Archives de l’auteur : François Audouze

Essai virtuel de combinaison mets et vins samedi, 14 août 2021

Nous devions vérifier si un accord était possible entre Yquem 2004 prévu pour notre repas du 15 août et un Kouign-Amann ou avec de la mangue crue.

Mais voilà, nous avions mangé copieusement et bu lors des précédents repas.

L’idée est donc venue de tester le gâteau et le fruit sans boire de sauternes.

Les commentaires sont allés bon train, et il est apparu que le meilleur accord serait avec une Tarte Tatin, parce qu’un Kouign-Amann fait dans le Var ne peut rivaliser de près ou de loin avec les bretons et la mangue crue était un peu frêle.

Le repas du 15 août montra que nous avions raison.

Deux vins sur un bœuf Angus vendredi, 13 août 2021

Deux amis arrivent par avion pour participer aux traditionnelles festivités du 15 août. Ils ont apporté plusieurs vins qui seront bus pendant leur séjour ou au repas du 15 août. Selon la tradition, j’ouvre un grand champagne le jour de leur arrivée. C’est un Champagne Dom Pérignon Magnum 1992. Lorsque ce champagne est apparu, il n’a pas créé un grand enthousiasme car il succédait à 1990 et allait être suivi par 1996, sublime année. Or ce champagne est extrêmement plaisant car l’âge l’a embelli. Il a toutes les caractéristiques d’un grand Dom Pérignon même s’il n’a pas le côté glorieux des plus grandes années. Nous nous régalons sur les préparations d’apéritif. Les fraises qui commencent toujours l’accord avec le champagne ne trouvent pas du tout d’écho avec le Dom Pérignon. Les plus beaux accords sont avec de l’houmous parsemé de grains de grenade, la mimolette, la poutargue et une rillette de canard.

Il se trouve que nous voulions pour le 15 août servir du Wagyu. Ma femme a trouvé un site internet belge qui propose de beaux morceaux de Wagyu. Nous en avons commandé deux fois 800 grammes, livrés en temps et en heure et quelle ne fut pas notre surprise de voir dans le colis que le site marchand a ajouté 800 grammes de bœuf Angus. Quel beau cadeau !

Le dîner qui suit aura un programme très simple : ce sera cet Angus avec deux vins apportés par nos amis. Le Harlequin Zymè Vénétie Celestino Gaspari 2011 est un vin de la région de Vérone, fait avec toutes les variétés de cépages qui existent dans cette région. La tache de coulure de vin qui semble avoir dégouliné sur l’étiquette est en fait une impression. Le vin est lourd, puissant, assez monolithique mais va s’épanouir au fil du temps.

A côté de lui il y a un Vega Sicilia Unico 2009 au nez superbe, à la subtilité extrême et au charme fou. Il est évidemment mis en valeur par le côté rustique du vin italien. Les deux vins s’accordent bien avec la viande délicieuse cuite à la perfection. Le vin espagnol gagne du fait de son charme. Le Vega Sicilia Unico s’accorde aussi idéalement avec un camembert Jort, le roi des camemberts.

Une tarte aux quetsches n’a besoin d’aucun vin. Le séjour de nos amis commence bien.

Deux très grands champagnes samedi, 7 août 2021

Pour l’apéritif, j’ai envie de goûter un Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame magnum 2008 qui m’avait impressionné lorsque je l’avais bu à l’hôtel du Marc, siège de cette maison de champagne. Dans le contexte des vacances, les impressions ne sont pas les mêmes. Après avoir bu le séduisant Dom Pérignon 1980, la jeunesse du Veuve Clicquot me semble un handicap. Le champagne est plus fermé, comme une fleur avant le lever du soleil. Mais on sent bien que les qualités sont là. 2008 étant une très grande année, il faut laisser ce champagne en cave et ne l’ouvrir que dans dix ans. Il sera alors un des plus grands champagnes.

Nous recevons un ami qui vient nous apporter les vins de sa cave qui seront servis le 15 août, traditionnel repas où nous partageons de grands vins. Ce sera un apéritif dinatoire. Il reste du Veuve Clicquot La Grande Dame 2008 en magnum qui a gagné en ampleur depuis hier.

J’ouvre ensuite un Champagne Pierre Péters Les Chétillons blanc de blancs magnum 2002, et là, tout-à-coup, c’est comme si s’accomplissait ce que redoutaient les gaulois, le ciel vient de tomber sur ma tête. Tout en ce champagne est extraordinaire et phénoménal. J’ai l’impression de boire un des plus grands champagnes de ma vie. Dès le parfum, on est en face d’un champagne à la puissance infinie.

En bouche, il est floral avec d’infimes traces de menthe. Ses complexités sont inouïes. Et le champagne évolue. Son parfum a la puissance d’un Corton-Charlemagne de Jean-François Coche-Dury. Puis, ce champagne devient Meursault de Jean-François Coche-Dury, aussi bien au nez qu’en bouche. Ce champagne joue avec nos sens pour les bouleverser. On ne sait plus où l’on est mais ce dont on est sûr est que ce champagne est un chef d’œuvre. Nous restons muets, assommés par ce moment de perfection. Cet apéritif fut un grand moment.

Un magnifique Châteauneuf 1977 vendredi, 6 août 2021

Une envie de vin rouge me prend une nouvelle fois après avoir bu un Lynch Bages 1978 superbe. Au hasard, je prends une bouteille de Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes Paul Avril 1977. J’ai une grande envie de découvrir ce qu’un vin du Rhône peut offrir en une année comme 1977 largement ignorée des amateurs.

J’ouvre la bouteille quatre heures avant. Je crois n’avoir jamais vu un bouchon se déchirer en une telle myriade de morceaux de liège. Comme je n’ai pas dans le sud des outils aussi performants qu’à Paris, le bouchon semble avoir été explosé par une mine, et il reste beaucoup de miettes dans la bouteille. L’explication me vient lorsque je glisse un doigt dans le goulot. Il devrait être cylindrique, mais il semble être devenu un cylindre « à la » Salvador Dali, lorsque ses montres deviennent molles. C’est l’irrégularité du goulot qui a déchiré le bouchon.

Une fois l’ouverture faite, le parfum me ravit. C’est le nez d’un grand Châteauneuf. Le vin est prometteur. A table, le parfum s’est encore élargi. En bouche, le vin est grandiose. Il est très complexe. Il a quelques accents de vins de Bourgogne et d’une certaine manière il me fait penser à un Rayas qui serait un peu plus massif que d’habitude. Il a la même noblesse que Rayas. Une fois de plus nous avons la démonstration qu’une petite année peut devenir grande après quatre décennies de vieillissement.

champ de bataille !

D’autres occasions de repas avec des vins mercredi, 4 août 2021

Un soir, sans prétexte particulier, j’ouvre un Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle sans année récent. J’ai une inclination pour ce champagne élégant, très floral. Le champagne est subtil et agréable, mais il mériterait de vieillir vingt ans de plus.

Nous retournons au restaurant l’Aventure sur la plage près du port. La langouste que nous avons prise est absolument délicieuse, précédée de moules gourmandes. Le Champagne Ruinart Brut sans année est à peu près la seule option possible sur la chiche liste des vins. Il tient bien son rôle sur un tel repas, se montrant franc et direct.

Il y a bien longtemps que nous n’avons pas bu de vin rouge. Aussi, sur un dos de cabillaud annoncé, ce sera un rouge qui entrera en scène. Avant cela, l’apéritif avec de l’anchoïade, du fromage de tête et d’autres choses à grignoter est encadré par un Champagne Dom Pérignon 1980. A l’ouverture, le bouchon s’est cisaillé et le morceau inférieur a été sorti grâce au tirebouchon. Un joli pschitt a signé son apparition. La couleur est très prononcée, d’or et de mangue. La bulle est active. Ce qui frappe c’est sa complexité. Ce champagne est large, solaire, fruité et il est porteur de bonheur. Il a la prestance d’un champagne plus vieux que 1980. C’est un très grand Dom Pérignon, qui montre, lorsque l’on pense au jeune Grand Siècle récent que nous avons bu il y a peu, à quel point l’âge est crucial pour développer la complexité et l’attrait des champagnes.

Le Château Lynch-Bages Pauillac 1978 est un vin que j’adore. J’avais eu la chance de participer à une importante verticale de ce Pauillac, avec trente-six millésimes représentés et j’avais constaté, malgré la présence d’un très beau 1929 que la période d’excellence était pour moi de 1950 à 1962 dont le 1959 m’était apparu comme l’expression du Lynch-Bages parfait. Mais j’ai pour Lynch-Bages 1978 les yeux de Chimène. Et cette bouteille au niveau de haute épaule est conforme à ce que j’attendais. Le vin est fort, évoquant le charbon et la truffe, il est intense et sa longueur est remarquable. L’accord avec le cabillaud est pertinent.

au restaurant l’Aventure

à la maison

Les vins de plusieurs repas dans le sud samedi, 31 juillet 2021

Après un faux mouvement, je sens une déchirure dans un genou, qui me fait atrocement souffrir. S’enchaînent à la suite une consultation d’un ostéopathe, du médecin qui me suit, qui s’inquiète du gonflement anormal de ma jambe. Bas de contention, bardée de médicaments et examen en hôpital pour vérifier si j’ai une phlébite. Je n’en ai pas, ce qui malgré la souffrance me pousse à ouvrir un Champagne Salon 1997. Comme il est d’usage avec ce millésime, j’ai besoin d’utiliser un casse-noix pour faire tourner le bouchon qui refuse obstinément de se détacher du goulot. Le bouchon est en fait trop long. Le pschitt est vif, et le champagne est un Salon que j’adore. Vif, dynamique, précis et cinglant, il est le Salon idéal. A chaque fois que je bois ce 1997 je me souviens du jour où Didier Depond a fait à Paris la présentation officielle de Salon 1997. Sur l’instant, j’ai eu un léger doute, que j’ai exprimé à Didier Depond qui m’a répondu : « tu verras ». Il avait bien raison car maintenant, ce Salon est absolument idéal.

A la suite de cette soirée avec des souffrances qui ne devraient pas exister dans le monde que je rêve, les vins se sont succédés au fil des visites des enfants et petits-enfants. J’ouvre un soir un Champagne Dom Pérignon magnum 1998. Lorsque le millésime 1998 est apparu, il n’a pas suscité un engouement très marqué, car il faisait suite au superbe 1996 et il allait assez rapidement être dépassé par le 2002. Il était d’ailleurs assez neutre. Mais le temps fait son œuvre et le format joue aussi pour donner à ce champagne des qualités certaines. Je l’ai aimé car il représente tout ce que l’on attend d’un Dom Pérignon classique et équilibré.

Mon fils sait que ma fille cadette adore les vins du domaine Didier Dagueneau aussi a-t-il acheté dans la boutique de vins qui jouxte celle de notre boucher-traiteur favori deux vins blancs pour le dîner. Le Pur-Sang Domaine Didier Dagueneau 2018 par Louis-Benjamin Dagueneau est un beau vin bien fait, mais j’ai vraiment trop de mal à apprécier de tels vins si jeunes, qui n’ont pas encore atteint la largeur qui les rendraient plaisants.

Il en est de même du Côtes de Provence Clos Cibonne Tibouren Cuvée Prestige Caroline rosé 2020, vin que j’adore car c’est un des plus beaux rosés typés que l’on puisse déguster, mais là franchement, c’est comme manger des fraises vertes, je ne pourrai pas m’y faire. Aussi ai-je décidé que le lendemain, nous goûterions de « vrais » vins blancs.

Nous commençons notre dîner avec en apéritif un Château Salon magnum 2002. Ce champagne a gagné en largeur, en précision et le format magnum le rend plus confortable. C’est un grand champagne bien construit. Sur une rillette de porc, il est parfait.

Le Silex Domaine Didier Dagueneau Blanc fumé de Pouilly 2014 par Louis-Benjamin Dagueneau montre un écart sensible par rapport au Pur-Sang d’hier, car le temps a fait son œuvre. On sait que le Silex a une minéralité exacerbée qu’on adore, mais je l’ai trouvé un peu strict et un peu monolithique.

La merveilleuse surprise vient du Chablis Grand Cru La Moutonne Domaine Long-Dépaquit Albert Bichot 2002. Ce vin est dans une forme éblouissante, joyeux, large, fruité, complexe, équilibré et parfait. Quel vin de plaisir ! Sur des soles, il a brillé.

Dans ce dîner je classe en premier l’éblouissant Chablis, puis le séduisant Salon et enfin l’enfant terrible Silex.

déjeuner au restaurant BOR mercredi, 21 juillet 2021

Nous avons de beaux souvenirs de déjeuners au restaurant BOR, directement sur la mer, juste après le port d’Hyères. Il y avait des cigales de mer, des gambas superbes et je commandais quasi systématiquement du Cristal Roederer. Le propriétaire a vendu juste avant l’apparition du Covid, ce qui dénote un sens inné de l’opportunisme. Nous y allons et avons une jolie table à moins de trois mètres de l’eau. Il n’y a plus de cigales, plus de gambas, mais il y a toujours Cristal Roederer, que je commande avant même d’avoir choisi le menu. Nous prenons ma femme et moi chacun une daurade et en entrée, je prends tomate mozzarella. Quand mon entrée arrive, je vois une tomate qui ressemble à s’y méprendre à une tomate d’hiver, sans couleur et insipide, alors que nous sommes au cœur de la saison des tomates.

La daurade est très correcte. Le Champagne Cristal Roederer 2012 a une couleur très pâle. Dès le premier contact, je suis conquis. Ce champagne est élégant, solide, bien construit et donne à chaque gorgée un sentiment d’excellence. Il me semble que ce champagne est promis à un bel avenir. Il est délicieux sur des olivades, sur la mozzarella et sur le poisson. Il accompagne élégamment un dessert au chocolat réussi. Nous avons ravivé les souvenirs de ce restaurant, mais nous avons perdu le fil qui nous y rattache. A eux de faire l’effort. Ce champagne m’a ravi ainsi que ce moment avec mon épouse.

le restaurant est directement sur la mer

le menu :

Des vins qui jalonnent les vacances samedi, 17 juillet 2021

Pour un anniversaire, j’ouvre un Champagne Dry Monopole Heidsieck & Co 1955. Le haut du bouchon a une cape déchirée très sale qu’il faut nettoyer avant de tirer le bouchon. Le bouchon parfaitement cylindrique vient facilement, d’un liège de grande qualité. Il n’y a pas de pschitt, pas de bulles, mais le pétillant est sensible en bouche. La couleur est ambrée et belle. Ce champagne est large, plein en bouche et extrêmement rassurant. Il met des sourires sur nos visages. Il a acquis une maturité sereine et n’offre que du plaisir. Sur des tempuras de fleurs de courgettes, c’est un régal.

Nous retournons au restaurant l’Aventure pour manger de beaux poissons. Il n’y a plus de Champagne Ruinart, car nous avions pris la dernière bouteille. Le Champagne Piper-Heidsieck cuvée brut sans année est moins enthousiasmant que le Ruinart. Mais au bord de l’eau, on le boit avec plaisir. On est en vacances !

L’allocution du Président de la République le 12 juillet m’a pris de court comme un passing-shot. Entendre un tel aplomb pour dire que tout était sous contrôle, que la terre entière nous envie et que nous avons fait mieux que les autres pays dans les domaines, ça m’a laissé sans voix. Je n’ai pas écouté la fin de son allocution car elle faisait un peu trop campagne électorale. Alors, il fallait quelque chose pour me remonter. J’ai choisi un Domaine de Terrebrune Bandol 1997. Quel bonheur, quelle fraîcheur. Le nez est un rêve de garrigue. En bouche le vin est frais et velours. Après le discours présidentiel, je l’ai trouvé charmant, typique de son terroir, mais il y a quand même un manque de profondeur et de richesse. Il est aérien et c’est ainsi qu’il faut le lire.

Le lendemain, pour un autre anniversaire, j’ouvre un Vega Sicilia Unico 1998. Depuis quelques années, j’ouvre les vins jeunes et riches de fruits au dernier moment, au plus près de leur service, afin que les premières gorgées offrent l’éclosion de ces vins. Et l’effet sur moi est spectaculaire. Car la première gorgée est un feu d’artifice de fruits noirs qui part dans toutes les directions de saveurs. Ça virevolte dans ma tête. Le vin est riche, fruité, gouleyant et sa jeunesse est bien structurée. C’est un vin de pur plaisir. Lorsqu’on dépasse la moitié de la bouteille, le vin est toujours aussi jeune et entreprenant mais sa démarche est plus ordonnée. Il n’est plus le feu follet qui m’enthousiasme. Ce Vega Sicilia Unico est un vin puissant que j’apprécie au plus haut point, et ses premiers moments débridés me ravissent.

Avec ma fille cadette une envie d’apéritif se fait sentir. C’est le moment d’ouvrir un champagne que je chéris, un Champagne Krug Grande Cuvée étiquette crème qui doit dater de la fin des années 80 et début des années 90. Le bouchon vient entier, parfaitement cylindrique mais très court. Ce Krug me gratifie d’un pschitt vigoureux, ce que je n’attendais pas. La robe est belle, d’un léger ambre tendant vers le rose. La bulle est bien présente.

Le nez est agréable et subtil. En bouche ce qui me frappe c’est une acidité supérieure à ce qu’elle devrait être. De ce fait le vin est resserré et n’a pas l’opulence et la largeur qui font son charme. Nous l’aimons, car il est noble et subtil, mais il n’atteint pas le charme qu’il est capable d’offrir. Il faudra vérifier sur une autre bouteille de ce grand champagne.

Restaurant l’Aventure samedi, 17 juillet 2021

Sur la plage du port il y a un restaurant qui s’appelle l’Aventure. On y déjeune les pieds dans le sable et la tête protégée du soleil par des canisses.

La proximité du port des pêcheurs permet au restaurant d’offrir de beaux poissons. Je partagerai avec ma nièce une daurade rose accompagnée d’un aïoli puissant.

J’ai commandé un Champagne Ruinart Blanc de Blancs sans année qui n’a pas la complexité des champagnes anciens mais joue bien son rôle pour faire de ce repas avec quatre enfants un moment de joie estivale. Ce restaurant au service impeccable est une belle étape de vacances.

La maison du sud se remplit d’enfants et de petits-enfants. A l’apéritif il y a des chips à la truffe et d’autres chips que l’on trempe dans une crème originale à la betterave et au raifort.