Nicolas de Rabaudy signe son livre « Nos fabuleuses années Paris Match » à l’hôtel Intercontinental. Je vais féliciter ce fidèle ami qui a toujours eu une gentille attention pour mon livre et m’a donné d’agréables coups de pouce. M’étant trompé sur l’heure, je vais au bar fort cosy et je déguste deux whiskies. Un Oban 14 ans d’âge est la perfection et l’équilibre du whisky. Un Talisker se boit plus difficilement ensuite, tant sa tourbe est marquée. C’est la pluie ambiante qui me mettait d’une humeur écossaise. Dans un joli salon, Nicolas signe et signe à tour de bras, n’omettant pas de personnaliser ses dédicaces avec finesse. Un petit discours bien troussé, des victuailles fort courtoises, et des amis de la presse qui vont parler de ce témoignage. Un champagne Jacquart est offert à notre assemblée, présenté par un membre de cette grande structure, et un Château Clarke 1990 est absolument délicieux, d’une joyeuse maturité. En rentrant, j’ai commencé à dévorer ce livre bien écrit, au style aérien, avec du contenu mais un recul mûri qui est gage d’objectivité. Voilà un livre à lire, qui remonte agréablement et avec style les pendules de naguère, qui tintent encore à nos oreilles émues de ce « bon vieux temps ».
Résultats d’une vente.
Une énorme cave a été vendue à New York par Acker Merral, dont John Kapon est l’animateur.
Voici les résultats les plus spectaculaires cités par un contributeur sur le forum de Robert Parker :
The top 20 grossing lots were as follows:
12 bottle 1945 Chateau Mouton Rothschild Pauillac $133,100.00
1 Methuselah 1999 Romanee Conti Domaine de la Romanee Conti $127,050.00
12 bottle 1962 Chambertin A. Rousseau $108,900.00
12 bottle 1961 Chateau Latour a Pomerol Pomerol $102,850.00
12 bottle 1961 Chateau Lafleur Pomerol $90,750.00
3 magnum 1971 Romanee Conti Domaine de la Romanee Conti $78,650.00
12 bottle 1928 Chateau Latour Pauillac $72,600.00
12 bottle 1978 Echezeaux H. Jayer $72,600.00
12 bottle 1982 Chateau Petrus Pomerol $66,550.00
12 bottle 1969 Chambertin Clos de Beze, A. Rousseau $66,550.00
6 magnum 1999 La Tache Domaine de la Romanee Conti $58,080.00
12 bottle 1971 Chambertin A. Rousseau $58,080.00
6 bottle 1990 Romanee Conti Domaine de la Romanee Conti $58,080.00
6 bottle 1990 Romanee Conti Domaine de la Romanee Conti $58,080.00
1 Jeroboam 1990 Romanee Conti Domaine de la Romanee Conti $58,080.00
1 Jeroboam 1962 Romanee Conti Domaine de la Romanee Conti $54,450.00
6 bottle 1978 Romanee Conti Domaine de la Romanee Conti $54,450.00
6 bottle 1993 Musigny G. Roumier $50,820.00
12 bottle 1999 Musigny G. Roumier $48,400.00
6 bottle 1962 Musigny G. Roumier $48,400.00
Le changement d’heure annonce six mois plus sombres.
Pour remonter à Paris, j’ai un billet d’avion. Mais c’est la grève. Je prends place dans un TER, sorte d’omnibus qui me conduit à Toulon. Dans le compartiment de première, les sièges sont presque propres, mais tous les accoudoirs ont été arrachés. Les espaces publicitaires ont été démontés, les parois taguées et les vitres rayées à la pointe de diamant. Dehors on peut voir les hangars, entrepôts et usines désaffectés par une désertification de l’emploi industriel. De tôt matin, on se demande si la France fait encore partie des pays développés.
A Paris, où le TGV me dépose à la minute près, c’est la grisaille. Vite, vite, que les sourires de mes enfants et petits-enfants chez qui je me précipite illuminent ce jour.
La circulation est comme la sauce d’un gigot : elle ne va pas tarder à se figer définitivement.
J’étais allé à la Villa Madie. Je ne suis pas encore allé au nouveau site d’Enrico. Un ami, membre de l’académie des vins anciens m’ayant envoyé son compte-rendu, je m’empresse de l’inclure dans ce blog. C’est le jugement de mon ami, fine fourchette. Je n’ai pas encore d’avis. Mais ce témoignage mérite d’être lu.
Bon dîner hier au restaurant IL VINO d’Enrico Bernardo, avec des plats à la belle couleur italienne. Même si certains manquaient parfois de justesse (un peu de trop de sel par ci, un peu trop cuit par là), le menu, découvert au fur et à mesure était bien inspiré : spaghetti aux palourdes, risotto aux cèpes, rouget barbet, comté 3 ans Bernard Antony, tarte à la figue glace amande. Enrico Bernardo n’était pas là, le restaurant était archi complet (2 services le soir), les serveurs et sommeliers très agréables mais un peu surchargés, ne laissant au départ que peu de place aux échanges sur les vins proposés et les accords choisis (menu aveugle 100 euros, sans savoir ni les vins ni les plats). On peut choisir de déguster dans des verres noirs, personnellement, mais je n’aime pas être privé de la lumière, même tamisée, qui ne fera que mettre en valeur les robes vertueuses de ces nectars. Je me suis fait avoir des le départ sur un meursault genévrières 1er cru 2005 Bouzereau qui pétrolait avec finesse et que j’avais situé en Loire (silex ?) ou en Alsace ! Il était en fait très proche d’un Coche Dury que je ne goûte malheureusement pas assez. Honte pour le bourguignon que je suis. Le barbera d’alba 2005 Pelissero était simple et son goût franc se glissait bien sous les cèpes ; le Pommard 1er cru Jarollières 2002, Boillot m’a déçu comme beaucoup de pommards lorsqu’ils n’ont pas de personnalité et ne s’exprime que sur une seule expression aromatique de fruit déjà trop cuit pour leur âge. Il n’allait pas avec les rougets. La pièce s’éclaircissant en fin de soirée, le sommelier italien nous a avec fierté sorti deux barolos extraordinaires, un Parusso 2001 tout en légèreté aux odeurs herbacées avec un final de réglisse, et un Rinaldi Brunate le Coste 2003 tout en puissance. Un Maury Pouderoux de l’ancien œnologue de Mas Amiel a accompagné une petite tarte à la figue, avec fruité et délicatesse. J’en ai gardé pour croquer l’excellent petit chocolat qui ponctuait avec gentillesse ce repas. Le mariage était alors parfait. Belle équipe. Le cadre est un peu froid, mais l’accueil chaleureux. Longue vie !
Si vous avez des témoignages sur des restaurants que j’aime, je publierai ceux qui me plairont.
Je chattais sur le web en regardant le film « Sideways ». Deux amis qui enterrent la vie de garçon de l’un d’eux visitent les vins californiens. Une belle serveuse de restaurant est attirée par le célibataire qui lui pose à un moment la question : « qu’aimez-vous dans le vin ? ». Elle se lance dans une réponse purement romantique où le travail du vigneron a sa place.
Pendant ce temps, sur le forum « la passion du vin », nous dissertions sur le concept de « lubrifiant social » joué par le vin, selon l’expression de Jean Clavel. Et je me suis demandé ce qui conférait au vin ce statut particulier où se mêlent le romantisme, la nostalgie, la bienveillance et la revendication sociale.
Et j’y vois trois raisons. La première, c’est qu’il fait partie de trois liquides nourriciers qui sont indissociables de notre vie, l’eau qui nous baptise, le lait qui crée un lien fusionnel avec la mère et le vin, antichambre des paradis artificiels. La seconde, c’est qu’il n’est pas périssable. Si le vin avait la courte vie du beaujolais nouveau, on l’oublierait assez vite. Alors que lorsqu’on déniche dans la cave un vin du grand-père, tout un monde de nostalgie, de souvenirs, assaille l’esprit. Lorsque j’ai bu un vin de 1780, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à l’avenir du monde. Je buvais un vin élaboré quand l’automobile, le train, l’électricité, le téléphone, l’avion, l’informatique n’étaient même pas envisageables. En deux siècles l’homme a transformé la planète mais aussi son mode de vie. On pense forcément à cela lorsque l’on absorbe le témoignage vivant des époques révolues. La troisième raison est que le vin fait partie à la fois des produits bon marché et des produits chers. L’argent barre l’accès aux plus rares d’entre eux ce qui conduit naturellement à projeter ses idées sociales.
De ces trois raisons, celle que je trouve la plus intéressante, c’est l’absence de péremption du vin qui permet de goûter des jalons de l’histoire, autorisant tous les romantismes. Ce n’est pas demain que le vin cessera d’être prétexte à discuter en société de la vie, de l’histoire et de rêver.
Si vous voulez voir ces deux complices en train de rire, allez ici
L’exposé de leurs travaux est assez spectaculaire.
Me trouvant dans le quartier de la Madeleine, je vais déjeuner seul au restaurant d’Alain Senderens. Seul, ça veut dire Chateldon. Les accords mets et vins supposent qu’on en partage les commentaires. Je laisserai quand même mon esprit vagabonder sur le vin que j’associerais à telle ou telle saveur. Comme c’est la saison des cèpes, la variation sur le thème du cèpe est un voyage des papilles. Et le spectre des vins possibles est immense. Cela va du Montrachet au Riesling, voire à une puissante Côte Rôtie pour l’ossue crème de cèpe. Le cabillaud est un poisson très goûteux. Sa chair m’enflamme et là aussi que de combinaisons envisageables si l’on varie les garnitures, car la ratatouille typée restreint le champ des possibles. Sagesse d’un côté, péché de l’autre, je finis par un mille-feuille à se damner. Alain Senderens a peuplé ma solitude en bavardant avec moi de gastronomie et de son monde. Sa formule connaît un succès spectaculaire. Ce qui prouve que le gourmet parisien a du talent. Car il a su plébisciter cette qualité incomparable d’un chef exemplaire heureux aujourd’hui de vivre son art avec sérénité.
Je suis invité à déjeuner au restaurant du Sénat par un sénateur. Les lambris sont dorés, les jardins sont ensoleillés. Tout en ce qui concerne la restauration ou la carte des vins indique que l’on joue « couleur de muraille ». Et les propos du sénateur sont du même moule. Une grande modestie, une déclaration de « petits moyens » semble destinée à faire oublier que l’on respire ici dans le plus grand luxe de la République. Nos élus doivent-ils s’excuser de faire partie de l’élite de la France quand le peuple les a choisis ? On retrouve dans ces murs splendides la crainte farouche de tout ce qui pourrait ressembler à de la réussite. Le sénateur a une intelligence politique, connaît les rouages du monde, et le déjeuner est peuplé de traits d’esprit. Je suis chargé de choisir le vin et je prends bien garde d’éviter le vin qui me plairait, car il est politiquement incorrect. Je choisis Château Poujeaux 2001 qui est déjà bien agréable. J’ai un faible pour ce château qui a réussi spectaculairement son 1928. La cave du Sénat, que j’ai le privilège de visiter, malgré l’évidente compétence du titulaire, ressemble plus à une bibliothèque de province qu’à la caverne qui devrait abreuver les princes de nos régions. Effet de l’époque sans doute.
Quittant Hiramatsu, je vais à l’Astrance pour réserver une table pour un dîner. Il semblerait que comme l’aimant, j’attire les coïncidences. Car à l’Astrance, je vois un couple d’américains pour qui j’avais fait un dîner de wine-dinners, qui devait être un moment important de leur voyage de noces. Et j’avais inclus Yquem 1967, de l’année de naissance de la jeune mariée. Nous nous embrassons, et je leur dis que je vais faire le lendemain un dîner à Ledoyen. Ils rient à gorge déployée en me disant : « nous allons donc nous revoir, car nous avons retenu une table pour demain soir à Ledoyen ». On défie les probabilités statistiques.