Archives de l’auteur : François Audouze

Vins de la table 1 dimanche, 11 juin 2023

Vins de la table 1 – académie 8 juin 2023

les vins avec une astérisque sont fournis par moi

Champagne Laurent Perrier Brut ss A magnum (apéritif) *

Champagne Paul Gobillard 1983 *

Champagne Pol Roger 1964

Champagne Dom Pérignon année illisible 1961

Sancerre Sauvignon G.Leschemelle & Cie 1949 *

Quincy 1946 *

Corton Charlemagne Maison Rouget 1990

Montrachet Caves Nicolas 1969

Montrachet Marquis de Laguiche Joseph Drouhin 1971

Cos d’Estournel 1973

Château Branaire 1945 vidange *

Clos de Tart 1947 (grande vidange)

Beaune Barton & Guestier 1969

Corton Bichot négociant 1947 *

Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1984 *

Bordeaux Supérieur domaine du Bourdieu Crème de Tête 1947 *

Vouvray Le Paradis René Bouco mœlleux 1953 *

les vins au restaurant Macéo avant ouverture

Vins de la table 2 dimanche, 11 juin 2023

Vins de la table 2 – académie 8 juin 2023

les vins avec une astérisque sont fournis par moi

Champagne Laurent Perrier Brut ss A magnum (apéritif) *

Champagne Paul Gobillard 1983 *

Champagne Charles Ellner 1976

Champagne Charles Ellner 1967

Sancerre Blanc Domaine Robineau 1979 *

Tokay Pinot Gris Grand Cru Hartmann Gérard & Fils Cuvée Ste Catherine 1985

Château Bouscaut blanc 1966

Château de Lamarque Haut Médoc 1975 *

Château Croizet-Bages Pauillac 1964

Vin d’Arbois rouge En Chemenot cave Edgar Faure 1964 *

Château Calon-Ségur Saint-Estéphe 1955

Barolo Franco Tirina 1968

Barolo Borgogno Giacomo et Figli 1968

Barolo Filli Seris et Battista Borgogno 1968

Fontanafredda Barolo 1967

Domaine de Malendure Loupiac Crème de tête 1964

Sauternes Yves Bourgès 1964 *

Vins de la table 3 dimanche, 11 juin 2023

Vins de la table 3 – académie 8 juin 2023

les vins avec une astérisque sont fournis par moi

Champagne Laurent Perrier Brut ss A magnum (apéritif) *

Champagne Paul Gobillard 1983 *

Sancerre Sauvignon G.Leschemelle & Cie 1949 *

Ladoucette Pouilly-Fumé 1972 *

Vin d’Alsace Clos Zisser 1976 *

Chassagne Montrachet Poulet Père & Fils 1988

Hermitage Chante Alouette Chapoutier années 80

Château de Lamarque Haut Médoc 1975 *

Château Cantemerle 1950

Brane Cantenac 1982

Cos d’Estournel 1964 *

Château Ducru Beaucaillou 1943 vidange

Vin d’Arbois rouge En Chemenot cave Edgar Faure 1964 *

Chambertin A. Bichot négociant 1947 *

Coteaux du Layon domaine inconnu années 70 *

Vouvray demi-sec Jean Bardet 1966

Rivesaltes Aimé Cazes 1978

Vins italiens magiques à l’Assiette Champenoise lundi, 5 juin 2023

Le lendemain matin à l’Assiette Champenoise, dès 9h30 débute l’ouverture des vins du déjeuner organisé par Marcello qui a sélectionné 14 vins italiens de 1978 à 1908. J’ai apporté un magnum de vin italien pour ne pas faire de concurrence aux vins de Marcello et un vin italien mais liquoreux.

L’ouverture est parfois difficile, car certains vins ont des bouchons qui sont aussi durs que du bois, ce que j’avais pu remarquer l’an dernier. Et parfois, la remontée est quasiment impossible tant les goulots ont des surépaisseurs qui coincent le bas de bouchon. Il a fallu utiliser un bilame combiné à une mèche de la création de Marcello et même deux bilames dans un cas extrême.

Les parfums sont très encourageants, riches. Seul un vin est bouchonné.

Les amis arrivent. Nous serons onze à l’apéritif et dix au repas. Le champagne est pris sur la terrasse du jardin par une journée magnifiquement ensoleillée. Les champagnes sont commandés sur place : le Champagne Petit & Bajan Ambrosie 2011 est à 70% chardonnay et 30% pinot noir. Le Champagne Les Beaux Regards Bérêche et Fils 2013 est commandé en honneur de Raphaël Bérêche qui aurait dû venir mais a été empêché par un événement familial et le Champagne Heurtebise Chartogne-Taillet 2016 Chardonnay Extra Brut magnum est choisi car Alexandre Chartogne ne pouvait rester avec nous.

Le menu avait commencé d’être élaboré hier soir lors de notre dégustation dans la cuisine et a été revu entre Arnaud et moi lors de l’ouverture des vins. Il est : petits pois, fromage frais S. Laluc / langoustine royale, huile d’olive, nage crémée / tourteau de Roscoff, laitue de mer / Gamberoni, Amareto / turbot breton, oignon B. Deloffre / pigeonneau fermier d’Onjon, épinard A. Deloffre / ris de veau, céleri A. Deloffre / fraise P. Richard, barquette croustillante.

Nous déjeunons dans une très jolie salle du premier étage sur une table très large qui nous a permis de garder plus d’une quinzaine de verres chacun. L’atmosphère ne se prêtait pas à ce que je prenne des notes, aussi mes commentaires sur les vins seront succincts.

Le Gaja 1978 a des tonalités de porto. Il est un peu trop torréfié pour mon goût.

Le Barolo Fontana Saverio 1971 marque un saut qualitatif. Il est très grand.

Le Quintarelli Reciota Amarone Valpolicella 1966 me gêne un peu, car il est aussi torréfié mais moins que le Gaja.

Le Barolo Damilano 1958 est bouchonné. J’ai demandé qu’on le serve en espérant un retour à la vie, mais la cause était perdue.

Le Barolo Mascarello 1952 est d’une très grande fraîcheur. On change de niveau qualitatif.

Le Barolo Giacomo Conterno 1950 est tout simplement fabuleux, d’un bel équilibre.

Le Barolo Giacomo Borgogno 1948 est superbe.

Le Brunello Biondi-Santi 1945 aurait de belles qualités mais il est trop acide.

Le Barolo Marchesi 1942 est pour moi le meilleur à ce stade car il a tout pour lui.

Le Barbaresco Angelo Gaja années 1940 est bien mais un peu acide, moins que le 1945.

Le Barolo Conterno Monfortino 1939 est fabuleux, combinant puissance et douceur.

Le Barolo Luigi Calissano 1937 est magique, encore plus grand que le 1939.

Le Barolo Marchesi 1931 est élégant et subtil.

Le Barolo Marchesi 1908 est fabuleux, de couleur claire et si jeune, fruité et très grand.

Le Vega Sicilia Unico magnum 1972, le seul de ma cave dans ce format pour cette année, est un bijou d’une complexité extrême. Je pense qu’il a plus de complexités que ces vins italiens qui ont d’autres atouts.

Le Vino Santo di Torgiano 1960 que j’ai apporté est une très belle surprise. Il titre 16° et il combine le doux et le sec comme certains sauternes anciens.

Nous n’avons pas voté, car c’était très difficile. Toutefois, Marcello a annoncé son vote qui n’inclut que les vins italiens : 1908, 1937, 1950.

Mon vote est : 1908, 1937, 1942, 1950.

Une chose m’a frappé lors de cette dégustation. A l’exception du Gaja 1978 qui faisait plus vieux que son âge, tous les vins se montraient à un niveau d’équilibre et jamais sur une pente descendante ou sur un déclin. Ils avaient atteint une sérénité qui rendait impossible de les traiter de « vieux ». Ce qui me fait penser qu’un vin ne vieillit pas, il évolue, ce qui est fondamentalement différent.

Si le 1908 a été jugé par tous comme le plus grand, il est certain que son âge canonique nous impressionne, mais il est réellement dans un état de pure sérénité. Et je suis content que des vins italiens, dont je ne suis pas familier, m’aient donné cette leçon. En buvant des vins français, je fais appel à tous mes repères et je les approche dans un contexte de comparaison avec ce que j’attends et je vois les différences possibles. Alors qu’ici, sans repère réel, j’ai mieux senti qu’un vin évolue et qu’il ne vieillit pas. Il vit des successions d’équilibres. Et je suis heureux de l’avoir ressenti.

Arnaud Lallement a fait une cuisine très adaptée. Sur le papier, un plat de petits pois pour des vins rouges, ce n’est pas évident. Mais le plat s’est bien comporté. Le pigeon est un plat légendaire, qui ne doit jamais évoluer. C’est une institution. Les accords d’Arnaud ont été de grand talent.

Sébastien a fait un service des vins remarquable. Toute la brigade de service a été très efficace et concernée. Marcello a créé un événement de première grandeur et sa générosité est inégalable. Il connait tous les vins, tous les champagnes, il est jeune. Il fera des miracles avec le sourire.


J’ai apporté ce vin doux qui ne sera pas ouvert mais offert à Marcello

le Vin Santo que j’ai apporté sera bu en fin de repas

Le Vega Sicilia Unico est mon apport au repas

Impressionnante collection de vins italiens de Marcello

Un Champagne Krug Private Cuvée années 60 éblouissant lundi, 5 juin 2023

Après une visite chez un vigneron d’Ambonnay, je retourne à l’Assiette Champenoise pour goûter un champagne avec Arnaud Lallement. Il s’agit d’un Champagne Krug Private Cuvée années 60. J’avais dit à Arnaud, avant ouverture, que je considère ce champagne comme une synthèse de la perfection du champagne. Il faut être courageux ou intrépide pour dire une telle chose.

Sébastien, le sommelier chef du restaurant apporte la bouteille à la table située dans la cuisine immense du restaurant. Je retire des morceaux de la fine cape du bouchon et tout-à-coup le bouchon me saute des mains et monte de quelques centimètres et retombe. Quelle surprise de voir qu’un champagne de plus de 60 ans a gardé une telle pression.

Dans les verres, le vin a gardé de belles bulles et sa couleur est d’un jaune doré. Le nez est impressionnant d’énergie. En bouche, le miracle est là. Ce champagne est d’une ampleur extrême. Il est tellement cohérent. Je confirme mon propos initial : ce vin est la synthèse de ce que l’on souhaite d’un champagne parfait. Il dépasse tous les critères possibles.

Arnaud me dit que du fait de son amitié avec la maison Krug, il a pratiquement tout bu de la production de cette belle maison, mais jamais il n’a jamais bu un champagne comme celui-ci. Sébastien est ému et dit qu’il n’a jamais bu un Krug aussi parfait. Je sens qu’il est impressionné.

Malgré l’apéritif dînatoire de la famille Coutier à Ambonnay, je souhaite quelque chose de plus complexe que le gourmand comté de 36 mois et Arnaud fait réchauffer un pigeon à se damner, l’un de ses plats emblématiques. Et je vis un moment de bonheur pur avec ce Krug aux qualités infinies.

Visite d’un vigneron d’Ambonnay lundi, 5 juin 2023

Marcello, un amateur italien, avait organisé il y a un an une extraordinaire dégustation de vins italiens qui nous avait permis de déguster côte à côte un Barolo 1920 et un Vega Sicilia Unico 1920, le plus vieux Vega Sicilia de ma cave. Il voulait faire une nouvelle dégustation de vins italiens qui aurait pour vedette un Barolo 1908.

Comme l’an dernier il souhaitait que j’ouvre avec lui tous les vins. L’événement étant un déjeuner un samedi à l’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement, nous avons prévu de commencer l’ouverture des vins à 9 heures. J’ai donc décidé de coucher à Reims.

J’arrive dans l’après-midi du vendredi à l’Assiette Champenoise où je suis accueilli avec de larges sourires de tout le personnel. Je demande à pouvoir parler à Arnaud Lallement et comme il est occupé, je ne le verrai qu’un peu plus tard.

Il se trouve que j’ai eu l’occasion d’acheter un lot de Champagne Krug Private Cuvée des années 60 d’un état de préservation absolument parfait. Chaque bouteille bue était magique. Je sais qu’Arnaud est un grand amateur de Krug et que son restaurant a le statut d’Ambassadeur de Krug. Je lui annonce donc que je voudrais partager une bouteille avec lui. Nous avons prévu de nous voir en cuisine à la fin du service du dîner.

Je vais rejoindre Marcello à Ambonnay pour une visite de la maison de Champagne Coutier qu’il connait bien. La maison Coutier fait du champagne depuis trois siècles et la charmante maison est d’une jolie décoration de meubles et objets de famille de plusieurs générations.

Nous allons faire une visite des vignes en voiture avec Antoine Coutier qui vinifie depuis 2014. Le paysage vallonné est d’une grande beauté. Nous allons ensuite en cave pour goûter les vins en vieillissement, les vins de fûts et ensuite, de retour à la maison nous goûtons une variété de champagnes très crayeux, un Champagne Grand Cru Blanc de Blancs Coutier 2016, un Champagne Grand Cru Blanc de Noirs Coutier 2017, un Champagne Grand Cru Coutier 1978 dégorgement à la volée fait de 70% de pinot noir et de 30% de chardonnay et nous finissons avec un Vin rouge d’Ambonnay 1976
à l’attaque superbe, énigmatique et passionnant.

Un apéritif dinatoire a accompagné cette visite auprès de vignerons absolument charmants faisant des vins d’une région viticole bénie des dieux.

Marcello est resté avec ses amis et a couché à Ambonnay tandis que je rentrais à l’Assiette Champenoise pour retrouver Arnaud Lallement.

Dîner au restaurant Poppy jeudi, 1 juin 2023

Une de mes nièces possède le restaurant Poppy, dans une petite rue tranquille du 9ème arrondissement. Elle peut donc utiliser une terrasse de rue, si agréable quand le temps est beau comme aujourd’hui. Je suis reçu par Pauline et Stéphanie et nous allons dîner dehors, seuls, car le restaurant est privé de cuisinier momentanément et Pauline ne peut pas être avec les clients et au fourneau. Elle a préparé un petit frichti à base de poulet, pommes de terre, de la verdure et des épices.

J’ai voulu pour elles des vins de qualité et facilement accessibles. Le Champagne Dom Pérignon 1993 a une couleur de blés d’or. Quand je pense aux commentaires qui avaient été faits lors du lancement de ce champagne, je suis tenté de remettre en cause les déclarations péremptoires des experts. Le 1993 ne devait pas être un grand Dom Pérignon. Les experts ont tout faux.

Ce Dom Pérignon est accueillant, serein, confortable. Son message est instantanément compréhensible. C’est celui d’un champagne souriant et équilibré. Sa longueur est belle. On se sent bien et des fines tranches de saucisson l’accompagnent avec bonheur. On est bien et on parle de tout.

Pauline n’est pas très contente de son plat. Quelle importance. Aucune. Car le Vega Sicilia Unico 1991 qui à l’ouverture avait montré un parfum riche et délicieux est maintenant un plaisir absolu. On se sent en voyage vers la lune. Car le vin est fort, mais d’une telle douceur. Il est joyeux mais complexe, riche et imprégnant et ce que j’adore c’est son finale qui est une pirouette de saveurs mentholées. Un régal absolu.

Les deux vins ont soutenu nos discussions. Pauline connaît ses voisins qui viennent la saluer. Ce havre de paix est une pause agréable dans un Paris trépident.

Déjeuner suite à une énigme sur Instagram dimanche, 21 mai 2023

Il y a quelques années, j’avais mis sur les mails d’envoi de mes bulletins des énigmes, pour que les lecteurs s’amusent à chercher les réponses, avec pour récompense de déjeuner avec moi autour de grands vins. J’ai repris cette idée sur Instagram pour animer le dialogue avec des abonnés de tous pays.

La récente énigme datait du 27 février 2023. Les réponses furent extrêmement rapides et elles favorisaient les français par rapport aux américains qui se lèvent beaucoup plus tard. Johan était le premier vainqueur, puis Pierre qui me connaît bien et avec Pierre-Antoine, je voulais figer la liste des gagnants, car la récompense prévue était un déjeuner pour lequel j’apporterais un vin du domaine de la Romanée Conti.

Peu de temps après, voulant vider ma messagerie des spams reçus récemment, je vois qu’Adrian, un espagnol, avait répondu avant Johan. Je n’allais pas dire à Pierre-Antoine qu’il ne serait pas invité aussi quatre personnes furent déclarées gagnantes, un espagnol, un suisse, un français vivant près de la Suisse et un français se partageant entre Paris et la Champagne. Il fallut ajuster les agendas pour que tous se mettent d’accord sur une date. Nous avons trouvé une solution.

Le gagnant espagnol veut apporter deux vins espagnols et je lui suggère de n’en apporter qu’un. L’ami français (avec qui je déjeunais hier autour de son Montrachet 1926) veut apporter un vin. J’ai donc rempli ma musette de plus de vins qu’il ne faut, et je choisirai en fonction des apports.

L’enjeu était de boire une bouteille de la Romanée Conti, mais avec quatre gagnants il me semble qu’il en faut deux.

A 11 heures j’arrive au restaurant Pages où je suis accueilli par de larges sourires de l’équipe qui travaille en cuisine. Je commence l’ouverture par La Tâche 1963 et en enlevant la capsule, se libère une masse poussiéreuse noire. Le bouchon que je tire se soulève et exhale une vilaine senteur vinaigrée de serpillère. Masquée par mon silence, c’est une tempête sous mon crâne. Je maugrée. Je me dis : « non pas ça, hier j’ai eu une La Tâche 1956 morte. Pas deux fois ! ». J’enlève le bouchon et je sens le vin. Rien. Pas un seul petit signe de déviation. Le nez est clairement celui d’un vin du Domaine, avec toutes les caractéristiques que j’aime. Comment est-ce possible que l’odeur du bouchon n’ait pas laissé de trace dans le vin, je ne sais pas, mais je fais : « ouf ».

L’ouverture de l’Echézeaux 1989 est beaucoup plus facile et sans incident. Des deux vins d’Adrian je choisis le Viña Tondonia Rioja rouge 1970 dont le parfum est une merveille.

Le bouchon du Pavillon Blanc de Château Margaux 1979 me fait souffrir car il y a dans le goulot une telle surépaisseur de verre que le liège vient en mille morceaux. J’ouvre le Santenay Jessiaume Père & Fils 1943 de Pierre qui montre un parfum charmant et je finis par le magnum du Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996 au parfum d’une belle intensité.

Selon la tradition nous nous rendons avec trois des gagnants à la brasserie 116 pour boire une bière japonaise en grignotant des édamamés. C’est un rite et un plaisir.

Pendant la séance d’ouverture j’ai mis au point avec le chef Ken le menu en m’inspirant des plats qui sont normalement prévus mais en les adaptant. Après des amuse-bouches délicats il y aura une entrée à base d’artichaut, du cabillaud cru puis du cabillaud cuit avec une sauce au vin rouge, une viande de bœuf en deux cuissons et une gaufre de pomme de terre et petit pois, du wagyu servi simplement sans accompagnement, du saint-nectaire et un original millefeuille grillé à la vanille.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1996 est un champagne d’une simplicité d’approche que j’adore. Tout en lui est lisible, cohérent, rond et agréable. Il est solide et très gastronomique. Il accompagne les amuse-bouches, la composition à base d’artichaut et le poisson cru, et sera pertinent sur l’excellent dessert. Je trouve ce 1996 un peu moins vif qu’il y a quelques années. Il retrouvera de nouvelles énergies.

Le Pavillon Blanc de Château Margaux 1979 a une très jolie couleur. Il est franc et droit, et trouve un bel accord avec le poisson cru. Il n’est pas très complexe mais se montre très jeune, pur et plaisant.

Le Santenay Jessiaume Père & Fils 1943 est un vin plutôt léger surtout si on le compare aux trois autres rouges, mais son côté aérien et frais est fort agréable. Son acidité est belle. Il n’a pas d’âge et la sauce au vin du cabillaud va le mettre en valeur. Nous nous faisons plaisir.

Les deux vins de la Romanée Conti sont servis ensemble. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1963 est absolument divine, et avec Pierre nous convenons qu’elle est encore supérieure à La Tâche 1965 que nous avons adorée hier. Ce vin est idéal, parfait, avec une émotion extrême, tant sa subtilité est infinie. On est dans ce que la Romanée Conti fait de mieux. Aubert de Villaine m’avait dit il y a peu de jours que je trouve dans les petites années des plaisirs extrêmes et ce 1963 est un exemple parfait et convaincant, car les petites années révèlent pour moi d’extrêmes subtilités.

Je sens les gagnants très émus d’entrer ainsi dans le monde de la Romanée Conti. On ne pouvait pas rêver mieux.

Il va se passer quelque chose d’assez extraordinaire avec l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1989. Au moment où on le découvre il est droit, carré, solide et facile à lire. Un bon second à côté de La Tâche. Mais il va progresser à une allure incroyable, gagnant en complexité, en largeur, en affirmation, et devient un vin immense, très au-dessus de ce que je pouvais imaginer, tout en plaisir. Cette ascension sera telle que deux convives mettront dans leur vote l’Echézeaux devant La Tâche pourtant sublime.

Les deux vins étaient agréables sur la viande bœuf mais c’est surtout sur le délicieux wagyu qu’ils s’expriment, le gras de la viande amplifiant toutes leurs subtilités.

Le Viña Tondonia Rioja rouge 1970 offre un parfum d’une pureté absolue. S’il était seul, sans les bourguignons, on l’applaudirait, car il a une construction parfaite et raffinée. C’est l’excellence du vin espagnol avec une grande finesse. Le saint-nectaire met en valeur sa maturité accomplie.

Le millefeuille très original redonne au champagne l’occasion de nous faire plaisir.

C’est le moment des votes. Trois places de premier vont à La Tâche 1963 et deux places de premier pour l’Echézeaux 1989. Le vote du consensus serait : 1 – La Tâche 1963, 2 – Echézeaux 1989, 3 – Champagne Henriot 1996, 4 – Viña Tondonia 1970.

Mon vote est : 1 – La Tâche 1963, 2 – Echézeaux 1989, 3 – Viña Tondonia 1970, 4 – Pavillon Blanc 1979.

L’ambiance de notre table était formidable. C’est comme si nous nous connaissions depuis toujours. Mes convives étaient aux anges, ravis d’avoir abordé le domaine de la Romanée Conti avec des vins aussi parfaits et émouvants. J’ai fait servir en cuisine un verre de chacun des vins du Domaine et j’ai pu voir à quel point le chef Ken était ému de boire des vins aussi brillants.

A la table voisine, deux chinoises regardaient avec envie les vins que nous buvions. Nous avons bavardé à la fin du repas avec elles. Ce serait assez amusant qu’à la suite de ce contact je puisse faire à nouveau des repas à Pékin.

La cuisine du chef Ken est particulièrement pertinente pour les vins du repas. Je suis content d’avoir créé l’énigme qui m’a permis de rencontrer des amateurs aussi passionnés et conviviaux.

 

Déjeuner chez ma sœur samedi, 20 mai 2023

Déjeuner chez ma sœur autour d’un plateau de fruits de mer de compétition et d’un livarot lui-même médaillable qu’une cloche protège de la dispersion de ses senteurs extrêmes.

J’ai apporté un Champagne Veuve Clicquot Ponsardin sans année qui doit avoir plus de trente ans. Il est absolument superbe, d’une grande sérénité. C’est un champagne convivial et intense.

Le Château Margaux 1985 de mon beau-frère est une belle surprise qui confirme que le millésime 1985 est d’un grand accomplissement. Cohérence, personnalité, vivacité. Ce Margaux est grand et noble.

Déjeuner au restaurant Fleur de Pavé autour d’un vin de 1926 jeudi, 18 mai 2023

Pierre, un ami, m’écrit qu’il possède un Montrachet 1926 et qu’il souhaite le boire avec moi. Il m’envoie des photos et me demande si j’ai bu de plus vieux montrachets. Le plus vieux que j’ai bu est 1864 mais Pierre est content que 1926 soit seulement la cinquième plus vieille année des montrachets que j’ai bus.

Je choisis sur mon inventaire un La Tâche 1956 d’une année que j’aime et le document indique 4 cm qui est la distance entre le bouchon et le miroir du vin. Pierre approuve mon choix. La veille du repas, je vais chercher le vin et je constate que le niveau n’est pas de 4 cm mais de 12 cm. Je regarde dans la même case de rangement et je vois une bouteille de La Tâche qui a un niveau de 2 cm mais dont l’étiquette déchirée ne permet pas de lire l’année. Je vais consulter mon fichier et il y a un point d’interrogation dans la colonne millésime.

J’appelle Pierre et l’informe du problème de La Tâche 1956 et je l’informe de l’autre La Tâche sans année. Pierre me dit de venir avec celle qui est sans année et je lui réponds : je viendrai avec les deux. Sa réponse immédiate est de dire qu’il va rajouter aussi un vin.

Dans cette situation il paraît opportun que nous soyons trois et nous cherchons l’un et l’autre qui convier et je trouve un ami, Luc, grand amateur de vin, qui souhaitait partager avec moi de belles bouteilles.

Pierre choisit le restaurant, ce sera le restaurant Fleur de Pavé, qui a obtenu une étoile. Pierre a prévenu le restaurant que je viendrais à 11 heures pour ouvrir les vins.

J’arrive à l’heure dite pour ouvrir mes vins. Yacine, tout souriant chef de salle, m’accueille avec plaisir. Je découpe la capsule de La Tâche 1956 et je vois que le haut du goulot est troué et qu’une épaisse croûte de graisse imprègne le goulot. Il est évident que le bouchon est tombé dans le vin et je ne pouvais pas le voir. Je nettoie les épaisses couches de matière graisseuse et je verse à travers un chinois le vin dans une carafe. Contrairement à ce qu’on pouvait craindre, le vin ne sent pas mauvais et on peut même entrevoir des senteurs sympathiques, ce qui m’étonne.

Je découpe la totalité de la cape du vin afin de voir l’année du La Tâche inconnu. Je lis distinctement 1965. Le bouchon vient entier et le 1965 est encore plus lisible qu’à travers le verre. Le parfum respire la Romanée Conti.

Pierre arrive avec son Montrachet 1926 et me propose un Meursault 1961 et un Bienvenues Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 1997. Je lui demande qu’on laisse de côté le 1997 qui serait trop puissant à côté des autres vins. J’ouvre donc le 1926 et le 1961 qui montrent de sympathiques parfums.

Luc arrive avec ses deux apports, un champagne de 1969 et le vin qu’il avait mis de côté depuis des mois pour le boire avec moi, le Chambolle-Musigny Les Amoureuses Leroy Négociant 1961. Quel bel apport !

Le chef du restaurant n’est pas présent et le menu est bâti avec son adjoint Maxime qui fait des suggestions extrêmement pertinentes pour composer le menu. Le voici : chou-fleur en deux textures, vanille de Madagascar / tartare de bœuf normand, caviar de la maison Sturia, jus de bœuf / tarte à l’oignon, foie gras poêlé, jus corsé / langoustines juste snackées, légumes de Mr Yamashita, bisque au beurre brûlé / pigeonneau au sang cuit au barbecue, morilles farcies / côte de bœuf maturée, pomme de terre en deux textures, jus merguez / le chocolat Jamaya, glace cardamome.

Le Champagne Waris & Chenayer Blanc de Blancs 1969 a une belle couleur d’un ambre clair doré et offre quelques bulles. Son parfum est agréable et au début, il a des notes un peu vieilles, mais qui vont disparaitre dès que les mets sont servis. Il est rond, large et de belle longueur. Il a tous les atouts de ce beau millésime en Champagne.

Le Meursault Clos de la Barre Roger Cavin 1961 est absolument splendide, vivant, joyeux, solaire, avec un final qui claque comme un requin qui frappe l’eau de sa queue. Avec le tartare de bœuf, il est idéal.

Le Montrachet P. de Marcilly Frères 1926 a une magnifique bouteille et un niveau superbe. Sa couleur est un peu brune et son parfum est discret et agréable. En bouche on est frappé par des notes de rancio, et des douceurs qui n’ont rien de montrachet. Luc voit en lui des accents de madère je vois des tendances de Rivesaltes. On sait que ce montrachet n’a rien d’un montrachet et si on l’admet, on prend conscience que ce vin atypique est fort agréable et multiple. Sur la tarte à l’oignon puis sur les délicieuses langoustines cuites à la seconde près, il est brillant.

Les trois vins rouges sont servis presque ensemble. Le Chambolle-Musigny Les Amoureuses Leroy Négociant 1961 est une merveille de délicatesse. Sa couleur d’un rose clair est d’une aristocratie bourguignonne. Le nez est délicat et en bouche le vin est d’une distinction rare, très subtil et féminin. La grâce pure. Quel beau voyage de cheminer avec ce vin raffiné.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1956 qui avait été carafé souffre maintenant d’un nez peu engageant. Le vin n’est pas agréable à boire. Il est mort et l’accident de bouchon ne pouvait pas le faire revenir à la vie.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965 au contraire est une pure merveille. Son nez a les caractères forts de la Romanée Conti, le sel et la rose et il montre une puissance tout-à-fait étonnante pour ce millésime. Je comprendrais cette force si c’était un 1966, mais pour un 1965, c’est étonnant. Il est royal, puissant, mâle, tout en étant d’une complexité raffinée. C’est un immense vin du domaine.

C’est avec le pigeon que les vins se sont sublimés, plus que sur la côte de bœuf.

Nous avons voté et Luc est comme moi, il nomme premier le vin qu’il a apporté et je ne peux pas lui en vouloir, puisque je le fais. Le classement global de nous trois est le même que le mien avec 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1965, 2 – Chambolle-Musigny Les Amoureuses Leroy Négociant 1961, 3 – Meursault Clos de la Barre Roger Cavin 1961, 4 – Montrachet P. de Marcilly Frères 1926.

A un moment du repas, j’ai fait porter des verres du Meursault à deux tables où déjeunaient deux couples de jeunes gens. Ils ont été émerveillés et sont venus nous remercier.

Toute les membres de l’équipe, de cuisine comme de service, et particulièrement Aniella, ont été d’une attention rare. Je leur ai demandé comment ils ont perçu notre repas et tous ont dit que c’est un moment inoubliable pour eux.

Je ne peux que recommander ce restaurant Fleur de Pavé qui a montré une implication exemplaire. Nous avons vécu un déjeuner passionnant et émouvant parfois. Un immense souvenir.


A mon arrivée au restaurant, souci avec La Tâche 1956 qu’il faut carafer

l’apport de Luc qui arrivera beaucoup plus tard, à la fin des ouvertures

le personnel dîne

on nous sert des petites choses en bas, avant de monter à table

le repas