Par un de ces hasards qui jalonnent la vie, je dîne au restaurant le Sergent Recruteur avec le propriétaire de Château Climens, Jérôme Moitry, juste après avoir déjeuné avec le président du Château d’Yquem, Pierre Lurton. J’avais rencontré Jérôme Moitry au Grand Tasting de novembre 2024 et il savait que mon amour pour les vins anciens avait été propulsé par le choc physique créé par un Climens 1923 bu à l’aveugle vers 1975. Nous nous étions promis de nous revoir.
Pour accompagner notre dîner j’ai apporté deux vins que j’ai ouverts une heure avant l’arrivée de Jérôme Moitry.
Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1964 a un beau bouchon indiquant un vieillissement dans de bonnes conditions. La couleur du champagne est d’un or léger. La bulle est quasiment inexistante mais le pétillant est bien là. Le champagne est rond et chaleureux, de belle longueur. Avec les traditionnelles rillettes, le 1964 est glorieux et gourmand.
Le menu que nous choisissons est : mousseline d’œuf et truffe noire, comme une meurette, sauce Périgueux / noix de ris de veau dorée aux noisettes, purée de châtaignes torréfiées, céleri grillé à la ‘bourgeoise’, chanterelles en vinaigrette, jus corsé.
Avant le premier plat nous avons eu une entrée surprise très crémée, qui se mariait idéalement avec le champagne.
L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1984 qui avait un niveau idéal avait offert à l’ouverture un parfum très engageant. La première gorgée est édifiante. On comprend que l’on est en face d’un vin de très haute qualité. Ce vin est riche, d’un équilibre parfait avec une amertume idéale. C’est un « la Chapelle » proche de l’idéal, percutant et fort. Un immense vin d’une année qui n’est pas retenue parmi les plus grandes.
Comme l’entrée était une mousseline d’œuf avec de la truffe noire, il était opportun de servir le Château Climens Barsac 1953 apporté par Jérôme Moitry, que j’ai ouvert à son arrivée. Il est intéressant de noter que Jérôme a eu un accueil restrictif pour son vin, le jugeant fatigué et imprécis, alors que je lui disais qu’il est parfait, un léger défaut étant à oublier, ce qui fut très vite fait.
Le Climens 1953 a une couleur d’or orangé très proche de celle de l’Yquem 1945 bu au déjeuner. Le vin est subtil et délicat, plus féminin que ce qu’est Yquem et qui nous a enchantés tout au long du repas, car il était possible de passer d’un vin à l’autre en prenant la précaution d’une bouchée du plat avant de boire un autre vin.
Nous avons longuement parlé de l’avenir des sauternes, de l’évolution des goûts et de la compréhension des vins anciens par les amateurs de vins. J’ai bu ce Climens 1953 avec beaucoup d’émotion car c’est un vin subtil que j’apprécie particulièrement.
Mon classement est : l’Hermitage 1984 du fait de sa structure parfaite, Climens 1953 pour son émotion et Moët 1964 d’une grande solidité et cohérence.
Boire Yquem 1945 et Climens 1953, de mes deux liquoreux préférés, cela fait une belle journée.