesses 1er cru Ile de Vergelesses Chandon de Briailles 2007 dont Pascal Marquet, le directeur de Grains Nobles, nous dit à titre de boutade qu’il sert à aviner nos verres. Je dirais plutôt qu’il sert à préparer nos palais. Le vin a un nez pur assez linéaire. La bouche est agréable, accueillante, au final bien frais. Ce n’est pas un vin long et complexe. C’est plus un vin de repas de copains, vin carré sans grande originalité. Il est bien fait et plutôt gourmand.
Une fois le décor planté, nous commençons par le Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode 2009 dont le domaine de la Romanée Conti est le fermier depuis novembre 2008, suite à plusieurs décès successifs dans la famille du prince. Il y a trois climats en Corton dans ce domaine : le Clos du Roi, les Bressandes et les Renardes. Mais Aubert n’a pas voulu faire les trois et a préféré se concentrer pour la première année sur les plus vieilles vignes. La couleur du vin est assez foncée. Le nez est profond et charmant. Le contraste est vif avec le vin précédent car ce vin est profond, riche, poivré, conquérant. Le final est strict et pur. C’est un vin soldat qui deviendra un vin de plaisir. La sensation est végétale. Aubert de Villaine dit qu’il y a peut-être un peu trop de fût neuf. Le rendement de ce vin est en 2009 de 24 ou 25 hecto/ha. Aubert de Villaine indique qu’en 2012, le rendement est de seulement 11 hecto/ha. Il ajoute : "ce vin regarde vers la terre et ne regarde pas vers le ciel". Il a un grand potentiel de vieillissement. Il est sauvage, gibier.
L’Echézeaux domaine de la Romanée Conti 2009 a une jolie robe rouge, plus foncée que celle du Corton. Le nez est caractéristique du domaine, profond, pénétrant. Voilà, tout le charme du domaine est là. Soyeux, délicat, subtil, ce vin a en finale une jolie râpe. Il a une forte trace en bouche. C’est un beau vin, que j’aime toujours, car c’est lui qui ouvre la porte des saveurs du domaine. Il les pianote avec douceur. Il y a un peu de feuille de cassis dans le final. Ce vin a une belle râpe et un beau végétal. J’aime sa délicatesse.
Le Grands-Echézeaux domaine de la Romanée Conti 2009 est un peu plus foncé. Le nez est très semblable au précédent, mais on sent une structure plus pleine. Le vin est plus volontaire, aussi on perd un peu l’impression de subtilité de l’Echézeaux. Le vin est plus riche, mais à ce stade de sa vie, je préfère le précédent. Le Grands-Echézeaux est un vin de plaisir, généreux, souriant. Mais plus que l’Echézeaux, il aura besoin de temps. Il a une grande rémanence gustative. Il sera très grand.
La Romanée Saint-Vivant domaine de la Romanée Conti 2009 est aussi un peu plus foncée. Le nez est très végétal avec un peu de pierre à fusil. L’attaque est fluide, douce, charmeuse. Tout est en finesse. Il a la grâce de l’Echézeaux, avec une finesse et une noblesse en plus. Féminin, il a la grâce, mais aussi la matière. Fraîcheur, équilibre, nez intense, ce vin montre tout le potentiel de subtilité de la Romanée Conti. Il est tellement gourmand que je bois vite mon verre, sans en garder pour des comparaisons ultérieures.
Le Richebourg domaine de la Romanée Conti 2009 est un vin plutôt foncé. Le nez est profond, fonceur. Il est un peu réduit, faisant penser en traces au caramel. La bouche est fruitée, gourmande. C’est un guerrier après la Romanée Saint-Vivant. Il est plus conquérant mais n’est pas encore bien assemblé. Il faut vraiment attendre alors que les vins jouant plus sur la subtilité sont plus faciles à boire aujourd’hui. Ce sera une bombe dans quinze ans. Le nez est de feuille de cassis, et la râpe va vers l’amertume. Il a un grand potentiel de richesse et de grandeur, à attendre patiemment.
La Tâche domaine de la Romanée Conti 2009 est d’un rouge à peine moins soutenu. Le nez est très profond, marqué par la jeunesse au point que l’on a une impression de soufre. En bouche, il est voluptueux, riche. Aubert de Villaine dit : "sans violence". Il a une matière et une structure très fortes. Les tannins sont riches. La fraîcheur est un peu mentholée. Le final est plein de grâce et contraste avec l’attaque forte. Ce qui me frappe, au-delà de la gourmandise, c’est la fraîcheur finale. Il faut attendre. Il est moins glorieux et épanoui que celui que j’ai bu lors de la paulée de l’Académie du Vin de France. C’est un très grand vin.
La Romanée Conti domaine de la Romanée Conti 2009 est d’un rouge assez clair. Le nez est d’un raffinement extrême mais pas très expansif. L’attaque, c’est du velours. Ensuite, en milieu de bouche, c’est un combat de saveurs. Et ce qui frappe, c’est la complexité, la profondeur et la conviction. Le vin raconte, et interpelle tous azimuts. C’est un vin d’une pénétration extrême. On est dans le fruit, et la rose et le sel ne sont pas là. Ils apparaîtront plus tard. Ce vin trompette. Il est tellement complexe qu’il est là où on ne l’attend pas. Il joue avec le dégustateur. Si La Tâche n’est pas encore assemblée, la Romanée Conti est divine. Ce vin est une leçon, tout en subtilité. Il prendra d’autres caractéristiques dans dix ans. C’est un rêve.
Le Montrachet domaine de la Romanée Conti 2009 est d’un jaune déjà un peu doré. Le nez est intense, d’un vin plus âgé. Il est opulent et lacté. En bouche, c’est un coup de massue tellement il est grand, fort, équilibré, riche et rare. Aubert de Villaine dit qu’il est plus minéral que d’habitude. Il est très grand, profond, encore jeune. Je ressens des pâtes de fruits, de la figue et du café, avec des arômes faciles à lire. C’est un vin d’une richesse rare, trop jeune encore. C’est un vin magnifique qu’il faudra attendre.
On sent, après ce voyage incroyable que l’on est face à une très grande année qu’il faudra savoir attendre. Mon classement en fonction de ce que j’ai bu ce soir, qui ne se reproduirait jamais de la même façon, est : 1 – Romanée Conti, 2 – Montrachet, 3 – Romanée Saint-Vivant. Plusieurs de ces vins pourraient devenir légendaires.