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185ème dîner de wine-dinners au restaurant de l’hôtel Le Bristol mercredi, 15 octobre 2014

Le 185ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant de l’hôtel Le Bristol. Les participants sont huit russes, deux allemands et un italien que j’ai accompagnés lors de leur visite de la Champagne, ainsi que la représentante de l’agence de voyage russe qui a organisé avec une agence française leur périple. Nous sommes treize, dont la charmante fille de dix ans du commanditaire de ces événements, ce qui fait douze buveurs. Tous mes convives participent pour la première fois à l’un de mes dîners.

La direction de l’hôtel nous a réservé le salon Castellane, ce si joli salon lambrissé de forme ovale qui servait naguère de restaurant d’hiver. L’espace, réservé pour nous seuls, est magnifique. Nathalie, Kenza, Richard sont en train de préparer la jolie table.

J’ouvre les vins. Les deux Haut-Brion blanc 1996 ont des nez généreux, le nez du magnum de Pétrus 1979 est superbe et prometteur. Le nez du magnum de Léoville Las Cazes 1926 évoque une serviette mouillée. C’est un parfum fadasse qui indique que très probablement le vin ne reviendra pas à la vie. Le Canon 1955 en magnum a un nez incertain qui ne me plait pas vraiment aussi est-ce raisonnable d’ouvrir le vin de réserve, un magnum de Gazin 1983 dont le nez truffé est aussi pomerol que le Pétrus. Le Chambertin magnum 1976 a un nez superbe, l’Hermitage 1990 en magnum a un nez encore réservé mais prometteur. Ma main est fatigué, car ouvrir des magnums, c’est plus de deux fois plus dur que d’ouvrir des bouteilles.

Vient maintenant l’instant majeur, celui d’ouvrir deux bouteilles mythiques d’Yquem 1893. J’ai acheté ces bouteilles lorsque j’ai eu la conviction profonde que les bouchons sont d’origine et les bouteilles authentiques. Lorsque l’on s’intéresse à des vins légendaires, les faux sont aujourd’hui une pollution terrible, qui oblige à redoubler de précautions. En l’occurrence, alors que l’on n’est jamais sûr, j’ai une confiance totale en ces deux bouteilles qui ont chacune un niveau mi-épaule, ce qui pour des bouteilles qui ont gardé le bouchon d’origine pendant 121 ans est de bon augure.

Le premier bouchon est recouvert de gras sur la moitié supérieure et le bas du bouchon est très sain. Classiquement le bouchon s’est brisé en deux dans le goulot mais remonte entier grâce à la mêche longue que j’utilise. Le parfum est envoûtant où je perçois du pamplemousse rose, de la mangue et des arômes de complexités infinies.

Lorsque je veux relever le deuxième bouchon, rien ne vient. J’ai beau tirer de toutes mes forces, je ne déchire que des miettes. Le bouchon viendra tout en miettes. C’est totalement étonnant car à travers le verre, le bas du bouchon est d’un beau liège bien sain. En déchiquetant ainsi le bouchon des miettes sont tombées dans le liquide et avec patience et le manche d’une cuiller, j’ai pu extirper la myriade de petits morceaux de bouchon. J’ai compris ce qui s’était passé en mettant mon doigt dans le goulot de la bouteille. Le haut du goulot a une surépaisseur, non seulement sur l’arête externe du goulot, mais aussi sur l’arête interne. Ce qui fait que le haut du goulot a une section deux fois plus petite que la section du bas du goulot. De ce fait, il était impossible que le bouchon sorte sans se déchirer.

Les parfums des Yquem des deux bouteilles sont très proches, majestueusement capiteux. Je sens que nous allons nous régaler.

J’attends sagement l’arrivée des convives après avoir donné au personnel qui sera attaché à notre dîner les consignes de service.

Tous les convives résidant à l’hôtel Bristol, il leur est assez facile d’être présents à l’heure dite. Après un court speech d’introduction à ce dîner, nous prenons l’apéritif debout.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1996 est toujours aussi rassurant. Champagne solide, classique, porteur de beaux fruits gourmands, c’est le partenaire idéal d’un apéritif tranquille.

Nous passons à table. Le menu conçu sous la responsabilité d’Eric Fréchon : langoustine royale juste raidie et caviar, servie froide, goût de céleri-branche et yuzu / poireau « d’Ile de France » cuit entier au grill, beurre aux algues, tartare d’huîtres « perle blanche », cébette et citron / rouget de roche et aubergine rôtis dans une fleur de courgette, jus de poivron jaune à l’huile d’argan / ris de veau braisé aux feuilles de tabac, purée de topinambour, jus au café réglisse / selle d’agneau rôti en croûte de nori, gnocchis aux herbes, purée de colrave / pigeon de Bresse laqué au miel épicé, compotée de fenouil au cumin, jus à la diable / mangue « Kent » a la plancha, meringue légère à la poudre de noisette torréfiée.

Le Champagne Cristal Roederer magnum 1977 montre une complexité beaucoup plus marquée que le champagne précédent. Mais les vocations des deux champagnes ne sont pas les mêmes. Ce champagne élégant joue sur les fruits roses, les suggestions délicates et une acidité bien orientée. C’est un moment de classe. Comme son année n’est pas opulente, il se place sur des registres de séduction raffinés. Qu’on n’attende pas de lui des messages tonitruants, car il récite des madrigaux charmants. J’aime beaucoup ce champagne car il fait apparaître ses caractéristiques sur un mode élégant. Les fruits sont frais. La langoustine est de petite taille, car il s’agit d’un amuse-bouche, mais ce sera le plus bel accord de la soirée, la fraîcheur du yuzu collant exactement à l’acidité du Cristal.

Le plat de poireau, plat signature d’Eric Fréchon d’une rare originalité accueille le Château Haut-Brion blanc 1996. Deux bouteilles sont servies, l’une de couleur très claire et l’autre de couleur plus ambrée. Le plus clair est fringant, joyeux, riche, alors que le plus ambré est plus engoncé, peu expansif. Comme nous ne sommes que douze, chacun pourra goûter le premier vin et oublier majoritairement le second. Le plus clair a un nez impérieux, une force de caractère extrême, et une richesse de fruits jaunes particulière. Il est noble, conquérant, et c’est le poireau qui s’associe le mieux avec le Haut-Brion, formant un accord plus intense que les excellentes huîtres.

Lors du projet de menu, j’avais demandé que le Pétrus Pomerol magnum 1979 soit accompagné d’un rouget. Puis j’ai eu l’envie de créer une confrontation sur le plat avec le Haut-Brion blanc. Mais faire une cohabitation entre blanc et rouge quand le Haut-Brion est si puissant, eût été un risque à ne pas prendre. Aussi le Pétrus sera-t-il seul sur le rouget. C’est sur des années comme 1979 que j’aime boire Pétrus, car c’est ainsi que l’on profite mieux des subtilités de ce grand vin. Il est profond et ce qui me frappe, c’est son velouté, sa trame très riche et un goût de truffe prononcé. Il est au sommet de son art. Avec la chair du rouget, j’ai toujours autant de plaisir. Il faut éviter la sauce qui dérange l’accord pur du rouget et de ce grand pomerol.

Sur le ris de veau nous aurons trois vins, trois magnums de bordeaux. Il n’y aura pas de match, car les deux premiers sont bien fatigués. Le Château Léoville Las Cases magnum 1926 que je bois en premier me frappe par un goût de bouchon qui n’existait pas à l’ouverture. Il faut dire que je suis servi des premières gouttes, qui lèchent le goulot plus que les autres et emportent avec elles dans mon verre d’éventuelles traces liégeuses. Malgré ce défaut, qui disparaît après quelque minutes, je sens un très joli fruit rose car le vin est très fruité, mais sur un message trop imprécis pour qu’on l’aime.

Le Château Canon magnum 1955 est un peu fatigué. Il a une légère trace torréfiée. Il va nettement s’améliorer avec le temps, mais notre intérêt sera ailleurs.

La place est donc occupée par le vin que j’ai rajouté, Château Gazin Pomerol magnum 1983 qui est un vin très franc, relativement peu exubérant, mais très convaincant par son message de pomerol très proche de celui du Pétrus. C’est une beau vin de distinction plus que de charme. Le jus de réglisse trop prononcé n’est pas l’ami du vin alors que la chair du ris de veau est d’une qualité extrême.

Le Chambertin Clos de Bèze Domaine Drouhin Laroze magnum 1976 est un vin admirable. C’est le chambertin à pleine maturité car il a un beau fruit, une mâche gourmande, et il est « encore jeune » malgré ses 38 ans. Il a la cohérence et l’équilibre de son âge. Le chef de groupe de mes convives adore ce vin d’une plénitude joyeuse et facile à comprendre. La croûte de nori, algue japonaise, sur la selle d’agneau, a joué un rôle de repoussoir. Heureusement la chair de la selle, superbe, a permis de jouir du vin.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné magnum 1990 est une icône. Pour ce vin si changeant selon les années, les maillons incontournables sont 1961, le plus grand vin rouge que j’aie bu, 1978 et 1990. Mais, si le vin est grand, je n’ai pas l’émotion au niveau que j’attendrais. Il faut dire que le miel épicé du pigeon n’aide pas beaucoup à faire briller le vin. Les convives ayant un rythme de consommation qui s’atténue, il est resté un bon quart de la bouteille que j’ai partagé le lendemain avec des amis et là, j’ai retrouvé l’excellence que j’attendais pour ce dîner. C’est un vin gourmand, puissant et élégant de beau fruits noirs et bruns, avec un équilibre parfait.

Le moment le plus important du dîner est maintenant. Ce sont deux bouteilles de Château d’Yquem 1893 qui avaient la particularité d’avoir des bouchons d’origine. Et cette particularité est fondamentale. Et ça se sent. Les deux vins sont à la fois deux frères jumeaux et deux vins différents. L’un est plus charpenté, solide, l’autre est plus subtil, en charme pur. Mon voisin allemand préfèrera le plus solide. Je préférerai celui au charme pur. Ce qui les rapproche, ce sont les saveurs et les arômes. Il y a du caramel, un peu de café, surtout du pamplemousse rose, et de la mangue, exacerbée avec pertinence par la mangue du dessert. Ces deux vins sont d’une pertinence absolue, d’une longueur infinie, d’une richesse incroyable et d’une mâche ample. Je jouis de ce vin qui est l’Yquem que je chéris le plus. J’ai écrit dans la revue Vigneron un article sur cet Yquem 1893 où je soutiens que c’est le plus emblématique de la représentation du goût historique d’Yquem. Et j’en ai la démonstration ce soir. Je dis « je », car autour de la table, je suis le seul qui ait le référentiel pour situer cet Yquem dans sa trajectoire historique. Mais le classement montrera que mes convives ont senti qu’ils approchaient un monument de l’élite du goût des liquoreux. L’un des convives l’a exprimé ainsi : « comment voulez-vous qu’ensuite, nous buvions de jeunes sauternes ? ». Je suis au nirvana et je reviens sans cesse à cet Yquem transcendantal.

Mes convives se prêtent de bon gré à l’exercice des votes. Le Château Gazin 1983 ne figurant pas sur les menus sera oublié dans les votes qui vont se concentrer sur sept vins, deux vins étant oubliés, dont le Léoville-Las-Cases 1926 ce qui est logique. Nous votons pour les quatre préférés. Cinq vins auront l’honneur d’être nommés premiers par les douze votants, l’Yquem 1893 sept fois ce qui est un score de république bananière, le Pétrus deux fois et trois autres vins une fois, le Cristal Roederer, le Chambertin et l’Hermitage La Chapelle.

Le classement du consensus serait : 1 – Château d’Yquem 1893, 2 – Pétrus Pomerol magnum 1979, 3 – Chambertin Clos de Bèze Domaine Drouhin Laroze magnum 1976, 4 – Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné magnum 1990, 5 – Champagne Cristal Roederer magnum 1977.

Mon classement est : 1 – Château d’Yquem 1893, 2 – Pétrus Pomerol magnum 1979, 3 – Chambertin Clos de Bèze Domaine Drouhin Laroze magnum 1976, 4 – Champagne Cristal Roederer magnum 1977.

Ayant conduit mes convives sur un long périple en Champagne, j’ai appris à les connaître et surtout celui qui finançait ses agapes. La sûreté de son jugement sur les vins m’a fait plaisir et a justifié tout ce que nous avons fait ensemble. Ayant été contrarié par des accords mis à mal par des sauces ou ingrédients envahissants, j’ai voulu offrir à Andrei que nous goûtions un alcool que j’avais apporté dans ma musette. Andrei a préféré rester sur le goût de l’Yquem, ce qui m’a conforté, une fois de plus, sur les qualités d’amateur de cet entrepreneur curieux du vin.

Le service du restaurant affecté à notre table a été extrêmement efficace et attentif à nos désirs. Ce 185ème dîner, illuminé par deux immenses Yquem 1893 restera un très grand souvenir.

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les deux Yquem 1893

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sur la photo qui suit, on voit qu’ayant enfoncé le tirebouchon, il est remonté en déchirant le bouchon sans le lever, car le goulot, rétréci en haut, empêche le bouchon de remonter. Le bouchon est ressorti en miettes

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le seul bouchon sorti presque entier

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Dîner au restaurant Le Parc de l’hôtel Les Crayères à Reims samedi, 11 octobre 2014

J’avais dîné la veille de mon côté à l’Assiette Champenoise. Au retour à l’hôtel, Andrei m’avait dit qu’il m’inviterait à me joindre à son groupe qui dîne ce soir au restaurant Le Parc de l’hôtel Les Crayères à Reims. Nous sommes douze, dont la si mignonne fille d’Andrei, de dix ans, qui dormira, la tête penchée sur l’accoudoir de son fauteuil, adouci par des couvertures, pendant la quasi-totalité du repas. C’est Andrei qui a fait le choix de presque tous les vins, avec une sûreté de connaisseur.

Le menu à douze mains est une originalité qui est servie pendant un mois. Il a été composé par six chefs. Leurs noms figurent devant leurs plats : Philippe Labbé, langoustines royales en habit vert, beurre de champagne au caviar osciètre impérial / Vincent Thierry, lasagne de homard breton, contrepoint de giroles et noix de ris de veau, mouillée d’une bisque légère / Philippe Mille (le chef des Crayères), blanquette de cèpes et truffes blanches, cuisses de grenouilles meunières / Alain Passard, turbot grillé, béarnaise au vin jaune, gratin dauphinois au céleri-rave / Gérard Boyer (ancien chef historique des Crayères), le feuilleté de pigeonneau au foie gras, émincé de choux, son jus au fumet de truffes / Philippe Mille, brie farci de fruits secs à la fève de tonka, pain de campagne aux sarments de vignes / Arthur Fèvre, soufflé chaud praliné fruité, crème glacée au café torréfié.

Nous commençons par le Champagne Billecart-Salmon magnum 1961, dégorgé très probablement dans les années 80, comme nous le déduirons de l’examen que j’ai fait avec le sommelier. La couleur est de miel. La bulle est extrêmement active. Le nez est superbe et élégant, amplifié par les superbes verres dessinés par Philippe Jamesse, le célèbre sommelier du restaurant, qui nous accompagnera ce soir dans un parcours riche de vins extrêmes.

Le vin a tout pour lui. Le fruit est puissant, suave, complexe et élégant. Ce vin est extraordinaire, jeune, noble, avec une arrière-bouche de liqueur de fruit et de miel. C’est un champagne exceptionnel qui est d’un niveau qualitatif hors du commun. Il pourrait figurer dans mon Panthéon.

Pendant ce temps, ma charmante voisine et son voisin sirotent un Cognac Cuvée Louis XIII, sans se soucier du choc que cet alcool aura sur les mets et les vins. J’ai eu l’occasion en fin de repas de demander à ma voisine de tremper mes lèvres dans son verre. Ce cognac aux eaux-de-vie centenaires est magique de concentration et de maturité.

Le vin suivant, dont nous boirons trois magnums, excusez du peu, est un Auxey-Duresses Les Clous, Domaine d’Auvenay, Lalou Bize-Leroy magnum 2006. Le nez est très riche, très prononcé, très intense et profond. La bouche est douce, suave, contrastant avec le nez. On sent du lait, de la crème, une matière onctueuse. Le final est salin, minéral. La douceur est surtout dans l’attaque. La précision est dans le final. C’est un vin éblouissant. Je ne le connaissais pas, et je suis très impressionné. Ça commence au nez comme la puissance d’un Coche-Dury et ça finit avec la grâce d’un Bonneau du Martray. Il ne passe pas en force mais convainc en douceur, avec un final incroyable. Je trouve ce vin absolument magnifique. Sur un homard exceptionnel et qui ne surjoue pas, il crée un accord de première grandeur. J’ai trouvé le ris de veau trop cuit et m’en ouvrant à Philippe, il m’a dit que c’est la volonté du chef qui a créé le plat du homard avec la volonté que le ris ait ce croquant. Question de goût.

Andrei me demande de trouver un vin pour le turbot, mais après ce blanc transcendantal, comment choisir un vin qui ne soit pas écrasé ? Alors, j’en choisis deux pour que nous puissions les comparer.

Le Riesling Clos Sainte-Hune Maison Trimbach 2003 est parfait avec la chair du turbot, alors que l’Hermitage domaine Jean-Louis Chave blanc 2006 est parfait avec le céleri. Pour Andrei, le riesling après l’Auxey-Duresses a du mal. Mais Andrei n’a pas de penchant pour les rieslings. Le Chave a une douceur sucrée. La douceur d’un céleri exceptionnel adoucit les deux vins. La mission que j’avais donnée à ces deux vins après le bourgogne était quasiment impossible alors que ces deux vins sont grands.

L’Ermitage Cuvée Cathelin domaine Jean-Louis Chave 2009 est de couleur noire. Le nez est riche. C’est une concoction de fruits rouges et noirs. C’est un jus élégant. Il crée un bel accord sur le pigeon emblématique. Il est très beau sur la truffe, simple dans son expression et complexe dans son énergie. Si jeune, le Cathelin ne montre pas vraiment sa singularité.

Je suis content qu’Andrei, après le repas, m’ait dit qu’il n’aurait pas dû commander les deux bouteilles de Cathelin, car le vin, trop jeune, ne s’exprimait pas comme il faut. On donne tellement aux russes l’image de rustres dépensant sans compter et sans savoir, que cette remarque conforte mon impression d’un homme généreux qui dépense car il peut, mais lucide et connaisseur. Quand on commande un magnum de Billecart-Salmon 1961, trois sublimes vins d’Auvenay et quand on regrette deux Cathelin trop jeunes, on ne peut pas être ce que dit la caricature.

J’ai voulu offrir un vin en fin de repas mais Andrei a refusé, pour retourner au plus vite à l’hôtel. Le repas que nous avons eu, ainsi que le service exceptionnel poussent à considérer que si les recettes provenaient d’un seul chef et non de six, ce repas donnerait, haut la main trois étoiles aux Crayères.

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dîner à l’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement samedi, 11 octobre 2014

Dans le programme que j’avais proposé à Andrei via les deux agences de voyage, l’agence française transmettant mes projets à l’agence russe qui transmet à Andrei, j’avais prévu un dîner à l’Assiette Champenoise dont le chef Arnault Lallement a été nommé chef de l’année par des guides de bonne renommée. Andrei avait répondu qu’il ne voulait pas avoir de programmes définis pour les dîners à l’exception de celui que nous avons eu le premier soir. Le fait qu’il veuille improviser et rester avec son groupe me paraît un choix naturel. Quand Andrei m’annonce que ce soir il dîner au restaurant L’Assiette Champenoise, une opportunité, une fenêtre de tir s’ouvre, que je ne veux pas rater. Je lui demande si je peux aller aussi à ce restaurant en utilisant son bus, sachant que je dînerai de mon côté, pour respecter son envie d’être avec ses amis. Il accepte. Je téléphone mais le restaurant est archiplein. Arnault Lallement me fait savoir que l’on trouvera toujours une solution pour moi.

Andrei et son groupe vont dîner à leur table réservée. Arnaud m’invite à venir dîner en cuisine. Il fait chaud, c’est une ruche où les ordres sont souvent criés, il y a du bruit, mais je suis heureux d’être au Saint des saints. Arnaud veut me faire goûter le plus grand nombre de choses et je goûterai sept plats! N’ayant ni menu, ni pris des notes tant le spectacle en cuisine est fascinant, voici des intitulés succincts : langoustine / sardine et multitude de tomates avec un jus de tomates / homard / caviar / Saint-pierre / veau / canard.

La cuisson de la langoustine est divine, les tomates sont gourmandes, le homard est de belle mâche, le caviar est intense, le poisson est parfait, les sauces et émulsions dosées à merveille. On est au niveau d’une cuisine idéale, précise, lisible et ingénieuse. Même si les conditions en cuisine ne sont pas idéales, chaleur et bruit, je me suis régalé de beaux plats et d’amitié.

Arnaud a choisi de me faire goûter des champagnes de domaines situés à moins de dix kilomètres de son restaurant. C’est original. Fatigué par la journée, je ne les ai pas analysés. Les voici : Champagne La Closerie Les Béguines extra brut Jérôme Prévost, Champagne L’accomplie Brut premier cru Frédéric Savart 80% pinot noir, 20% chardonnay, Champagne Les Murgiers Extra Brut Francis Boulard, Champagne Chartogne-Taillet brut 2008. Ce sont le premier et le troisième que j’ai préférés de ces champagnes bien faits et authentiques.

C’est avec une tisane que j’ai attendu la fin du dîner d’Andrei et ses amis pour revenir avec eux en car. La nuit allait être courte avant de nouvelles belles visites.

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Dîner au château de Fère en Tardenois avec un groupe de russes en visite en champagne samedi, 11 octobre 2014

Un voyagiste entreprenant, pour qui j’ai déjà organisé plusieurs wine-dinners dont le très original dîner au Yacht Club de Monaco, me demande d’organiser pour un groupe de russes l’un de mes dîners. Il me dit qu’Andrei, le leader du groupe est un grand connaisseur de vins et qu’il aimerait que j’organise trois jours de visites en champagne. Je n’ai jamais fait le guide chez des vignerons aussi l’idée d’une nouvelle expérience me paraît intéressante.

J’appelle des vignerons amis et en cours de route, je me rends compte que coordonner les agendas de vignerons qui sont en vendange et très occupés requiert des talents particuliers et une singulière patience. Comme en amont on m’indique qu’il s’agira de deux groupes dont les tailles varieront tous les deux ou trois jours, on comprendra aisément que je venais de mettre le doigt dans un engrenage qui ressemble à l’assemblage d’un Rubik’s Cube : il y a ceux qui savent faire et ceux qui ne savent pas.

En ce qui concerne le dîner final, la taille du groupe changera toutes les semaines, ce qui modifie la composition des vins du tout au tout. Dans le programme que je propose, j’ai prévu en fin de dîner deux bouteilles d’Yquem 1986 et comme en un match de tennis, un smash me revient à toute allure : « trop jeune ». Je propose alors trois millésimes dont un du 19ème siècle, ne pariant pas trop sur le plus ancien, mais c’est cette proposition qui est retenue.

Tout se met en place avec des changements quotidiens. Je constate que voyagiste, c’est un métier.

Le groupe loge à l’hôtel du Château de Fère, à Fère en Tardenois. On m’annonce qu’un dîner est prévu à l’hôtel et l’on me demande de choisir les vins du dîner avec Andrei, le commanditaire de l’ensemble des événements et Patrice, le sommelier.

Andrei vient me saluer et me montre ce qu’il a bu hier soir au Taillevent : Lafite 1934 et Haut-Brion 1911. Il a préféré le Haut-Brion. Nous bavardons en descendant en cave et je réalise qu’Andrei a une réelle connaissance des vins, ce qui facilitera le contact avec les maisons de champagne que nous visiterons. Ayant le menu en mains je propose des vins de la cave assez pauvre en grands vins mais avec, comme partout, quelques pioches.

Le menu est pantagruélique. Andrei sait-il que nous avons trois jours actifs qui nous attendent ? Les agences de voyage, qui règlent ces éléments d’un programme, veulent bien faire. Et donc, tout au long de notre périple, les menus seront beaucoup trop copieux.

Le menu est : terrine de homard en gelée, anchois blanc en vinaigrette / Coquilles Saint-Jacques, sabayon au beurre de cacahuète / tronçon de saumon, kiwis, poire et truffes / longe d’agneau rôti, croûte d’herbes caviar d’aubergines / fromages affinés du château / Palet de chocolat noir, glace praline, sauce fruit de la passion.

Le Champagne Louis Casters Damery Grande Réserve est le champagne de l’hôtel. Passe-partout, de goût très convenable mais assez court, il est animé par des gougères.

Le Champagne Alfred Gratien Millésimé 1998 a un joli fruit et une complexité plus grande. Beaucoup de russes préféreront le premier champagne.

La forme des bouteilles du Champagne de Venoge Louis XV 1995 est si belle que nous l’avons choisi pour cela. A travers le verre transparent on voit pour les deux bouteilles des couleurs de vins différentes, l’un faisant plus évolué que l’autre. Le champagne est beaucoup plus frêle et simple que ce que nous attendions.

Le Chassagne Montrachet 1er Cru Boudriotte domaine Ramonet 2006 a un nez puissant. Le vin est superbe, puissant, fruité, une bombe de fruits jaunes. J’adore sa présence convaincante. Il occupe le palais avec générosité.

Le Condrieu Guigal 2011 a moins de puissance, avec un message moins complexe, mais je l’aime beaucoup parce qu’il est très cohérent. Il se boit bien.

Le Château Dauzac Margaux 2005 est un très beau bordeaux, plus masculin qu’un margaux. Sa densité est grande, et sa trace est longue en bouche, avec un bois mesuré. J’aime beaucoup.

Le Château de Pibarnon Bandol 2009 apparaît sur les fromages et cela ne lui permet pas d’être mis en valeur autant que je l’aimerais. Il est plus fermé que ceux que j’avais bus pendant l’été.

La vedette incontestable de ce dîner, c’est le Maury Mas Amiel 1980 qui crée un accord diabolique avec le dessert au chocolat. Il a tout pour lui, le café, le cacao, le pruneau, et il a une justesse de ton de rêve. C’est un grand moment.

Après mon discours de bienvenue et de présentation en anglais à l’apéritif, le dîner s’est tenu à 99% en russe, m’obligeant à m’immiscer dans des conversations dont je ne captais rien. Ce repas ne nous aura pas laissé un souvenir gastronomique impérissable. Demain commencent les visites.

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184ème dîner de wine-dinners au restaurant Garance mercredi, 1 octobre 2014

Le 184ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Garance. Nous avons réservé l’agréable salon privé du premier étage. Nous sommes sept dont deux nouveaux. J’ouvre les vins assez tard, vers 18 heures, et aucune surprise désagréable n’est à signaler. Les vins vont aimablement s’épanouir.

Tout le monde est à l’heure, ce qui est appréciable. Le Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1975 sert d’apéritif de bienvenue. Il est ambré, il n’a plus de bulle, mais on sent le pétillant. Ce qui est intéressant, c’est qu’il nous fait voyager dans un monde de saveurs inconnues. Son alcool est très présent et fort et l’on pense à des Xérès, à des vins jaunes, mais il change de bord d’attaque à chaque gorgée. Il est manifestement évolué mais sa complexité est très intéressante.

Guillaume Iskandar, le brillant chef du lieu, a comme signature la brioche d’accueil. Elle change chaque fois selon ses humeurs. Elle accompagne le Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Spéciale Diamant Bleu 1979. La couleur du champagne est jaune vert, d’une folle jeunesse. La bulle est active et dynamique. En bouche le champagne est un rayon de soleil. Il est joliment citronné mais ce qui frappe le plus, c’est sa cohérence. Tout est assemblé, agencé pour notre plaisir. Alors que quatre ans seulement séparent les deux champagnes, tout les oppose. Le 1979 est resté d’une jeunesse que l’on pourrait croire éternelle. Tout le monde est conquis par ce 1979. L’un des convives, amoureux de ce champagne, usera de toutes les ruses de sioux pour essayer de me convaincre de lui en fournir une bouteille mais le grand Manitou n’a pas eu d’influence sur moi.

Le premier plat, de girolles et autres champignons avec fregola et jus de foin accompagne à ravir le Château Ferran Graves Martillac Béraud-Sudreau blanc 1964 qui est une immense surprise pour tout le monde. Le niveau dans la bouteille est au goulot. La couleur du vin est d’un jaune clair, d’une rare jeunesse. Et en bouche, la plénitude du vin est extrême. Il est pur, précis, évoquant mirabelle ou reine-claude, mais aussi de grandes complexités. C’est un vin qui se situe très au dessus de ce que l’on pourrait attendre. Un blanc de cinquante ans de cette tenue, c’est toujours une grande surprise.

La viande de bœuf du Limousin est ferme, d’un goût riche et profond. Elle convient à merveille à deux bordeaux très dissemblables. Le Château Petit Gravet Saint-Emilion Grand Cru 1970 claque comme un coup de fouet. C’est un vin viril, imposant, racé et noble. Il évoque la truffe. Il a une légère amertume que corrige très bien la viande.

A côté de lui, le Château Brane-Cantenac 1978 a la grâce féminine d’un margaux. On imagine une odalisque qui s’allonge lascivement sur sa couche. Tout en ce vin est grâce et velours. Alors, passer d’un vin à l’autre est chose difficile. Il faut repasser impérativement par la viande pour aller de l’un à l’autre. Le margaux aura la faveur des votes, mais les deux vins aux robes d’un beau sang de pigeon méritent un égal intérêt.

Le pigeon est de grande qualité et traité avec intelligence pour le vin de Bourgogne. Le Morey-Saint Denis Grivelet Père & Fils 1976 offre au nez une séduction tétanisante. En bouche, il est tout en charme, joliment épanoui et gourmand. Comme souvent, il y aura autour de la table les Horaces et les Curiaces, les tenants des bordeaux ne comprenant pas que d’autres puissent adorer le bourgogne. Ces joutes sont toujours amicales. Ce qui est amusant au niveau des votes, c’est que sur sept convives trois ont voté pour un bordeaux et pas pour le bourgogne, trois ont voté pour le bourgogne et pour aucun bordeaux. Un seul convive a voté pour un bordeaux et un bourgogne. Ce qui montre que les préférences pour une région sont le plus souvent exclusives.

On attendait Comté et c’est Laguiole qui est venu sur notre table pour accompagner le Vin Jaune du Château de l’Etoile Vandelle 1982. L’accord est un peu moins percutant qu’avec le comté mais il est pertinent. Le vin jaune explose d’alcool tant il est fort. Il est tellement tranchant qu’on aimerait le confronter à des plats. Je pense qu’avec le bœuf si goûteux, il aurait créé un bel accord. Les évocations de noix de ce beau vin jaune sont enthousiasmantes.

Le Domaine de Poulvère Monbazillac 1929 a un niveau presque dans le goulot. Sa couleur est noire, d’un acajou foncé. Le nez est délicat tout en subtilité et lorsque j’ai ouvert la bouteille, je suis allé la faire sentir à Guillaume Iskandar pour qu’il adapte le dessert à cette odeur subtile. C’est ainsi que l’on a supprimé le sorbet et le fruit de la passion pour ne garder que la pêche de vigne rouge sang et un financier à l’amande qui a créé, très certainement, le plus bel accord du repas. Car le financier fait rebondir ce liquoreux presque sec, qui a un peu mangé son sucre. Evoquant du thé, du café, du caramel, ce vin est tout en délicatesse, suggérant plus qu’imposant son message. C’est un très grand liquoreux.

Nous avons tous remarqué que la force extrême du vin jaune rendait encore plus séduisante la gracilité du 1929. Les convives, tous de la finance, ont noté le choix d’un vin de 1929, année terrible pour la finance, qui plus est sur un financier !

C’est le moment des votes. Nous sommes sept pour désigner nos quatre préférés parmi huit vins. Les votes ont été concentrés sur seulement cinq vins. Deux vins figurent dans tous les bulletins de vote, le Heidsieck 1979 et le Monbazillac 1929. Trois vins ont eu des places de premier, le Château Ferran 1964 trois fois, le Heidsieck 1979 deux fois, comme le Poulvère 1929 deux fois.

Le classement du consensus serait : 1 – Château Ferran Graves Martillac Béraud-Sudreau blanc 1964, 1 ex aequo – Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Spéciale Diamant Bleu 1979, 3 – Domaine de Poulvère Monbazillac 1929, 4 – Morey-Saint Denis Grivelet Père & Fils 1976, 5 – Château Brane-Cantenac 1978.

Mon classement est : 1 – Domaine de Poulvère Monbazillac 1929, 2 – Château Ferran Graves Martillac Béraud-Sudreau blanc 1964, 3 – Morey-Saint Denis Grivelet Père & Fils 1976, 4 – Champagne Heidsieck Monopole Cuvée Spéciale Diamant Bleu 1979.

La cuisine de Guillaume Iskandar a été remarquable de justesse et de précision pour les vins. Les accompagnements des champignons pour le Graves Martillac ont été superbes, la chair du Limousin est intensément puissante. Le pigeon est de grande qualité et le financier un régal pour le vin. Tout a été réussi.

Si on ne change pas les équipes qui gagnent, il faudra vite recommencer.

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dîner wine-dinners n° 183 au restaurant Laurent vendredi, 19 septembre 2014

Le lendemain du 182ème dîner de wine-dinners, me voici de retour au restaurant Laurent pour ouvrir les vins du 183ème dîner de wine-dinners. Ce sont les hasards de calendrier liés aux grèves récurrentes d’Air France qui font que ces deux dîners se succèdent, mes convives américains ayant dû recomposer leurs visites en Europe puisque l’incertitude existe sur leurs vols de retour. Ce dîner sera en petit comité puisque nous ne serons que quatre. Il inaugure une autre forme de dîners dont l’idée directrice est de mettre en exergue un vin prestigieux. Le thème principal de ce dîner est de déguster Château Lafite-Rothschild 1949, année particulièrement brillante pour ce château. Le reste du programme se construit autour de cette vedette.

A 17h30, l’ouverture des vins ne pose aucun problème. Aucun vin de rechange ne sera appelé à témoigner. A notre table, le fondateur d’une agence de voyages qui a organisé ce dîner pour un sympathique couple d’américains qui vivent en Floride mais aussi dans plusieurs autres capitales et en Asie du Sud-est. John a commencé à constituer une cave de grands vins il y a cinq ans. Il veut faire connaissance avec des vins plus anciens que ceux qu’il achète.

Malgré les prévisions des sites de météo parisienne, qui annoncent de la pluie, Philippe Bourguignon a fait dresser les tables sur la terrasse. Il fait si beau et si chaud que le repas  a pu se passer dehors, pour notre plus grande satisfaction.

Le repas conçu par Alain Pégouret est : Langoustines rôties aux cèpes / Selle en croûte d’épices tandoori et carré d’agneau de Lozère grillotés, Paimpol tomaté au jus / Pigeon de Vendée rôti, courgettes sautées au curry, chorizo / Soufflé chaud au lait d’amande.

A l’apéritif, de délicats amuse-bouche accompagnent un Champagne Heidsieck Monopole Diamant Bleu 1973. La bouteille est très jolie, de forme et de couleurs. Le champagne a une belle couleur ambrée presque rose. Il n’a quasiment plus de bulle, mais le picotement en bouche confirme que le pétillant est toujours là. Ce champagne est élégant, avec des évocations de fruits roses mais aussi de pommes. Il s’accorde très bien avec les langoustines mais c’est surtout avec les cèpes qu’il trouve une belle ampleur et une mâche de bon aloi.

A l’ouverture, le Château Lafite-Rothschild 1er Grand Cru Classé de Pauillac 1949 m’avait immédiatement rassuré. Il promettait d’être grand. Stocké depuis l’ouverture dans un endroit trop frais, il a du mal à délivrer ce que j’attends de lui. Heureusement il va gentiment se réchauffer et nous goûtons un vin au parfum intense et profond, aux notes charbonnées et truffières. En bouche, le vin est dense et percutant. Il a beaucoup de truffe, de fruits noirs pressés, et sa persistance aromatique est affirmée. Le vin est dans l’esprit historique de Lafite. Il a des similitudes avec le sublime 1900 que j’ai eu la chance de boire de nombreuses fois. C’est un grand Lafite et un grand vin.

La selle d’agneau en croûte est un peu trop épicée, un peu « brûle-gueule » et c’est avec le carré que l’accord se trouve pour notre ravissement.

La Romanée Domaine Comte Liger-Belair 1988 fait changer de planète. Le pinot noir est joyeux, frais, avec des notes framboisées. Quand on revient vers Lafite, on voit combien la trame de la structure du Lafite est infiniment plus serrée. Mais le charme immédiat est du côté de la Romanée. C’est un vin de charme, d’élégance courtoise et aussi de plaisir. Il laisse une trace en bouche très probante. Si l’on voulait pinailler, on dirait que sa personnalité n’est pas encore assez affirmée et qu’il faudrait attendre une ou deux décennies pour qu’il gagne en persuasion. Mais c’est un vin qui se déguste avec envie. Le pigeon superbe ajoute à sa gourmandise. Il est rare d’avoir des vins aussi différents que le pauillac et le bourguignon.

Le Château Gilette Crème de Tête Sauternes 1949 est brillantissime, car son sucre est tellement mesuré, présent mais sans excès, que l’on sent des accents secs par delà le botrytis raffiné, apportant une fraîcheur supplémentaire. Ce vin est un régal. C’est même un péché de gourmandise. Il a une trace indélébile, il est joyeux et Lynn a le sourire aux lèvres. L’accord avec le soufflé est agréable sans apporter beaucoup au sauternes qui vit sa vie propre.

John n’a pas voulu que l’on vote, considérant que chaque vin lui a apporté des émotions uniques qui ne se hiérarchisent pas. Ce dîner n’aura donc qu’un vote, le mien : 1 – Château Gilette Crème de Tête 1949, 2 – Château Lafite-Rothschild 1949, 3 – Romanée Comte Liger-Belair 1988, 4 – Champagne Heidsieck Monopole Diamant Bleu 1973.

Dans le joli cadre d’une belle terrasse le long des Champs-Elysées, avec un service attentif, des plats ingénieusement conçus et exécutés, nous avons partagé une bouteille mythique, Lafite 1949, accompagnée de vins superbes. Ce 183ème dîners en petit comité de quatre ne demande qu’à faire école.

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Champagne Heidsieck Monopole Diamant Bleu 1973

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Château Lafite-Rothschild 1er Grand Cru Classé Pauillac 1949

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La Romanée Domaine Comte Liger-Belair 1988

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Château Gilette Crème de Tête Sauternes 1949

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restaurant Le Millénaire à Reims jeudi, 11 septembre 2014

Nous filons vite au restaurant Le Millénaire à Reims qui est doté d’une étoile Michelin.

Le menu préparé par le chef Laurent Laplaige à la demande de l’agence de voyages est : le foie de canard poêlé, déclinaison autour de la figue / le filet de barbue bretonne à la plancha, pomme de terre et jambon belotta, une émulsion au vinaigre de Xérès / le paleron « black Angus » rôti, polenta, abricots secs et pignons de pin, mousseline de patate douce, une sauce poivre vert / un biscuit moelleux cacao, mousse de chocolat « Ilanka », une émulsion carambar glace vanille.

Le choix des vins n’est pas facile dans une carte qui est un peu incomplète. Le Chambertin Grand Cru Domaine Tortochot 2008 est excellent, joliment fruité et gouleyant, sans avoir une grande puissance. Le restaurant n’ayant qu’une seule bouteille de ce vin, nous commandons un Mazis-Chambertin Grand Cru Domaine Tortochot 2009 qui, malgré l’année, manque de l’ampleur et de la classe du Chambertin, même s’il est de bonne facture.

Pour la viande il nous faut quelque chose de plus corsé et malgré les prix élevés de la carte, Andrei choisit une Côte Rôtie La Turque Guigal 1999. Lorsque je le goûte, je fais la grimace et je dis à Andrei que ce vin est cuit, brûlé sans doute par une cave trop chaude à un moment de sa vie. Andrei en convient et me dit qu’il n’a aucune envie de faire un incident. Ce que je dis au sommelier qui goûte le vin et confirme la platitude du Guigal.

Le sommelier revient et dit que le chef accepte de faire un rabais sur le prix de la bouteille. Nous avons donc bu un vin plat. L’attitude du chef eût été de changer la bouteille, puisque justement nous ne voulions pas faire d’incident.

Il est évident dans ces conditions que le jugement sur ce restaurant nous pousse à ne pas entériner dans nos cœurs l’étoile que ce lieu a obtenu.

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MENU LE MILLENAIRE 141010 001

Dîner de vins jeunes et vieux au restaurant Laurent dimanche, 18 mai 2014

Il y a trois ans j’avais partagé un déjeuner avec un musicien canadien et son père, grands amateurs de vins. Nous nous retrouvons à dîner au restaurant Laurent avec eux et un couple de canadiens que je ne connais pas. Après quinze jours du mois de mai qui ont fait mentir le proverbe : « en avril ne te découvre pas d’un fil et en mai fais ce qu’il te plait », dîner dans le magnifique jardin du restaurant, c’est un privilège dont on jouit avec empressement.

Mike apporte des vins récents. Je pourrais limiter mon apport à une bouteille, mais j’ai envie de puiser dans les bas niveaux de ma cave. Avec trois bouteilles, j’espère qu’il y en aura une bonne et si ce n’est pas le cas, je compléterai avec un vin de la carte du restaurant. Mes vins ont été livrés il y a trois jours et à 17h30, je les ouvre. L’Evangile 1955 a un bouchon qui vient en pièces détachées mais heureusement offre un très joli parfum prometteur. Ça démarre bien. Je saisis le Vosne Romanée 1949 et je vois que le bouchon flotte dans le liquide. C’est certainement le transport de ma cave au restaurant qui a fait chuter le bouchon car j’avais inspecté les bouteilles en prenant les photos en cave et le bouchon tenait encore. Je carafe le vin et la couleur est rebutante. Le vin a toutes les chances d’être mort. Le Corton Clos du Roy 1929 a, lui aussi, un bouchon qui sort en charpie. Le bouchon est imbibé et de vilaine odeur. Le vin a une odeur peu aimable. Ce résultat me conduira à offrir à mes amis un vin de la carte.

Nous choisissons le menu de saison : salade de coques et petits pois, velouté glacé / homard rissolé dans ses sucs, jus coraillé, gnocchis et mousserons / morilles farcies, écume d’une sauce poulette au savagnin / pigeon à peine fumé et rôti, pissaladière de jeunes primeurs, sauce piquante / fromages / soufflé chaud au citron-basilic.

Le Champagne Pol Roger 2002 que j’ai commandé de la cave du restaurant est un champagne d’un confort extrême. Il est bien charpenté, équilibré, et n’offre que du bonheur. On se sent bien avec lui, de belle longueur, d’acidité maîtrisée, et de beaux fruits jaunes.

Le Criots-Bâtard-Montrachet domaine Blain-Gagnard 2008 est une magnifique surprise. Il sent la noisette, évoque des odeurs lactées, et envahit la bouche avec une générosité rare, associée à une grande finesse. C’est un vin très élégant et très abouti. On le mangerait presque, tant il est riche.

Lorsqu’on me sert les premières gouttes du Château L’Evangile Pomerol Hannapier & Peyrelongue 1955, je ressens une torréfaction qui pourrait gêner la dégustation. Mais en fait il s’agissait des premières gouttes et le vin s’est montré sous son meilleur jour. La couleur est d’un rouge foncé intense, le nez est profond et la bouche évoque la truffe, les fruits secs noirs. Sa longueur est belle. C’est un très beau vin.

A côté de lui le Clos de Vougeot Pierre Bourée Fils 1988 joue en dedans. Il est bien fait et j’aime beaucoup ce domaine, mais il ne s’exprime pas. Comme s’il était timide. Alors, il laisse la vedette au Bordeaux, à la fois sur le homard et sur les délicieuses morilles.

Nous devrions avoir maintenant trois vins rouges, mais j’annonce que le Vosne Romanée Clos du Roy, Leroy & Cie 1949 est désespérément mort. Evidemment, tout le monde veut vérifier. Deux seulement goûteront ce vin et confirmeront le diagnostic de mort. Une demi-heure plus tard, ce vin que je n’ai pas bu sentira le bouchon.

Sur le pigeon, nous allons goûter deux mêmes vins. Le Corton Clos du Roy, L.A. Montoy 1929 me fait une belle surprise, car il a complètement effacé les odeurs qui me faisaient douter. Il est magnifique et Lynn se découvre un amour pour les vins anciens car elle avait adoré l’Evangile et se régale de ce 1929. Il est riche, opulent et sa couleur est d’un noir profond bordé d’un cercle rouge au contact du verre. A côté de lui, le Corton Clos du Roy domaine Antonin Guyon 2010 a une couleur beaucoup plus claire. Le vin est joyeux dans sa jeunesse fruitée mais il semble souffrir du même mal que le Vosne Romanée, car il paraît simplet à côté de son aîné. Le 1929 est enthousiasmant, complexe, distribuant les saveurs et arômes avec générosité. Vin charnu d’une jeunesse rare.

Mike s’aperçoit que le liquoreux que nous allons boire est le même que celui qu’il avait apporté il y a trois ans. Le Kracher Welschriesling Nummer 11 Trockenbeeren Auslese 1998 n’a pas changé. Il a une robe dorée et attaque le palais par un sucre épais. Il est doucereux, assez monolithique même s’il est agréable. C’est le sucre qui tapisse le palais, et malgré ses 7,5° il en impose. Les évocations sont celles de thé.

A côté de lui c’est un Château Climens en 1/2 bt 2001. Le vin est encore étonnamment jeune mais lorsque l’on s’habitue à ce côté un peu brut de forge, il expose des subtilités et des complexités de fort bon aloi. Il montre à quel point l’année 2001 est une année propice aux liquoreux bordelais.

Comme la dernière fois, Mike sort une fillette déjà entamée d’un Whisky Duncan Taylor single malt 1968 mis en bouteille en 2004. Il est absolument délicieux, doucereux et légèrement sucré comme un Bourbon. Un grand plaisir.

Mon classement serait : 1 – Corton Clos du Roy Montoy 1929, 2 – Criots-Bâtard-Montrachet Blain-Gagnard 2008, 3 ex aequo : Champagne Pol Roger 2002, Château L’Evangile 1955 et Climens 2001.

Le menu du restaurant Laurent est remarquable. Ce fut un bien beau dîner.

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une deuxième étiquette est mise pour rendre plus lisible le nom du vin

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bouchon de l’Evangile 1955 et du Clos du Roy 1929

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181ème dîner de wine-dinners au restaurant Ledoyen avec des surprises de taille mercredi, 7 mai 2014

Le 181ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Ledoyen. J’avais voulu, pour une fois, faire un dîner à thème, alors qu’habituellement mes dîners n’ont pas de thème sauf un seul : faire un dîner cohérent dans le choix des vins avec une grande variété d’âges, de régions, et de statuts.

Pour ce soir, j’ai choisi de proposer toutes les années finissant par « 9″ de 1899 à 1999. Mais au moment de faire les photos des vins, j’ai trouvé que ce serait bien que l’année 2009 soit elle aussi représentée. Nous aurons donc douze millésimes en neuf de 1899 à 2009.

L’idée a plu à trois canadiens, un suédois et quatre français. Nous serons neuf pour douze vins.

J’arrive à 17h30 au restaurant pour ouvrir les vins. Deux parfums pourraient correspondre à des vins à problèmes, ceux du riesling 1949 et celui de l’Issan 1899. Cette séance d’ouverture m’a donné l’une des surprises les plus colossales rencontrées lors des séances d’ouverture. Voici ce qui s’est passé.

J’ouvre le Richebourg du domaine de la Romanée Conti 1939. Son parfum est si extraordinaire que je me dis : « le dîner est déjà réussi rien que par cela ». Car 1939 n’est pas une année qui figure dans les plus grandes. Si ce vin a une telle stature, c’est un miracle qui va rejaillir forcément sur l’atmosphère du dîner.

Le vin suivant qui est à ouvrir est un Richebourg Joseph Buffon Négociant-Eleveur 1959. Je sens le vin et immédiatement j’ai cette curieuse pensée : « ce vin est plus représentatif du domaine de la Romanée Conti que le Richebourg du domaine ». Ça me paraît curieux, mais je ne vais pas plus loin dans cette pensée. Comme je photographie chaque bouchon après ouverture, mon appareil vise le bouchon du 1959. Quelle n’est pas ma surprise de lire sur le bouchon : « Richebourg, domaine de la Romanée Conti 1958″. Le bouchon est bon et sain. C’est invraisemblable. Je téléphone à Aubert de Villaine et je commence par l’informer du Richebourg 1939 car je sais que c’est son année de naissance. Le vin que je décris par son odeur est si beau qu’Aubert me demande si par hasard ce ne serait pas un vin de la vigne originelle française non reconstituée, et il ajoute : je n’ai jamais vu une de ces bouteilles, si vous en avez une, c’est une rareté absolue. Je regarde sur le bouchon et je vois cette mention que confirmera l’étiquette : « vigne originelle française non reconstituée« , ce qui la différencie de la quasi-totalité du vignoble bourguignon, replanté de vignes d’origine américaine après le phylloxéra. Je pose ensuite la question du Richebourg Joseph Buffon qui a un bouchon de toutes beauté de la Romanée Conti avec le millésime 1958. Aubert de Villaine m’indique qu’il a bu des 1958 du domaine qui l’ont marqué par leur grâce, mais à l’époque il n’était pas en charge du domaine. Aussi il imagine que le négociant a acquis des 1958, les a étiquetés à son nom et a mis 1959 parce que c’est plus valorisant que 1958.

Tout excité, je fais sentir les vins aux membres du personnel du restaurant qui sont autour de moi, j’appelle mon épouse pour lui dire ces deux invraisemblables découvertes, celle de la vigne particulière du Richebourg 1939 et le fait qu’un troisième vin du domaine de la Romanée Conti va figurer à ce dîner. Je me répète à moi-même : « la chance sourit aux audacieux ». La suite des ouvertures, sans surprise se fait dans une atmosphère enjouée où mon cœur bat comme un tambour.

Les convives arrivent et je leur raconte ces incroyables découvertes et la chance que nous aurons avec un Richebourg du domaine de la Romanée Conti de plus et je signale les deux incertitudes sur le riesling et l’Issan.

Dans un petit salon du premier étage du restaurant Ledoyen, nous buvons un Champagne Clos des Goisses Philipponnat 1979 sur de délicieux petits amuse-bouche follement complexes. Christian Le Squer aime planter le décor par des prouesses techniques délicieuses. Le champagne a une couleur à peine foncée. La bulle est discrète et le champagne est d’une grande complexité. Il a un parfum diabolique et intense. On sent sa maturité et peut-être un peu plus qu’un 1979 ne devrait montrer. Mais le champagne est glorieux, ravissant par sa complexité, car il fait entrer dans le monde des champagnes d’esthètes.

Nous passons à table. Le menu composé par Christian Le Squer est le suivant : araignée de mer en coque glacée, jus de presse / asperges blanches, abricots, sauce hollandaise au vin jaune / homard bleu rôti, beurre blanc / tranche de bœuf, charbon de bois, girolles / caneton de Challans poudré d’amandes crues, mûres / toasts brûlés d’anguille, réduction de jus de raisin / croquant de pamplemousse cuit et cru.

Le premier vin servi est le Domaine de la Citadelle Gouverneur de Saint-Auban Vin du pays de Vaucluse 2009. Il est extrêmement puissant et riche de beaux fruits touchés par le soleil. Pour bien profiter de l’accord avec l’araignée subtile à souhait, il faut boire le vin par toutes petites gorgées car sinon il écraserait le crustacé.

Le Vin du Jura blanc 1929 se présente dans une bouteille de forme bourguignonne au verre très lourd et ancien qui n’a pas de capsule et porte seulement deux mots : « blanc » et « 1929″ sur deuxx petites étiquettes séparées. Il n’y a aucune indication de région ou d’origine. Si j’ai mis « Jura » sur le menu, c’est que j’ai acheté ce vin dans le Jura, au sein d’un lot de bouteilles anciennes disparates. Son originalité m’avait séduit. Son parfum m’avait enthousiasmé à l’ouverture et il est toujours aussi pénétrant. Il est tellement puissant qu’on croirait boire un Xérès, mais le goût de noix nous ramène au Jura. Plutôt que blanc, je dirais volontiers que c’est un jaune. Car il a toutes les caractéristiques d’un beau vin jaune puissant à la longueur infinie. Les maîtres d’hôtel me connaissent parfaitement. Quand ils ont vu que je faisais la grimace car la sauce qui accompagne les asperges ne convient pas du tout au vin, l’un d’entre eux est allé chercher un comté 42 mois affiné par Bernard Antony qui a créé un accord divin avec ce glorieux inconnu.

Ne sachant pas quand doit apparaître le riesling dont j’ai eu peur qu’il ne soit pas à la hauteur, je l’ai placé en même temps que le vin blanc le plus glorieux du repas. Le Riesling Preiss Henny 1949 m’est servi et je suis totalement surpris par son parfum exceptionnel qui est même beaucoup plus riche que celui de son impérial voisin. Le parfum est chaleureux, évoquant un vin assez doux et l’on imagine volontiers qu’il y a du botrytis dans ce vin même s’il est sec. Et le vin est chaleureux au point qu’il figurera en bonne place dans mon classement et aura même un vote de premier. Le riesling d’une pureté cristalline et d’un charme doucereux.

A côté de lui, le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1999 est un seigneur. Ce vin a un nez moins flatteur mais plus profond. Le vin est riche intense, avec une longueur extrême. On boit un vin qui envahit l’âme. Il est d’une complexité enthousiasmante. Et les deux vins cohabitent bien mais n’ont pas le support du plat beaucoup trop complexe pour eux. La chair du homard est superbe, mais les accompagnements ne plaisent pas au vin. Aubert de Villaine m’avait dit lors de notre conversation d’il y a quelques heures que ce vin est promis à un long avenir et fait partie des plus puissants qui soient. Son nez opulent évoquait la pâtisserie et le lait. Au moment de le boire son parfum est plus strict, le vin montrant une noblesse quasi inégalable.

Les trois bordeaux sont servis ensemble sur le bœuf délicieux, et de gauche à droite nous avons 1899, 1909, 1919, ce qui, convenons-en, est une situation assez exceptionnelle. Le Château d’Issan 1899 a un nez de cerise légèrement aigrelette ce que l’on retrouve en bouche, le vin ayant un beau fruit à l’attaque et un final un peu suret. Il n’entraîne pas un grand intérêt de ma part mais l’un des convives l’inclura dans son vote.

Le Cos d’Estournel 1909 avait le plus beau nez des bordeaux à l’ouverture, avec de beaux fruits rouges et noirs. Il s’est un peu assagi au service. Le vin a une belle structure, fringant malgré ses 105 ans. C’est un grand vin qui va cependant être éclipsé par le suivant.

Le Château Mission Haut-Brion 1919 correspond à ce que l’on nommerait un très grand vin. Il est tout simplement parfait. Il n’est pas hyper puissant, mais on ne peut pas imaginer qu’il pourrait être mieux que ce qu’il nous offre. Bien construit, noble, équilibré c’est un vin de haute stature, un peu comme l’Ausone 1919 qui m’avait tellement impressionné et enthousiasmé il y a vingt ans. La superbe viande s’accorde à merveille avec les bordeaux.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1939 est une absolue merveille.. J’aurais tendance à dire que malgré une année qui n’est pas au Panthéon, ce vin s’y inscrit. Il fait partie des meilleurs vins du domaine que j’aie pu boire. Le parfum est intense, la bouche est précise, profonde, noble, et la longueur est éternelle. Il a ce caractère particulier des vins pré-phylloxériques qui est d’avoir une longévité plus grande que les post-phylloxériques et une intensité plus marquée.

De ce fait, lorsque je goûte le Richebourg Jérôme Buffon 1959 qui est en fait un Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1958, je commence à penser que si le vin est du domaine, il n’y a pas que cela dans cette bouteille. Car le doucereux du vin ne correspond pas à l’image que j’ai du Richebourg du domaine. Mais le vin est particulièrement bourguignon avec cette absence totale de concession. C’est un vin brut, noble, extrêmement séduisant. La présomption de manque de pureté fait que je ne le mettrai pas dans mon vote alors qu’il sera dans celui du consensus, du fait de ses qualités généreuses. Le canard est absolument gourmand.

A l’ouverte, j’avais trouvé à la Côte Rôtie La Turque Guigal 1989 un nez étonnamment bourguignon. J’étais peut-être encore sur mon nuage. Il se présente maintenant comme un vin absolument parfait et totalement rhodanien. Dans un autre dîner il aurait la vedette. Quel beau vin charnu, joyeux et noble. Il forme avec l’anguille un accord diabolique. Je suis un amoureux fou de ce plat extraordinaire de Christian Le Squer, et la combinaison avec le vin est de pure anthologie. Démoniaque dirais-je, voire phénoménale.

Le Château d’Yquem 1969 est d’un bel or clair. Ce 1969 est particulièrement puissant. Le vin est parfait sans l’ombre du moindre petit défaut. Quel vin brillant ! Le dessert est délicieux, mais comme il est très froid, il faut attendre avant de boire l’Yquem qui fait partie des très solides Yquem.

Il est temps de voter. Le classement des douze vins est assez difficile, et je ne suis pas sûr que je voterais forcément de la même façon si on devait voter une deuxième fois. Nous notons cinq vins que nous avons préférés sur les douze. Un chose me fait toujours plaisir : onze vins sur les douze ont figuré dans au moins un vote. Celui qui n’a pas recueilli de vote est le 2009, non pas parce qu’il ne serait pas bon, mais parce qu’il est trop jeune dans un dîner de vins anciens. Quatre vins ont été choisis en numéro un : le Richebourg 1939 quatre fois, le Richebourg 1958 deux fois ainsi que la Côte Rôtie 1989 et le Riesling 1949 a été nommé une fois premier.

Le vote du consensus serait : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1939, 2 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1999, 3 – Château Mission Haut-Brion 1919, 4 – Côte Rôtie La Turque Guigal 1989, 5 – Richebourg Jérôme Buffon 1959 (DRC 1958).

Mon vote est : 1 – Richebourg Domaine de la Romanée Conti 1939, 2 – Château Mission Haut-Brion 1919, 3 – Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1999, 4 – Vin du Jura blanc 1929, 5 – Riesling Preiss Henny 1949.

Nous avons eu une chance rare d’avoir trois vins du domaine de la Romanée Conti et une Mission Haut-Brion de très haut niveau. Les plats les plus cohérents dans leurs palettes de goûts ont été exceptionnels pour les vins. L’asperge et le homard, traités de façon plus complexe ont eu du mal à cohabiter avec des vins très vieux, même si les plats sont très bons. Le menu a été de très haut niveau, avec un point culminant gastronomique qui est l’accord de l’anguille et de La Turque.

L’atmosphère était si plaisante avec ces amateurs de trois pays que nous sommes restés fort tard, personne ne voulant quitter la table. Le service du Ledoyen est toujours aussi attentionné. Ce fut un très grand dîner.

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bouchon du riesling 1949

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bouchon du Montrachet DRC 1999

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bouchon de lssan 1899 rebouché en 1999

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bouchon de Cos d’Estournel 1909

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bouchon de Mission Haut Brion 1919 rebouché en 1991

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bouchon du Richebourg DRC 1939

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bouchon du Richebourg Joseph Buffon 1959 qui est en fait un Richebourg DRC 1958

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les 2 Richebourg DRC

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DINER LEDOYEN 140507 2 001 DINER LEDOYEN 140507 1 001

amuse-bouche et les plats du dîner

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table en fin de repas

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180ème dîner de wine-dinners au restaurant Laurent dimanche, 20 avril 2014

A la demande d’un ami voyagiste, j’organise une nouvelle forme de wine-dinners, un dîner à quatre personnes. Ce sera le 180ème dîner de wine-dinners qui se tient au restaurant Laurent. Suivant une habitude bien rodée, je viens à 17h30 ouvrir les bouteilles. Il y en a très peu aussi l’opération est bouclée rapidement. Le parfum de l’Ausone 1959 est profond, celui du Clos de Tart 1985 est joyeux et dynamique. Celui du Doisy 1921 est fait de jolis agrumes confits. Tout semble parfait.

Dans la rotonde d’entrée du restaurant nous prenons l’apéritif avec Diane et Jim, deux texans qui font un voyage d’agrément d’une semaine en France. Quentin, l’organisateur de leurs agapes les accompagne. Le Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises Blanc de Noirs 1999 est d’une jolie couleur d’un or léger. La bulle est active et le champagne emplit la bouche de sa sérénité. Ce 1999 est accompli maintenant, a pris de la largeur. Il est très orthodoxe mais y ajoute une pointe de charme. Il y a beaucoup de tension dans ce champagne.

Nous passons à table. Le menu préparé par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret est : Cannelloni de seiche aux aromates, blancs grillés, sauce à l’encre / Noix de ris de veau dorée au sautoir, morilles / Pigeon à peine fumé et rôti, pissaladière de jeunes primeurs, jus de cuisson / Fourme d’Ambert / Soufflé chaud au sirop d’orgeat.

Le champagne accompagne les délicieuses seiches et prend une ampleur beaucoup plus grande. Un rayon de soleil l’illumine.

Le Château Ausone Saint-Emilion 1959 se présente sous une robe noire et rouge foncé. Le nez est extrêmement distingué. Le vin est lourd, riche et explose de truffe. Il est d’une grande longueur et bien que pénétrant, il est d’un rare velours. Tout en lui est noblesse et distinction. Mes convives prennent conscience du raffinement de ce vin.

Le Clos de Tart 1985 est d’une couleur beaucoup plus claire, très jolie. Ce vin est de la Bourgogne joyeuse, des plaisirs agrestes et champêtres. On imagine des danses villageoises et les bons vins de fêtes campagnardes. S’il est facile à boire, cela n’exclut pas le raffinement, car il est aussi distingué. Sur le pigeon d’une tendreté remarquable, c’est une merveille.

Le vin sera toujours une énigme. A l’ouverture, le parfum du Château Doisy Barsac 1921 était un joli bouquet de pâtes de fruits. Maintenant, il nous offre une méchante odeur de bouchon, alors qu’on ne ressent rien au palais. Cette odeur n’a aucune incidence sur le goût. Le vin a un joli gras, une belle épaisseur, avec des évocation raffinées d’agrumes. Mes convives ont l’air de ne pas être gênés par cette odeur ce que l’on verra dans les votes. Le soufflé est idéal pour calmer les ardeurs du riche Barsac.

Nous votons pour les quatre vins, donc tous les vins. Deux sont nommés premiers, l’Ausone trois fois et le champagne une fois.

Le vote du consensus a deux ex aequo. Il est : 1 – Château Ausone 1959, 2 ex aequo : Clos de Tart 1985 et Château Doisy Barsac 1921, 4 – Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1999.

Mon vote est : 1 – Château Ausone 1959, 2 – Clos de Tart 1985, 3 – Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1999, 4 – Château Doisy Barsac 1921.

Cette forme de dîner est plus facile à organiser mais impose évidemment que tous les vins soient bons. J’avais pris quelques réserves pour le cas où. Ce couple de texans dynamiques et entreprenants a bien participé, a été impressionné par la justesse des accords trouvés par l’équipe du Laurent et nous avons passé une excellente soirée.

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