Archives de catégorie : dîners de wine-dinners

179ème dîner de wine-dinners au restaurant Le Petit Verdot mardi, 15 avril 2014

Nous sommes un mardi. Ce pourrait être un casual Friday puisque ce concept n’appartient plus au seul vendredi, mais étant l’apporteur de tous les vins, j’en ferai un wine-dinners, qui portera le numéro 179. Le rendez-vous est au restaurant Le Petit Verdot.

Les bouteilles ont été apportées au restaurant la veille. J’ouvre les bouteilles deux heures avant le déjeuner. Le Léoville Las Cazes 1945 a un nez subtil et prometteur. L’Echézeaux du domaine de la Romanée Conti 1967 a de la poussière sur le dessus du bouchon, qui sent la terre comme cela arrive souvent avec les vins du domaine, mais peu fréquemment pour un vin de cet âge. Lorsque le bouchon est enlevé, le vin sent fortement la poussière. Saura-t-il l’oublier en deux heures ? Hidé, avec qui je compose le menu, voit la capsule blanche de cette bouteille et s’en étonne. La capsule indique un nom de négociant. Comment est-ce possible ? Il faudra que je demande au domaine. Le bouchon me semble du domaine. Le Chambertin Côtes Saint Jacques Premier Cru 1923 d’origine inconnue a un nez magnifique. J’en goûte quelques larmes qui m’enchantent. Le nez du Rayne Vigneau 1938 est assez discret et fermé mais le vin s’ouvrira.

Nous sommes six et respectons les consignes hollandiennes de parité. Trois des participants ont travaillé ou travaillent dans le même cabinet américain d’avocats. Le menu est le suivant : toast au foie gras / maquereau cru grillé au chalumeau, graines de sésame / thon rouge, huile aux agrumes / lapin en cromesquis / bavette de bœuf / poire et crème / soupe de melon, glace à la pomme.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1996 est d’une sérénité à toute épreuve. Le vin est légèrement doré, la bulle est assez grosse, le parfum est intense. En bouche c’est un régal. C’est un vin facile à boire et à comprendre mais riche de complexité. On se sent en amitié avec lui. Il fait partie des grands champagnes. Je serais bien en peine de le départager du 1990 en magnum bu récemment. Il est sans doute un peu plus vif.

J’ai bu de nombreuses fois le Château Léoville Las Cases 1945 et celui-ci m’impressionne par sa perfection. Son parfum est profond, son goût est velouté et d’une trame immense. En le buvant on sait que l’on approche un vin parfait. Il n’a pas l’once d’un défaut. Cette impression est saisissante. Ma fille est en pamoison avec ce vin qui pourrait être de 1998 sans qu’on s’en étonne.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1967 qui avait une odeur si poussiéreuse à l’ouverture, ce qui fait qu’il aurait été irrémédiablement rejeté s’il avait été destiné à être bu de suite, a perdu cette vilaine odeur. Il s’épanouit dans le verre et s’améliore sans cesse. Il a cette amertume iodée et salée qui est une signature des vins du domaine. C’est un vin plus compliqué à comprendre mais tout le monde est conscient qu’il est très grand

Le Chambertin Côtes Saint-Jacques vigneron inconnu 1923 a un nom bizarre, car l’étiquette indique chambertin et premier cru ce qui n’est pas normal quand Chambertin n’est pas associé au Gevrey. La bouteille fait partie de celles qui m’émeuvent, au verre incroyablement épais, bouteille plus vieille que son millésime. Et il répond à mes attentes. Le vin est noir d’encre, sans l’ombre d’un orangé tuilé. Son parfum est lourd, riche, noble et en bouche, il est d’une séduction redoutable. Son alcool est fort, sa trame est énorme et il plombe la bouche de bonheur. L’Echézeaux est probablement plus complexe, mais le charme est du côté de ce vin intemporel, séducteur et intense.

Il est assez invraisemblable que les trois rouges soient aussi brillants. A aucun vin on ne pourrait donner d’âge tant ils sont fringants. Personne ne croirait à une telle perfection s’il n’était pas présent à notre table.

Le Château de Rayne Vigneau 1938 avait un nez strict à l’ouverture. Il l’a toujours et se présente d’abord comme un sauternes sec. Puis il se réchauffe et prend de l’opulence et du gras. Il finit en beau sauternes très apprécié mais manquant un peu d’amplitude.

L’un des convives commande de la carte du restaurant un Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles Hugel 1976 d’une année qu’aimait tant Jean Hugel. Le vin est clair et paraît pâle à côté de l’acajou du Rayne Vigneau. Le parfum est magique et racé, évoquant tout ce que l’on aimerait qu’il soit, litchi, ananas, poivre rouge, et que sais-je encore. En bouche il nous frappe par sa précision extrême. C’est un vin complexe et ciselé. Il a été commandé après nos votes et n’y figurera pas alors qu’il le mériterait.

Nous sommes six à voter pour les trois meilleurs. Les trois rouges seront nommés premiers, l’Echézeaux trois fois, le chambertin deux fois et le Las Cases une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – Chambertin Côtes Saint-Jacques vigneron inconnu 1923, 2 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1967, 3 – Château Léoville Las Cases 1945.

Mon vote est : 1 – Chambertin Côtes Saint-Jacques vigneron inconnu 1923, 2 – Château Léoville Las Cases 1945, 3 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1967.

Hidé, maître des lieux, est un hôte charmant et attentionné. Les plats ont été souvent très adaptés aux vins et parfois non comme le deuxième dessert. Le thon rouge, la bavette sont d’une qualité extrême et le maquereau est très original. Nous avions le premier étage du restaurant pour nous. Ce fut un beau repas avec trois rouges exceptionnels. C’est justifié de le classer dans les wine-dinners.

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178ème dîner de wine-dinners au restaurant Saquana à Honfleur mercredi, 26 mars 2014

Le 178ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Saquana à Honfleur, la table d’Alexandre Bourdas. C’est un ami de longue date qui m’a demandé de faire un dîner en ce lieu pour honorer une entreprise normande qui connait un grand succès dans la fourniture industrielle.

J’avais soumis la liste des vins au chef et nous avons travaillé à la mise au point d’un menu qui convienne aux vins et respecte le talent du chef. Mes vins ont été livrés plus d’une semaine avant le dîner.

La vieille ville d’Honfleur est magnifiquement préservée avec des églises qui me rappellent certaines églises norvégiennes. Influence viking ? Se garer dans les rues étroites est un casse-tête. Il me faudra du temps pour décharger mes nombreux bagages entre le restaurant et l’hôtel proche où je logerai, Maisons de Léa.

Toute l’équipe du restaurant m’accueille avec une ouverture d’esprit qui est remarquable. Je fais changer la forme de la table pour pouvoir parler à tous les convives et c’est accepté avec entrain.

J’ouvre les bouteilles et Muriel, la sommelière m’aide chaque fois que c’est nécessaire. Malgré mon rhume insistant il m’est possible d’imaginer qu’aucune odeur n’est annonciatrice d’un problème.

Après m’être changé, je reviens au restaurant où mon ami est déjà présent. Nous serons onze, dont neuf sont de la même entreprise et veulent fêter un succès récent. Une seule femme est à notre table, très à l’aise dans cette atmosphère. La majorité n’a que très peu ou pas de connaissance des vins anciens. Nous aurons la chance que les vins se mettront à la portée de tous.

L’apéritif debout se prend sur un Champagne Bollinger Grande Année 1975 qui est une bonne introduction car il est extrêmement jeune. Sa bulle est fine et discrète, mais son pétillant n’est pas altéré. Il jouit d’une belle acidité dans des tons de pomelos et d’orange confite. Il a un bel équilibre. Sur les premières gorgées sa longueur est un peu faible mais il est bien animé par les délicieux amuse-bouches du chef à base de trois riz grillés aux jambon de l’Aveyron, lard et poivre noir, pomme fruit et poutargue.

Le menu d’Alexandre Bourdas est ainsi composé : Pascade aveyronnaise à l’huile de truffe / Saumon d’Isigny, crème de volaille, daïkon, jus de poulet, pourpier peaux grillées / Langoustine poêlée, racine de persil, pain brûlé et bouillon moussé à l’huile d’olive / Agneau grillé, au poivre de Madagascar, pak-choï, poireaux et jus blanc / Noix de ris de veau et truffes, façon céleri rémoulade / Pigeonneau laqué au boudin, crème de pomme de terre au yaourt / « Tourte » tiède – amande et gingembre, marmelade de mangue, poivre et passion /Crêpe safranée et soufflée, ananas mariné, mousse au pamplemousse rose.

Le Champagne Dom Pérignon 1966 est plus sombre que le précédent. Il n’a pas de bulle mais le pétillant est encore sensible. On est dans des tons plus fumés, de thé ou de tisane. Ce champagne est plus cérébral que le précédent, subtil et complexe mais difficile à appréhender.

Le Chablis 1er Cru Les Vaucopins Bichot 1988 est vif, équilibré de belle minéralité. Il a atteint une cohérence joyeuse. Il se boit avec plaisir, beau chablis bien reconnaissable.

Le Montrachet Roland Thévenin 1947 a beaucoup de puissance. Il est plus ambré mais a gardé toute sa vivacité. Il a la noblesse du montrachet et un côté plus carré que le chablis et manque peut-être un peu de tranchant.

Autour de moi les certitudes commencent à tomber, car des vins anciens qui ont une telle vigueur, c’est difficile à imaginer. Elles vont être définitivement sapées par les trois bordeaux d’une jeunesse sans égale.

Le Château Léoville Las Cases 1952 est pour moi une très belle surprise. Il est fringant, profond. C’est la définition d’un grand vin, vif, expressif et convaincant. C’est sa subtilité qui me marque.

Le Château Beychevelle 1945 est à l’opposé du 1952 ce qui fait que la table va se partager entre ceux qui préfèrent le 1952 et ceux qui optent pour le 1945. Le Beychevelle a la puissance du millésime 1945. Il a beaucoup de rondeur. Comme ma voisine je préfère le tranchant du 1952.

Il n’y aura pas d’hésitation pour choisir le meilleur des trois bordeaux car le Château Ausone 1953 nous fait changer d’échelle. Il est vif, précis, complexe. C’est un très grand Ausone à la longueur infinie. Il n’a pas d’âge. C’est un vin noble, éblouissant. En bouche, il n’est que bonheur.

Le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1964 fait une fois de plus vaciller mes convives qui ne comprennent pas qu’on puisse dire que les vins anciens ne résistent pas au temps. La couleur du vin est un peu trouble. Le vin est incroyablement sensuel. Il est séducteur, rond, doucereux, tellement facile à vivre. C’est presque un bonbon à déguster. Tout en lui est charme.

Un sourire barre mon visage quand je prends les premières gouttes de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969. Ce vin est exactement La Tâche, émouvante et sans concession. C’est un vin à l’opposé du chambertin, un peu ingrat et difficile à comprendre. Mais quelle race, quelle énigme gustative changeante dans les tons salins et de vieux rose. Ce 1969 ne prétend pas égaler le 1962 légendaire que j’ai bu l’an dernier. Mais il est, à mon sens, très proche de la perfection de La Tâche, plus grand que certains d’années plus emblématiques.

C’est un grand enseignement pour moi que la réaction de mes convives devant le Vega-Sicilia Unico Ribera del Duero 1982. Ce vin est magnifique dans sa jeunesse, opulent, carré, lisible et bien construit. Mais après les complexités de tous les vins anciens que nous venons de boire, il apparaît « rustique » et hors sujet. C’est intéressant de constater que ce vin qui est le plus proche des goûts dont mes convives ont l’habitude est celui qui n’est pas aimé par eux. Apparemment la magie des vins anciens a opéré.

Le Château de Rayne-Vigneau 1938 se présente dans une bouteille de la guerre, c’est-à-dire de couleur mi-verte mi-bleue. De ce fait la couleur du vin dans la bouteille n’est pas belle, trop grise. C’est dans le verre que le bel or apparaît. Ce liquoreux a énormément de charme. Il a perdu une partie de son sucre, ce qui lui donne une fraîcheur toute particulière. C’est une belle surprise. J’aime ces sauternes légers.

Le Château d’Yquem 1969 est tout simplement parfait. Il est d’ailleurs mis en valeur par le 1938, car cela amplifie sa puissance et sa richesse. Il a un beau fruit confit et tout en lui est savamment dosé. Ce vin d’équilibre qui a mis le son à pleine puissance n’est que du bonheur doré, nettement au dessus de ce que j’attendais.

Tous les vins se sont présentés dans une forme qui est à l’optimum. C’est peut-être le Dom Pérignon 1966 qui s’est montré moins fringant que d’autres de ce millésime magistral. Nous avons voté et comme souvent, les champagnes ne sont pas retenus dans les votes car il sont déjà bien loin dans nos mémoires. Les dix vins au contraire figurent tous au moins une fois dans les votes, ce qui est toujours plaisant. Cinq vins ont eu des votes de premier, le Chambertin 1964 quatre fois, La Tâche 1969 trois fois, le Beychevelle 1945 deux fois et l’Ausone 1953 et le Vega Sicilia 1982 une fois chacun.

Le vote du consensus serait : 1 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1964, 2 – Château Ausone 1953, 3 – Château d’Yquem 1969, 4 – Château Beychevelle 1945, 5 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969.

Mon vote est : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1969, 2 – Château d’Yquem 1969, 3 – Château Ausone 1953, 4 – Château Léoville Las Cases 1952.

C’est assez normal que mon vote soit différent du consensus, car La Tâche est assez difficile à comprendre et j’en suis amoureux. Et je suis tellement habitué au délicieux Chambertin Clos de Bèze de Pierre Damoy que je ne l’ai pas inclus dans mon vote. Je n’avais pris aucune bouteille de secours, et les douze vins ont brillé.

Alexandre Bourdas a fait un menu qui a bien correspondu aux vins. C’est toujours difficile pour un chef de simplifier ses recettes car il a l’impression qu’on ampute son talent. Mais il a joué le jeu de bonne grâce et certains plats ont été remarquables et ont collé aux vins. Le plat le plus beau pour moi est le pigeon laqué au boudin. Le saumon est superbe et le dessert affecté à l’Yquem fut d’une exactitude absolue. Cette première expérience a été réussie.

Une mention particulière ira au service et au service du vin par Muriel. On a senti un engagement, une implication efficace et cela s’est ressenti dans le déroulement du repas. Preuve en est que, comme souvent en fin de repas, personne ne veut quitter la table, tant on se sent bien.

Beau dîner à Honfleur, avec des vins au sommet de leur forme.

vue de ma chambre

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merveilleuse couleur de l’Yquem 1969

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177ème dîner de wine-dinners au restaurant Macéo vendredi, 31 janvier 2014

Le 177ème dîner de wine-dinners se tient pour la première fois au restaurant Macéo. C’est le siège habituel de l’académie des vins anciens et j’ai voulu que l’on essaie d’y tenir un wine-dinners car je suis satisfait du service et de l’engagement de tout le personnel.

A 17 heures je viens ouvrir les vins déposés il y a deux jours et mis debout la veille. Les bouchons ont des comportements qui sont logiques pour leur âge et tous les parfums correspondent au meilleur de ce que chacun pourrait apporter. Tout semble se présenter sous de bons auspices. J’ai le temps d’aller flâner dans les rues avoisinantes qui jouxtent le Palais Royal.

Nous sommes neuf et tous mes convives sont du monde de la finance. Certains sont des amateurs avertis et ont des caves solides. Le menu composé par le restaurant Macéo est : carpaccio de Saint-Jacques, caviar d’aubergines / râble de lapin à la sarriette bardé de lard, embeurré de choux frisés / pigeon Impérial aux haricots lingots / fromage Comté / cannelloni de mangue au sorbet pamplemousse.

Le vin d’apéritif se prend avec des gougères. Il s’agit du Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1990. Ce vin est le gendre idéal, bien élevé, policé, qui a toutes les caractéristiques d’un grand champagne. Il ne fait pas du hors piste comme peuvent le faire Krug ou Salon, mais sur piste, il est le roi de la glisse. C’est un beau champagne de plaisir et de soif.

Le Château Gilette sec Graves 1953 est probablement le vin le plus rare de ce dîner car je serais bien en peine d’en retrouver. Sa couleur est d’un or clair. Le nez est très pénétrant et difficile à caractériser. En bouche ce qui fascine, c’est que ce vin sec évoque le botrytis du sauternes. C’est un peu ce qui se passe avec l’Y d’Yquem, qui laisse transpirer le botrytis alors qu’aucun grain n’en a été affecté. La juxtaposition avec le chablis rend le vin encore plus doucereux. Ce mélange de sec et de doux est divin sur la coquille et sur la truffe. Il y a un citron bien contrôlé et apaisé par la mémoire du botrytis virtuel.

Le Chablis Grand Cru Les Clos Vocoret 1971 met KO assis tous les convives qui ont des caves de vins jeunes. Comment un chablis de 42 ans peut-il être aussi impérial, d’une force énorme mais aussi d’un équilibre exceptionnel. C’est un grand chablis expressif, serein, dominateur. On ne peut pas rêver chablis plus abouti.

Sur le lapin nous avons trois bordeaux. Le Château Ausone Saint-Emilion 1994 avait à l’ouverture un nez très au dessus de ce que j’attendais. Le vin a une profondeur qu’on n’imagine pas d’un 1994. Et ce qui est fascinant, c’est que le vin ne cesse de s’épanouir dans le verre pour prendre de plus en plus d’étoffe. C’est un grand vin à la trame précise, vin de plaisir qui n’est quand même pas au niveau des plus grands Ausone mais tiendrait la dragée haute à beaucoup d’autres vins de grandes années. Par moment sa mâche et sa trame ressemblent à ceux du Saint-Estèphe.

Le Château Calon Ségur Saint Estèphe 1961 a un parfum invraisemblable. Un convive grand amateur de vin dit qu’il n’a jamais senti quelque chose d’aussi parfait. Le vin sent la truffe avec une rare élégance. Ce qui frappe en bouche, c’est la mâche du vin. On croirait mâcher de la  truffe en le buvant. Il est épanoui, conquérant, fort, avec la plénitude d’une des plus grandes parmi les années légendaires du 20ème siècle. Ce vin solide est impérial.

Sur les trois bordeaux, celui que j’aurais mis en premier, en faisant appel à ma mémoire de chacun, avant d’ouvrir les vins, c’est Château Léoville Poyferré Saint-Julien 1959 car j’en ai de grands souvenirs. Mais si le vin est probablement le plus subtil des trois, il n’a pas assez de cohérence et d’équilibre pour les surpasser. Il joue nettement en dedans, sans l’émotion qu’il pourrait communiquer. Dommage.

Le pigeon est servi et lorsqu’on me fait goûter le Moulin à Vent Mommessin Beaujolais 1949, c’est comme si je recevais un coup de poing dans le cœur. Ce vin est d’un parfum sensuel inimitable. C’est une promesse de bonheur. Et en bouche, c’est la luxure. Ce vin étrangement féminin est d’une séduction ultime. Mon Dieu quel bonheur. Il est équilibré, cohérent, complexe comme un grand bourgogne et probablement plus charmeur que beaucoup de grands bourgognes.

A côté de lui, le Château de Montredon Châteauneuf du Pape 1978 d’une solidité à toute épreuve cohabite bien et a l’intelligence de laisser la vedette au beaujolais, qui anoblit le pigeon. Le Châteauneuf du Pape est un grand vin de belle structure, qui par certains côtés rejoint le Calon Ségur par une gourmandise lourde et rassurante.

Le Château Chalon Fruitière Vinicole de Voiteur 1964 avait à l’ouverture un nez explosif. Une bombe d’alcool et de noix. Il est toujours aussi tonitruant, emplissant la bouche et la conquérant. Avec le comté, c’est un accord majeur très lié à la façon de mâcher le fromage et de ne pas laisser le vin jaune envahir le palais de son alcool. Ce vin d’une belle maturité fait aimer le Jura.

Le Château Coutet Barsac 1950 se présente avec une robe très foncée, marron presque café. Le nez est d’agrumes. La bouche est un bonheur acidulé. Il y a des complexités extrêmes de fruits exotiques mêlés et d’épices multicolores. Il a un beau gras, une belle ampleur en bouche et on ne se lasserait pas d’en reprendre encore et encore.

Ce qui impressionne mes convives, c’est que tous les vins sont apparus dans un état de grande perfection. Le vin est à maturité dans le verre et au sommet de ce qu’il pourrait offrir.

Les vins ayant été tous bons, c’est assez difficile de voter. La diversité des votes est toujours une surprise. Sur les dix vins du repas, neuf ont figuré dans les votes au moins deux fois, ce qui est évidemment pour moi une satisfaction, car cela indique la qualité des vins choisis. Là où les choses deviennent assez extraordinaires, c’est que sept vins sur les dix ont été nommés premiers alors que nous ne sommes que neuf votants. C’est assez fou de se dire qu’il y ait pu avoir sept gagnants. Cinq vins ont été nommés premiers une fois : le Champagne Henriot, le  Gilette sec, le Chablis Vocoret, le Château Chalon et le Coutet Barsac. Deux vins ont été nommés premiers deux fois, le Calon Ségur et le Moulin à Vent.

Le classement du consensus serait : 1 – Moulin à Vent Mommessin Beaujolais 1949, 2 – Château Calon Ségur Saint Estèphe 1961, 3 – Château Coutet Barsac 1950, 4 – Château Gilette sec Graves 1953, 5 – Chablis Grand Cru Les Clos Vocoret 1971.

Mon classement est : 1 – Château Calon Ségur Saint Estèphe 1961, 2 – Moulin à Vent Mommessin Beaujolais 1949, 3 – Château Coutet Barsac 1950, 4 – Chablis Grand Cru Les Clos Vocoret 1971.

Le menu a été remarquablement exécuté. Malgré l’exigüité du salon bibliothèque, le service a été impeccable. L’ambiance était aux rires et à la joie de partager. Ce fut l’un des plus sympathiques dîners de wine-dinners. Les envies de recommencer nous démangent déjà.

Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1990

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Château Gilette sec Graves 1953 (capsule très originale)

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Chablis Grand Cru Les Clos Vocoret 1971

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Château Ausone Saint-Emilion 1994

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Château Calon Ségur Saint Estèphe 1961

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Château Léoville Poyferré Saint-Julien 1959

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Moulin à Vent Mommessin Beaujolais 1949

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Château de Montredon Chateauneuf du Pape 1978

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Château Chalon Fruitière Vinicole de Voiteur 1964

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Château Coutet Barsac 1950

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le groupe

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C’est probablement l’un des dix plus grands repas de ma vie mercredi, 29 janvier 2014

C’est probablement l’un des dix plus grands repas de ma vie. Il y en a sans doute beaucoup de meilleurs mais peu importe. Cela commence par un échange de mails avec un négociant en vins londonien. Des échanges, j’en ai des quantités, non pas parce que je serais célèbre, mais des gens qui ouvrent des vins anciens rares et qui en parlent, il y en a peu. Je lis ces mails assez rapidement, mais mon œil s’arrête lorsqu’Adam me dit qu’il viendrait déjeuner avec moi avec Vieux Château Certan 1900. Là, on commence à causer ! L’idée d’un déjeuner avec de grands vins prend forme. Adam vient avec Daniel qui travaille avec lui à Londres, originaire comme lui de Tel-Aviv, j’appelle Tomo pour faire nombre, nous ajustons nos apports. C’est parti.

Tomo aimerait – comme moi – atteindre vite le 200ème dîner de wine-dinners, car je sortirais à cette occasion des vins légendaires, aussi est-ce lui qui propose que ce repas soit compté dans les repas de wine-dinners. Ce sera le 176ème.

J’arrive à 10h45 au restaurant Taillevent pour ouvrir les vins apportés par les participants. Le bouchon du Domaine de Bouchon 1900 résiste et je comprends pourquoi. L’épaisseur du verre est variable dans le goulot, ce qui rend impossible de tirer le bouchon sans le déchirer, puisque c’est le bas du bouchon qui occupe l’espace le plus vaste. Aucun des bouchons ne vient sans se briser. Le Domaine de Bouchon est une énigme. Car la bouteille laisse penser à un vin rouge. Or la capsule rappelle qu’il s’agit d’un Sainte-Croix-du-Mont. Le nez indique un vin doux. Pour une fois je verse du liquide dans un verre, ce que je ne fais jamais, et je ne suis pas avancé. Le vin est pétillant, la couleur est entre rose et rouge, et le goût est celui d’un vin doux qui serait sec. Je laisse l’énigme telle qu’elle est. Le nez du Vieux Château Certan 1900 est encore incertain mais prometteur, le nez du Clos de la Roche Armand Rousseau 1947 est curieux. C’est l’alcool qui ressort. Puis quelques secondes plus tard, le vin sent le lard. Le nez du Grand Musigny 1906 est tout simplement miraculeux. Je sens que mon vin va être le vainqueur, ce qui ne me déplait pas.

Etant très en avance, j’ai le temps de composer avec Jean-Marie Ancher, Alain Solivérès et Nicolas le sommelier le menu, alors qu’il n’en était pas prévu, chacun devant choisir sur la carte. Ce sera donc un menu « imposé » : asperges vertes de Provence, homard bleu et truffe noire / épeautre du pays de Sault en risotto à la truffe noire / mignon de veau du limousin, pomme Ana / saint-nectaire fermier et Cantal / marrons de Naples acidulés, clémentine de Corse.

Nous sommes quatre, dans la belle salle à manger lambrissée du restaurant. Le Champagne Billecart-Salmon brut magnum 1961 de Tomo est d’un habillage récent et le bouchon, extirpé il y a une demi-heure, semble tout neuf. Comme le bouchon est imprimé de la marque du champagne et de l’année, il n’y a pas de doute, mais rien n’indique la date de dégorgement. Le champagne est magnifique. L’acidité est superbe. Je sens les groseilles roses. Mais ce qui en impose, c’est l’opulence et la longueur. Ce champagne qui a été considéré comme le champagne du millénaire (rien que ça !), est effectivement un immense champagne. Sa longueur est impressionnante. La bulle est active, piquante, le vin est jeune et ne fait pas son âge. Il titille la bouche. C’est un vin majeur. Avec le croquant de l’asperge et avec la truffe, le champagne est tout excité.

Le Vieux Château Certan 1900 d’Adam est impressionnant. Nous sentons qu’il se passe quelque chose. Ce qui me frappe, c’est la sérénité et la solidité propres à l’année 1900. J’ai écrit que 1900 est pour moi la plus grande année que j’ai rencontrée. Avec le temps, cette année devient de plus en plus difficile et va se faire rattraper par 1945 qui la talonne. Mais là, nous avons un 1900 brillant. La couleur du vin est belle, jeune, le nez est pur et en bouche le coulis de fruits rouge est expressif. Bien sûr, un palais qui se voudrait analytique plus qu’hédoniste remarquerait quelque imprécisions dans l’acidité ou certaines évocations de fruits, mais nous somme quatre amoureux des vins et nous jouissons de ce magnifique 1900. C’est un très grand vin avec un message vibrant. L’épeautre est superbe. La cohabitation est aimable, mais n’apporte pas de valeur ajoutée au vin.

Sur le mignon de veau il y a deux vins. Le nez du Clos de la Roche domaine Armand Rousseau 1947 de Daniel est comme celui d’un gaz paralysant. Nous sommes tétanisés par la perfection bourguignonne de ce parfum. Nous nous disons que si l’on cherchait le vin bourguignon parfait, il aurait ce parfum. C’est invraisemblable. Et je retrouve ces côtés de râpe, d’amertume, d’un vin qui ne veut pas séduire mais s’impose par son originalité et son intransigeance. Alors que j’avais eu du mal avec un nez qui ne se positionnait pas bien à l’ouverture, je suis conquis par ce parfum unique, qui empêche presque de boire le vin, magnifique, mais moins grand en bouche qu’au nez. Il est d’une grande sérénité.

A côté de lui, il y a le Grand Musigny Faiveley 1906 de ma cave. Son nez était le plus beau à l’ouverture. Il est surpassé par celui du Clos de la Roche, mais en bouche, on a l’impérieuse grandeur d’un immense bourgogne solide, pesant, avec une puissance qui paraît presque irréelle pour un vin de 107 ans. Sa solidité, sa richesse truffée sont remarquables. Et j’explique à ces nouveaux amis que j’ai l’habitude de préférer mes vins à ceux de mes amis, parce que mes vins correspondent à mes goûts. Mais aujourd’hui je suis obligé de dire que je préfère le Clos de la Roche, à cause de son parfum, à ce solide 1906. Nous sommes tous émus car nous avons en face de nous deux bourgognes d’une perfection inimaginable.

J’ai placé à ce stade du repas le Domaine de Bouchon Sainte-Croix-du-Mont Café Voisin 1900, vin que j’ai acquis il y a probablement trente ans, vin rarissime d’un restaurant qui était sans doute le plus célèbre dans la seconde moitié du 19ème siècle, le Café Voisin, rue Saint-honoré, tenu par monsieur Choron, brillant chef qui inventa la sauce Choron, béarnaise à la tomate. Le vin dans nos verres est rouge. Le nez est doucereux comme celui d’un Sainte-Croix-du-Mont. Mais en bouche le vin est pétillant. De quoi s’agit-il ? On dirait un Maury qui aurait fauté avec un champagne. Si c’était cela, le vin serait désagréable. Or il est absolument charmeur. Il se marie bien aux deux fromages. Nous jouissons de la gourmandise de ce vin atypique et énigmatique.

Sur le dessert, nous goûtons le Champagne Pol Roger 1949 d’Adam. L’expérience n’ira pas bien loin, car le vin est dévié, désagréable et ne mérite pas notre intérêt.

Tomo a apporté un Liqueur des Pères Chartreux, Chartreuse jaune que l’on peut dater des années 40. C’est un délice. Les fleurs et herbes de printemps sont superbes. On n’a pas les longueurs des Tarragone des années 20, mais c’est une grande liqueur.

Nous sommes tous éblouis de ce que nous venons de vivre. Il y a eu tellement de grands vins que nous sommes abasourdis.

Le vote du consensus serait : 1 – Grand Musigny Faiveley 1906, 2 – Clos de la Roche Armand Rousseau 1947, 3 – Vieux Château Certan 1900, 4 – Champagne Billecart Salmon magnum 1961.

Mon vote est : 1 – Clos de la Roche Armand Rousseau 1947, 2 – Grand Musigny Faiveley 1906, 3 – Champagne Billecart Salmon magnum 1961, 4 – Domaine de Bouchon 1900.

Le service du restaurant Taillevent est légendaire. Tout le monde est prévenant. Il faut dire que de tels repas motivent toutes les équipes. Le menu est de très grande qualité, solide et serein. Mais la mention spéciale va à la qualité des vins ouverts. Il y avait aujourd’hui des témoignages irremplaçables de l’histoire du vin.

Alors, bien sûr l’envie de recommencer est intimement partagée, car le vin crée des amitiés et des envies de recommencer.

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Dîner au restaurant Laurent avec La Tâche 1947 et deux beaux 1919 samedi, 25 janvier 2014

Au départ, il s’agit d’un Casual Friday. Alors que ces repas sont généralement très spontanés, les choses s’organisent et se structurent au point que je peux considérer qu’il s’agit du 175ème dîner de wine-dinners. Il se tient au restaurant Laurent. Nous sommes cinq et chacun a apporté de deux à trois vins, ce qui veut dire que nous allons « affronter » douze vins au cours de ce repas.

Vers 17h30 je commence l’ouverture des vins. Quelle n’est pas ma surprise de voir que le bouchon du Grand Cru Altenberg De Bergheim Marcel Deiss 1997 se désagrège en mille morceaux tant il est indécollable du verre du goulot. Il m’a fallu près de vingt minutes pour extirper ces miettes et je n’ai pas pu empêcher que des débris résiduels restent en suspension dans le vin. Lorsque La Romanée Monopole Marey & Liger-Belair 1919 est ouverte, je fais grise mine, car mon vin a toutes les chances de ne jamais revenir à la vie. L’odeur est fade, pas désagréable, mais d’une fatigue qui interdira probablement un retour en grâce. La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1947 de Lionel paraît aussi fatiguée, mais le sursaut vital semble possible. Le Vosne-Romanée Cros Parantoux Emmanuel Rouget 1990 de Didier a une odeur bien pâlotte et la demi-bouteille du Château Ausone 1962 de Lionel semble la plus accueillante de toutes le bouteilles. Le Château d’Yquem 1913 de Tomo a une jolie couleur, le vin est de belle transparence, mais le vin semble manquer d’ampleur. Nous verrons. Le constat n’étant pas extraordinaire je me mets à penser aux opérations d’ouverture que je fais depuis plus de trente ans. Les vins que j’ouvrais il y a trente ans avaient meilleure mine que ceux d’aujourd’hui. Une explication possible est que les vins changent de propriétaire beaucoup plus souvent que dans le passé. Il ne faut pas généraliser, mais c’est probable.

Nous prenons l’apéritif dans la rotonde avec des tuiles au parmesan. Le Champagne Le Mesnil 1959 de Didier est un blanc de blancs fait par une union de propriétaires récoltants. Sa couleur est relativement sombre, mais n’est trahi d’aucun défaut. Le nez est celui d’un champagne âgé. En bouche, ce qui me frappe, c’est sa pureté. Il porte ses 54 ans encore très bien. Tomo est un peu gêné par son acidité mais celle-ci s’estompe au fil de la dégustation. Si le vin est très simple, cela ne m’empêche pas de l’apprécier, sans doute plus que mes compères, un peu plus critiques. Je trouve que ce champagne tient son rôle.

Le menu créé par Alain Pégouret et Philippe Bourguignon est ainsi rédigé : pâté en croûte de volaille et foie gras / cuisses de grenouilles aux épices tandoori, veloutine au haddock / noix de ris de veau panée à la truffe, « perline » à la carbonara / pièce de bœuf rôtie, servie en aiguillettes, pommes soufflées « Laurent », jus aux herbes / glace vanille minute huile d’olive toscane.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1982 de ma cave est une perfection absolue. Le vin est clair, la bulle est belle, le nez n’est pas ce qui compte, car tout se joue en bouche. Quelle complexité ! Ce champagne dépasse de la tête et des épaules tout ce que l’on peut goûter comme champagne. Je suis aux anges. Il est tellement complexe qu’il se suffit à lui-même, le pâté en croûte n’arrivant pas à lui donner un supplément d’âme. Comme Alain Delon, il se suffit à lui-même.

Le Champagne Heidsieck Dry Monopole 1915 de Florent a une couleur légèrement opaque et terreuse. Il nous emporte dans l’inconnu. Chacun de nous ressent des évocations différentes. Je ressens du caramel et de la réglisse. Les puristes, les orthodoxes rejetteraient un tel vin. Mais nous sommes des passionnés. Nous voulons explorer ce que raconte l’histoire. Et ce champagne hors norme, hors de sentiers battus nous raconte des saveurs quasi inconnues. Nous avons ainsi goûté à trois champagnes radicalement différents, dont le Clos du Mesnil émerge évidemment mais dont chacun de deux autres raconte des histoires étranges qu’il faut écouter.

Les cuisses de grenouilles accueillent deux vins blancs rares qui conviennent bien à ce plat. Mais je ne trouve pas ces vins d’exception particulièrement convaincants. Le Grand Cru Altenberg De Bergheim Marcel Deiss 1997 de Lionel, d’une vigne complantée de tous des cépages traditionnels, manque un peu de persuasion et de pep. C’est un grand vin mais qui joue un peu en dedans. Et le Pouilly Fumé Astéroïde Didier Dagueneau 2008 de Tomo, vin issu de vignes franches de pied, qui évoque des agrumes légers, n’apporte pas un saut qualitatif majeur par rapport aux autres cuvées de ce grand vigneron regretté.

Le Château Ausone demi-bouteille 1962 de Lionel a une couleur magnifique. Il est dense et évoque la truffe. Riche, il a une belle personnalité. Il était prévu dans le menu que ce vin serait un intermède sans plat. Mais j’aurais volontiers croqué une truffe pour accompagner ce beau Saint-Emilion.

Sur les délicieux ris de veau nous avons deux vins de 1919. Je suis bien inquiet au moment où l’on sert le premier et l’odeur ne me rassure pas. Mais le miracle se produit en bouche. La Romanée Monopole Marey & Liger-Belair 1919 a le charme d’une grande Romanée. Le soulagement est grand. Je revis. A côté de lui, le Clos Vougeot Château de La Tour 1919 de Florent, qui avait un beau niveau alors que la Romanée était basse est très vivant, guerrier, solide, structuré. La Romanée est féminine et pleine de charme quand le Clos Vougeot est masculin et viril. On ne s’étonnera pas que Florent préfère le Clos Vougeot et que je préfère la Romanée, car tous les amateurs de vins anciens ont les yeux de Chimène pour leurs enfants. Je n’en reviens que la Romanée nous ait donné une véritable émotion avec une réelle profondeur et une mâche veloutée, pleine de séduction. Ces deux 1919 se sont montrés plus que convaincants. Le ris de veau les a accompagnés avec beaucoup de justesse et de gourmandise.

Quel choc lorsque l’on me fait goûter en premier La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1947 de Lionel ! Je souris d’un sourire béat et ravi. Il n’y aura aucune difficulté à désigner le meilleur vin de la soirée, car cette Tâche est divine et tellement DRC. Elle a tout pour elle, plénitude, charme, élégance, fluidité en bouche. C’est une très grande Tâche, malgré un niveau bas, meilleur que celui de la Romanée. Cette bouteille porte une collerette de la maison Drouhin qui devait en être le distributeur.

Alors, le compagnon de plat de La Tâche a bien fort à faire. Le Vosne-Romanée Cros Parantoux Emmanuel Rouget 1990 de Didier manque d’à peu près tout. Le nez est faible, le vin n’a pas de puissance, pas beaucoup de caractère. En une autre occasion, on le trouverait plaisant, mais après ces trois ancêtres, il est plat. Les aiguillettes de bœuf sont magistrales.

Le Château d’Yquem 1913 de Tomo a lui aussi beaucoup de mal à se positionner. Il est plutôt sec, et manque de vibration et de coffre. Il a de la personnalité, une complexité évidente, mais il n’arrive pas à accrocher nos cœurs. Le dessert, que j’avais tant aimé sur un Fargues 2005 ne convient pas aux sauternes anciens.

La Liqueur Suc Simon que l’on peut situer dans les années 40 ou début des années 50 est l’enfant chéri de Didier. Cette liqueur de Chalon-sur-Saône est un clone de la Chartreuse. C’est un joli bouquet d’herbes et de fleurs qui se boit avec plaisir, sans atteindre cependant le niveau des grandes chartreuses très anciennes.

Nous avons été très sélectifs dans nos votes. Comme nous ne sommes que cinq et cinq amis, les votes se sont concentrés et ceux qui n’ont eu aucun vote sont Le Mesnil 1959, l’Astéroïde 2008, le Cros Parantoux 1990, l’Yquem 1913 et le Suc Simon. Deux vins ont été nommés premiers, La Tâche quatre fois et la Romanée une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1947 (Lionel), 2 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1982 (François), 3 – La Romanée Monopole Marey & Liger-Belair 1919 (François), 4 – Clos Vougeot Château de La Tour 1919 (Florent), 5 – Château Ausone 1962 demie (Lionel).

Mon vote a été : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1947 (Lionel), 2 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1982 (François), 3 – La Romanée Monopole Marey & Liger-Belair 1919 (François), 4 – Château Ausone 1962 demie (Lionel).

Les quatre premiers vins nommés par le consensus suffisent à faire de ce dîner un dîner exceptionnel. La Tâche toute seule assure le succès de la soirée. Les deux premiers plats ont été relativement discrets par rapport aux vins, alors que les deux suivants ont été remarquables. Des vins ont ressuscité de façon inouïe et je suis sûr que la Romanée aurait été jetée par des amateurs ignorants ou impatients.

Nous avons passé une merveilleuse soirée dans un cadre amical et généreux. Les vins moins présents ne nous attristent pas, car il faut ouvrir sans cesse de nouveaux flacons pour avoir la chance de trouver sur notre route d’aussi glorieuses pépites. Dans la chaude atmosphère de ce dîner, nous avons esquissé de futures aventures de folie.

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Sur la photo des vins il n’y a pas ceux de Florent, le champagne 1915 et le Clos Vougeot 1919

Sur le menu ci-dessous, les deux 1919 ont été en fait servis ensemble.

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Vins du prochain dîner de wine-dinners samedi, 18 janvier 2014

Les vins du dîner N° 188 selon la numérotation sur le site wine-dinners : https://www.wine-dinners.com/prochains_diners.htm

Champagne Alfred Rothschild 1966

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Champagne Bollinger Grande Année 1979

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Château Olivier 1949

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Bâtard Montrachet Fontaine & Vion 1990

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Chateau Ausone 1953

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Aloxe Corton Moingeon Ropiteaux 1938

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Chambolle Musigny A. Rossigneux & Fils 1947

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Château Chalon Fruitière Vinicole de Voiteur 1959

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Château Caillou Barsac 1943

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Château Coutet 1922

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dîner annuel de vignerons au restaurant Laurent samedi, 14 décembre 2013

Le dîner qui va suivre est certainement le point culminant de mon année, quels qu’aient été les vins spectaculaires que j’aie pu boire auparavant. Ce dîner est le 13ème dîner des amis de Bipin Desai que j’organise, que je vais comptabiliser comme le 174ème dîner de wine-dinners, puisque j’en suis le concepteur, au restaurant Laurent.

Plantons le décor avec les participants :

Caroline Frey (Château la Lagune & domaine Jaboulet Aîné),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Jean François Coche Dury (Domaine Coche Dury),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Didier Depond (Champagnes Salon & Delamotte)

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Richard Geoffroy (Champagne Dom Pérignon),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Louis Michel Liger-Belair (Domaine Comte Liger-Belair),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Jean Charles de la Morinière (Domaine Bonneau du Martray),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Egon Müller (Weingut Egon Müller),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Jean Luc Pépin (Domaine Comte Georges de Vogüé),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Sylvain Pitiot (Domaine Clos de Tart),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Jean Trimbach (Maison Trimbach),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Aubert de Villaine (Domaine de la Romanée Conti),

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Bipin Desai et moi-même.

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Réunir un groupe de cette nature autour d’une même table ne peut pas me laisser indifférent. Tout au plaisir des discussions avec ces grands acteurs du monde du vin, je n’ai pas pris de notes, aussi les commentaires sur les vins seront-ils parfois succincts.

A 17 heures je viens ouvrir les bouteilles. Les parfums du Clos Sainte Hune et de La Tâche sont absolument phénoménaux. Je suis ravi que mes deux vins aient de belles odeurs. Le seul souci vient du Chambertin Marey & Liger-Belair 1911 au niveau très bas, dont l’odeur giboyeuse est de mauvais aloi.

Les amis arrivent de façon échelonnée mais sont tous à l’heure. Le Champagne Delamotte blanc de blancs magnum 2002 est un beau champagne facile à vivre, coincé pendant les premières minutes et qui s’élargit de belle façon au bout d’un quart d’heure. Il est solide et plaisant.

Le Champagne Salon magnum 1999 impose sa structure plus charpentée. On a là un champagne vineux, tendu, de belle facture, qui demande encore quelques années pour délivrer tout son potentiel.

Le menu créé par  Alain Pégouret est : Friture d’éperlans / Corail d’oursins au naturel / Noix de Saint-Jacques légèrement blondies, macaroni et  cèpes / Mousseline de brochet, bisque légère / Consommé de bœuf à la moelle / Caille dorée en cocotte, rôtie aux abats, côte de céleri mitonnée aux olives noires / Pièce de bœuf servie en aiguillettes, pommes soufflées « Laurent » jus aux herbes / Fregola Sarda à la truffe blanche d’Alba / Fourme de Montbrison / Pamplemousse rose en marmelade dans un pain d’épice maison, sorbet / Tarte fine au chocolat noir.

Tout le monde est convenu que ce repas est un sommet gastronomique majeur, par la lisibilité des plats et l’harmonie apportée aux vins.

Le Riesling Clos Sainte Hune Trimbach magnum 1983 est une pure merveille de précision. Je suis fasciné par la précision de ce riesling. Quand je dis à Jean Trimbach que ce riesling est étonnant car il est impossible de lui donner un âge, il marque un temps d’arrêt avant de vérifier et convient que ce riesling est intemporel. Il me subjugue. L’oursin est d’un goût idéal. Il donne plus de tension au vin. Le vin est bon avant ou avec le plat. Si j’adore le plat qui convient au vin, je préfère presque le Sainte Hune plus lascif sans l’oursin.

La noix de Saint-Jacques est divine, et différencier les deux vins qui s’accordent si bien n’est pas chose aisée. Le Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 1991 est rassurant. Il a tant d’équilibre qu’on est emporté par son charme. Et ce 1991 a toutes les caractéristiques que l’on trouve dans une plus grande année. Il a une belle mâche.

Mes amis vignerons ont tendance à penser que le Musigny blanc Comte Georges de Vogüé 1993 montre des traces d’évolution. J’avoue que cela ne me dérange pas le moins du monde. Le vin est profond, plus tranchant que le Bonneau du Martray, mais moins charmeur. Les deux vins sont de bonne compagnie à un haut niveau. Le 1993 est la dernière année où ce vin blanc s’est appelé Musigny. Il est ensuite devenu « Bourgogne blanc », car provenant de vignes trop jeunes.

La mousseline de brochet convient aux deux vins qui suivent. Le Corton-Charlemagne Domaine Coche-Dury 1996 entraîne un silence immédiat. On est bouche bée. Comment un vin de 17 ans peut-il avoir cette fraîcheur de parfum ? Le nez est très ardoise, gaz de schiste (car c’est un plaisir interdit), et en bouche, le vin est d’un brio quasi inexplicable. J’avais suggéré cette année lorsque Jean-François Coche-Dury m’avait demandé quelle année apporter. J’aime le 1996 et il a bien répondu à mon appel ce soir. On pourrait ne jamais s’arrêter de boire ce vin.

A côté de lui, la tâche n’est pas simple pour l’Hermitage La Chapelle blanc Jaboulet Aîné 2010, mais il est intéressant de constater que ce vin n’a pas les rugosités de la jeunesse. Il est déjà serein et montre de belles complexités. A côté du Coche-Dury, ce qui lui manque c’est la longueur. Mais faut-il reprocher au Coche-Dury d’être hors norme ?

Le Vin d’Alicante 1865 que j’ai apporté avait à l’ouverture un parfum très engageant. Ce qui fascine maintenant, c’est sa vitalité. Il navigue entre xérès et vin jaune, très oxydatif, mais il a une vivacité spectaculaire pour ses presque 150 ans. Je suis fier que ce vin d’une année mythique dans plusieurs régions de France (je ne sais pas pour Alicante) soit au rendez-vous. Le bouillon est pertinent mais je préfère le vin sans accompagnement.

La Romanée Comte Liger-Belair 1973 est d’un présence sereine comme je les aime. Quand on est dans une année plutôt faible, les grands vins montrent leur subtilité. Et c’est le cas. J’adore cette Romanée.

A côté de lui, le Clos de Tart 1962 est plus puissant, et l’on voit apparaître dans son final une pointe d’alcool un peu lourde, à côté du final aérien de la Romanée.

Le troisième vin sur la caille dorée est le Chambertin Marey & Cte Liger-Belair 1911 de Bipin  Desai. Il n’a pas réussi son retour à la vie. Les odeurs sont désagréables, les goûts sont déviés. Le vin est à écarter.

La pièce de bœuf est divine. Une simplicité absolue conduit à la perfection. Le Musigny Vieilles Vignes Comte Georges de Vogüé 1988 est un vin solide qui tient bien sa place, mais me pardonnera-t-on de concentrer mes efforts sur La Tâche Domaine de la Romanée Conti magnum 1990. Je revendique haut et fort mon absence d’objectivité pour un vin qui a un parfum d’une délicatesse infinie, qui a un goût d’une complexité inimaginable et une longueur incommensurable. Il n’est point besoin d’analyser ce vin, il suffit d’en jouir. Et il profite à fond du plat. Tout le monde apprécie ce cadeau d’Aubert de Villaine, chaudement félicité.

Dans la hiérarchie des surprises c’est peut-être avec le Champagne Dom Pérignon Œnothèque magnum 1975 que l’on trouve un sommet. Car je crois n’avoir jamais goûté un Œnothèque aussi exceptionnel alors que j’en ai bu d’années plus mythiques les unes que les autres. Il y a dans ce vin un supplément de vivacité que je ne soupçonnais pas. Et toute la table est comme moi surprise de cette prestation hors norme. Il faut dire que la truffe  blanche et la Fregola Sarda forment probablement le plus bel accord de la soirée.

Le Schwarzhofberger Beerenauslese-Eiswein Egon Müller 1973 est un vin d’une grande présence. Il combine le sec, car il donne l’impression d’être sec, avec une sucrosité qui n’apparaît qu’en fin de bouche. J’adore ce vin et je le préfère presque au Schwarzhofberger Eiswein Egon Müller 1983 beaucoup plus lourd et sucré. Il faut des repères que je n’ai pas pour ces vins. Mais ils sont d’une élégance éblouissante. C’est un monde de saveurs raffinées.

Le Maurydoré Rancio de Volontat 1880 est un vin dont j’ai connu le fût. Laissé dans l’oubli d’une cave à Maury, stocké à des hauteurs inaccessibles, il avait atteint une telle évaporation qu’il fut décidé de le mettre en bouteilles. J’ai pu en acquérir quelques unes. Ce vin est d’une densité de plomb. On dirait un goudron doucereux. Il y a du poivre, de la mélasse, des fruits noirs et du café. Une telle vigueur est quasiment irréelle.

Dans ces dîners, on ne vote pas, car il n’est pas question de hiérarchiser des domaines. Mais je dois signaler les performances exceptionnelles de quelques vins : le Clos Saint-Hune Trimbach 1983, le Corton Charlemagne Coche Dury 1996, la Romanée Liger Belair 1973, La Tâche 1990 et le champagne Dom Pérignon 1975.

Nous étions tous unanimes pour estimer que la cuisine très claire, précise, lisible d’Alain Pégouret a été une des clefs de la réussite de ce dîner. L’ambiance était rieuse, décontractée. Tout ce soir n’était que bonheur. Pour faire mieux l’an prochain, il va falloir se surpasser !

Comme on ne voulait pas se quitter, avec Sylvain et Louis-Michel nous avons profité de la générosité de Daniel, le fidèle sommelier, et siroté un Champagne Cristal Roederer 2005 fort approprié pour piloter notre retour sur terre et préparer de doux rêves. Quelle grande soirée !

(crédit photo Laurence de Terline)

nous occupons toute la belle rotonde

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

l’esprit est à rire

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

notre belle table

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

Diner Bipin Desai 13 Decembre 2013 chez Laurent à Paris  © Laurence de Terline

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photos de groupe

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Dîner des amis de Bipin Desai au restaurant Laurent vendredi, 13 décembre 2013

Champagne Delamotte blanc de blancs magnum 2002 (Didier Depond)

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Champagne Salon magnum 1999 (Didier Depond)

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Riesling Clos Sainte Hune Trimbach magnum 1983 (Jean Trimbach)

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Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 1991 (Jean-Charles de la Morinière)

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Musigny blanc Comte Georges de Vogüé 1993 (Jean-Luc Pépin)

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Corton-Charlemagne Domaine Coche-Dury 1996 (Jean-François Coche-Dury)

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Hermitage La Chapelle blanc Jaboulet Aîné 2010 (Caroline Frey)

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Vin d’Alicante 1865 (François Audouze)

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La Romanée Comte Liger-Belair 1973 (Louis-Michel Liger-Belair)

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Clos de Tart 1962 (Sylvain Pitiot)

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Chambertin Marey & Comte Liger-Belair (Bipin Desai)

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Musigny Vieilles Vignes Comte Georges de Vogüé 1988 (Jean-Luc Pépin)

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La Tâche Domaine de la Romanée Conti magnum 1990 (Aubert de Villaine)

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Champagne Dom Pérignon Oenothèque magnum 1975 (Richard Geoffroy)

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Schwarzhofberger Eiswein Egon Müller 1983 (Egon Müller)

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Schwarzhofberger Beerenauslese-Eiswein Egon Müller 1973 (Egon Müller)

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Maurydoré Rancio de Volontat 1880 (François Audouze)

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après dîner Cristal Roederer 2005

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173ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent jeudi, 28 novembre 2013

Le 173ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent, dans le somptueux salon lambrissé du premier étage. Vers 17h30 je viens ouvrir les vins. Le bouchon du Beychevelle 1928 se déchire en mille morceaux tant le liège colle fortement au verre. Je suis obligé d’aller à la pêche aux morceaux avec mon épuisette miraculeuse. Tout rentre dans l’ordre. Le parfum du 1928 est très prometteur. Les deux parfums les plus nobles sont ceux du Pétrus 1985 et de la Romanée Conti 1993, à la subtilité incroyable. Alain Solivérès, le chef brillant vient bavarder avec moi et peut sentir cette immense Romanée Conti. Le parfum du Vega Sicilia Unico 1957 est si riche de fruits lourds que ce serait dommage de cantonner ce vin au Saint-nectaire. Je demande au chef et à Jean-Marie Ancher si l’on peut prévoir un deuxième service du chevreuil. L’accord m’est donné. Le parfum du muscat 1935 évoque le café aussi fais-je la demande que l’on suggère le café dans le dessert au chocolat. Là aussi, mes demandes sont favorablement reçues.

Nous sommes dix et les convives sont d’une ponctualité exemplaire : quand sonne vingt heures, nous sommes au complet. C’est à signaler.

Le premier vin se prend d’abord debout. C’est un Champagne Charles Heidsieck 1955 qui s’entend comme larron en foire avec les fondantes gougères. Le champagne est ancien, a perdu sa bulle, mais il offre une complexité et des fruits jaunes dorés très plaisants. Sa complexité et son équilibre sont des modèles. Nous passons à table et un jambon délicieux se marie bien à ce beau champagne à la belle trace en bouche. 1955 est une grande année et ce champagne à de beaux restes.

Le menu mis au point par Alain Solivérès est : noix de coquilles Saint-Jacques marinées et caviar osciètre / saint-pierre en filet doré, écrevisses / perdreau « patte-rouge » rôti, polenta et romarin / noisettes de chevreuil sauce grand veneur, panais rôtis et betteraves confites / saint-nectaire fermier / mangue rafraîchie / chocolat Taïnori en feuillet craquant.

Après le 1955, le Champagne Krug Clos du Mesnil 1983 paraît d’une folle jeunesse alors qu’il a trente ans. Il est brillantissime, d’une tension extrême et d’une précision diabolique. On ne peut pas concevoir un champagne plus précis que celui-là. Je le consacrerai dans mon vote. Le caviar trouve en lui une résonnance idéale.

Le Montrachet Bouchard Père & Fils 2003 est d’une opulence totalement sécurisante. C’est comme si l’on chaussait ses charentaises, s’asseyait dans un fauteuil profond pour lire du Stendhal. Car ce montrachet est facile à vivre, riche et généreux. Il est plein en bouche et l’on n’a pas d’état d’âme. On est heureux.

Le Château Beychevelle Saint Julien 1928 me stupéfie par sa couleur qui est sang de pigeon, de la même tenue que son voisin qui affiche 57 ans de moins ! Il est beau, profond, et soutient la comparaison avec le Pétrus Pomerol 1985 qui est beaucoup plus complexe, très truffe noire, mais ne rabaisse pas le talent du 1928. Ma grande surprise, c’est que ces vins séparés de plus d’un demi-siècle puissent avoir les mêmes couleurs. Le 1928 est serein. Le 1985 est brillant et complexe, incisif et profond. Avec le perdreau dont la farce est très riche et intense, chacun des vins trouve sa place avec un grand confort, le 1928 étant un peu plus sensuel sur le plat.

Associer sur un même plat deux vins aussi dissemblables, c’est la philosophie de mes dîners. C’est mon plaisir, voire ma coquetterie. Le Cahors Clos de Gamot 1937, sur les premiers verres versés, révèle un léger goût de bouchon. Plusieurs minutes plus tard, tout a disparu, et ce Cahors montre des qualités que je ne soupçonnais pas, même si j’ai déjà bu des vins anciens de ce domaine, comme 1929, 1937, 1942 et 1961. Il est assez simple de construction mais s’en tire par son équilibre. Lui non plus n’a aucune trace de tuilé dans sa robe.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1993 servie en même temps n’a plus un nez aussi diabolique que celui que j’avais senti il y a cinq heures à l’ouverture. Je suis étonné que le fruit soit aussi affirmé. Un ami familier de la Romanée Conti retrouve la rose et le sel qui sont la signature de ce vin, mais je ne trouve pas ces caractéristiques avec la même acuité. Le vin est grand et va recueillir les votes les plus flatteurs, mais je ne me sens pas dans le cœur de ce vin comme je l’ai déjà été. Le vin est riche, convaincant, persuasif, mais il manque – pour moi – ce petit « je ne sais quoi » de romantisme qu’il pourrait avoir. Et à côté de lui, le Cahors trace sa route avec une solidité et une sureté qui font plaisir à boire. Le chevreuil est délicieux, et les deux vins en profitent.

J’ai eu raison de demander un deuxième service du chevreuil, car les médaillons sont tendres et propulsent le Vega Sicilia Unico 1957 à des hauteurs extrêmes. Le vin a un parfum riche et lourd. Le vin n’a pas la complexité du vin de la Romanée Conti, mais il a cette aisance qui fait un peu penser aux vins de Guigal. Il est gouleyant, facilement lisible, généreux et je l’adore. Le sang de la sauce du chevreuil est son miroir. Mon ami Tomo est moins fan que moi de ce vin. Cela m’étonne car nous avons des goûts très proches. Je suis conquis par ce 1957 d’un équilibre rare, sans trace d’âge.

Le Château d’Yquem Sauternes 1976 est d’un bel acajou clair. Le nez est pénétrant. C’est un vin d’une grande année pour Yquem, absolument réussi. Il a la longueur infinie que l’on attend d’Yquem. Il est tellement équilibré que ça paraît presque facile et naturel. Un vin de jouissance.

Le Muscat rosé Gurzuf Collection Massandra 1935 avait à l’ouverture un nez de café. Ce nez s’est complexifié. Le vin est frêle comme les jeunes filles photographiées par David Hamilton. Il n’écrase pas le palais mais au contraire le rafraîchit malgré sa charge alcoolique. Tout en délicatesse, c’est une gourmandise raffinée. Enigmatique si l’on a en tête un muscat puissant qu’il n’est pas, il m’enchante.

Voter dans ces conditions, c’est un exercice extrêmement difficile. Tous les votes sont différents et c’est bien compréhensible tant les vins étaient grands. Imaginez une chose : il y a dix votants pour dix vins. Chacun ne vote que pour quatre vins et en oublie donc six. Le résultat est qu’aucun vin n’a eu moins de deux votes. C’est-à-dire qu’aucun vin n’a été considéré comme ne devant pas être dans le quarté. On imagine aisément ma fierté de voir que mes vins brillent à ce point.

Cinq vins ont eu des votes de premier, la Romanée Conti truste six places de premier et le Krug, le Beychevelle, le Pétrus et le Vega Sicilia Unico ont chacun recueilli un vote de premier.

La Romanée Conti a obtenu 9 votes (je suis le seul à ne pas l’avoir mise sur la feuille de vote) et le Vega Sicilia Unico a eu aussi 9 votes, Tomo étant le seul à ne pas l’avoir inclus.

Le vote du consensus serait : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1993 – 2 – Vega Sicilia Unico 1957 – 3 – Château Beychevelle Saint Julien 1928 – 4 – Pétrus Pomerol 1985 – 5 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1983 – 6 – Château d’Yquem Sauternes 1976.

Mon vote est : 1 – Champagne Krug Clos du Mesnil 1983, 2 – Vega Sicilia Unico 1957, 3 – Muscat rosé Gurzuf Collection Massandra 1935, 4 – Château Beychevelle Saint Julien 1928.

J’avais voulu dans ce dîner mettre les vins les plus emblématiques : Romanée Conti, Pétrus, Yquem, Krug Clos du Mesnil, Vega Sicilia, un Montrachet, un vin de la collection Massandra et des vins plus originaux comme le Heidsieck 1955, le Cahors 1937 ou le Beychevelle 1928. Tous ces vins ont été présents au rendez-vous qui leur était donné.

La cuisine d’Alain Solivérès est d’une maturité qui s’affirme de plus en plus avec des plats lisibles, goûteux, parfaits pour les vins. Le plus beau plat pour moi est le médaillon de chevreuil juste cuit dans son jus, servi en deuxième service du chevreuil. Le perdreau traité en gibier est aussi un grand moment. Rajoutons à cela un service exemplaire et des convives chaleureux et souriants. Tout cela donne un 173ème dîner de réussite totale.

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Dîner de conscrits au restaurant Taillevent mercredi, 13 novembre 2013

Nous ne pouvions pas finir l’année 2013 sans fêter nos communs 70 ans, puisque nous sommes tous conscrits, sauf un benjamin qui a rejoint notre groupe. Mille plans avaient été échafaudés qui achoppaient au dernier moment sur des détails. Lassé de l’inefficacité de ces valses hésitations, j’ai proposé que nous nous retrouvions dans le beau salon du restaurant Taillevent et pour enlever la décision j’ai ajouté : « j’apporterai des vins de 1943″.

Habitué de dîners aux restaurant Taillevent, il m’était facile d’organiser ce dîner comme un dîner de wine-dinners, aussi, même si ce n’est pas son exacte philosophie, il sera classé comme le 172ème dîner de wine-dinners, les vins étant prélevés sur la cave du restaurant, sauf les 1943 de ma cave.

A 17h30, les vins de 1943 sont ouverts et ne donnent que de bonnes surprises olfactives. L’attente qui suit est peuplée par une étude de la carte des vins où l’on peut trouver beaucoup de bonnes pioches. Elles sont notées pour que les amis approuvent ma sélection.

Deux champagnes sont prévus pour l’apéritif. J’hésite un instant sur l’ordre de passage. Nous commençons par un Champagne Egly-Ouriet Blanc de Noirs Vieilles Vignes sans année dégorgé en février 2011. Le champagne est très vineux, très tendu. Il claque comme un fouet, ce qui ne l’empêche pas d’avoir beaucoup de persuasion. De solide structure, il diffère fondamentalement des champagnes de chardonnay.

Mon choix de l’ordre de passage était le bon car le Champagne Dom Pérignon 2002 est une bombe de luxure. Comment fait-il pour être aussi séducteur ? Il expose des fruits blancs et des fleurs légères. Il nous ravit au point que nous doublons la mise. Jean-Marie Ancher a prévu un délicieux jambon qui excite bien le champagne.

Le menu de notre dîner de huit personnes est : huîtres David Hervé en gelée / noix de coquille Saint-Jacques, beurre salé, pomme reinette et cidre / noix de ris de veau croustillante, oignons des Cévennes et truffe noire / noisettes de chevreuil sauce Grand Veneur, panais rôtis et betteraves confites / stilton / chocolat Nyangbo aux noisettes du Piémont.

Le Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 1997 a la précision du riesling dont je suis toujours admiratif. Il n’a pas l’ampleur des grandes années solaires de ce Clos, mais il a une telle distinction qu’on le boit religieusement. L’accord avec les délicieuses huîtres est naturel. C’est un beau vin classique dont la précision m’enchante.

Le Bâtard-Montrachet domaine Leflaive 1996 est une explosion de joie. Voilà un vin juteux, épanoui, sensuel. Son nez pétrole encore comme s’il était un bambin alors qu’il a 17 ans le bougre. Vin dominant, il se marie bien aux coquilles mais surtout au beurre salé. C’est un vin de charme et de puissance conquérante.

J’avais repéré sur la carte le Chateau Nénin Pomerol 1971 vin que j’ai maintes fois bu et adoré dans ce millésime. Il est conforme à la mémoire que j’en ai gardée et crée avec la truffe noire un accord absolument naturel. Car le vin devient truffe. Il est riche, opulent comme la sauce lourde de la truffe. Ce vin est un régal, sans doute d’une des années les plus réussies de Nénin.

Le Vosne Romanée Marey & Comte Liger-Belair 1943 a une couleur d’un rose délicat. Le nez est d’une rare séduction, très féminin. En bouche le vin est tout en suggestion. Il y a des fruits rouges comme la framboise et une présence qui étonne mes amis. Car le vin est vivace, complexe, avec de jolies amertumes bourguignonnes, des fruits roses subtils et une longueur surprenante pour l’âge. Etant servi du fond de bouteille beaucoup plus noir, je profite de la richesse vineuse de ce grand vin. C’est une belle émotion. La chair fondante et merveilleuse du chevreuil crée un accord rose sur rose avec le vin.

Le Chateauneuf-du-Pape Réserve des Célestins Henri Bonneau 1999 est un solide gaillard qui contraste avec le précédent. Car s’il est serein et équilibré, il est beaucoup moins complexe. Il est assez monolithique et à ce stade du repas, je n’en profite pas autant qu’il le mérite. Ce n’était pas le jour de ce grand vin que j’apprécie habituellement.

Le Sainte-Croix-du-Mont G. M. Dumons 1943 est une divine surprise. A l’ouverture j’avais été frappé par la richesse de son parfum, fou d’agrumes. Dans nos verres il a ce parfum riche. Sa sucrosité est bien contenue et il forme avec un stilton de compétition dont Jean-Marie Ancher nous dit qu’il a dix ans (est-ce possible ?), un accord absolument exceptionnel. Le stilton est crémeux et le vin l’enrobe de son charme. Quel plaisir !

Le Tokaji Tremeloï Mintapance 1943 se présente dans une demi-bouteille élégante de forme. Le vin est de couleur un peu trouble dans des tons de prunes. Le parfum est subtil et langoureux. En bouche, tout est douceur. Ce vin est une odalisque de bains turcs. Doucereux, il joue sur la sensualité raffinée des vins doux dont rien n’est excessif. On le boit comme on sucerait un bonbon. Il est tellement énigmatique qu’il charme par son étrange séduction. Il va remarquablement avec le dessert au chocolat.

Jean-Marie Ancher nous fait servir le Bas Armagnac domaine de Jouanda 1943 qu’il avait déjà offert à ma table il y a quelques mois lorsque j’avais fêté en ce lieu mon anniversaire. Cet alcool d’une joie franche et généreuse ponctue remarquablement un dîner de fête.

Il n’y a pas eu de vote, mais il faut bien pour les archives de ces dîners. Ce sera : 1 – Vosne Romanée Marey & Comte Liger-Belair 1943, 2- Tokaji Tremeloï Mintapance 1943, 3 – Bâtard-Montrachet domaine Leflaive 1996, 4 – Champagne Dom Pérignon 2002. Le vote consacre en priorité des vins inhabituels qui furent de très belles surprises.

Tous les accords ont été pertinents. Le plus percutant est celui du stilton et du Sainte-Croix-du-Mont. Le plus subtil est celui de la chair du chevreuil avec le Vosne-Romanée. Le plus profond est celui de la truffe avec le Nénin. Tout a été parfait mais on sait qu’au Taillevent, c’est une habitude.

Il nous reste trente ans pour devenir centenaires. Nous nous sommes promis de bien les utiliser.

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