Archives de catégorie : dîners de wine-dinners

dîner wine-dinners du 16 octobre 2008 – les vins jeudi, 16 octobre 2008

Champagne Dom Pérignon 1993

Champagne Pommery 1961

Château Laville Haut-Brion 1948

Château Carbonnieux blanc 1936

Château Haut-Brion 1973

Château Ausone 1948

Nuits-Saint-Georges Camille Giroud 1928

(voici une bouteille de ce vin qui indique clairement qu’il s’agit de 1928; elle sert de témoin)

 

(voici cette qui sera bue)

Vega Sicilia Unico 1936

apparemment ce vin de 1936 a été mis en bouteilles 29 ans plus tard.

Gewurztraminer Sélection de Grains Nobles " T " Hugel 1989

Que veut dire "grains nobles T" : à demander à Jean Hugel

Maurydoré Estève Désiré 1930

 

104ème dîner de wine-dinners au restaurant La Grande Cascade lundi, 6 octobre 2008

Je quitte la maison de l’Alsace pour aller au restaurant de la Grande Cascade où va se tenir le 104ème dîner de wine-dinners.

Emmanuelle, jeune sommelière m’aide pour la cérémonie d’ouverture des vins et je suis impressionné par l’intérêt et l’envie de connaître qu’elle montre pendant le moment où nous sommes ensemble. L’ouverture des vins se fait sans difficulté particulière et aucune crainte n’existe sur l’état des vins.

Ayant eu le même jour le déjeuner de presse de Haut-Bailly et l’escapade alsacienne, je fais une courte sieste dans un salon de la Grande Cascade sous une fenêtre ouverte qui laisse passer un air qui s’est rafraîchi en frôlant les feuilles de marronniers.

Les convives de ce soir sont au nombre de six, dont trois membres d’un même cabinet de conseil international. Deux d’entre eux sont accompagnés de leurs épouses, et ils veulent honorer un de leurs clients, jeune entrepreneur chinois de grande taille. Le dîner se tient en anglais et les rires fusèrent tant il y eut assaut d’esprit.

Le menu préparé par Frédéric Robert est ainsi composé : Caviar osciètre à l’œuf cassé et vichyssoise / Marbré de foie gras de canard, céleri rave, gelée de xérès et truffes noires, kouglof tiède / Risotto crémeux de cèpes à l’huile de persil et jus de rôti / Bar cuit sur la peau, purée de butternut, herbes en rissole / Canard sauvage au sautoir, navet caramélisé au poivre maniguette, la cuisse croustillante / Munster, brioche toastée au cumin / Tuile aux agrumes, sorbet orange.

Au moment où l’on nous sert le Champagne Dom Pérignon 1993, un petit amuse-bouche supplémentaire à base de homard, est une attention du chef, en clin d’œil aux relations antérieures qui étaient les nôtres. Cette délicatesse est appréciable. Plus sans doute que d’autres amateurs j’aime ce champagne léger, aérien, au charme romantique. Avec le caviar, la symbolique du luxe et de la luxure est complète. Le caviar est délicieux et son sel excite la bulle. On trouve au vin quelques accents floraux.

Le Champagne Krug Vintage 1979 a une couleur délicatement dorée et une bulle active. C’est un grand champagne, noble et conquérant. Il est impressionnant de sérénité, doté d’une dimension rare. Le foie gras, comme on pouvait s’y attendre joue juste sur le champagne dans un accord d’un équilibre rassurant.

Le Château Laville Haut-Brion 1951 a une couleur d’un or étincelant, beaucoup plus lumineuse que celle du Krug. Le nez évoque à ma charmante voisine le goudron. Ce nez est intense, assez minéral. En bouche les premières gouttes dont j’ai été servi pour vérifier le vin sont marquées par un léger aspect métallique. Mais si l’on en fait abstraction, on mesure la puissance, la joie de vivre et le fruité d’un grand vin. Notre ami chinois, très connaisseur, inclura ce vin en bonne place dans son vote. Le cèpe, mais surtout le jus de rôti tirent de ce vin le meilleur de lui-même. N’était la petite trace qui n’est même pas gênante, c’est un Laville tonitruant.

Le Château Margaux, Margaux 1962 a un nez renversant. Il en émane un « love at first sight », le coup de foudre parfait. Ce vin est la séduction pure, incomparablement féminin. Les deux souriantes femmes de ce repas vont désigner ensemble ce Margaux vainqueur de la soirée car il n’y a pas plus plaisant et rassurant que ce vin velouté. C’est le Château Margaux dans son expression la plus épanouie.

Le Château Ausone 1959 est d’une couleur très foncée. En bouche il est lourd, plombant, épais et il évoque la texture, sans en évoquer le goût, d’un marc de café. En s’épanouissant dans le verre, il gagne en légèreté et en complexité. Il se dévergonde un peu, solide et fort bordeaux, mais il ne sera jamais au sommet qu’il pourrait atteindre compte tenu de son millésime, l’un des plus réussis. Le canard convient bien à l’Ausone, et l’Echézeaux Joseph Drouhin 1947 pourrait se boire sans lui tant il est éblouissant. Son nez est l’expression du charme épanoui du vin de Bourgogne. En bouche, c’est le délice bourguignon. En relisant mes notes prises quelques heures après le dîner je déchiffre « délire de la Bourgogne » et je me demande par quel hasard j’ai pu écrire cela. Mais au lieu de délice, on pourrait aussi dire de ce vin qu’il est le délire de la Bourgogne, au sens djeune du terme. Vin inouï, charmeur au-delà du possible, érotique, excitant, chaleureux, il est sous une forme plus canaille aussi séducteur que le Margaux 1962. C’est un vin d’une qualité rare.

Le Gewurztraminer Vendanges Tardives Hugel 1994 est tout en douceur, mais son charme est décuplé par le munster et son cumin. Fruité, gouleyant et puissant il a trouvé dans le fromage une véritable catapulte. Jean Hugel à qui je viens d’en parler ne croit pas à cet accord. Il faut vite que je lui montre.

Le Château d’Yquem 1988 après l’explosion du Gewurztraminer paraît un Yquem très « normatif ». Agréable, un peu discret, très Yquem il manque un peu de maturité.

Nous sommes sept votants pour huit vins, et comme il est de tradition, nous désignons nos quatre préférés. Six vins sur huit ont des votes ce qui est un beau résultat. Le fait que les deux vins non retenus dans les votes sont Dom Pérignon et Yquem, surtout Yquem 1988, cela laisse songeur. C’est d’ailleurs je crois la première fois qu’un Yquem ne recueille aucun vote, alors qu’il est sans défaut et représentatif de son année. Trois vins ont eu le privilège d’être nommés premiers : le champagne Krug une fois, le château Margaux 1962 deux fois (par les deux femmes présentes) et l’Echézeaux 1947 quatre fois, ce qui fait de lui le vainqueur.

Le vote de notre convive chinois est intéressant : 1 – Krug 1979, 2 – Laville Haut-Brion 1951, 3 – Ausone 1959 et 4 – Echézeaux Drouhin 1947.

Le vote du consensus est : 1 – Echézeaux Joseph Drouhin 1947, 2 – Champagne Krug 1979, 3 – Château Margaux 1962, 4 – Gewurztraminer Vendanges Tardives Hugel 1994.

Ce qui est remarquable, c’est que nous sommes cinq à avoir ces quatre vins dans notre vote, dont trois à avoir le vote du consensus dans le même ordre. Mon vote est le même que celui du consensus et dans le même ordre : 1 – Echézeaux Joseph Drouhin 1947, 2 – Champagne Krug 1979, 3 – Château Margaux 1962, 4 – Gewurztraminer Vendanges Tardives Hugel 1994.

Le plat préféré des femmes est le caviar, et je serais volontiers féminin pour ce soir. L’accord le plus vibrant est celui du munster et du Gewurztraminer, suivi de l’accord du caviar avec le Dom Pérignon. Frédéric Robert a fait une cuisine sensible, très orientée vers la recherche d’accords. Sa cuisine est très précise, dosée et équilibrée. Le service des vins par Pierre est parfait, l’implication de toute l’équipe est irréprochable. Notre convive chinois, d’une grande culture et d’une grande passion nous a montré que la Terre est petite et que les barrières culturelles sont ténues puisque nos vibrations furent très proches. Alors que les bourses mondiales venaient d’afficher les plus grandes plongées de l’histoire récente nos rires joyeux ponctuant des discussions intenses ont fait de ce dîner un bel événement.

dîner à la Grande Cascade – les photos lundi, 6 octobre 2008

La Grande Cascade est un lieu féérique

Notre belle table

Les vins du dîner (le détail des photos figure ci-après)

Petit amuse-bouche au homar et Caviar osciètre à l’œuf cassé et vichyssoise

Marbré de foie gras de canard, céleri rave, gelée de xérès et truffes noires, kouglof tiède

Risotto crémeux de cèpes à l’huile de persil et jus de rôti

Sandre cuit sur la peau, purée de butternut, herbes en rissole

Canard sauvage au sautoir, navet caramélisé au poivre maniguette, la cuisse croustillante

Munster, brioche toastée au cumin

Tuile aux agrumes, sorbet orange

 Du grand art de Frédéric Robert

103ème dîner de wine-dinners au restaurant Taillevent jeudi, 4 septembre 2008

Le 103ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Taillevent. Bipin Desai, un amateur américain qui organise des dégustations thématiques d’anthologie m’avait demandé de prévoir un dîner au début du mois de septembre, en insistant sur les bourgognes. Mes dîners ne sont habituellement  pas dédiés à une seule région, mais l’exercice me tentait.

Mehdi, nouveau sommelier qui a exercé ses talents dans de nombreuses maisons a bien préparé les vins, redressés la veille en cave, pour que je puisse les ouvrir dès 17 heures dans les meilleures conditions. Pour une fois, j’ai pris des notes sur cette étape importante de l’ouverture des vins. Le Pommard Jérôme Buffon négociant 1959 a un bouchon qui se brise en mille morceaux. L’odeur est prometteuse. Le bouchon du Vosne-Romanée Mugneret-Gibourg 1972  est noir sur le dessus, comme s’il avait été calciné. Il sort entier. Le parfum du vin est délicieusement bourguignon. On sent qu’il a besoin d’air pour s’épanouir.

Le Corton Bouchard Père & Fils 1966 a un bouchon dont la partie supérieure, sous la capsule est aussi blanche que celle du 1972 était noire. Le bouchon très sain, de belle texture vient en entier. La capsule du Vosne-Romanée Lausson 1947 représente une couronne impériale d’un rouge groseille. Une épaisse couche noire colle en haut du bouchon. Il est imbibé comme celui du 1966. Le beau bouchon se casse en deux mais sort entier. L’odeur est animale et de vieux grenier. La bouteille ancienne est soufflée et le col est désaxé.

Le Chambertin (mis en bouteille en 1906) de producteur inconnu 1904 a la même capsule que le 1947, avec la couronne impériale d’un rouge vif. Je n’avais pas remarqué cette similitude en choisissant les vins. Le bouchon a légèrement remonté dans le goulot, sec au dessus et noir graisseux sur le corps. L’odeur est celle d’un porto léger, un peu torréfie. Reviendra-t-il à la vie ? Nous le saurons dans quelques heures.

Sur la capsule du Volnay Coron Père & Fils 1928 je peux lire : Menetèze Brières Vins. Ceci ne m’évoque rien alors que Coron m’a donné de multiples occasions de goûter des vins remarquables. La bouteille est d’une lourdeur extrême, le verre est très épais, surtout au niveau du goulot qui laisse peu de place à un bouchon minuscule. Le bouchon est noir, légèrement baissé dans le goulot. Il y a une légère impression de vinaigre qui ne masque pas un velouté qui promet. Le verre de la bouteille de Romanée Conti, Domaine de la Romanée Conti 1973 est vert, comme c’était le cas en période de guerre où le plomb manquait. Je retrouve comme chaque fois une poussière noire au dessus du bouchon qui sent la terre de la cave du domaine de la Romanée Conti. Le bouchon de grande qualité vient entièrement, sans brisure. Le nez est très prometteur.

Le dessus du bouchon du Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915  est impeccable, à peine marqué par le temps. Le bouchon sort entier malgré de fines brisures. Le parfum du vin est aussi superbe que d’habitude. La capsule du Château Filhot 1928 est presque une œuvre d’art et séduirait un numismate. Le haut du bouchon non encore ouvert sent le fuit confit. Le bouchon se brise en cinq ou six morceaux qui viennent tous ensemble grâce à la mèche que j’utilise, qui les récupère du fait de mon geste. Le nez du vin évoque l’orange. Cette opération d’ouverture n’a montré aucun vin en situation dangereuse sauf peut-être le 1904, sans que je sois vraiment craintif.

Les convives arrivent dans la merveilleuse salle lambrissée que je considère comme l’une des plus belles de tous les restaurants parisiens. Notre assemblée de dix comprend Bipin Desai, ce physicien américain dont j’ai raconté quelques fabuleuses dégustations, un couple dont le mari est américain et la femme française, un couple de japonais vivant en France, des amis habitués de ces dîners. Il y a trois novices auxquels je donne les consignes d’usage.

Voici le menu créé par Alain Solivérès : Tarte fine aux cèpes, noix fraîches et copeaux de jambon / Bar de ligne aux girolles / Noix de ris de veau meunière, amandes fraîches et sucrine / Canard Colvert aux figues de Solliès / Vacherin glacé à l’ananas / Mignardises. Il comporte relativement peu de plats pour le nombre élevé de vins, ce qui oblige de prévoir trois vins pour chacun des deux plats principaux.

Le Champagne Pol Roger Brut 1990 en magnum est un très bon champagne classique que nous commençons à boire debout avec des gougères, puis à table. Les cèpes adoucissent le vin. Ce champagne lisible, d’expression très claire est agréable.

Le Pommard Jérôme Buffon négociant 1959 est doux, particulièrement féminin. Il est un peu court en bouche au début, mais on sent une montée en puissance progressive qui le rend de plus en plus chaleureux. Le Vosne-Romanée Mugneret-Gibourg 1972  est résolument bourguignon, viril, interlope. C’est le loulou de banlieue dont l’expression est une de celles de la Bourgogne que je préfère. Bipin Desai est impressionné et dit que c’est certainement l’un des plus grands 1972 qu’il ait jamais bus. L’astringence de ce vin, très provocante, rend ce vin adorable. Les deux vins accompagnent divinement bien un bar légèrement trop cuit pour moi, et confirment, s’il en était besoin, la pertinence des rouges sur les poissons.

Alors que le 1972 dominait le débat, la remontée et le développement du 1959 pendant que le 1972 s’ascétise font que le 1959 gagne alors que j’aurais parié sur le 1972 en début de plat.

Les trois vins qui suivent accompagnent le ris de veau. Le Corton Bouchard Père & Fils 1966 est très pur. C’est un vin ciselé. Le Vosne-Romanée Lausson négociant 1947, est, selon mon carnet de notes  « fantastique, fabuleux ». Il est viril, râpeux, très bourguignon comme l’autre Vosne-Romanée et son final est glorieux. Je suis servi en premier du Chambertin (mis en bouteille en 1906) producteur inconnu 1904 et la première approche me paraît dangereuse, car il y a des notes animales. J’en préviens mes convives et l’on m’adresse de vifs reproches, car la suite de la bouteille, plus brune, se développe nettement. Et c’est vrai que le 1904 revit, mais il est objectivement fatigué. Un petit navet avec le 1947 crée un fol accord. La sauce lourde et délicieuse du plat donne un mariage grandiose avec le 1904. C’est une fusion spectaculaire.

Quand le canard est servi, le Volnay Coron Père & Fils 1928 semble fait pour lui. Il est rond, chaleureux, séduisant, plein comme un 1928. Le contraste est énorme avec la Romanée Conti, Domaine de la Romanée Conti 1973 qui est d’une subtilité exceptionnelle. Bipin Desai est admiratif de la faculté d’expression de ce vin d’une année faible. Ma voisine me demande si notre enthousiasme pour ce vin n’est pas dû à la connaissance de son nom. Je lui explique que la connaissance du nom nous rend attentifs, mais que la subtilité que nous lisons est bien réelle. Le Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915  est d’une solidité à toute épreuve. C’est un vin hors du temps, parfait, d’une sécurité absolue. La subtilité de la Romanée Conti sous son grand équilibre est un grand plaisir. Il nous confirme la capacité de ce vin légendaire à tirer le meilleur parti d’un millésime en demi-teinte.

Je redoutais l’accord du dessert avec le Filhot, mais c’est le Champagne Mumm Cordon Vert ½ sec vers 1950 qui va réussir un mariage unique. Ce champagne, qui n’a plus de champagne que le nom a un goût d’une sensualité exacerbée. C’est chaleureux, doux comme un oreiller parfumé, plaisant comme un bonbon. L’étonnement est extrême de voir ce vin capable d’autant de séduction.

Le Château Filhot 1928 va se déguster sur des mignardises adaptées à sa structure. Le vin d’un bel or d’un ambre léger évoque plus l’orange que le pamplemousse au nez comme en bouche. Un peu sec, il est d’une grande séduction, avec un final rare. J’adore ces vins qui me satisfont particulièrement.

Le vote est certainement le plus surprenant de tous les dîners. Nous sommes neuf à voter car l’épouse japonaise ne boit pas. Les vins qui ont été élus premiers sont le Chambertin 1904 avec 5 voix, et ceux avec une voix sont le Vosne-Romanée 1947, la Romanée Conti 1973, le Nuits Cailles 1915 et le Filhot 1928. Huit vins sur onze ont eu des votes ce qui est une belle variété. Le vote de Bipin Desai est : 1 – Romanée Conti 1973 car il a été impressionné par sa prestation, 2 – Nuits Cailles 1915, 3 – Pommard 1959 et 4 – Vosne-Romanée 1972.

Le vote du consensus serait : 1 – Chambertin 1904, 2 – Nuits Cailles 1915, 3 – Romanée Conti 1973, 4 – Filhot 1928 et le Mumm vers 1950 serait le 5ème.

Mon vote est : 1 – Filhot 1928, 2 – Nuits Cailles 1915, 3 – Romanée Conti 1973, 4 – Mumm Cordon Vert vers 1950.  

Ce qui est surprenant, c’est que Bipin et moi, qui sommes plus que d’autres habitués aux vins anciens, avons remarqué que le 1904 est le vin qui s’écartait le plus de la prestation qu’il aurait pu offrir. Alors, pourquoi ce vin se détache-t-il autant dans les votes avec cinq votes de premier ? On ne peut exclure que beaucoup de convives aient été impressionné par les 104 ans d’âge de ce vin. C’est à rapprocher de la remarque qui m’avait été faite de l’influence de l’étiquette sur l’intérêt que l’on porte à un vin. Dans ce cas, ce n’est pas l’étiquette, puisque le producteur est inconnu, mais l’âge qui a fait aimer ce vin, du moins je le suppose. Ce qui compte au final, c’est que le plaisir soit là, qu’il corresponde ou non à une vérité intrinsèque qui n’existe sans doute pas.

Dans cette merveilleuse salle, le service fut parfait, conforme à la réputation du lieu. Mehdi a bien assuré le service des vins, Jean-Claude a supervisé le service des plats avec talent. Alain Solivérès a fait une cuisine qui correspond exactement à l’esprit de ces dîners : les plats sont cohérents, les saveurs sont lisibles, adaptées aux vins. On aurait pu sans doute ajouter un plat, mais cet essai fut intéressant.

Ce soir, huit bourgognes de 1973, 1972, 1966, 1959, 1947, 1928, 1915, 1904 nous ont permis de faire un voyage passionnant dans l’histoire du vin de Bourgogne. Les deux plus vieux sont le premier et le deuxième du vote général. Le vin de Bourgogne vieillit bien. C’est agréable de le constater au cours d’un repas amical et enjoué à l’une des plus belles tables françaises.

Dîner du 4 septembre 2008 – photos des vins jeudi, 4 septembre 2008

Si nous ne sommes que 8 convives, les vins précédés d’une "*" ne seront pas servis.

Magnum de Champagne Pol Roger Brut 1990

Champagne Mumm Cordon Vert ½ sec vers 1950 (ou avant)

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Pommard Jérôme Buffon négociant 1959

Vosne-Romanée Mugneret-Gibourg propriétaires 1972

Le Corton Bouchard Père & Fils 1966

Vosne-Romanée Lausson négociant 1947

Chambertin (mis en bouteille en 1906) producteur inconnu 1904

Volnay Coron Père & Fils 1928

Nuits-Saint-Georges Les Cailles Morin Père & Fils 1915

Romanée Conti, Domaine de la Romanée Conti 1973

Château Filhot 1928

 

Dîner du 4 septembre 2008 – les photos jeudi, 4 septembre 2008

L’escalier qui mène au premier étage du restaurant Taillevent

La belle table dressée pour nous dans la salle lambrissée

Les vins alignés dans l’ordre de service

Vue partielles des vins

La capsule du Vosne Romanée 1947

La capsule du 1904 identique à celle du 1947, et le 1904 capsule enlevée

La capsule et le haut de bouteille du Volnay 1928

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La capsule du Nuits Cailles 1915

La capsule du Filhot 1928 est une oeuvre d’art

Les vins débouchés et quelques bouchons

Les plats du repas

j’ai oublié de photographer le bar

le merveilleux dessert

la table en fin de repas, avec la bouteille de Romanée Conti 1973 au verre vert

Des amis avaient encore la force de conclure cette nuit avec un cognac !!!

dîner à l’Astrance – les photos mardi, 29 juillet 2008

les bouteilles du dîner, dans l’ordre de service

le beau bouchon du Mumm Cuvée René Lalou 1966

Sablé à la truffe d’été, huile de noisette et Foie gras mariné, galette de champignon de Paris, un "must" incontournable

Langoustine dorée, chou cuisiné à la cacahuète et Rouget, oignon rouge et poireau

Veau grillé, jus de viande, purée de griotte et Agneau grillé, aubergine, curry noir

la couleur merveilleuse du Dom Ruinart rosé 1981 et Vieille Mimolette, gelée de fruits rouge (très légère), dont l’accord ne me convainc pas.

Génoise au pamplemousse et yuzu

et, non photographiés,

Mangue et agrumes caramélisés

Madeleine au miel de châtaignier

102ème dîner de wine-dinners au restaurant L’Astrance mardi, 29 juillet 2008

Le 102ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant l’Astrance. En cette fin juillet l’atmosphère est lourde, mais une petite brise longe la rue Beethoven, donnant une impression de frais. Les vins sont depuis plus de quinze jours dans la cave du restaurant. Je viens pour ouvrir les bouteilles, filmé par une chaîne de télévision, et répondant aux questions d’un journaliste qui a choisi comme sujet le problème des faux qui pourrissent le marché des vins d’exception. J’ouvre les bouteilles et le nez qui me paraît le plus sympathique est celui du Volnay 1928, chaleureux au possible. Nous dissertons longuement sur ce qui me permet de penser que l’Yquem 1900, bouteille légendaire que j’ouvre ce soir, est une bouteille authentique. L’examen visuel est plus que rassurant. Mais l’extraction du bouchon et le parfum qui se dégage sont la preuve la plus absolue qu’il s’agit d’un magnifique Yquem 1900.

Les premiers convives arrivent et j’explique aux nouveaux venus comment profiter de ces dîners. Une personne évoque Selosse, ce vigneron talentueux de Champagne et je décide de faire ouvrir le champagne Initiale de Jacques Selosse pour étancher une possible soif et nous permettre d’attendre un éventuel retardataire. Nous prenons possession du trottoir devant le restaurant et au dessus de nos têtes un hélicoptère tourne et retourne. Nous pensons que le convive non encore présent aurait choisi ce mode de locomotion mais il arrive avec le sourire au guidon d’un scooter. Le champagne est très pur, d’un fort caractère sans concession, comme celui qui l’a fait. Le petit sablé est un peu lourd pour le champagne alors qu’une amande blanche et un petit dé de pomme Granny-smith l’excitent élégamment.

Notre groupe de huit personnes est composé de trois membres de ce que j’appelle la dream-team car il s’agit des plus fidèles d’entre les fidèles. L’un est venu avec sa compagne et ses parents, et un autre avec une relation professionnelle japonaise. Ce représentant de l’Empire du Soleil Levant ne profitera pas longtemps des trésors culinaires et œnologiques, car à la fin du troisième plat, il sortit s’étendre sur le macadam achevé par la profusion de bonnes choses. Il fut mis dans un taxi et pris en charge à son hôtel pour aller rêver dans son lit de ce qu’il manqua.

Bien sûr, cela nous permit de faire du mauvais esprit sur la cuisine de Pascal Barbot qui décime les samouraïs, mais ce n’est que de l’humour, car la cuisine de Pascal Barbot prouva une fois de plus sa pertinence et son talent. Voici le menu : Sablé à la truffe d’été, huile de noisette / Foie gras mariné, galette de champignon de Paris / Langoustine dorée, chou cuisiné à la cacahuète / Rouget, oignon rouge et poireau / Veau grillé, jus de viande, purée de griotte / Agneau grillé, aubergine, curry noir / Vieille Mimolette, gelée de fruits rouge / Génoise au pamplemousse et yuzu / Mangue et agrumes caramélisés / Madeleine au miel de châtaignier.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1966 se présente dans la magnifique bouteille au verre biseauté et dans nos verres sa couleur est dorée d’un or brun légérement foncé. La bulle est présente mais discrète et en bouche, le vin est délicieux. 1966 est une grande année pour le champagne et ce Mumm a une personnalité rare. Le nez est de miel, et forme avec le champignon de Paris un accord d’une subtilité absolue. La préparation de champignon et de foie gras est une institution, qui montre une fraîcheur liée à l’épaisseur des tranches. La petite crème citronnée rajoute du piquant à la fraîcheur et le miel du champagne enveloppe le tout. C’est pour les novices une remarquable introduction au monde de la gastronomie raffinée de Pascal Barbot.

Le Bâtard Montrachet Veuve Moroni 1992 est d’un jaune d’une belle jeunesse. Le nez est expressif sans exploser. Ce qui est assez spectaculaire et ma voisine imagine que c’est voulu, c’est que l’odeur insistante de miel de ce vin fait une continuité précise avec le miel du champagne. C’est étonnant et heureux, mais c’est fruit du hasard. Le goût est délicat. C’est un Bâtard Montrachet subtil que l’âge a agréablement équilibré. Nous différerons dans l’analyse avec un de mes fidèles amis qui le trouve plus paradant que discret. Ce n’est pas mon avis. La vedette est au plat. Car la cuisson des langoustines est idéale, des parties presque crues exacerbant la saveur de la chair, et les choux sont divins  et cohérents avec le crustacé.

Quand le Château Carbonnieux rouge 1928 est servi, il est inimaginable d’envisager que la couleur du vin dans nos verres puisse être de 1928. Le nez est intense comme celui des plus grands bordeaux, et en bouche, le vin est impérial. On aurait du mal à lui donner plus de quinze à vingt ans d’âge alors qu’il en a quatre-vingts. Ceci conduit à une remarque à propos du sujet choisi par le journaliste. Je suis absolument certain de la provenance des Carbonnieux 1928 que j’ai achetés en quantité il y a plus de vingt ans. Ayant bu beaucoup de Carbonnieux 1928, je sais qu’ils sont réels, ce qui est corroboré par le bouchon qui lorsque je l’ai ouvert s’est fractionné en mille morceaux. Or tel qu’il est là, ce vin à la couleur rouge sang et à la jeunesse folle ne pourrait pas être accepté comme un vin cacochyme. Or il l’est. Ce vin est une divine surprise plébiscitée par tous. Le choix d’un rouget sur ce rouge est évidemment pour me plaire. La chair du poisson entier est sauvage, pure, intense, et c’est une des meilleures préparations possibles du rouget, même si l’on se bat parfois avec les arêtes. Les oignons qui accompagnent forment un tandem avec le poisson beaucoup moins accepté que le chou avec les langoustines. C’est donc sur la chair seule qu’il faut profiter de ce merveilleux vin.

Le Volnay Cuvée Blondeau Hospices de Beaune 1928 est une bouteille d’une rare beauté, soufflée à la main, à l’étiquette simple mais raffinée. La couleur est un contraste inouï avec celle du bordeaux de la même année. Car ici, c’est le rouge affadi d’une tuile pâle. En fait le pigment a dû glisser dans la partie basse de la bouteille car les dernières gouttes versées sont presque noires. L’impression que donne ce vin est très proche de celle que j’ai ressentie la veille avec un Chateauneuf-du-Pape Clos des Papes 1937. On s’inquiète d’une fatigue apparente, mais le vin fait tout pour prouver qu’il est toujours vivant. Et le charme agit même si le vin n’est pas d’une pureté virginale. Les dernières gorgées sont d’un grand et vrai plaisir. La chair du veau est splendide et les griottes mettent en valeur le Volnay parce que paradoxalement leur acidité efface celle du vin pour l’arrondir.

La Côte Rôtie La Landonne Guigal 1992 apporte sa sérénité à ce stade du repas pour notre plus grand confort. Et ce vin délicieux mais connu, car on remonte le temps de 64 ans, sert à mettre en valeur l’intérêt des vins anciens, car le caractère encore un peu brut, non décoffré de ce vin encore une fois d’un goût superbe est loin d’avoir atteint ce qu’il pourra offrir quand le temps aura fait son œuvre de cohésion et d’intégration. L’agneau est sans doute le plat le moins excitant de tous ceux que nous avons dégustés, mais la fatigue, qui a terrassé notre japonais parti sur les terres du soleil couché, joue sans doute un rôle. Le plus divin de ce plat, c’est le curry noir où la réglisse forte excite virilement la Côte Rôtie.

Le Champagne Dom Ruinart rosé 1981 d’une bouteille à l’élégance exceptionnelle irradie dans nos verres d’une couleur à la beauté sans pareille. Le rose est saumon, il est pêche, il est cuisse de nymphe émue. Sa bulle est active, son nez est foudroyant et en bouche c’est un bonheur incommensurable. Ce champagne est au sommet de son art. Lorsque Pascal Barbot et Christophe Rohat m’ont proposé de mettre ce champagne à ce stade du repas, alors que je l’avais placé en ouverture, j’ai accepté l’idée qui m’a conduit à faire ouvrir le Selosse. Lorsque j’ai lu que l’association prévue est avec une mimolette et une sauce de fruits rouges, j’ai pensé à un caprice de chef que je n’allais pas brider. C’est effectivement osé, capricieux, et nos papilles chavirent. Mais le résultat n’est pas convaincant au-delà de l’audace de l’exercice de style. Alors, l’esprit vagabonde et l’on conçoit à quel point ce champagne ouvrirait les bras à de beaux plats du répertoire, et nous pensons qu’un ris de veau entier serait un très beau partenaire. Ce champagne est merveilleux.

Chaque fois qu’un Yquem apparaît sur une table, la joie est au rendez-vous. Le Château d’Yquem 1985 est d’une belle jeunesse. Sa couleur est encore celle d’un enfant. En bouche il est rassurant, charmeur et enveloppant. Je me rends compte que ce vin fera partie dans quelques décennies des Yquem secs. On le sent taillé pour être un partenaire de haute gastronomie. Il se marierait avec des viandes blanches y compris de poissons avec une compréhension absolue.

Il y a du sucre dans les deux desserts, ce qui annihile toute possibilité d’accord avec les deux Yquem.

Le Château d’Yquem 1900 est présenté avec sa magnifique bouteille au cul d’une rare profondeur, au verre blanc et à la couleur de vin foncée comme de l’acajou. Dans le verre c’est un or brun prononcé. Le parfum est envoûtant d’agrumes et mangues confites. En bouche c’est un message d’amour. Il fait comprendre deux choses. La première c’est l’incroyable distance qui le sépare de l’Yquem 1985 que nous avons aimé. Nous sommes à des années-lumière de son très jeune cadet, de 85 ans plus jeune. La deuxième, c’est que nous comprenons ce qu’est le monde des vins d’exception. C’est un peu ce qui sépare le top model de la miss de sous-préfecture, ce qui sépare le cap-hornier du marin d’eau douce, ce qui sépare l’alpiniste des sommets de plus de 8000 mètres de l’escaladeur de week-end. Car cet Yquem 1900 appartient à une race, une élite, une exception. L’équilibre de ce vin est total, c’est un plomb fondu de bonheur. Seules les petites madeleines répondent à sa séduction, car les mangues sont trop sucrées pour correspondre aux désirs du vin. Deux des convives ayant participé au centième dîner au château de Saran ont goûté avec moi l’Yquem 1904. Nous convenons que le 1900, même s’il est exceptionnel, est surclassé par le 1904 bu en Champagne.    

Nous somme sept à voter pour neuf vins. Chacun des neuf vins figure dans les votes ce qui est agréable. Il n’y a que deux vins classés premier, car six sur sept votants ont plébiscité l’Yquem 1900. C’est l’Initiale de Selosse qui recueille le septième vote de premier.

Le vote du consensus serait : 1 – Château d’Yquem 1900, 2 – Château Carbonnieux 1928, 3 – Champagne Dom Ruinart rosé 1981, 4 – Volnay Cuvée Blondeau Hospices de Beaune 1928. Ce vote a le même ordre que celui d’un des plus fidèles de la dream team.

Mon vote est : 1 – Château d’Yquem 1900, 2 – Château Carbonnieux 1928, 3 – Champagne Dom Ruinart rosé 1981, 4 – Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1966.

Il est intéressant de constater que le Volnay, objectivement fatigué mais largement plaisant a été retenu dans cinq votes sur sept votants. C’est un encouragement à mettre en valeur les vins anciens. On note aussi que les trois vins les plus vieux, et de loin, figurent tous dans le vote du consensus. C’est un précieux encouragement à continuer dans la voie de mise en valeur des vins anciens.

Pascal Barbot est venu recueillir nos avis en fin de repas. Il est certain qu’il est un prince des cuissons. Le rouget et sa chair merveilleuse, la langoustine et le chou sont des moments inoubliables. Le fait qu’il y ait des petits points améliorables tels que le sucre dans le dessert ou l’importance de l’oignon montre que dans une œuvre humaine on pourra encore aller plus loin dans une excellence qui me ravit. Les petites crèmes sont des signatures ravissantes de chaque plat. Si au cours de ce chemin il y a des petites extravagances comme la mimolette, tant mieux, car il ne faut pas être rigide et il faut aussi faire l’école buissonnière.

Ce fut un magnifique repas. Comme dans les pièces de théâtre il y eut un épisode vaudeville, car le japonais malade s’était évanoui en emportant la veste d’un autre convive. La joie d’être entre amis se prolongea encore quand un des plus fidèles suggéra que l’on boive quelque chose. Ce fut un champagne Salon 1988 divin comme on peut l’imaginer, au fumé redoutable, sur lequel nous trinquâmes avec Alexandre, Thomas et un troisième membre de la joyeuse équipe de l’Astrance, ce qui sonna la fin d’un immense moment de bonheur partagé.

102ème dîner : les vins mardi, 29 juillet 2008

Champagne Initiale de Jacques Selosse

Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1966 

Bâtard Montrachet Veuve Moroni 1992

Château Carbonnieux rouge 1928 

Volnay Cuvée Blondeau Hospices de Beaune 1928

Côte Rôtie La Landonne Guigal 1992

(même les rats sont des mangeurs d’étiquettes !)

Champagne Dom Ruinart rosé 1981 ?

Château d’Yquem 1985

Château d’Yquem 1900 ?

la mention de négoce est particulièrement intéressante (est-ce un parent de Roland Garros ?). A qui est-ce expédié ?

les photos des deux parties de l’étiquette ont été faites sans enlever le film plastique qui entourait la bouteille.