Archives de l’auteur : François Audouze

Des vins plus jeunes au restaurant dimanche, 21 juillet 2024

Quelques jours plus tard, nous revenons au même restaurant avec ma fille cadette. Etant autorisé à venir avec mes vins je les choisis plus jeunes pour que le maître d’hôtel et son épouse puissent en profiter. J’ai choisi un Champagne Krug Grand Cuvée 163ème édition. Un gros pschitt est apparu lorsque je l’ai ouvert quatre heures avant le dîner. Il a une belle couleur dorée et un parfum élégant. La bulle est très active. Je dois dire – à mon goût – que la bulle est trop puissante.

Quand je compare ce Krug avec le Grande Cuvée qui a une étiquette de couleur crème, mon cœur appartient à la version plus ancienne. Krug a besoin de temps et je dis toujours : achetez Krug et laissez-le dormir dans votre cave pendant au moins dix ans. Bien sûr, je sais que de nombreux amateurs de vin ne peuvent pas le faire pour différentes raisons dont l’espace de stockage et l’argent. Mais la différence est si grande que les amateurs de vin qui peuvent le faire devraient suivre cette voie.

Quoi qu’il en soit, c’est un champagne très agréable et qui a été apprécié par la femme du maître d’hôtel en l’absence de son mari.

L’autre vin que j’ai apporté est un Rimauresq Côtes de Provence rouge 1993. Le niveau est absolument parfait. L’odeur est merveilleuse au moment de l’ouverture 5 heures avant. On sent avec force l’olivier et la garrigue. Lorsque je le sers, le parfum est d’une rare insistance. Le vin est riche, dense et présente le summum de ce qu’un Côtes de Provence peut offrir. L’âge donne beaucoup à ce vin. Je n’arrive pas à croire qu’il fasse 12,5 degrés. 14 serait plus adapté. Le vin est noble, élégant. Il serait difficile à l’aveugle de dire Côtes de Provence. Nous l’avons bu avec un poisson Saint-Pierre et l’accord est parfait. Comme pour le Krug Grande Cuvée, je dirais aux amateurs : laissez vieillir les Côtes de Provence et Bandol, la différence est phénoménale.

Des vins avec mes petits-enfants dimanche, 21 juillet 2024

L’aînée de mes petits-enfants vient nous rendre visite dans le sud. Ayant ouvert la veille un Salon 2004, j’aie envie d’ouvrir un Champagne Salon 2012. Il est très joli, élégant, avec une longueur agréable. Mais à mon goût, il faudra le garder 10 à 12 ans pour développer sa complexité. C’est un joli Salon prometteur.

J’ai acheté récemment plusieurs Château de Beaucastel Châteauneuf-du-Pape 1981. L’acidité me fait penser que ces bouteilles ont eu un stockage trop chaud. Mais par un hasard sauveur comme il en arrive assez souvent, avec un Saint-Félicien fort affiné, l’extrême personnalité de ce vin, si dynamique et expressif est apparue. Je boirai donc les prochaines bouteilles avec des fromages virils pour en profiter car j’aime l’intensité de ce vin en 1981.

Dans un restaurant proche de chez nous, je suis autorisé à apporter mes vins. J’ai choisi un Champagne Dom Pérignon 1970. Il n’offre aucun pschitt, n’a pas de bulle mais un joli pétillant. Ce qui m’impressionne, c’est la longueur de ce champagne qui semble ne jamais s’arrêter. Doux, complexe, il est charmant, mais ce 1970 n’est pas le meilleur Dom Pérignon 1970 que j’ai bu. J’ai offert un verre au maître d’hôtel et à sa femme. Ils ont eu du mal à comprendre ce champagne car ils pensaient qu’un champagne de plus de 50 ans devait être mort. Mais ils ont été impressionnés.

Sur une langouste cuite à la perfection j’ai apporté une Côte Rôtie La Turque Guigal 1998. Le vin est dense, intense et conquérant. Il est juteux et joyeux. Son parfum est mentholé et son goût a une finale mentholée qui lui donne sa fraîcheur. C’est un conquistador. J’ai du mal à croire qu’il ne fait que 13 degrés.

Le maître d’hôtel et son épouse ont été émerveillés par la grandeur de ce vin de pur plaisir. Il est à noter que le niveau dans la bouteille se situait à 2 millimètres sous le bouchon. Incroyable. La langouste était parfaitement cuite et la combinaison excitante.

Le Champagne Krug Grande Cuvée étiquette de crème se situe au sommet de l’aristocratie du champagne. En ouvrant il y avait un pschitt assez important, ainsi que de belles bulles. Si je devais décrire la complexité de ce champagne parfait, je dirais ‘arc-en-ciel’. Car tous les fruits et toutes les émotions possibles se retrouvent dans ce champagne.

Comme la vie n’est pas un paradis permanent, j’avais ouvert avant ce Krug un Champagne Dom Pérignon 1983 de faible niveau. Il était imbuvable. La vie est ainsi. Je suis tellement content de boire des champagnes qu’il faut accepter un accident. Dom Pérignon a souvent des bouchons trop fins qui laissent place à l’air qui peut abîmer une bouteille.

Un Champagne Salon 2004 magique lundi, 8 juillet 2024

Nous sommes invités au restaurant par des amis. Par peur des encombrements, voilà qu’ils s’annoncent chez nous une heure avant le dîner. Heureusement nous sommes prêts à les accueillir.

J’ouvre un Champagne Salon 2004 qui fait un joli pschitt. La couleur est claire, la bulle est active. Le champagne est d’une grande fraîcheur et très fluide. Il glisse en bouche et offre un grand plaisir.

Lorsque nous sommes au restaurant, le champagne commandé est un Champagne Ruinart Blanc de Blancs sans année. Alors qu’il est accueillant, il nous fait mesurer à quel point le Salon 2004 est transcendantal. Je n’aurais jamais imaginé que l’écart soit aussi grand, car j’aime beaucoup les champagnes de la maison Ruinart.

Dans la carte très chiche du restaurant que nous aimons pour ses poissons cuits de belle façon, nous avons bu un Chablis 2023 que je ne nommerai pas pour ne pas lui nuire, mais qui est imbuvable tant il est inexpressif à cet âge, et un Saint-Joseph 2020 d’une maison célèbre, mais tellement court ! Comment peut-on boire des vins de ces âges, qui n’ont rien pour plaire ? On vend les vins trop tôt, on boit les vins trop jeunes, essentiellement pour des raisons financières. Quelle tristesse.

Bulletins du 1er semestre 2024, du numéro 1014 à … dimanche, 23 juin 2024

Bulletins du 1er semestre 2024, du numéro 1014 à …

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(bulletin WD N°1028 250624)    Le bulletin 1028 raconte : dîner d’amateurs de vins chez des grands amateurs de vins, qui gagnent des concours internationaux et déjeuner au restaurant L’Ecu de France.

(bulletin WD N° 1027 240614)    Le bulletin 1027 raconte : dîner à la Manufacture Kaviari avec la chef Giorgina Viou du restaurant Rouge à Nîmes et 281ème dîner au restaurant Astrance.

(bulletin WC N° 1026 240604)    Le bulletin 1026 raconte : déjeuner de conscrits au Yacht Club de France, déjeuner au restaurant Garance, déjeuner d’anniversaire à la maison.

(bulletin WD N° 1025 WD 240528)    Le bulletin 1025 raconte : dîner avec mon fils, déjeuner d’anniversaire en famille avec mes trois enfants et préparatifs d’un futur dîner au restaurant l’Astrance lors d’un déjeuner à l’Astrance.

(bulletin WD N° 1024 240515)    Le bulletin 1024 raconte : déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur, dîner au restaurant Guy Savoy, dîner avec mon fils et des vins centenaires éblouissants.

(bulletin WD N° 1023 240426)   Le bulletin 1023 raconte : déjeuner au restaurant Astrance, déjeuner dans un nouvel appartement à Paris, déjeuner avec un informaticien et un calvados miraculeux et déjeuner au restaurant Le Bon Georges.

(bulletin WD N° 1022 240411)    Le bulletin 1022 raconte : près d’Avignon, déjeuner au restaurant Le 7, pour une impressionnante dégustation verticale des vins de Trévallon avec les héritiers d’Eloi Dürrbach.

(bulletin WD N° 1021 240403)    Le bulletin n° 1021 raconte : dîner avec mon fils et des vins fous, déjeuner avec mon fils, ma fille et son fils, déjeuner au restaurant Pages et déjeuner au Yacht Club de France avec mes conscrits.

(bulletin WD N°1020 240326)    Le bulletin n° 1020 raconte : préparation du dîner de la Saint-Sylvestre, dîner de la Saint-Sylvestre, compté comme 280ème, déjeuner d’Épiphanie et déjeuner au restaurant Pages.

(bulletin WD N° 1019 240312)    Le bulletin n° 1019 raconte : premier dîner de Noël en famille, deuxième dîner de Noël puis dans le sud accueil des amis qui participeront aux fêtes de la Saint Sylvestre, succession de déjeuners et de dîners avant la Saint-Sylvestre.

(bulletin WD N° 1018 240214)    Le bulletin n° 1018 raconte :à Miami, dîners en famille, rencontre impromptue de Richard Geoffroy, dîner chez un marchand de vins le Happy Wine in the Grove, au restaurant Doma et, de retour à Paris, Casual Friday au restaurant Maison Rostang.

(bulletin WD N° 1017 240204)    Le bulletin n° 1017 raconte : la 39ème séance de l’Académie des Vins Anciens.

(bulletin WD N° 1016 240123)    Le bulletin n° 1016 raconte : déjeuner de conscrits au Yacht Club de France, 279ème repas au restaurant Pages pour des amateurs mexicains et déjeuner d’amis au siège des champagnes Salon et Delamotte.

(bulletin WD N° 1015 240109)    Le bulletin n° 1015 raconte : déjeuner de famille au Train Bleu, déjeuner à la Manufacture Kaviari, rapide dégustation de cognac Hennessy et dîner avec de grands jeunes amateurs au restaurant Passionné.

(bulletin WD N° 1014 240103)    Le bulletin n° 1014 raconte : 278ème dîner au château d’Yquem

Dîner au restaurant de Lauzun et verticale de 27 mas de Daumas Gassac vendredi, 21 juin 2024

Probablement en 2003 j’ai rencontré, lors d’un dîner autour du vin, Aimé Guibert le créateur du Mas de Daumas Gassac qui avec l’appui de l’œnologue Emile Peynaud a eu l’idée de faire du vin en utilisant le cabernet-sauvignon, ce que personne n’avait fait avant lui. Nous avions bavardé et une amitié épistolaire est née car Aimé, qui lisait chacun de mes bulletins, les commentait dans des lettres dithyrambiques, m’inondant de compliments que je ne méritais sans doute pas. J’en cite un, juste pour que l’on situe : « quel talent d’écrivain, comme un mélange de Colette et de Dumas. Vos phrases sautent au visage ou à la bouche, mais d’abord à l’esprit ».

C’est cette amitié sans doute qui a fait que je suis invité, avec la fine fleur des experts en vins et journalistes du vin à une dégustation de 27 millésimes du Mas de Daumas Gassac à Aniane.

Ayant ouvert il y a plus de dix ans toutes les bouteilles d’une mythique dégustation de 56 millésimes du Clos de Tart, j’ai proposé de participer à l’ouverture des bouteilles, mais en fait Roman Guibert, l’un des quatre enfants d’Aimé qui travaillent au domaine, a préféré utiliser sa méthode et j’ai compris lors de l’événement les raisons de ce choix. Les bouteilles sont ouvertes la veille à partir de 17 heures et rebouchées avec un bouchon spécial et un Coravin qui permet de faire le vide dans le goulot. Les bouteilles sont rouvertes le jour de la dégustation à 8 heures, versées dans les verres que l’on recouvre d’une coiffe en carton. La dégustation démarre à 9 heures.

Je suis invité à assister à l’ouverture des vins et à valider des bouteilles, soit en sentant les vins, soit en goûtant s’il y a un doute. Compte tenu du nombre de dégustateurs il y aura trois bouteilles par millésime, ce qui veut dire que les résultats de la dégustation pourront varier. Mais on saura à qui chaque bouteille est attribuée ce qui permettra de recouper les avis. Une quatrième bouteille de chaque millésime sera en réserve, non ouverte, pour le cas où.

Il y a cinq ou six ouvreurs et cela va très vite. Les millésimes après 1991 sont ouverts au tirebouchon classique et les millésimes de 1991 à 1978, date du premier millésime du domaine sont ouverts soit au bilame soit au Durand. Je demande de pouvoir faire une expérience, celle d’ouvrir l’un des vins selon ma méthode et de comparer le lendemain entre la bouteille officielle et celle que j’ai ouverte. Ce sera un vin de 1986.

Avec Roman nous nous rendons à l’hôtel Restaurant de Lauzun au prieuré Saint-Jean de Bébian à Pézenas, tenu par le chef étoilé Matthieu de Lauzun. Comme nous sommes arrivés en avance, nous buvons un Champagne Larmandier-Bernier Vieille Vigne du Levant Grand Cru 2008. C’est un blanc de blancs extra brut. Il a une personnalité impressionnante et une longueur quasi infinie. C’est un grand blanc de blancs très expressif.

Les invités arrivent et notre table est très cosmopolite. Il y a des journalistes connus qui écrivent sur le vin dans les revues les plus lues, une critique du vin anglaise, une Master of Wine chinoise, un français Master of Wine qui officie en Chine, un autre Master of Wine allemand, d’autres professionnels anglais, un homme du vin de Nouvelle-Zélande et un Instagrammeur français très actif. Ils sont tous experts en vins.

Le menu préparé pour les vins est : saumon de fontaine de la ferme aquacole de Condax, concombre, cacahuète et pulpe d’échalote confite / cabillaud de ligne de Bretagne sur l’idée d’une tielle, safran tomate et poulpe en beignet / le faux-filet de pure race Aubrac grillé, gâteau d’aubergine et condiment menthe, feta, crispy tandoori. Le jus simple / pêches et brugnons d’ici comme une tarte, amandes amères et financier à la pâte d’amande.

Le chef a du talent et de beaux produits. On sent que les plats ont été étudiés pour se marier avec les vins, mais bien souvent une palette d’ingrédients trop vaste rend l’accord moins lisible, sauf pour le dessert qui épouse les complexités du vin.

Nous commençons par un Mas de Daumas Gassac rosé Frizant 2022 qui est pétillant et de belle fraîcheur, un agréable début de repas. Le service des vins est fait par Matthieu Baas, sommelier très compétent.

Le Mas de Daumas Gassac blanc 2021 est d’une grande richesse et d’un équilibre parfait. En le buvant, j’ai pensé que si ce vin était présenté sur les tables des restaurants de la Côte d’Azur il ferait un tabac, car à cet âge, il a une maturité qui surpasse tous les blancs de Côtes de Provence. Je m’en suis ouvert à Roman qui m’a dit qu’il aurait du mal à fournir les quantités nécessaires pour s’imposer dans cette région. Le saumon est superbe et colle bien au vin blanc

Le Mas de Daumas Gassac blanc 2004 se marie divinement au cabillaud parfait. Alors que le 2004 a 20 ans quand le 2021 a 2 ans, je trouve des maturités très proches, vins solides et riches. Les deux sont excellents, l’accomplissement du 2021 étant étonnante.

L’Aubrac est brillant et le Mas de Daumas Gassac rouge Cuvée Emile Peynaud 2015 est éblouissant. Quelle richesse. L’étiquette indique que ce vin est du cabernet-sauvignon de la parcelle la plus pauvre du Mas de Daumas Gassac, la vigne de Peyrafioc, en hommage à Emile Peynaud. Une fois de plus je suis enthousiaste pour la sérénité et l’équilibre de ce vin riche et gourmand. A ce stade, je n’ai que des avis plus que positifs.

Le Mas de Daumas Gassac vin de Laurence 2021 est un de ces vins de liqueur aux vendanges en surmaturité que les vignerons aiment à ajouter à leur gamme de vins. Il est charmant, aimable, combinant amertumes et douceurs, et se marie totalement aux amers et douceurs du dessert.

Après une nuit dans un hôtel de Pézenas, nous nous rendons au Mas de Daumas Gassac pour la dégustation verticale de 27 millésimes des rouges du domaine, depuis le premier vin de 1978. La préparation est impressionnante, chacun ayant 27 verres devant lui, posés sur des ronds dessinés à la dimension des pieds de verre, avec le numéro du millésime inscrit devant le verre, et un chapeau de carton couvrant les verres. C’est une très belle organisation.

L’un des fils Guibert explique qu’une fois tous les dix ans le Mas de Daumas Gassac veut vérifier où il en est de sa démarche en faisant goûter les vins rouges par des experts. C’est une remise en question. Plusieurs experts ont assisté à la précédente verticale d’il y a dix ans et certains ont fait plus d’une verticale. Nous avons deux heures pour jauger ces vins et fournir en fin de session les cinq préférés.

Les années goûtées sont :

22 21 20 18 16 15 12 11 10 09 08 07 05 03 01 98 97 95 94 91 88 86 85 84 82 81 78.

J’ai bu les vins du plus jeune au plus ancien.

Ma façon de juger est très différente de celle des experts comme je le constaterai en écoutant leurs explications très sérieuses, documentées et compétentes. J’ai personnellement analysé en fonction de cette question : « aimerais-je boire ce vin maintenant ? ». C’est donc une approche très différente puisque les experts jugent sur le potentiel du vin quand je regarde ce que le vin m’offre à l’instant. De ce fait, comme il est arrivé lorsque je passais les examens du baccalauréat et les concours des grandes écoles, j’ai remis ma copie le premier. Ce n’est pas un signe de compétence évidemment.

D’une façon générale j’ai trouvé que l’effet d’épanouissement d’un vin par l’âge joue très peu. Le vin prend très vite sa structure et la garde au fil des années. La solidité est là très vite, comme j’ai pu le constater au dîner d’hier. Ma réponse à la question « comment qualifiez-vous ces vins ? » a été : « vins de caractère, solides, très droits, vins de gastronomie ». Je pense que la bonification par l’âge arrivera plus tard, car les vins, même le 1978 sont encore dans une belle éclosion.

J’ai fait un premier tri de ceux que je préfère : il s’agit de 16 12 09 03 94 91 86 85 84 82.

Voici mes commentaires sur les cinq premiers de mon vote, dans l’ordre :

1985 : nez intense, très beau vin qui a tout pour lui. Large, équilibré, grand. Très grand équilibre.

1982 : attaque très plaisante, vin agréable et joyeux. Joli nez élégant. Très agréable et accompli

1991 : nez assez riche, belle fluidité, élégant. Bouche équilibrée. Vin très agréable, plus original que les précédents

1994 : nez beaucoup plus plaisant, vin accueillant, agréable et d’un beau final. Vin différent, pas typique et séduisant peut-être par ses petits défauts

2003 : nez très vert. Belle fluidité, belle personnalité. Beau final.

Lorsque j’ai goûté le 1986, j’ai demandé qu’on m’apporte celui que j’avais ouvert moi-même et laissé dehors sans rebouchage. Il est beaucoup plus ouvert et large que le 1986 officiel et j’ai alors compris pourquoi Roman Guibert tenait à sa méthode, parce que les experts jugent la structure et l’avenir de chaque vin et non pas sa prestation du moment. Ma méthode ne correspond pas à l’objectif du jour.

Les nombreux experts ont présenté leurs visions des vins et ont été extrêmement laudatifs. La singularité du Mas de Daumas Gassac impressionne beaucoup d’entre eux.

Chacun a donné ses préférés, je pense que plus d’une vingtaine des vins figurent dans les votes très différents. Les années qui sont présentes le plus souvent dans les votes sont 1982, 1988, 1986, 2011, 2012, 2020. Je recevrai le résultat final dans quelques jours.

J’ai eu la chance de bavarder avec la femme d’Aimé, mère de cinq garçons dont quatre travaillent au domaine. Un repas était prévu ainsi qu’une visite des vignes. J’ai présenté mes excuses car mon fils venait nous rendre visite dans ma maison du sud. Je me devais de le rejoindre.

Accueil charmant, organisation parfaite de la dégustation, grands vins. Tout amateur se doit d’inclure Mas de Daumas Gassac dans sa sélection de grands vins.

De grands vins avec mon fils dans le sud mardi, 18 juin 2024

Mon fils vient de Miami nous rejoindre pour trois ou quatre jours. C’est l’occasion d’ouvrir quelques belles bouteilles. Comme nous ne sommes que deux à boire, des vins se boiront sur plus d’un repas.

Dom Pérignon est un champagne que j’adore et 1975 n’est pas un millésime que je citerais comme mon préféré. Mais ce Champagne Dom Pérignon 1975 est absolument parfait. Quelle présence ! Rond, juteux, intense avec une longueur qui ne finit jamais. Nous l’avons bu avec des rillettes et du fromage de tête et c’était particulièrement agréable.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1986 est d’un niveau parfait. Il est rare que j’utilise le mot ‘soyeux’, mais cette Mouline est si délicate, pleine de grâce que ce mot est tout à fait approprié. Le parfum est l’un des plus grands possibles et, dans l’ensemble, ce vin est idéal. Avec des côtelettes de veau, ce vin est un grand moment.

Le Champagne Dom Ruinart 1973 est d’une année prestigieuse. Il n’offre pas de pschitt, mais le pétillant est là. Il est aussi noble que le Dom Pérignon 1975, mais très différent. Le 1975 est plus confortable, plus charmant. Le Dom Ruinart 1973 est plus intense et droit.

Ce Dom Ruinart est au sommet de ce que peuvent offrir les ‘vieux’ Dom Ruinart avec une belle énergie. Il est parfait avec le caviar Baeri de Kaviari.

J’ai dans ma cave un Champagne Piper Heidsieck 1966 dont la bouteille est particulièrement belle. A l’ouverture, il n’y a pas de pschitt et le bouchon vient facilement. On ressent une belle odeur charmante. Le champagne est un peu plus vieux qu’il ne pourrait l’être, mais notre plaisir est là. Il a un goût pétillant malgré l’absence de bulle et un grand charme sur un foie gras, des rillettes et un pâté de tête. C’est un grand plaisir.

Lorsque j’ai découvert Vega Sicilia Unico, je suis tombé amoureux de ce vin, si frais, délicat mais aussi puissant. Et j’ai adoré ce vin qu’il soit vieux ou qu’il soit jeune. Vieux, il est plein de majesté. Jeune, il est tellement frais que le boire est un pur plaisir.

J’ai choisi un Vega Sicilia Unico 1999. Le parfum à l’ouverture est d’une émotion extrême. Il me fait penser au chant des sirènes qui paralyse ceux qui l’écoutent. Nous l’avons bu 10 heures après l’ouverture. Il a la jeunesse d’un vin jeune et la noblesse d’un vin mûr. J’adore la menthe qui apparaît en finale, donnant de la fraîcheur. C’est un très grand vin.

Classer ces vins serait difficile car je les adore tous. Je risque un classement : 1 – Vega Sicilia Unico 1999, 2 – La Mouline Guigal 1986, 3 – Dom Ruinart 1973, 3 ex-aequo – Dom Pérignon 1975, 5 – Piper Heidsieck 1966.

Mon fils reviendra en août nous voir dans le sud. Déguster avec lui est un grand bonheur.

Déjeuner au restaurant de l’hôtel Lilou dimanche, 16 juin 2024

Après l’incroyable dîner à l’Oustau de Baumanière avec 13 vins des 18ème et 19ème siècles, je me dirige vers ma maison du sud pour la traditionnelle trêve de trois mois au bord de la mer.

Des amis nous invitent au restaurant de l’hôtel Lilou à Hyères. Je n’ai jamais entendu parler de ce lieu. Il y a fort heureusement un parking privé de l’hôtel en cette partie du centre d’Hyères. La décoration de l’hôtel et du restaurant est superbe et crée une ambiance très positive. Nous déjeunons dans la cour de l’hôtel, elle aussi joliment décorée.

Nos amis me demandent de choisir les vins dans une carte des vins intelligente où l’on trouve des vins d’une certaine maturité. Nous commandons un Champagne Billecart-Salmon Nicolas François Brut 2008. Il a acquis une belle maturité et une noblesse affirmée. Très agréable champagne bien inspiré.

Pour l’accompagner, nous prenons des panisses maison et toum, ainsi que des houmous, grissini maison et légumes croquants.

Pour le menu, je prendrai les asperges à la sarriette, harra libanaise, ricotta au zaatar, échalotes confites / volaille marinée au yaourt comme à Beyrouth, barigoule d’artichauts, barbajuan aux blettes / tarte à la pistache de Sicile, glace à la fleur d’oranger.

Le Chablis Dauvissat 2012 est un chablis villages, mais il est si bien fait qu’il nous séduit. Ses qualités sont la précision, la finesse et la fluidité. On ne boit pas assez de chablis qui se montrent si purs.

Notre amie a suggéré que l’on prenne une Côte Rôtie Domaine Jamet 2001. C’est un vin élégant et gourmand qui ne joue pas sur sa force mais sur sa subtilité. Le fait d’avoir 23 ans lui a donné beaucoup de charme.

La cuisine de ce restaurant est fort agréable. Bertrand Rouger directeur de la restauration est venu bavarder avec nous et nous avons été gratifiés d’un rhum très agréable. C’est une adresse à suivre.

Le dîner le plus extraordinaire de ma vie vendredi, 14 juin 2024

Il y a quelques mois, j’ai reçu un mail avec des photos incroyables de vins du 19ème et du 18ème siècle. C’était assez irréel. Je ne pouvais pas prétendre acheter tout, mais je ne voulais pas ne rien prendre, aussi j’ai acheté un Château Lafite 1811, de l’année de la grande comète. Je croyais naïvement qu’il s’agissait de la comète de Halley mais pas du tout, c’est une comète dont la période orbitale est de plus de 3000 ans. Son dernier passage était du temps de l’empire d’Egypte ce qui a fait appeler cette comète la comète Napoléon.

Tout récemment, je vois réapparaitre les photos des vins anciens dans un mail de l’un de mes fournisseurs habituels, qui propose un dîner avec ces bouteilles qui se tiendrait à l’Oustau de Baumanière, dont le nouveau chef, Glenn Viel, a trois étoiles. Je parle de ce dîner à deux amis et nous nous inscrivons. Mon fournisseur a organisé ce dîner avec un partenaire américain qui a trouvé trois amateurs américains qui complèteront la table.

On m’a demandé d’ouvrir ces vins très anciens. Je me présente donc à 15 heures à l’Oustau de Baumanière dont le site est d’une rare beauté, et avec Antoine, le chef sommelier, nous descendons en cave. Je demande que l’on fasse d’abord l’inventaire de ce qui sera bu, car je vois une profusion de bouteilles. Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai compris pourquoi. Romain, l’organisateur, a tellement peur qu’il y ait trop de bouteilles imbuvables qu’il a prévu de nombreux vins de remplacement. Et j’ai appris aussi beaucoup plus tard que l’Oustau avait demandé aux organisateurs des droits de bouchon tellement élevés que la solution trouvée était que les participants achètent des vins de la cave de l’Oustau, pour éviter ces droits de bouchons. Cela rendait le programme encore plus chargé.

Je commence l’ouverture des vins par un vin blanc de 1926 et le goulot resserré a empêché le bouchon de venir entier. J’ai dû lutter pour extirper toutes les brisures de liège sans que rien ne tombe dans le vin. J’ai mis dix minutes et je voyais Romain inquiet car au rythme de tant de temps pour un seul bouchon, on n’arriverait jamais à tout ouvrir.

J’ai reçu l’aide de plusieurs personnes et Antoine a montré un vrai talent pour ouvrir les vins. Je n’ai su que longtemps après que des vins ouverts par Romain ont été estimés imbuvables et ont été écartés. C’est le contraire de ce que je pratique, puisque je ne décide jamais d’éliminer un vin tant qu’il n’a pas eu plusieurs heures d’oxygénation lente. Il y a tellement de vins qui ressuscitent.

Lorsque les ouvertures ont été terminées voici la liste de ce que nous allons boire dans l’ordre de service : Champagne Krug Clos d’Ambonnay 1995 (offert par un convive) – Chateau Haut-Brion blanc 1959 (cave de l’Oustau) – Montrachet dans une bouteille alsacienne 1910 – Meursault 1926 – Chassagne Montrachet 1926 – Château Margaux 1825 – Château Margaux 1865 – Château Margaux 1875 – Château Latour 1794 – Château Latour 1892 – Château Lafite 1817 – La Mission Haut-Brion 1934 (offert par un convive) – Château Lafite 1798 – Château Lafite 1867 dans une bouteille d’un volume de 3 bouteilles – Château Mouton Rothschild 1928 – Vosne Romanée René Engel 1945 – Musigny de Vogüé années 50 – Musigny de Vogüé 1955 – Musigny de Vogüé 1959 – Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1990 (offert par un convive) – Probable Madère vers 1700 – Tarrantez 1842 – Madeira 1790 – Blandy’s 1792 – Château d’Yquem vers 1800 – Champagne Salon magnum 2006 (offert par un convive).

Pour se faire une idée du caractère invraisemblable de cet événement, voici les années des vins : #1700 1790 1792 1794 1798 #1800 1817 1825 1842 1865 1867 1875 1892 1910 1926 1926 1928* 1934* 1945* #1950* 1955* 1959* 1990* 1995* 2006*.

Répartis par siècle cela donne : 18ème siècle : 5 vins – 19ème siècle : 8 vins – 20ème siècle : 11 vins – 21ème siècle : 1 vin.

Les étoiles mises ci-dessus à côté de certains millésimes désignent les vins ajoutés par rapport au programme initial, à la fois pour satisfaire l’exigence de l’Oustau et pour répondre à la peur de Romain qu’il y ait des vins imbuvables. Il convient de dire qu’après que les vins ont été ouverts, j’ai tout senti et mon pronostic à ce moment-là, sans l’effet de l’oxygénation lente, était qu’environ seulement la moitié seraient buvables. Ce fut beaucoup mieux au moment du repas.

Il faisait tellement beau que nous nous sommes retrouvés pour l’apéritif dans le beau jardin avec le Champagne Krug Clos d’Ambonnay 1995, de la première année de ce Clos. C’est un très grand champagne. Il avait besoin d’âge lors de sa sortie. Il est maintenant très expressif et noble. J’aime de plus en plus les blancs de noirs dont ce champagne est un magnifique exemple.

Le menu préparé par le chef trois étoiles de l’Oustau de Baumanière a pour nom « Ballade ». Les intitulés sont : L’intitulé est dans le titre – gourmandise / tartine de sardines – universel / les couteaux, les pieds dans l’eau – imagé / un bigorneau très très aimable – insolite / un rouget entre deux pierres, un pain déjà saucé – poétique / plante carnivore – imagine / agneau croute – tradition / kyrielle de fromages / dessert à la carte / mignardises et gourmandises – un sourire. J’ai bien fait de ne pas lire le menu, car si je l’avais lu, je n’aurais pas aimé cette présentation désinvolte.

Le plat le plus original est celui des couteaux. D’une façon générale, indépendamment du talent du chef, les présentations trop complexes ont fait de ce menu un repas où les plats n’ont pas mis en valeur les vins. Il eût fallu des recettes extrêmement simples, fluides et douces, pour que les vins fragiles soient mis en valeur. Fort heureusement notre attention était portée sur des vins absolument exceptionnels.

Premier service : Je classe : 1 – Meursault 1926, 2 – Chassagne-Montrachet 1926, les deux étant bien aidés par le plat de sardine. 3 – Château Haut-Brion blanc 1959, de la cave d’Oustau que je n’ai pas trouvé au niveau qu’il pourrait avoir. Le Montrachet 1910 servi dans une bouteille alsacienne est mort. Les blancs n’ont pas brillé autant que les rouges.

Deuxième service : Je mets le Château Margaux 1825 en premier, car avoir un vin aussi puissant à cet âge mérite un premier rang. On sent dès la première gorgée la puissance des vins pré phylloxériques, faits pour l’éternité. Le Château Margaux 1865 a le même niveau de qualité, mais sera deuxième en raison de sa jeunesse (si on peut dire). Lorsque vous commencez un dîner avec un vin parfait de 199 ans, vous savez que vous entrez dans un monde irréel.

Le Château Margaux 1875 est agréable mais avec moins d’émotion que les deux plus anciens.

Troisième service : avec Château Latour 1794, je sais que nous avons le vainqueur de la soirée. Comment est-il possible d’avoir une telle perfection, c’est incroyable. Je l’ai dit à mes amis : quand vous direz qu’un 1794 était miraculeux, personne ne vous croira.

Le Château Latour 1892 est très puissant et génial. Ce qui est incroyable, c’est de voir que deux Latour séparés par 98 ans ont autant de qualités similaires.

Le Château Lafite 1817 a une couleur très rouge et très dense. Personne ne croirait qu’il a 207 ans. On se croirait dans le film de la machine à remonter le temps où l’on change d’époque avec facilité.

Le Château La Mission Haut-Brion 1934 devait être une star mais ce n’était pas pour moi le géant qu’elle devait être. Cependant merci à celui qui en a fait le cadeau, de la cave de l’Oustau.

Le Château Lafite 1798 est adorable, pas aussi stratosphérique que le Latour 1794 mais génial.

Le Château Lafite 1867 dans un gros volume plus gros qu’un magnum est époustouflant. Tellement équilibré que je l’ai mis en deuxième position derrière Latour 1794, troisième Lafite 1798 et quatrième Lafite 1817. C’est incroyable que je place les vins les plus anciens aux premières places de mon classement.

Le Château Mouton Rothschild 1928 est le vin qui termine l’incroyable série des vieux Bordeaux. Je le trouve sous le niveau du précédent Mouton 1928 que j’ai bu. De grande qualité mais il ne m’émeut pas.

Le Vosne Romanée René Engel 1945 est d’une pureté impressionnante.

On nous sert maintenant trois Musigny de Vogüé des années 50 : un sans année a une superbe finale, le 1955 est aussi très grand et le 1959 est magique. Trois expressions d’un très grand Musigny.

Le Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1990 est délicat, romantique et subtil, mais je ne suis pas à l’aise car il ne s’inscrit pas dans notre voyage d’aujourd’hui. Je ne peux que remercier l’ami américain généreux, mais il n’est pas logique de le boire dans un tel repas.

Nous passons maintenant à l’heure des vins doux.

Le Madère supposé 1700 a une bouteille très semblable au vin de 1690 que j’ai bu. Ce qui m’émeut, c’est que le 1690 était plat, et que l’émotion était plus historique que due au vin. Au contraire, ce 1700 est vif et suggère un joli Madère 1700, certes un peu faible mais doux et charmant.

Le Terrantez 1842 exprime de la menthe fraîche et de l’alcool. Il est plein d’énergie.

Le Borges Madeira 1790 a un alcool fort et une menthe forte. Frais et fort de belle réussite.

Le Blandy’s 1792 est époustouflant, hors norme. Que du bonheur.

Il est très difficile de classer ces vins doux si étranges.

Le Château d’Yquem supposé du #1800 est mort. Il est remarquable que nous n’ayons eu que deux vins morts, le Montrachet 1910 et le #1800 Yquem.

Pour revenir sur terre, alors qu’il est près d’une heure du matin, un ami nous a offert un magnum de Champagne Salon 2006, décidément délicieux.

Je me suis intéressé à isoler les vins les plus marquants de ce repas, dans l’esprit du voyage que nous voulions faire dans l’irréellement vieux. Voici ce que ça donne, sans classement, dans l’ordre de dégustation : Château Margaux 1825 – Château Margaux 1865 – Château Latour 1794 – Château Lafite 1798 – Château Lafite 1867 – Madère # 1700 – Torrantez 1842 – Blandy’s 1792.

L’âge moyen de ces huit vins est 214 ans correspondant à un millésime 1810.

Le plus grand vin est le Latour 1794, parfait et étonnant de justesse, et le plus émouvant du fait de son âge est le Madère 1700, pas parfait mais bien vivant.

Ce dîner est la consécration de ma démarche vers les vins anciens car il apporte la preuve qu’il n’y a pas de limite de temps et que le concept de déclin des vins n’existe pas. Il conforte ma croyance en l’immortalité des vins, qui ne meurent qu’à cause d’éléments autres que le vin dont le bouchon, la température de stockage et l’hygiène.

Le vin est éternel et j’en ai eu la preuve ce soir.

Merci aux organisateurs, merci aux généreux participants qui ont ajouté de beaux actes à cette pièce de théâtre, merci à Antoine qui a fait un service du vin parfait et merci à l’Oustau de Baumanière d’avoir été le bel écrin de cet événement, le plus grand de ma vie œnologique. Faire mieux ? Est-ce possible ? Ça ne sera pas facile.

déjeuner à l’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement jeudi, 13 juin 2024

Un amateur de vins vivant à Singapour boit tout ce qui se fait de mieux dans le monde du vin. Il en parle sur Instagram. Il est venu à l’un de mes dîners avec des amis et une amitié est née. Il m’a informé qu’il faisait un voyage en Champagne, avec des visites de grands vignerons. Il m’a proposé que nous nous rencontrions, et nous avons décidé de nous retrouver à déjeuner à l’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement.

Pour ce déjeuner je veux apporter des vins que mon ami n’a pas bus. Il est habitué aux vins les plus célèbres et les plus en vogue. Explorons d’autres vins.

Dans la première décennie 2000, la Maison Bouchard a racheté le Château de Poncié dans le Beaujolais. Etant invité à un dîner au Château de Beaune, j’ai pu boire un Beaujolais 1929 de Poncié qui était génial. Et j’ai demandé : est-il habituel que les vignerons du Beaujolais conservent des vins aussi vieux ? Et Joseph Henriot m’a dit : il se trouve qu’à cette époque, Poncié appartenait à Bouchard. Et Bouchard avait l’habitude de conserver des vieux vins.

J’ai trouvé intéressante cette histoire d’un domaine acheté deux fois par le même vigneron et un jour j’ai acheté du Fleurie 1955 de Poncié qui appartenait à ce moment-là à Etienne Bouchard. Mon ami ne peut pas connaître ce beaujolais. J’ai donc apporté ce vin.

Arnaud Lallement est avec son restaurant un ambassadeur de Krug. J’ai envie d’apporter des champagnes un peu inhabituels. J’ai choisi un Clos des Goisses 1979 de Philipponnat et un Lanson Red Label 1966 présenté dans la légendaire bouteille en forme de quille.

Nous avons rendez-vous à 11 heures du matin pour que mon ami assiste à l’ouverture des vins. Le Fleurie offre un parfum strict et droit qui annonce un vin de belle complexité. Le bouchon du Clos des Goisses vient entier alors que le bas du bouchon du Lançon reste en place et ne remonte que grâce à un tirebouchon. Le pschitt de ce vin de 58 ans existe ce qui est rare pour cet âge.

Nous avons une belle table donnant sur le jardin par un jour ensoleillé et radieux. Le menu de l’Assiette Champenoise mis rapidement au point avec Arnaud en fonction de mes vins est : radis – eau de légumes verts / langoustine royale – huile d’olive – nage crémée / petits pois – légumes craquants / gamberoni – caviar Petrossian / homard bleu – hommage à mon Papa / turbot breton – vin jaune / pigeonneau fermier d’Onjon – navet B. Deloffre / fromages Philippe Olivier / framboise P. Richard – miel de notre parc.

Le Champagne Philipponnat Clos des Goisses 1979 est d’une intensité extrême. Fort, direct, il est très long, fait pour la gastronomie. C’est une belle expression du blanc de noirs. L’entrée au radis est d’une justesse de goût fascinante. J’ai envie de crier « ça c’est du trois étoiles » car le plat est abouti et a atteint une perfection éblouissante.

Le Champagne Lançon Red Label 1966 est un vin plein de grâce et de charme, d’une année mythique en champagne. Pendant son parcours avec les différents plats, je le préférais au Clos des Goisses pour son charme, mais en fin de repas, c’est l’énergie du blanc de noirs qui a emporté mes faveurs.

Le Fleurie Château de Poncié Etienne Bouchard 1955 est d’une belle personnalité et mon ami n’aurait jamais imaginé qu’un beaujolais de 69 ans puisse avoir une telle tenue. Il est droit comme un guerrier, large comme un panache et suffisamment long. Personne ne dirait son âge. Intense, piquant, strict, il est fait pour la gastronomie. Ce n’est pas un vin de charme mais de précision. Nous l’avons adoré sur le pigeon et sur les fromages.

Mon ami a commandé un Champagne Jérôme Prevost Closerie Fac Simile extra Brut Rosé très jeune bien sûr, de 2016, mais qui s’impose par sa belle personnalité.

Je me suis amusé à faire un choix d’association d’un vin pour chaque fromage que nous avons choisi, en me fiant uniquement à la vision du fromage. Voici les choix que j’ai faits pour les fromages et les vins : le lingot des moines de l’Hérault avec Clos des Goisses 1979 / Saint-Rémy de Lorraine avec Fleurie 1955 / Abondance de Haute-Savoie avec Lanson 1966 / Bouchon de Brasseur du nord de la France avec Fac-Simile 2016. Un seul de mes choix n’était pas pertinent. C’est de toute façon amusant d’imaginer les accords non pas par le gout mais par la vue.

La ronde des desserts est sans fin. Ils sont si beaux que l’on succombe à leur tentation, mais est-ce bien raisonnable ? Car ces desserts nous rassasient après un repas copieux mais délicieusement léger.

Une chose m’a frappé en ce repas, c’est l’absolue justesse des goûts des plats d’Arnaud Lallement. Les produits sont bons, les cuissons sont idéales et les goûts atteignent des maturités exceptionnelles.

Avec cet ami de Singapour nous nous entendons comme si nous étions amis depuis toujours. Ce repas fut un moment mémorable.

40ème séance de l’Académie des Vins anciens jeudi, 13 juin 2024

J’ai mis de temps à autre sur Instagram des énigmes. Il y a quelques mois, la réponse à trouver était un nombre. Deux vainqueurs sont proclamés et peu après je me rends compte que j’ai fait une erreur de calcul. La réponse n’était pas la bonne. Je trouve d’autres gagnants. L’idée que les premiers gagnants soient tristes me déplait aussi cinq gagnants sont désignés.

La tradition est que j’invite les gagnants à un repas avec de belles bouteilles. Les dates possibles pour les cinq élus incluant la date de l’académie des vins anciens, je leur propose cette option et ils donnent tous les cinq leur accord pour participer à l’académie. Ils seront mes invités et à ma table.

L’académie des vins anciens tient sa 40ème édition au restaurant Macéo. Nous serons 37 participants avec de plus en plus d’étrangers. Nous sommes répartis en trois tables, la mienne ayant treize convives et les deux autres douze. Les cinq gagnants de l’énigme sont regroupés à côté de moi dont un de Los Angeles, un de Londres, un néerlandais et deux français. Les autres académiciens de ma table sont des habitués, sauf un espagnol enthousiaste et ma voisine de table, une américaine qui a participé à plus de 20 dîners.

Il y aura 54 vins, ce qui est beaucoup, car j’ai fourni 28 vins, voulant que toutes les tables aient un beau souvenir de le 40ème séance.

L’ouverture des vins commence à 15 heures. Un académicien fidèle m’aide ainsi que Béatrice, qui est la responsable du rangement de ma collection de bouteilles vides. Il y a énormément de bouchons qui sortent en miettes et je me demande toujours si les conditions atmosphériques ne jouent pas un rôle dans les comportements des bouchons, souvent semblables. Il y a parmi ces vins des niveaux assez bas, y compris dans mes apports, car chaque vin a le droit d’être bu, surtout en situation de pléthore comme aujourd’hui. Quelques vins sentent le bouchon, nous verrons. Globalement, il y a de très belles promesses.

Le menu composé par Adrian Williamson et son équipe est : sardine bretonne à l’huile d’olive, toast et fenouil croquant / médaillon de thon juste saisi, courgette et fleur de courgette farcie aux olives noires / épaule d’agneau confite aux herbes de Provence, carotte et navet glacés, jus corsé / trio de fromage et fourme d’Ambert / tarte fine aux pommes et crème d’Isigny.

L’apéritif est fait de : Côtes du Jura Château de Quintigny magnum sans année, Champagne Bollinger Spéciale Cuvée années 70, Champagne Laurent-Perrier sans année, Champagne Besserat de Bellefon sans année, Champagne Pommery années 80.

Les vins de table 1 sont : Champagne Mumm Cordon Rouge 1979, Hermitage blanc Poulet père et fils 1923 (niveau bas), Rioja blanc Mariano Lacort 1931, Montrachet Roland Thévenin 1947, Château Troplong Mondot Valette Saint-Emilion 1971, Château Palmer Margaux 1964, Château Lanessan 1985, Château Lynch Bages 1969, Vosne Romanée Antonin Rodet vers 1966, Echézeaux Mommessin 1973, Romanée Saint-Vivant Moillard Grivot 1937, Richebourg Théophile Gavin 1928, Vega Sicilia Unico 1962, Castell del Remey Extra Costers del Segre (Catalonia) # 1915, Gewurztraminer Clos Zisser Vendanges Tardives 1961, Château Pajot Enclave Yquem Sauternes 1965 , Cru de Coÿ Enclave Yquem 1923, Cognac Leyrat XO élite 40°.

Les vins de la table 2 sont : Meursault-Charmes P. Millot Battault 1969 , Chassagne Montrachet Henri Pillot 1959, Corton-Charlemagne J. d’Issoncourt 1990, Riesling Sylvaner Koenigschaffhauser , Kaiserstuhl 1970 , Château Haut Marbuzet 1967, Château Magdelaine Saint-Emilion J. P. Moueix 1964, Château Tour de Corbin Despagne Saint-Emilion 1975, Château Pichon Lalande Comtesse Pauillac 1967, Château Malescot St Exupéry Margaux 1971 , Château L’Angélus Pomerol (bas) 1964, Beaune Perrières rouge Guy Leblanc 1967, Aloxe Corton Joseph Drouhin 1969, Château Doisy-Daëne Barsac 1969, Château Sigalas Rabaud 1959, Château Cantegril Sauternes 1943.

Les vins de la table 3 sont : Champagne Pommery sans année, Meursault Calvet (bas) 1962, Riesling grand cru Côte de Barr Klipfel 1970, Château d’Agassac 1966, Château Larcis Ducasse Saint-Emilion 1964, Château Giscours 1964 , Château Cantemerle 1964, Château Haut Marbuzet 1967, Château Lascombes 1971, Mouton Cadet sélection Rothschild 1943, Côtes de Barr Riesling Grand Cru Louis Klipfel 1970, Vin Jaune Château l’Etoile 1981, Anjou Coteaux de la Loire négociants 1955, Château de Rolland Sauternes 1943, Château Coutet Barsac 1962, Rivesaltes Domaine Marie 1940.

A l’apéritif, nous commençons par un Côtes du Jura Château de Quintigny magnum sans année. Je croyais que c’était un vin blanc et je l’avais affecté à un groupe, mais en fait c’est un crémant du Jura que je fais servir en premier. On est loin des subtilités des champagnes, mais ce pétillant est bien agréable comme vin d’accueil.

Le Champagne Bollinger Spéciale Cuvée années 70 est remarquable car il est entré avec pertinence dans le monde des vins anciens. Il est noble et racé.

Le Champagne Laurent-Perrier sans année est plus conventionnel et le Champagne Besserat de Bellefon sans année est une très agréable surprise. Le Champagne Pommery années 80 est d’une belle personnalité, déjà paré des vertus des champagnes anciens.

J’ai bu les vins de la table 1. Le Champagne Mumm Cordon Rouge 1979 est agréable, mais il me fait mesurer à quel point il y a un écart entre le Cordon Rouge et le Mumm Cuvée René Lalou 1979, un vin de très haute qualité.

Adrian le directeur du restaurant fait le service des vins de notre table. Il me fait goûter en premier un peu de chaque vin pour que je puisse prévenir les convives. Et en sentant l’Hermitage blanc Poulet père et fils 1923 au niveau bas, je préviens mes amis qu’il ne faut pas s’arrêter au parfum vieux de ce vin. Et par un miracle comme il n’en arrive que dans les rêves, la sardine au goût très fort va effacer toute trace de vieillesse et l’Hermitage va briller, créant le plus bel accord du repas. Béatrice, qui était à une autre table, me fit remarquer que la sardine avait un goût qui rebutait les vins de sa table, alors qu’elle a ressuscité notre vin de 101 ans.

Le Rioja blanc Mariano Lacort 1931 associé au même plat est beaucoup trop monocorde, presque fade et n’apporte pas l’émotion qu’il offrirait peut-être en d’autres circonstances.

Le Montrachet Roland Thévenin 1947 est très conforme à ce que l’on pourrait attendre, très bien structuré. Ce n’est pas un montrachet puissant et séducteur, c’est un grand vin noble. C’est probablement le meilleur des Montrachets 1947 de ce négociant que j’aie déjà bus.

Le Château Troplong Mondot Valette Saint-Emilion 1971 est d’une année très grande pour les bordeaux de la rive droite. Et l’on apprécie sa grandeur et sa profondeur. On le ressent à un sommet de ce qu’il peut offrir. Il est grand.

J’avais choisi parmi mes apports un Château Palmer Margaux 1964 au niveau bas, voulant vérifier si ce vin solide tenait encore sa place à 60 ans. A ma grande joie il a gardé toute son énergie et cette densité si noble. C’est une belle surprise, mais évidemment pas un cas général.

J’avais inclus dans mon apport une bouteille illisible que je situais dans les années 70 mais en ouvrant la bouteille on pouvait lire sur le bouchon Château Lanessan 1985. Il est plus jeune que les autres et fort agréable.

Le Château Lynch Bages 1969 ne m’est pas apparu au niveau des autres car il a été apporté avec mon accord au moment du repas, car offert par un participant étranger qui ne pouvait pas l’envoyer de son pays. Il n’a pas eu l’aération qui convenait.

Après quatre bordeaux, quatre bourgognes. Le Vosne Romanée Antonin Rodet vers 1966 est un vin agréable et subtil.

L’Echézeaux Mommessin 1973 est une magnifique surprise pour moi. Tout-à-fait inattendu, il a une acidité très agréable, une grande subtilité et un goût que l’on n’attendrait pas de ce millésime. J’ai adoré.

Mais on oublie tout dès que le Romanée Saint-Vivant Moillard Grivot 1937 est servi. Le parfum est envoûtant, le vin est glorieux. C’est la Bourgogne dans ce qu’elle offre de mieux. Quel grand vin.

Je suis un admirateur des millésimes 1928 et 1929, millésimes du siècle, dont j’ai bu 424 vins de cette paire royale. Le Richebourg Théophile Gavin 1928 est un grand vin, mais force est de constater que le 1937 est beaucoup plus glorieux. Le Richebourg est grand mais ne peut pas offrir autant de complexités et de grandeur.

On peut faire la même remarque pour le Vega Sicilia Unico 1962 d’un grand millésime et de belle noblesse, mais qui n’est pas au niveau au niveau qu’il pourrait avoir. Il manque d’émotion.

Le jeune espagnol si enthousiaste qui m’avait aidé à ouvrir les vins a apporté un Castell del Remey Extra Costers del Segre (Catalonia) # 1915. L’année supposée lui avait été annoncée par celui qui lui avait vendu la bouteille mais rien ne peut justifier un tel millésime. Je le verrais volontiers de moins de cinquante ans. Il n’a pas pu accrocher mon intérêt.

Le Gewurztraminer Clos Zisser Vendanges Tardives 1961 est absolument superbe d’une fluidité parfaite. Elégant et agréable.

Un académicien ayant proposé un sauternes 1965 « enclave d’Yquem », j’ai choisi en cave un autre vin enclave d’Yquem de 1923. Le Château Pajot Enclave Yquem Sauternes 1965 est un beau sauternes, riche et joyeux. Mais le Cru de Coÿ Enclave Yquem 1923 est transcendantal. D’une grâce infinie.

L’un des gagnants de l’énigme a apporté un Cognac Leyrat XO élite 40° très élégant et fin qui a conclu notre repas.

L’ambiance du repas a été particulièrement chaleureuse. Les gagnants de l’énigme, qui ne se connaissaient pas, sont devenus des amis. Pour certains, ce fut la découverte d’un nouveau monde. Qui se serait intéressé à un vin de 1937 ? Mes nouveaux amis vont devenir plus attentifs.

Mon classement des vins que nous avons bus à ma table est : 1 – Cru de Coÿ Enclave Yquem 1923, 2 – Romanée Saint-Vivant Moillard Grivot 1937, 3 – Hermitage blanc Poulet père et fils 1923, 4 – Echézeaux Mommessin 1973, 5 – Gewurztraminer Clos Zisser Vendanges Tardives 1961, 6 – Vega Sicilia Unico 1962.

Le thon a bien joué son rôle sur les bordeaux et l’agneau sur les bourgognes. Mais l’accord transcendantal parce qu’imprévu est celui de la sardine sur l’Hermitage blanc, ce qui a permis à ce vin d’être aussi bien classé dans mon vote.

Voilà une quarantième séance de l’académie particulièrement réussie.