Archives de l’auteur : François Audouze

Bulletins du 1er semestre 2021, du numéro 899 à 920 lundi, 5 juillet 2021

Bulletins du 1er semestre 2021, du numéro 899 à 920

(bulletin WD N° 920 210629)   Le bulletin n° 920 raconte : déjeuner à l’hôtel du Marc de Veuve Clicquot avec des vins merveilleux, déjeuner du dimanche de la Pentecôte et déjeuner de lundi de Pentecôte, l’un des plus beaux de ma vie.

(bulletin WD N° 919 210623)   Le bulletin n° 919 raconte : le 250ème diner au château de Saran avec trois vins centenaires et déjeuner au siège de la maison Salon Delamotte avec un vin d’Henri Jayer et un sublime Salon.

(bulletin WD N° 918 210615)   Le bulletin n° 918 raconte : apport des vins du 250ème dîner au château de Saran et mise au point du menu, au cours d’un repas de famille, dégustation de vins aux niveaux extrêmement bas, au château de Saran ouverture des vins du dîner et à Hautvillers dégustation pertinente de Dom Pérignon P1, P2 et P3.

(bulletin WD N° 917 210608)   Le bulletin n° 917 raconte : 249ème dîner de wine-dinners à la Maison Belle Epoque de la maison de champagne Perrier Jouët.

(bulletin WD N° 916 210601)   Le bulletin n° 916 raconte : dîner de préparation d’un grand repas, déjeuner sous le signe des accords avec les liquoreux, déjeuner de conscrits dans ma cave.

(bulletin WD N° 915 210525)   Le bulletin n° 915 raconte : dîner d’anniversaire, déjeuner d’anniversaire et le dîner qui lui fait suite et déjeuner à la Maison Belle Époque de la maison Perrier-Jouët en préparation d’un futur dîner en ce lieu.

(bulletin WD N° 914 210518)   Le bulletin n° 914 raconte : dîner au domicile d’un ami qui accueillit le lendemain le 248ème dîner de wine-dinners, marqué par un improbable et incertain jéroboam de Romanée Conti 1961 qui a été plébiscité par tous.

(bulletin WD N° 913 210511)   Le bulletin n° 913 raconte : déjeuner de famille avec des vins surprenants, achat d’un jéroboam de Romanée Conti 1961 et ouverture du jéroboam au domicile d’un ami.

(bulletin WD N° 912 210504)   Le bulletin n° 912 raconte : déjeuner du lundi de Pâques et déjeuner en cave avec mon fils.

(bulletin WD N° 911 210427)   Le bulletin n° 911 raconte : dîner et déjeuner d’avant Pâques avec mon fils de passage en France.

(bulletin WD N° 910 210420)   Le bulletin n° 910 raconte : déjeuner chez des amis, déjeuner dans ma cave avec un ami et dîner à domicile.

(bulletin WD N° 909 210412)   Le bulletin n° 909 raconte : déjeuner impromptu dans ma cave avec un ami belge, dîner au caviar et champagne et déjeuner de famille dans ma cave qui devient petit à petit ma cantine quand les restaurants sont inaccessibles.

(bulletin WD N° 908 210330)   Le bulletin n° 908 raconte : visite surprise dans le sud, dîner de retrouvailles et déjeuner dans ma cave avec six vins du domaine de la Romanée Conti, 247ème de mes repas.

(bulletin WD N° 907 210317)   Le bulletin n° 907 raconte : déjeuner amical dans ma cave avec les vins qui restent de la veille, déjeuner avec mon coach et sa fille, déjeuner chez des amis et 246ème déjeuner de wine-dinners dans ma cave.

(bulletin WD N° 906 210310)   Le bulletin n° 906 raconte : déjeuner avec un écrivain du vin dans ma cave, dîner ‘en solo’ le jour de la Saint-Valentin, déjeuner en ma cave avec un ami sur un menu préparé par le restaurant Neige d’Eté et deux bordeaux du 19ème siècle.

(bulletin WD N° 905 210303)   Le bulletin n° 905 raconte : déjeuner dominical avec des vins des années précédant et suivant la Grande Guerre, 1913 et 1919.

(bulletin WD N° 904 210223)   Le bulletin n° 904 raconte : un Dom Ruinart bu en solitaire, un Rimauresq bu aussi en solitaire, un déjeuner avec une amie et des grands vins et retour à Paris pour faire honneur à La Tâche 1957 du Domaine de la Romanée Conti.

(bulletin WD N° 903 210209)   Le bulletin n° 903 raconte : déjeuner avec un ami dans la maison du sud, déjeuner chez notre boucher-traiteur préféré et déjeuner chez des amis du sud.

(bulletin WD N° 902 210127)   Le bulletin n° 902 raconte : arrivée dans le sud après Noël, dîners et déjeuners, préparatifs du réveillon et dîner du réveillon de la Saint-Sylvestre.

(bulletin WD N° 901 210119)   Le bulletin n° 901 raconte : dîner de la veille de Noël et déjeuner de Noël en famille, occasions d’ouvrir des grands vins.

(bulletin WD N° 900 210112)   Le bulletin n° 900 raconte : dîner de famille avec deux de mes enfants et des vins enthousiasmants.

(bulletin WD N° 899 210105) Le bulletin n° 899 raconte : déjeuner avec ma fille et un Pouilly-Fuissé 1947, préparation des vins de futurs dîners et dîner avec mon fils et un Lafite 1900 éblouissant.

Un magnifique Rimauresq de 35 ans mardi, 29 juin 2021

Nous recevons dans le sud des amis du monde de la restauration. Elle est cuisinière et cuisine remarquablement. Son mari faisait équipe avec elle en dirigeant la salle et la sommellerie. Ce sont des gourmets connaisseurs.

Pour préparer leur venue je suis allé faire des emplettes chez notre boucher-traiteur ami. Sa boutique jouxte celle d’un marchand de vins que je vais saluer. Nous bavardons et je lui demande s’il a fait des découvertes. Il me suggère de prendre un Champagne Roger Coulon. Pourquoi ne pas l’essayer avec ces amis ?

L’apéritif consiste en une délicieuse tarte aux oignons (du jardin) préparée par mon épouse, dont l’avantage est que les saveurs sucrées de l’oignon vont convenir au Champagne Roger Coulon Heri-Hodie Premier Cru Extra Brut dégorgé en janvier 2021 qui est fait de pinot meunier dont 90% sont des vins de la réserve perpétuelle. La surprise est agréable car le champagne dosé à trois grammes n’a pas le caractère abrupt des extra-bruts. Il est bien construit, droit, agréable à boire et la suggestion du caviste se révèle pertinente. Ce champagne est même élégant.

Le menu préparé par mon épouse est : foie gras / poulet cuit à basse température / camembert Jort / gâteau au citron / gâteaux noisettes café.

Sur le délicieux foie gras préparé par ma femme je sers un Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en avril 2018. Le parfum de ce champagne est incroyable. On pourrait passer des heures à le sentir. C’est fou. Et bien sûr on mesure le fossé qui sépare ce champagne du précédent. Mais ça ne déprécie pas le Roger Coulon. Le champagne Selosse est incroyablement équilibré, intense et beaucoup plus civilisé que d’autres Substance. Cette gentillesse de ton n’est pas une habitude des champagnes Selosse. Je pense que celui-ci est probablement l’un des meilleurs Substance que j’aie bus.

Le poulet à la chair blanche est fondant tant il est cuit à la perfection. Le Rimauresq Côtes de Provence 1985 a été ouvert plus de quatre heures avant le déjeuner. Son parfum exhalait la garrigue. Ce vin est une récompense. Le parfum maintenant est large, civilisé, doux, tout en annonçant un vin puissant. En bouche c’est un miracle. Il y a bien sûr la garrigue et le romarin mais si on oublie ces signaux, il a tout d’un grand bourgogne, noble, équilibré, dans un état de perfection absolue. L’âge sourit aux Côtes de Provence et particulièrement à ce Rimauresq. On pourrait dire qu’il s’agit d’un vin parfait, car tout est assemblé et cohérent et il est inimaginable qu’il puisse être meilleur. L’accord du vin rouge avec le camembert Jort parfaitement affiné est irréellement grand.

Pour le dessert, j’ouvre un Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle des années 60 qui, comme les autres du même âge, a un bouchon qui se cisaille, la lunule inférieure étant enlevée au tirebouchon. De couleur ambrée il a une bulle rare mais un joli pétillant. C’est un vin rond de plaisir. Doux, plein de charme, il accompagne bien les desserts.

Mon classement est : 1 – Rimauresq 1985, 2 – Substance de Selosse, 3 – Grand Siècle années 60, 4 – Champagne Roger Coulon. Les deux premiers de ce classement sont tout-à-fait exceptionnels, au sommet absolu de leur art. Beau déjeuner d’amitié.

Dégustation de vins du Rhône au restaurant La Cabro d’or lundi, 28 juin 2021

Ceci se passe il y a deux ans et demi. Frédéric est dans un TGV. Il est amateur de vin, il en vend et organise des événements sous le nom de « Grand Cru Wine Consult ». Il lit la revue Vigneron où j’écris une page, parfois deux, depuis des années et en bas de mon article il y a mon adresse mail. Dans le train il m’écrit un mail et nous commençons à converser par mails.

Récemment, il m’annonce qu’au restaurant La Cabro d’Or il y aura un déjeuner avec dégustation de vins de la galaxie Rayas / Reynaud en présence d’Emmanuel Reynaud. L’idée de rencontrer ce vigneron qui fait des vins de grand renom me plait, aussi, après avoir payé ma participation, j’annonce à Frédéric que j’apporterai un vin de ma cave. Dans mon idée, si nous sommes répartis en deux tables, j’offrirais à ma table le Salon 1997 que j’ai prévu de prendre. Mais Frédéric, songeant à mettre ses convives à égalité, téléphona à Didier Depond président de Salon qui lui mit à disposition un autre Salon 1997.

Lorsque j’arrive au restaurant, il y a déjà des membres du club. L’idée qui vient à l’esprit est de comparer les deux Salon. L’un est de ma cave, reçu au moment où le champagne a été commercialisé. Le champagne a été livré dans mon ancienne cave, a été transféré dans ma nouvelle cave parisienne, puis transporté dans ma première cave du sud, puis dans ma deuxième cave du sud. La bouteille de Frédéric vient directement des caves de Salon et c’est certainement un dégorgement récent.

Comme je m’y attendais je n’arrive pas à déboucher ma bouteille car le bouchon est trop serré dans le goulot. Chez moi j’utilise un casse-noix mais ici il n’y en a pas. C’est Gilles Ozzello, le sommelier historique de l’Oustau de Baumanière qui arrive à le tirer. L’ouverture fait un beau pschitt.

Le Champagne Salon 1997 de ma cave a un nez absolument superbe et en bouche, ce qui frappe, c’est l’épanouissement merveilleux de ce champagne. Il est puissant mais agréable, cohérent, noble, d’un raffinement enthousiasmant.

J’arrive à ouvrir le Champagne Salon 1997 ajouté par Frédéric ce qui montre bien que l’embouteillage n’a pas été fait à la même période. Le pschitt est beau et le bouchon est très jeune. C’est un beau 1997 mais sur tous les compartiments du jeu, il joue moins bien que le premier. Il y a une cohérence dans le premier qu’on ne retrouve pas dans le second. On ne peut pas tirer des leçons de cette expérience qui auraient valeur de loi, mais j’en retiens une qui est que les champagnes sont des vins solides que les transports n’usent pas autant que certains l’imaginent.

J’ai une passion certaine pour Salon 1997 et celui que j’ai apporté fait partie – de mémoire – des plus grands que j’ai bus.

Pendant l’apéritif et en attente de tous les convives qui arrivent en chapelet, je raconte des anecdotes en répondant aux questions qui me sont posées. L’ambiance est particulièrement amicale.

Comme il faisait soif en attendant les derniers arrivant, on déboucha le Champagne Baumanière blanc de blancs Grand Cru, cuvée Jean-André Charial, direct, franc et bien agréable à boire.

Nous passons à table et contrairement à ce que j’imaginais nous sommes répartis en six ou sept tables de quatre ou cinq et non pas en deux tables comme je le supposais. Les participants sont de tous âges, de toutes occupations mais sont tous sympathiques, souriants et amoureux des vins.

Le menu réalisé par le chef Michel Hulin est : langoustines mi- cuites dans leurs carapaces, huile d’olive vanillée, mangue verte er betterave, vinaigrette safranée / dos de loup cuit lentement, fenouil au confit de citron et tomates séchées, crumble au vieux parmesan / agneau confit et caramélisé à la broche, feuille à feuille de pomme de terre à l’ail noir, pain soufflé à l’anchoïade / assiette de fromages / zéphyr de pamplemousse au gin, écume aux éclats de meringue et coriandre / meringue croustillante, crème légère vanille, confit de fraises, fraises fraîches et sorbet aux herbes.

Le Domaine des Tours, Vin de pays de Vaucluse blanc Clairette 2016 est tout jeune, tout frêle et je le trouve très sympathique. Il porte en lui une belle émotion liée à sa jeunesse et à sa vivacité. L’accord avec les délicieuses langoustines est idéal.

Les Tours Grenache blanc, Indication géographique protégée Vaucluse 2016 est un vin totalement opposé au précédent. L’un était gracieux, celui-ci est guerrier, offensif, voire trop. Sur le loup, il aurait fallu beaucoup moins d’énergie. Le vin se calmera sans doute dans quelques années mais pour l’instant, je n’en profite pas.

Nous allons nous livrer à une dégustation à l’aveugle mais limitée puisque nous savons de quels vins il s’agit. Les verres sont numérotés 1 et 2 et les vins sont : Pignan et Rayas du même millésime, 2006. Je connais Rayas et je n’ai pas eu l’occasion de goûter Pignan.

Le premier vin a un parfum à se damner. Quelle magnifique évocation. En bouche, il est délicieux, extrêmement bourguignon. J’adore ce vin. Je ne me prononce pas encore mais on sait que Rayas a la réputation d’être le plus bourguignon des Châteauneuf-du-Pape.

Le deuxième vin a un nez très faible, fermé. En bouche ce qui frappe c’est la grande richesse de vin, mais d’un vin fermé. On sent le potentiel que le vin refuse de délivrer. Alors, il me semble que le deuxième est Rayas et cela est confirmé.

Le Pignan Châteauneuf-du-Pape 2006 est merveilleux en ce moment. Dans quelques années le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2006 lui passera devant. C’est un grand vin mais qui ne s’exprime pas assez. Emmanuel Reynaud qui n’est pas venu avait prévu un Rayas 2007 et avait changé pour 2006, croyant qu’il s’exprimerait mieux. Ce ne fut pas le cas.

Vient maintenant une expérience amusante. On met sur table des verres déjà remplis. Les verres sont opaques et l’on ne peut pas voir la couleur. Je sais qu’on peut facilement se tromper dans cet exercice, mais pour moi, le nez exclut un rouge. Je réponds donc blanc. En fait c’est un rosé. Il est extrêmement simple mais ne laisse pas indifférent. Et sur le dessert, l’acidité des fruits a joué le jeu avec cet étonnant Parisy Vin de table rosé 2013 qui titre quand même 14°. Original il a sa place sur les tables d’été.

L’un des sponsors du club met à disposition de ces dégustations des verres dont, comme il se doit, il vante les qualités, et il présente un autre de ses cadeaux, un Champagne Rémi Leroy jéroboam dégorgé en 2019, fait de 45% de chardonnay et le reste en pinot noir (si j’ai bien lu), et qui comporte des champagnes de 2014 et 20% de champagnes de réserve. Le terroir est de la Côte des Bar. On sent tout de suite que l’effet jéroboam joue à plein, car le champagne a une rondeur qu’il n’aurait pas naturellement. J’aime beaucoup sa fluidité. Il n’est pas très complexe, mais il se boit avec plaisir.

Que dire de cette dégustation ? Frédéric est extrêmement sympathique et les membres de tous âges de Grand Cru Wine Consult sont tous souriants, accueillants et amoureux des vins. J’aurais évidemment préféré qu’Emmanuel Reynaud tienne son engagement, mais Gilles Ozzello, si compétent sommelier et puits de sciences a su captiver chacun. J’ai rencontré des vignerons amis, ce qui fait que je suis ravi de ce déjeuner et de cet après-midi.

Il est de tradition que mon vote couronne un vin que j’ai apporté. Je sais, c’est mon côté mère poule qui adore ses petits, mais c’est comme cela. Donc mon vote sera : 1 – Champagne Salon 1997, 2 – Pignan Châteauneuf-du-Pape 2006, 3 – Domaine des Tours, Vin de pays de Vaucluse blanc Clairette 2016, 4 – Parisy Vin de table rosé 2013, et j’ajouterai quand même car c’est un grand vin : Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2006.

Longue vie à ce sympathique club de dégustation.

contact : gc.wineconsult@gmail.com

Dernier repas à Paris et premiers repas dans le sud dimanche, 27 juin 2021

Le lendemain du déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur, je reçois à déjeuner ma fille cadette et une nièce de ma femme qui va se rendre dans notre maison du sud le lendemain. Ma fille a préparé des plats vegan et j’ouvre un Champagne Comtes de Champagne Taittinger Blanc de Blancs 2007. Ce champagne est fort agréable et frais, mais je mesure l’invraisemblable différence qui existe entre les champagnes anciens que j’ai bus hier, de 1973 et 1961, et ce jeune champagne. La divine complexité est chez les champagnes anciens. Amateurs mes frères, faites vieillir vos champagnes. C’est un investissement au rendement gustatif assuré.

Dans la nuit, une incroyable tornade s’est abattue sur la région parisienne, faisant voler les chapeaux des cheminées de ma maison. J’ai eu peur.

Ça y est, c’est le jour du départ dans le sud. Là-bas, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté, dirait Baudelaire. Le premier soir, j’ai envie de manger du caviar avec deux champagnes, un jeune et un vieux de la même maison, pour vérifier une fois de plus si mon amour pour les champagnes anciens est justifié. J’ouvre un Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle très récent dont le fort pschitt et le bouchon qui se gonfle dès qu’il est retiré montre sa jeunesse.

J’ouvre aussi un Champagne Laurent-Perrier Grand Siècle que j’estime des années 60 ou début des années 70 ce qui est confirmé par l’absence de pschitt et le fait que le bouchon ne veut pas sortir, le haut se déchirant et le bas ne venant qu’au tirebouchon.

Nous commençons par des fraises fraîches qui sont délicieuses sur la fraîcheur du jeune champagne. Une poutargue bien moelleuse et délicieuse se conçoit bien avec le jeune mais l’ampleur du champagne ancien, à la couleur ambrée et au charme infini trouve un écho supérieur avec le gras de la poutargue.

Le caviar osciètre forme un bel accord avec le jeune, mais le champagne ancien décuple le plaisir. Ce champagne ancien est dix fois plus complexe, dix fois plus large et dix fois plus gourmand. La question est donc réglée, sans appel possible, le bonheur est avec les champagnes anciens.

Avec un camembert Jort à l’affinage idéal, le mariage est voluptueux avec le champagne ancien. Cela ne veut pas dire que le champagne jeune serait sans intérêt. Il est un beau champagne romantique, mais le plus vieux est flamboyant. Il me semble que les amateurs de vins qui ont la faculté de faire vieillir des vins – ce qui est hélas de plus en plus rare – devraient en priorité réserver un espace important aux champagnes, car l’effet du vieillissement est beaucoup plus important que pour les autres vins.

Le lendemain, nous nous rendons avec notre nièce au restaurant L’Hemingway à La Londe des Maures, restaurant installé sur une jolie plage et décoré avec goût. On y mange bien car les produits sont bons. J’ai décidé de ne pas boire sauf de la bière mais je me rattraperai lors d’une prochaine visite en ce lieu que j’apprécie.

Hemingway

dégustation verticale du Château Corbin-Michotte de 2010 à 2018 dimanche, 20 juin 2021

Après le repas du 251ème repas de wine-dinners, nous nous rendons dans ma cave car le déjeuner était initialement prévu dans ma cave puisqu’on ne savait pas à quelle date les restaurants ouvriraient. Les vins méritaient la cuisine d’un chef de talent. Mes convives ne voulaient pas rater l’opportunité de visiter ma cave. Je leur ai fait une surprise, qui est une dégustation verticale du Château Corbin-Michotte, Saint-Emilion pour les neuf millésimes de 2010 à 2018. La genèse de cette dégustation commence par un mail d’Emmanuel Boidron que je connais ainsi que son père depuis près de vingt ans. Il apprécie mes écrits sur le vin et aimerait que je donne mon avis sur ses vins. Je lui réponds que si je peux exprimer des avis personnels sur des vins anciens, je n’ai aucune compétence pour juger des vins très jeunes. Cela ne rebute pas le vigneron qui va m’envoyer ses vins. Je lui dis qu’ayant horreur de gâcher, je ferai participer mes convives du 251ème repas à cet exercice. La femme de l’initiateur du déjeuner ayant rejoint son mari en fin de repas au Sergent Recruteur, nous serons donc six à goûter les vins.

Voici ce que j’ai écrit sachant que pour pouvoir classer j’extrémise les différences.

2018 : beau nez de griotte, vin fluide, agréable, équilibré au finale très vert tant il est jeune.

2017 : nez calme, vin sans aspérité, un peu trop calme, sauvé par un finale très construit. Va progresser.

2016 : nez expressif, bel équilibre, beau vin au finale qui promet un vin gastronomique. Il est fluide et beau.

2015 : nez de fenouil, un peu trop végétal. Le finale est rêche. Il sera grand mais il est fermé maintenant.

2014 : nez agréable, bouche calme et élégante, le finale est motivant.

2013 : superbe nez. La bouche est fluide, manquant un peu de matière. Beau finale mais vin trop calme.

2012 : nez que j’adore. Bouche agréable, fluide, beau finale. J’aime assez.

2011 : nez discret. Beau vin fluide au beau finale. Sera grand. J’aime sa fluidité.

2010 : bouche fluide, beau parcours en bouche. Vin solide et riche.

Dans l’envoi, deux vins plus anciens avaient été joints. J’ai préféré qu’on se concentre surtout sur les vins jeunes.

Mes amis ayant sérieusement travaillé, le vote du consensus serait : 2016 – 2018 – 2011 – 2010 – 2012 – 2015.

Mon vote est : 2018 – 2016 – 2010 – 2015 – 2011.

Ce qui apparait c’est que Corbin Michotte est un solide Saint-Emilion qui a toutes les belles caractéristiques d’un grand Saint-Emilion. Tout jeune il est brillant puisque 2018 et 2016 sont les deux premiers pour mon vote et pour celui du consensus. Il y a des variations entre les millésimes, mais je suis sûr qu’avec le temps les différences s’estomperont. Je suis surtout favorablement impressionné par la fluidité et la cohérence de ce vin.

Le 1966 qui était joint et avait un léger nez de bouchon m’est apparu comme très frais, agréable, fluide et qui se boit bien. La qualité des vins récents est à signaler.

Comme je voulais être sûr de répondre au souhait d’Emmanuel Boidron, je suis revenu le lendemain goûter les verres de la dégustation. La période est de forte chaleur mais j’ai trouvé que cela n’avait pas du tout affecté les vins.

Voici le nouveau compte-rendu, fait, bien sûr sans consulter les notes précédentes.

2018 : attaque superbe, beaucoup de fruit. Agréable et plaisant à boire.

2017 : moins chaleureux, plus tendu, un peu amer

2016 : frais, joyeux, large et souriant au finale un peu moins glorieux que celui du 2018.

2015 : belle attaque, plus court que 2016 et 2018, finale noble et riche

2014 : plus plat que les autres. Il manque de matière. Serait bon sur un plat.

2013 : vins frais qui n’a pas la puissance des meilleurs. Il est plus aérien. Il m’avait plu hier en fin de soirée. Il va devenir intéressant. Il a plus de personnalité dans son finale

2012 : attaque un peu saline. Il me plait moins qu’hier.

2011 : attaque chaleureuse. Il est plaisant mais manque un peu de longueur.

2010 : vin superbe, joyeux tout en étant construit. Un grand vin au finale convaincant.

Mon classement du lendemain sur des vins plus chauds qu’hier est 2018 – 2010 – 2016 – 2011 – 2015 – 2013 – 2012 – 2017 – 2014.

La solidité de ces vins est certaine. J’ai voulu jouer le jeu pour mon ami Emmanuel Boidron. J’ai accueilli ces vins non pas pour déterminer ce qu’ils deviendront mais pour ce qu’ils sont aujourd’hui. Le moins bien classé deviendra peut-être meilleur que le premier classé parce que son évolution l’y conduira. Si le 2018 est le meilleur c’est parce qu’il est bien fait mais aussi parce qu’il profite de sa belle jeunesse. Mais c’est ensuite le plus vieux (si l’on peut dire), le 2010, qui recueille mes faveurs. C’est une belle dégustation d’un grand vin.

Pour remercier mes amis d’avoir été si studieux, j’ai servi un Rhum Black Head Rum, West Indies Rums, distribué par Cazanove à Bordeaux. L’étiquette ferait exploser de fureur tous les antiracistes qui veulent reconstruire l’histoire à leur façon. Ce rhum est particulièrement doux et délicieusement piquant. Sa longueur est infinie. Il a dû être mis en bouteille dans les années 50 et provenir de fûts des années 30. C’est une merveille.

Quand ma femme m’a appelé vers 20h20 pour venir aux nouvelles, par malice je lui ai dit : « nous sommes encore en train de déjeuner ». J’ai rectifié ensuite bien sûr.

Ce repas, cette dégustation inopinée et ce rhum ont fait de cette journée une journée mémorable. Il est temps de baisser le rideau pour profiter de l’été dans ma thébaïde du sud.

251ème repas de wine-dinners au restaurant Le Sergent Recruteur dimanche, 20 juin 2021

Il y a trois jours, j’avais livré les vins du 251ème repas de wine-dinners au restaurant Le Sergent Recruteur, ce qui m’avait permis de renouer avec la cuisine d’Alain Pégouret, le chef avec lequel j’ai fait le plus grand nombre de mes dîners, car il était le chef du restaurant Laurent. De bon matin, vers 8 heures, j’ouvre dans ma cave neuf millésimes consécutifs du Château Corbin-Michotte, Saint-Emilion, de 2010 à 2018, car j’ai prévu pour les convives du déjeuner de faire ensuite avec moi la dégustation verticale de ce vin. Mes convives ne sont pas prévenus.

J’arrive ensuite vers 9h30 au Sergent Recruteur pour ouvrir les vins du déjeuner. Le Corton Grèves 1919 a été certainement reconditionné puisque l’étiquette porte « appellation contrôlée » mention qui n’existait pas à cette époque. Je pensais à un rebouchage du domaine Louis Latour dans les années soixante, mais le bouchon est venu en tellement de morceaux que le rebouchage est sans doute plus ancien. Le plus beau des bouchons est celui du Rota 1858, tout petit, d’un liège exceptionnel, la bouteille n’ayant rien perdu de son volume en 163 ans. Tous les parfums sont parfaits les plus beaux étant celui du Rota 1858, du Bâtard-Montrachet 1990 et du Porto 1872. Je fais sentir les vins à Norman le sommelier et à Benjamin chef de salle. J’ai apporté en cuisine le Rota 1858 et le Porto 1872 afin que le chef et son équipe voient comment orienter les sauces et les saveurs en fonction de ce qu’ils sentent.

Il se trouve que j’ai vécu deux ans dans l’île Saint-Louis, aussi, les ouvertures faites, j’ai flâné dans l’ile et j’ai pris une bière sur la terrasse d’un café en ayant Notre-Dame en face de moi. L’esprit « Ile Saint-Louis » est revenu me charmer. Un moment de grand bonheur.

Nous sommes six à déjeuner dont seulement cinq buveurs. Un seul est nouveau dans ce repas. Le menu mis au point il y a trois jours et créé par le chef Alain Pégouret est : rillettes de maquereau sur toast et bâtonnet de comté / tourteau en gelée de homard / turbot cuit à la nacre / homard rôti, sauce des sucs à peine caramélisés, panisse / bouillon de poule / volaille culoiselle rôtie à l’ail noir / pigeon rôti, jus de pigeon / la cerise gourmande, chantilly à la fleur de sakura.

J’avais ouvert les champagnes une heure trente avant le service et le 1973 m’avait offert un joli pschitt alors que le 1961, du fait d’un bouchon trop recroquevillé était resté muet. Le Champagne Dom Pérignon 1973 est dans un beau stade de son évolution. Il est expressif, suggérant plus qu’il n’affirme, avec de jolies subtilités. Les toasts aux rillettes excitent délicieusement ce champagne raffiné.

Le Champagne ‘Perfection’ Jacquesson 1961 est beaucoup plus marqué par l’âge. Il faut s’acclimater à ses goûts tertiaires et alors le miracle se produit grâce à la gelée du tourteau qui donne un coup de jeune au champagne qui devient délicieux. C’est, je crois, le plus bel accord du repas, Alain Pégouret étant depuis toujours le prince des tourteaux.

Le Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990 a un nez irréel. D’une puissance incroyable, celle des grands Bâtards. Le turbot est cuit à la perfection et la pomme de terre comme la sauce forte auraient dû être mis en sourdine pour laisser la place à l’accord divin de la chair du poisson avec le vin puissant riche, au fruit généreux.

Le Rota vin d’Espagne 1858 est une apparition divine. Vif comme un madère, chaleureux comme un de mes vins de Chypre de 1845, ce vin est l’expression du bonheur absolu. Tout est en charme, mais un charme conquérant. Avec le homard, nous vivons une extase d’autant qu’il est copieux.

Après ce moment de grâce absolue, il fallait que le palais se repose. C’est Alexandre de Lur Saluces qui m’avait dit que lorsqu’un liquoreux apparaît en cours de repas, il faut boire une tasse de bouillon de poule et le palais est prêt à affronter les rouges. Ce fut fort judicieux et c’est ce que nous avons fait.

Le Château Branaire Saint-Julien 1947 est remarquable. Son nez est subtil et raffiné, sa bouche est pleine de charbon et de truffe laissant une belle empreinte avec un finale précis. La volaille a une mâche d’une douceur infinie qui convient au vin.

Le Corton Grèves Louis Latour 1919 est certainement la plus grosse surprise pour tout le monde. Comment un vin de cent deux ans peut-il avoir une telle prestance ? Il est vif, précis, charmeur et délicieusement bourguignon avec une belle râpe que j’aime dans le finale. Le pigeon est délicieux et l’accord, classique, se trouve idéalement. Ce vin est une vraie synthèse de l’esprit bourguignon.

Lorsque nous avions bâti le menu il y a trois jours, Alain Pégouret avait suggéré que nous utilisions son dessert à la cerise, ce qui me paraissait logique. A l’ouverture, le Nectar Do Douro J.A. Simoés 1872 sentait la cerise ce qui a réjoui l’équipe de cuisine. Le Porto servi dans les verres est clairet, d’un rose pâle, ce qu’on ne pouvait soupçonner car la bouteille est opaque. Il s’agit donc d’un porto blanc d’une douceur exaltante. Quel raffinement. Les cerises se marient avec le vin dont l’alcool est plus sensible que celui du Rota 1858, et la chantilly est plutôt une gêne pour l’accord. C’est sur la cerise pure que le vin de 149 ans s’épanouit.

Il est temps de voter. Nous sommes cinq à voter pour nos cinq préférés de sept vins. Trois vins ont été nommés premiers, le Rota 1858 trois fois, le Dom Pérignon 1973 une fois et le Corton 1919 une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Rota vin d’Espagne 1858, 2 – Corton Grèves Louis Latour 1919, 3 – Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990, 4 – Champagne Jacquesson « Perfection » 1961, 5 – Champagne Dom Pérignon 1973, 6 – Nectar Do Douro J.A. Simoés Figueira 1872.

Mon vote est : 1 – Rota vin d’Espagne 1858, 2 – Corton Grèves Louis Latour 1919, 3 – Nectar Do Douro J.A. Simoés Figueira 1872, 4 – Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990, 5 – Champagne Jacquesson « Perfection » 1961.

La suite du programme se fera dans ma cave. Le repas a été particulièrement brillant par la qualité des produits, des cuissons et des sauces et les vins ont été tous dans un état d’absolue perfection.

Après l’ouverture matinale des vins j’ai arpenté l’île Saint-Louis où j’ai vécu de 1965 à 1967. Période divine

dîner du 210618 SERGENT RECRUTEUR 251ème

Déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur mercredi, 16 juin 2021

Le 251ème repas, le dernier avant les vacances, était prévu sous forme d’un déjeuner dans ma cave. Mais les restaurants sont de nouveau ouverts et ne sont plus disponibles pour réaliser des repas privés. Les vins qui sont prévus méritent autre chose qu’une dinette aussi est-ce l’occasion de reprendre contact avec Alain Pégouret, le chef qui a fait la cuisine pour le plus grand nombre de mes dîners. C’était au restaurant Laurent. Il officie maintenant « chez lui » au restaurant Le Sergent Recruteur. Je vais apporter les vins du futur déjeuner et j’en profite pour inviter des personnes avec lesquelles j’envisage des événements pour le deuxième semestre 2021. Nous sommes quatre.

Alain Pégouret est tout souriant et nous allons voir dans sa façon de cuisiner à quel point il est heureux chez lui. Sur ma suggestion nous prenons tous le menu dégustation qui est ainsi rédigé : amuse-bouche / mise en bouche / truite irisée au goût légèrement fumé, crème fouettée au sirop d’érable, marmelade citron, cardamome et condiments / girolles juste saisies, lasagne et jaune d’œuf à peine coulant, relevé par une écume poulette Yuzu et craquelin / volaille Culoiselle rôtie à l’ail noir sous la peau, celtuces et bimis, fleurette d’herbes fortes et thé matcha / cerises gourmandes sur un biscuit moelleux, au pain d’épices, chantilly à la fleur de Sakura, glace au lait d’amande.

Le premier champagne est un Champagne l’Ame de la Terre Françoise Bedel 2002. Pour un champagne de femme, je le trouve sacrément musclé et incisif. C’est le pinot noir qui lui donne un côté cinglant. J’adore ce champagne sans concession et très gastronomique. Avec l’amuse-bouche où trône une moule sur une délicieuse salade crémée, le champagne fait des merveilles. Il a besoin de mets pour s’exprimer.

Le Champagne La Colline Inspirée Blanc de Blancs Jacques Lassaigne sans année est l’opposé du précédent, tout en charme et douceur. Heureusement les champagnes ont été servis dans cet ordre. La truite est divine et le vin brille. C’est un plat osé qui explore des saveurs abruptes et on sent à quel point le chef est libre. Les girolles s’accordent aussi mais pourquoi ne pas essayer aussi le Bandol Cabassaou Domaine Tempier 2006 ? Ce vin est une merveille d’équilibre, carré, droit et persuasif. Quel vin agréable. La volaille est divine. Nous sommes d’accord autour de la table de penser que ce restaurant doit avoir au plus vite deux étoiles. Le chef paraît tellement à son aise et heureux qu’il ose des saveurs passionnantes.

Il y a à notre table un chocolatier célèbre et un des objets du déjeuner est de voir comment nous pourrions faire des événements autour du chocolat et de vins antiques. Aussi ai-je apporté une bouteille entamée depuis des mois, un Tokaji des années 1860 et daté postérieurement avec Christie’s comme étant autour de 1840. Dans les mignardises il y a des palets au chocolat ce qui nous permet de vérifier que le doucereux si complexe de ce Tokaji est un bonheur sur du chocolat.

Je suis ravi d’avoir retrouvé Alain Pégouret dans ce restaurant. Il est heureux, il fait une cuisine de haute qualité. Nous avons bâti le menu du 251ème repas. Je pense que ce sera une réussite.

Dîner chez mon ami Tomo samedi, 12 juin 2021

Mon ami Tomo m’invite à dîner chez lui et me demande d’apporter une bouteille. Il m’indique que nous serons six. Il me semble difficile d’apporter un vin rouge car il faudrait que j’arrive quatre heures avant le dîner pour que le vin profite de l’oxygénation lente. Il n’est pas question que je vienne déranger Tomo et sa famille si tôt. Un vin blanc supportera mieux une ouverture tardive et je jette mon dévolu sur un Corton Blanc Les Fils de C. Jacqueminot Propriétaires-Négociants à Savigny-lès-Beaune 1919. Le vin a peu perdu de son volume et montre un couleur qui m’inspire. C’est la raison de mon choix.

Lorsque j’arrive chez Tomo, sa fille au violon et sa femme à la flûte préparent une prestation musicale qu’elles devront faire le lendemain. En cuisine Teshi, le chef propriétaire du restaurant Pages s’affaire avec celui qui doit devenir le chef du restaurant de Teshi au Japon et avec une jeune pâtissière. Voir travailler Teshi en cuisine est un bonheur, tant ses gestes et son application sont exemplaires.

Tomo nous sert un Champagne Dom Pérignon 2008 extrêmement confortable et brillant, qui n’a peut-être plus la vivacité de ses premiers jours, mais a gagné en solidité. Un indice qui ne trompe pas : Tomo a dû en ouvrir une deuxième pour satisfaire nos soifs.

Il y a autour de la table Tomo et son épouse qui, comme la mienne, ne boit pas, un fidèle de mes dîners, la femme de Teshi et une amie américaine de Tomo vivant à Paris et en Californie.

Teshi a réalisé une multitude de plats assez incroyable sur la base d’une cuisine japonaise pure alors que dans son restaurant, c’est une cuisine française avec des inspirations japonaises. Tout n’est pas forcément adapté aux vins, mais peu importe, nous nous régalons. Voici le programme incroyable : caviar (osciètre impérial) ricotta, nouille vermicelle à l’huile de sésame / Ceviche de coque à la livèche et sa soupe / sashimi de daurade et sériole, wasabi frais d’Azumino / tartare de bœuf de Normandie, tomate, burrata et basilic thaï / ravioles de homard breton, soupe de coco aux herbes / thon, sauce ravigote au yuzu gosyou / salade de mortadelle / aile de poulet Mirinboshi / canard mariné au riz fermenté, sauce au foie gras et sésame, figue / sushi (wagyu, daurade, sériole, saumon) / Tonkotsu ramen (nouilles japonaises au porc) / fraisier.

Le Champagne Dom Pérignon 1995 a un fort nez de bouchon qui s’estompe progressivement en bouche, grâce au mets tels que des coques délicieuses, mais Tomo préfère ouvrir un Champagne Perrier-Jouët Cuvée Belle Epoque 2012, le même que nous avions découvert, Tomo, l’ami et moi à la maison Belle Epoque à Epernay. Je trouve ce 2012 nettement meilleur que celui bu à l’endroit où il a été fait et notre ami suggère une explication : ce 2012 est servi un peu plus chaud que celui que nous avions bu. Ce champagne est magistral et gastronomique.

Le Corton Blanc Les Fils de C. Jacqueminot Propriétaires-Négociants à Savigny-lès-Beaune 1919 a une couleur encore assez claire et un nez très expressif et ciselé. En bouche c’est un réel plaisir car on ne ressent aucun effet des 102 ans de ce vin. Il s’adapte à merveille aux poissons crus comme la sériole délicieuse.

Tomo sert presque en même temps un Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 1935. La couleur est sombre et terreuse, et le vin est un peu trouble, mais cela ne nous émeut pas car les poissons vont corriger tout ce qui pourrait nous rebuter. Le vin est nettement moins brillant que le 1935 que j’avais bu chez Jean-Charles de la Morinière l’ancien propriétaire de Bonneau du Martray. Nous nous régalons de ces deux blancs.

L’ami a apporté un Richebourg Domaine de La Romanée Conti 2017. Je venais de le boire il y a peut-être une semaine lors de la présentation des 2017 par Aubert de Villaine. Et le Richebourg m’avait fait une forte impression. Celui-ci est du bonheur pur car il a la folle énergie d’un vin qui éclot. Quel plaisir que de boire un tel vin. On sait qu’il va bientôt se refermer un peu pour devenir éblouissant quelques années plus tard, mais là, sur l’instant c’est un bonheur absolu de fraîcheur, de spontanéité et d’innocence. Un vrai bonheur. Sa couleur est rose violet clair.

Tomo sert alors La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1958 d’un beau niveau. Le nez est d’une rare délicatesse et je sens des suggestions de sel, si sensibles dans les vins du Domaine. En bouche, le vin est large et structuré. Il n’est pas puissant mais solide. Et sur cette charpente sont accrochées de belles subtilités. C’est un vin de grâce, plein, de belle maturité. Un grand moment d’élégance.

Le Château Montrose 1898 est d’une très belle année. Sa couleur est intense, son nez précis, et en bouche il est serein, accompli, sans signe d’âge tant il est cohérent. Je me souviens d’un Lafite 1898 que j’avais classé second au 200ème dîner, comme l’ensemble de la table, et qui était transcendantal. Le Montrose n’est pas à ce niveau mais se comporte remarquablement.

Pour le fraisier Tomo sert un Champagne Billecart-Salmon Brut Rosé 1976 de très belle couleur. Très racé il aurait mérité sans doute un autre plat que le fraisier pour exciter ses qualités.

Le plus impressionnant pour moi est la cuisine spectaculaire de Teshi. Ensuite, les vins rassemblés se sont montrés brillants. Le plus grand est La Tâche 1958 que nous avons tous placés en tête. Ensuite, nos avis divergent. J’ai mis en second le Corton Blanc 1919 d’un bel équilibre, puis le Richebourg 2017 à la jeunesse éblouissante, le champagne rosé 1976 et le Montrose 1898.

Dans une ambiance amicale, ce fut un repas magistral.

le chef Teshi aux fourneaux

Cheval Blanc Paris et Guy Savoy samedi, 12 juin 2021

Ayant prévu avant le confinement de faire un grand dîner au restaurant Le Cheval Blanc Paris, je voyais au fil du temps et de la pandémie les dates d’ouverture se décaler et se retarder encore. Enfin les travaux de l’hôtel de la Samaritaine sont terminés et j’ai été invité à venir visiter les lieux. Interdiction m’a été signifiée de prendre des photos, car le calendrier de communication est strict. J’ai pu voir les lieux où les décorateurs, gratifiés de budgets sans limite ont pu laisser libre court à une imagination débordante. C’est très impressionnant et le lieu est mythique, promettant des dîners somptueux à faire avec la complicité d’Arnaud Donckele le chef si talentueux du Cheval Blanc Saint-Tropez, qui supervisera la cuisine des deux lieux et sans doute d’autres.

La chance tombe parfois du ciel ou plutôt du téléphone si l’on veut. Un ami de mes dîners m’appelle le matin de ma visite à la Samaritaine et me dit qu’il a réservé une table au restaurant Guy Savoy pour ce midi et que son invité lui a fait faux bond. Serais-je prêt à le remplacer ? De la Samaritaine à l’hôtel de la Monnaie, il y a trois cents mètres à pied. Je dis oui. Ayant l’académie des vins anciens le soir même, je mangerai léger et boirai peu.

Sylvain, le sympathique sommelier du lieu nous suggère un Cornas Les Ruchets Jean-Luc Colombo 2001 que je trouve délicat, précis et fort élégant. L’amuse-bouche où du caviar voisine avec des petits pois est d’un raffinement extrême. Le petit pois est totalement sublimé par le talent incroyable de Guy Savoy.

Vient ensuite une création quasi irréelle. Arriver à offrir des subtilités aussi extrêmes sur une base de tomate, je ne vois personne qui pourrait le faire à ce niveau exceptionnel.

Le paleron maturé et basse-côte persillée de Wagyu en « bœuf-aubergines » et le saladier est un plat délicieux qui n’a pas le génie inventif du plat à la tomate. J’ai à peine picoré dans le chariot des desserts car mon regard s’est porté sur un clafoutis magique, me rappelant les merveilleux clafoutis d’une de mes grands-mères.

Guy Savoy rayonnait, si heureux de retrouver cette atmosphère unique de gastronomes gourmands célébrant son talent. Le hasard a bien fait les choses.

Déjeuner au restaurant Chez Monsieur samedi, 12 juin 2021

Le 9 juin 2021 est une date historique pour la restauration : les restaurants peuvent enfin accueillir des clients dans leurs salles. Ma sœur a eu une anticipation de génie, puisqu’elle avait retenu une table au restaurant Chez Monsieur. L’atmosphère de brasserie est très plaisante, le personnel se montrant très compétent. La carte des vins est intelligente et comporte quelques belles pioches possibles.

Nous commençons par un Champagne Egly-Ouriet Grand Cru sans année qui comporte 70% de pinot noir. Viril, fonceur, c’est un champagne de forte personnalité que ma sœur apprécie.

Le Châteauneuf-du-Pape Vieux Télégraphe blanc 2016 est joyeux, au fruit large et ensoleillé de très belle personnalité. Sur un œuf parfait bio, asperges vertes, chorizo, bellota et oignons frits, plat très bien dosé, le vin du Rhône se montre très pertinent.

J’ai personnellement choisi une aile de raie à la grenobloise et des jeunes pousses d’épinard, ce qui normalement ne va pas avec un vin rouge mais la tentation était trop grande de boire un Nuits-Saint-Georges Clos de la Maréchale Jacques Frédéric Mugnier 2015 petite merveille de délicatesse, vin particulièrement élégant. Autant les deux plats m’ont convaincu, autant le clafoutis qui n’a de clafoutis que le nom ne m’a pas convaincu.

Je recommande vivement cette aimable brasserie aux grandes qualités.