L’ Institut du Quai Conti a une façade en forme d’arc dont le Pont des Arts serait la flèche, la science tendant ses bras à l’amour. C’est en traversant la petite cour pavée que l’on pénètre dans ce temple de l’excellence française. Après avoir montré patte blanche, on traverse une cour carrée, elle-même pavée, de toute beauté. Il faut gravir les marches de deux étages d’un escalier à deux montées symétriques pour accéder à la Grande Salle de Séances. Et là, on reste sans voix. De magnifiques sculptures très expressives représentent nos hommes illustres : Corneille, Racine, Molière, La Fontaine voisinent avec des dizaines de savants dont Monge, qui a créé l’Ecole Polytechnique, attire particulièrement mon regard. On sent dans cette salle que tout le pouvoir imaginatif, inventif et créatif français a bouillonné, phosphoré, inventé, pour la plus grande gloire de notre pays.
C’est saisissant. Alors que dans ma jeunesse estudiantine j’étais un fidèle de la bibliothèque Mazarine, dont l’atmosphère de recueillement permettait de mieux réviser les concours, c’est la première fois que je visite cet endroit qui jouxte la si belle bibliothèque.
La Fondation Européenne pour le Patrimoine Alimentaire est une émanation de l’Institut de France. Elle remet son cinquième prix annuel, le Prix François Rabelais, qui couronne une personnalité pour l’ensemble de son œuvre en faveur des patrimoines culturels alimentaires. Le récipiendaire est Aubert de Villaine.
Les discours sont prononcés par Gabriel de Broglie, chancelier de l’Institut de France, qui bien évidemment crée le lien entre le Quai Conti et la Romanée Conti, Jean Pierre Corbeau Président de l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation IEHCA, Jean-Robert Pitte, Président de la Fondation européenne pour le patrimoine alimentaire et Philippe Gombert, président international de Relais & Châteaux qui est sponsor de la fondation. La culture des intervenants, leur humour et leur intelligence ont permis qu’à aucun moment leurs discours n’entraînent de lassitude, au contraire. Le poids des compliments assenés à Aubert de Villaine sur son œuvre à la tête de son vignoble et pour son rôle primordial pour le classement des Climats de Bourgogne au patrimoine immémorial mondial de l’Unesco aurait pu le faire vaciller, car il s’y ajoute la charge émotionnelle de cette salle prestigieuse.
Dans un discours très sobre Aubert de Villaine a répondu à ces adresses avec son humilité légendaire. Son discours fut applaudi pendant de longues minutes.
Un cocktail attendait les témoins de cette remise de prix, des vignerons qui ont travaillé à l’élaboration du dossier de l’Unesco, des restaurateurs dont Guy Savoy venu en voisin et le chef de l’Elysée, des hommes de presse et du vin et des amis d’Aubert et Pamela de Villaine. On servait au buffet les vins de Bouzeron. On m’a indiqué qu’il y avait aussi le Bâtard du Domaine de la Romanée Conti qui pouvait être bu mais je dois rejoindre l’Hôtel de Poulpry, maison des polytechniciens où se tient le dîner des anciens élèves de ma promotion. C’est toujours agréable de revoir les amis avec lesquels nous avons partagé certains des plus beaux souvenirs de notre jeunesse. Comment est-il possible que cette maison chargée d’histoire puisse proposer une nourriture et des plats d’un aussi faible niveau ? Sans savoir, j’ai choisi de ne pas boire de vin et j’ai l’intuition que j’ai bien fait. La partie culinaire fut bien triste mais fort heureusement, ce qui compte le plus, et de loin, c’est la chaleur de nos retrouvailles.