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Maury et chocolat à l’Institut Supérieur du Goût vendredi, 21 mai 2010

Chaque année, je fais une conférence devant les élèves de l’Institut Supérieur du Goût, école qui est dans la mouvance de la Fondation Cartier. Cette fois-ci, le directeur a élargi l’audience à des élèves de l’Institut Supérieur du Luxe, autre école du même groupe. La participation ayant été suscitée sous la forme du volontariat, une trentaine d’élèves assistent à ma présentation, avec une majorité de jeunes filles. Après l’exposé et les réponses aux questions, nous dégustons un Maury, les Vignerons de Maury 1947 et un Maury distribué par Terres du Sud 1937. Les quatre bouteilles apportées sont très récentes, car la mise en bouteille a été faite il y a moins de dix ans. Les élèves doivent se représenter la différence entre les deux Maury, et voir quelle est l’influence d’abord d’un chocolat noir, puis d’un chocolat au lait sur le goût de chacun des deux Maury.

Le Maury 1947 est plus noir, plus profond, de plus belle structure. Le Maury 1937 est plus marron, plus léger, et l’alcool est plus présent. On perçoit une nette différence entre les deux, le 1937 faisant notoirement plus vieux que le 1947. L’influence du chocolat noir est déterminante sur les deux Maury et beaucoup d’élèves sont surpris de la pertinence de l’association. C’est le 1937 qui réagit le mieux au chocolat noir, et il prend une dimension insoupçonnée par rapport à la première image qu’il avait donnée. Le 1937 profite nettement plus que le 1947 et devient beaucoup plus charmeur. Les élèves font des remarques très intéressantes.

Le chocolat au lait crée presque une opposition avec le 1947 et le 1937 est chatouillé mais reste indifférent. On voit donc nettement que pour les deux vins le chocolat au lait n’est pas un apport pertinent et que le chocolat noir est un rehausseur de goût, conduisant le 1937 à dépasser en plaisir le 1947 qui semblait de qualité supérieure. Les élèves étaient intéressés et motivés, et c’est toujours un grand plaisir pour moi de dialoguer avec des jeunes pleins d’avenir. Un groupe de sept s’est déjà formé, que je reverrai pour d’autres dégustations dans très peu de temps.

Michel Chasseuil signe son livre mardi, 18 mai 2010

Michel Chasseuil signe son livre au siège d’Artcurial, dans un immeuble magnifique au rond point des Champs-Élysées qui appartient à la famille Dassault avec laquelle Michel a été lié pendant une grande partie de sa carrière. L’éditeur est Jacques Glénat, grand collectionneur de vins, que j’ai connu lorsque Alexandre de Lur Saluces réunissait les amis d’Yquem. Jacques étant grand amateur de vins, nous sommes traités au Champagne Krug Grande Cuvée, qui se boit avec grand plaisir. Je reconnais beaucoup de personnes du monde du vin, dont Michel Chapoutier et Michel Bettane. J’achète le livre de Michel Chasseuil et je reconnais avec plaisir une de mes bouteilles, un Chypre 1845, que Michel Chasseuil, chasseur tenace de raretés, m’avait persuadé de lui céder contre un de ses vins de paille Bouvret 1893.

L’assistance est nombreuse et une collaboratrice charmante de Jacques m’indique que je suis invité au dîner qui va suivre au restaurant Laurent. Nous nous y retrouvons une dizaine, dont Jacques Glénat, son fils et deux de ses bras droits, Michel Chasseuil et son fils, Laurent Dassault, Michel Bettane, Michel Chapoutier et moi.. Le menu est excellent : saumon sauvage mi-cuit, macédoine de légumes en gelée citronnée / carré et selle d’agneau de lait des Pyrénées, petites poivrades farcies / Saint-nectaire / gaufrette fourrée à la crème de lait d’amandes et fraises des bois.

Le Krug Grande Cuvée continue de nous mettre en bouche. Le Meursault Hospices de Beaune Cuvée de Baherze de Lanlay Joseph Drouhin 1998 est très évolué. Et c’est amusant de voir cette docte assemblée rejeter à hauts cris ce vin trop évolué, alors qu’une heure après, le vin a retrouvé une sérénité agréable. Le Saint-Joseph blanc Les Granits Chapoutier 2006 me semble botrytisé et Michel me dit qu’il l’est à peine. En fait, c’est la Roussane qui donne une impression de fumé et de liqueur de dosage, qui confère à ce blanc jeune une forte densité. Ce vin assez atypique est trop jeune pour moi.

C’est avec L’Ermite Ermitage Chapoutier 2005 que je prends le plus de plaisir. Car ce vin frais, servi à température idéale, est d’une rare élégance. S’il faut boire des vins jeunes, alors, que ce soit celui-là. Le Château Mouton Rothschild 1994 a un nez discret. On sent qu’il a une belle charpente, mais après l’Ermitage, il lui est impossible de briller.

Pour faire échange avec mon vin de Chypre, Michel Chasseuil m’avait tellement dit que son Vin de Paille Bouvret 1893 écrasait les Yquem 1937 que j’avais fini par céder. Celui qui nous buvons est intéressant, évoquant la mangue, l’abricot, avec une grande faiblesse alcoolique et très peu de complexité que si je comprends l’intérêt de la curiosité, je ne comprends pas qu’on puisse comparer à Yquem qui a cent longueurs d’avance en termes de complexité. Le vin est toutefois charmant, doux, tendre, excitant car nul n’a de repères. Mais de là à le déifier, il y a de la marge.

Lors de la présentation à table Jacques Glénat qui avait placé Michel Chasseuil et moi côte à côte nous a présentés comme deux antipodes, celui qui conserve les vins et celui qui les boit. Mais lors de son court speech, Michel Chasseuil a indiqué qu’il avait l’intention de céder sa cave à une fondation qui chaque année ferait un repas d’anthologie, dont les bénéfices iraient à des œuvres d’utilité publique. Si c’est cela, et Michel Bettane m’a dit que l’homme irait jusqu’au bout, son acharnement à constituer une des plus belles caves au monde mérite le respect.

restaurant Laurent – photos mardi, 18 mai 2010

dîner en l’honneur de Michel Chasseuil organisé par Jacques Glénat

Champagne Krug Grande Cuvée

Hospices de Beaune Meursault Charmes 1998

Les Granits Saint-Joseph blanc Chapoutier 2006

L’Ermite Ermitage Chapoutier 2005

Vin de paille Bouvret 1893

les plats

rencontre artisanale avec un beau Moulinet 1976 jeudi, 22 avril 2010

Pour l’entretien de ma maison, nous utilisons très souvent les services d’un serrurier électricien qui a tout du titi parisien. Expert en argot, il a la gouaille d’un Michel Audiard. Un plaisir à entendre, car on se croit immergé dans le monde des Tontons Flingueurs. Il a travaillé toute la journée, se lave les mains et me lance : « eh, alors, le patron, y sort pas son pinard ? ». Je descends en cave et je prélève une bouteille de Château Moulinet Pomerol 1976. La bouteille est belle et le niveau est dans le goulot. Avec un tirebouchon limonadier le bouchon se brise aux trois quarts et j’extraie le reste avec ma mèche miracle. Le nez est particulièrement expressif, profond, riche en alcool.

Si l’on comprend que le plaisir d’un vin est influencé par ce qu’on en espère, force est de constater que je suis stupéfait. J’attendais un honnête pomerol et je trouve un vin plus que surprenant. Je ne pense pas que La Conseillante de cette année serait plus complet. Le vin est très pomerol, avec une astringence et un râpeux qui n’appartiennent qu’à cette appellation que j’adore. Le vin est riche, creuse en profondeur un sillon de richesse dans le palais, et son final est construit sur des bases de grand vin. Et le plaisir est plus grand parce que je n’attendais pas ce niveau.

Plus tard, quand le vin s’ouvre, il est plus amène mais moins surprenant. On peut alors chercher ce qui le distingue des plus grands, mais si l’on ne pinaille pas, je dois avouer qu’il m’a donné du bonheur. C’est un vin bien plein, riche et profond, à la longueur plaisante, dont la râpe rappelant la sécheresse de l’année m’a beaucoup plu.

Le Guide Michelin et Sarkozy vendredi, 26 mars 2010

Il y a une grande similitude entre ce qui arrive au guide Michelin et ce qui arrive à Nicolas Sarkozy.

Attention : mon blog n’a rien de politique. C’est donc un billet d’humeur.

Quand un président se présente comme étant le seul qui pense, le seul qui agit, le seul qui comprend les choses, disant pis que pendre de ses adjoints, ça passe lorsqu’il y a des résultats.

Lorsqu’une élection est une sanction, le modèle de l’omni-président tombe de lui-même.

Je n’ai jamais remis en cause le Michelin, car c’est une œuvre humaine qui n’a pas besoin de créer le buzz. Le Michelin est une institution, qui doit être crédible sur la durée.

Aujourd’hui les langues se délient, les approximations incompréhensibles du Michelin ne sont plus acceptées.

L’institution se lézarde, et si elle n’y prend pas garde, elle va mourir.

Voilà deux challenges intéressants :

un guide qui a tout pour être l’institution incontournable sur la planète et qui s’auto-détruit

un président qui avait tout pour réussir et qui est en train de détruire son image, lui tout seul.

L’un des deux est capable d’un sursaut.

Lequel ?

Les paris sont ouverts.

Le printemps samedi, 20 mars 2010

Ce matin, c’est le début du printemps. Un rayon de soleil illumine la pelouse encore lourde des déchets de l’hiver, branches et feuilles.

Un oiseau, est-ce une mésange, est-ce un moineau, je ne peux le dire, car le petit être bondissant tient dans son bec une branche et une feuille morte qui sont beaucoup plus grands que lui et qui le masquent à mon regard.

Comment passer sous les thuyas pour fabriquer son nid ? Il hésite, sautille et je sens qu’il ne lâchera pas sa prise.

Par quel miracle au printemps, alors que l’hiver sonnait l’arrêt complet de toute activité et de tout chant, les oiseaux reprennent-ils leurs chemins de bâtisseurs de nids ? Comment les oiseaux ont-ils su que les œufs qu’ils pondent doivent éclore loin des prédateurs, loin des accidents possibles qui briseraient la vie ?

Et on ne peut s’empêcher de penser à Dieu quand l’oiseau répond à un appel plus que millénaire : « dès que ça bourgeonne, tu bâtis ».

C’est le miracle du printemps et le miracle de la création.

L’acharnement de cet oiseau de porter cette branche encombrante sur un support stable à l’abri des regards a quelque chose de motivant.

Il semble me dire : « fais ce que tu dois ».

Conférence pour des ardennais mercredi, 3 mars 2010

Ma mère était ardennaise. Je la voyais compulser avec régularité la revue « l’Ardenne à Paris » qui lui donnait des nouvelles, souvent de disparition, de gens qu’elle avait connus.

Un jour le président de l’Ardenne à Paris me rencontre et me demande si je peux faire une conférence sur l’entreprise de ma famille, créée dans les Ardennes, que j’ai dirigée pendant 26 ans. Pensant surtout au plaisir que cela ferait à ma mère, je dis oui.

Entendre raconter l’histoire d’une entreprise quand on n’est pas du métier, cela peut rapidement lasser. Aussi ai-je l’idée de parler aussi de ma passion actuelle en faisant goûter à cette assemblée un ou deux vins anciens. Nous nous retrouvons une trentaine à la maison des associations, quai de Valmy. Les ardennais de Paris ne sont pas de prime jeunesse, mais c’est une bonne chose, car certains ont des souvenirs communs avec ce que je raconte.

Après l’exposé très écouté de l’histoire d’une entreprise ardennaise qui a ensuite largement débordé des limites du département, je fais goûter un Banyuls de coopérative de 1959 et un Maury La Coume du Roy 1925 sur des petits carrés de chocolat. L’écart d’âge entre les vins très différents montre à quel point les années arrondissent et harmonisent les saveurs. L’assemblée est conquise et pose force questions sur les deux sujets bien différents de mon exposé. Au moment où l’on me remercie une charmante jeune dame de 85 ans me dit : « si vous saviez comme je suis heureuse d’avoir bu un vin de mon année.

Si elle me regarde du ciel, ma mère doit être contente que j’aie fait parler une moitié de mon patrimoine génétique, mes racines ardennaises.

devinette vendredi, 5 février 2010

Sur cette photo, un panier percé et le symbole de la Percée du Vin Jaune

 

 

Il ne manque que Château Pavie. Pourquoi ?

 

Réponse en lisant la suite

 

 

 

…Parce que le Château Pavie appartient à Gérard Perse.

La Cave de Joséphine, le Vin sous l’Empire à Malmaison mardi, 2 février 2010

Au Château de la Malmaison se tient une exposition « La Cave de Joséphine, le Vin sous l’Empire à Malmaison ». Il y a quelques mois, j’avais prêté quelques bouteilles anciennes que les commissaires de l’exposition étaient venus choisir dans ma cave. Ils souhaitaient que je vienne voir mes bouteilles « en situation ». Lorsque Jean Berchon de Moët & Chandon m’envoie un mail annonçant qu’il organise un cocktail au château puisque sa maison de champagne sponsorise l’exposition, le prétexte est trouvé pour enfin aller voir cette exposition.

Les commissaires et le directeur sont tout sourire puisque l’exposition est un grand succès, au point qu’elle est prolongée de trois semaines, avant de devenir itinérante en plusieurs villes d’Europe. Nous sommes une petite trentaine et nous nous répartissons en deux groupes pour la visite, car les salles sont petites. Faire la visite avec Elizabeth Caude, commissaire de l’exposition, dont l’érudition est remarquable, est un pur bonheur. Tout ce qu’elle raconte, précise ou explique est absolument passionnant.

Je me suis amusé à la regarder décrire objet après objet et j’ai été conquis. Il y a en elle le même comportement que celui du vigneron qui a décidé de vous ouvrir des bouteilles interdites de mémoire, celles dont on ne parle jamais. Le vigneron vous dit : « ah, j’ai peut-être encore une bouteille que mon grand-père avait cachée. Elle est peut-être d’avant le siècle, il faut que je vérifie ». Il sait exactement de quelle année il s’agit, mais il vous lâche l’information comme s’il s’agissait d’un lourd secret. Elizabeth fait de même. Elle donne une indication comme on cède un interdit. Elle a la confidence gourmande. Les livres de cave, les notes de fournisseurs, les choix des verres, les secrets de la table, Elizabeth les distille comme un madré bouilleur de crus. Et l’on se sent dans la confidence.

Durant la visite, je reconnais mes bouteilles, cadavres qui m’aident dans ma cave à perpétuer le souvenir de moments où l’on frôle le divin. Les voir trouver une nouvelle vie dans le regard des visiteurs me procure un grand plaisir.

Mardi est un jour de fermeture aussi sommes-nous privilégiés. Je rencontre des personnes de Moët & Chandon que je connais. Le final de cet épisode est assez attendu puisque c’est du champagne Moët & Chandon en magnum qui est servi dans des flûtes au dessin bien banal en comparaison des merveilles cristallines qui mettaient en valeur les bulles pétillantes de la table de Joséphine.

Il y a dans les musées nationaux un enthousiasme et une richesse culturelle qui sont réjouissants.

Quatre de mes bouteilles dans une vitrine « vins de la Méditerranée et vins étrangers »

Une de mes bouteilles dans une vitrine d’objets insolites avec ce broc d’eau napoléonien !