Archives de catégorie : dîners de wine-dinners

données sur les 1050 vins des cent premiers dîners lundi, 28 avril 2008

Si vous voulez savoir l’âge moyen des vins de ces dîners, leurs régions d’origine, la répartition par décennies, il faut lire le document ci-dessous.

Si vous voulez savoir quels sont les vins les plus anciens bus aux dîners, les plus prestigieux, si vous voulez savoir si mes votes portent sur des vins jeunes ou anciens, lisez ce document :

analyse des 100 dîners :    analyse100diners.xls.pdf

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100ème dîner – le menu et les vins jeudi, 24 avril 2008

100ème dîner de wine-dinners le 24 avril 2008 au Château de Saran

Les vins de la collection wine-dinners et les champagnes des caves de Moët & Chandon

Dom Pérignon Œnothèque 1966 en magnum

Moet & Chandon 1975 en magnum

Rilly rouge 1928

Château Margaux 1959

Pétrus 1953 

Moet & Chandon 1921 en magnum dégorgement à la volée

Romanée Conti, Domaine de la Romanée Conti 1972

Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1987

Côte Rôtie La Mouline Guigal 1978

Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1972

Vin blanc d’Arlay Jean Bourdy 1888

Cramant Moët & Chandon 1928

Château d’Yquem 1904

Vin de Chypre 1845

Moet & Chandon 1959 en magnum

Vin du Mesnil Moët & Chandon 1900

Le menu créé par Bernard Dance

Velouté de sole

Langoustines Thaï

Filet de sole au caviar d’Aquitaine et cerfeuil

Turbot rôti et son jus de veau, fenouil braisé

Filet de rouget et sa sauce au vin rouge

Ris de veau

Filet d’agneau en croute et navet confit au jus

Râble de lapin

Pigeon molé

Comté 18 mois

Duo de mangues et pamplemousse, jus de thé

Petites madeleines

100ème dîner – le début de journée jeudi, 24 avril 2008

La journée du centième de mes dîners commence par une visite impromptue à la cave d’Anselme Selosse. Les champagnes Jacques Selosse sont des vins de vignerons, qui parlent la langue de leur auteur. Ce sont des vins engagés. J’ai goûté des vins comme « initiale » ou « version originale », puis le 1998 et enfin le « Substance » que j’adore. Ces champagnes sont typés, expressifs. Ils ne laissent pas indifférents.

Je me rends ensuite au château de Saran où l’on m’a préparé un petit encas que je mange sur une table dressée sur une terrasse au soleil, car nous vivons la première journée qui ressemble réellement au printemps, après la morne grisaille des deux derniers mois. Ce déjeuner frugal est accompagné du champagne Dom Pérignon 2000 que je n’avais encore jamais vu, car il est né ce mois-ci. La première impression est légère et aqueuse. Mais j’ai encore en bouche la mémoire de Substance de Selosse. Dès que je commence à manger je prends conscience que ce champagne est un partenaire idéal de gastronomie. Je lui souhaite longue vie.

Tout au château de Saran respire l’esprit de service. Jean Berchon, l’homme grâce auquel j’ai eu la chance de pouvoir organiser le centième dîner en ce lieu, me rejoint dans la magnifique salle à manger pour assister à l’important moment de l’ouverture des bouteilles. Nous commençons par une séance de photos de l’impressionnante série de vins. Les bouchons se brisent souvent lors de leur montée, mais je réussis à ne laisser tomber aucune particule dans les précieux liquides. Les plus belles odeurs sont d’abord, évidemment, le vin de Chypre 1845 et l’Yquem 1904 absolument envoûtants de perfection olfactive. Ensuite, ce sont la Romanée-Conti 1972 et le Pétrus 1953. L’odeur qui me fait le plus hésiter est celle du Margaux 1959. Celle du Vosne-Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1987 est assez neutre. Celle du blanc vieux d’Arlay 1888 est impériale de sérénité.

J’ouvre aussi les vins tranquilles de la maison Moët dont le bouchon a la tête fendue en deux pour caler l’agrafe qui assure la solidité du bouchage. Pour certains d’entre eux, le métal tombe en poussière, l’agrafe réduite en poudre ne jouant plus aucun rôle. Je réussis à ouvrir tous ces bouchons alors que c’est un type de bouchage que je rencontre rarement.

Je rejoins mes amis au rendez-vous qui est donné au siège de Moët & Chandon pour une visite des caves. Jean Berchon explique l’histoire des familles dont il est un des descendants et c’est une hôtesse polonaise qui nous fera arpenter une infime partie des 28 kilomètres de cave. Nous visitons ce qui peuple mes rêves, les casiers des anciens millésimes d’années mythiques que j’espère un jour explorer.

En convoi serré nous nous dirigeons vers le château de Saran. Nous rejoignons nos chambres pour nous préparer. Les femmes seront belles, leurs maris élégants. Nous allons vivre un repas qui marque un moment rare de gastronomie.

100ème dîner – le récit du dîner jeudi, 24 avril 2008

Le centième dîner de wine-dinners se tient au château de Saran, demeure prestigieuse où cette grande maison de champagne reçoit ses clients, des hôtes prestigieux et ses amis. On m’a « prêté » le château et c’est tout drôle pour les trois membres de la direction d’être salués chez eux par un hôte extérieur. Il y a Jean Berchon, directeur des relations extérieures et directeur du patrimoine du groupe Moët, Richard Geoffroy, chef de cave du champagne Dom Pérignon et Benoît Gouez, chef de cave de Moët & Chandon. L’appellation « chef de cave » signifie que ces deux œnologues ont l’immense responsabilité d’être les décideurs ultimes de la composition de leurs vins. Neuf de mes amis, parmi les plus fidèles de mes dîners, complètent la table. Qui sont-ils ? Un avocat, fidèle le plus assidu de mes dîners récents, un chef d’entreprise qui pourrait être mon fils et son épouse, assidu de tous mes grands dîners dont ceux à Yquem et à l’Astrance, un autre chef d’entreprise et son épouse, plus de ma génération, grand amateur de vins qui est venu avec un couple d’amis amateurs, lui, dentiste de son état, un expert-comptable italien venu de Milan avec son épouse, fidèle participant de très nombreux dîners malgré l’éloignement.

Le principe du dîner de ce soir est que les champagnes ou vins de champagne proviennent de la cave de Moët & Chandon et que tous les autres vins proviennent de la mienne. J’ai eu la liberté totale de fixer avec le chef le menu de ce soir.

Dans le joli salon de réception, où traîne négligemment un important ouvrage photographique dont la page de couverture présente la première dame de France dans un tenue qui n’est décrite dans aucun protocole, on nous sert un champagne Dom Pérignon 1973 en magnum, mais le nez me surprend. C’est d’un émerveillement qui dépasse le souvenir que j’ai du 1973. Je m’informe, et j’apprends que Richard a fait changer pour un champagne Dom Pérignon 1966 en magnum car il sait que j’ai adoré cette année. C’est une délicate attention. Je fais un petit discours de bienvenue, et je rappelle quelques données sur les 1050 vins qui ont été servis lors de mes cent dîners.

Nous passons à table et nous sommes subjugués par la beauté de la table en acajou d’une couleur exquise, et par le service de porcelaine aux couleurs dont un rouge oursin affirmé développe une force considérable. Une table de maison privée a beaucoup plus de charme qu’une table de restaurant, fût-il le plus grand. Le menu créé par Bernard Dance et que j’ai mis au point avec lui est le suivant : Velouté de sole / Langoustines Thaï / Filet de sole au caviar d’Aquitaine et cerfeuil / Turbot rôti et son jus de veau, fenouil braisé / Filet de rouget et sa sauce au vin rouge  / Ris de veau / Filet d’agneau en croute et navet confit au jus / Râble de lapin / Pigeon molé / Comté 18 mois / Duo de mangues et pamplemousse, jus de thé / Petites madeleines. La précision des saveurs, la justesse des cuissons, la lisibilité des goûts ont permis d’obtenir des accords prodigieux. Je savais que Richard et Benoît passent un temps considérable à trouver des accords qui mettent en valeur leurs champagnes. Il fallait que j’invente, que j’innove, que je sois d’une audace folle pour les intéresser. A une exception près, les accords ont été spectaculaires.

Le champagne Moet & Chandon 1975 en magnum est un champagne solide, à une charnière de sa vie, jeune encore, avant de montrer des signes de maturité. Il est confronté aux deux premiers plats et les accords créent des images dont le cerveau restitue une vision spatiale. Le velouté de sole assied le champagne, qui prend des bases d’une solidité à toute épreuve, qui permettent de développer sa palette aromatique. Il ne gagne pas en longueur mais en assise. La subtile et frêle sauce des langoustines joue le rôle d’une chistera, donne un coup de fouet au champagne qui en est tout émoustillé et brille de façon remarquable. Nous avons eu deux belles approches d’une mise en valeur du champagne par des plats exacts et – j’en suis content – inattendus pour mes hôtes dont je suis l’hôte.

Le Rilly rouge Moët & Chandon 1928 est un vin tranquille, c’est-à-dire élevé sans bulles, qui est un exemple de pinot noir tout à fait étonnant. Il n’y a pas de repère possible pour le caractériser, sauf peut-être quelques rouges d’Alsace anciens. Je suis particulièrement fier de l’accord que j’ai imaginé, sans avoir jamais goûté ce vin, car la salinité du caviar et la chair virile de la sole se marient de façon diabolique avec cet excellent rouge, un extraterrestre gustatif pour nous tous. J’avais prévu le Cramant 1928 au moment du fromage, mais dans un précédent brouillon de menu, j’avais évoqué l’idée de comparer Rilly et Cramant, rouge et blanc du même millésime mythique, sur le même plat. J’avais ensuite écarté l’idée, mais le vin fut quand même servi. Il apparait d’une éclatante évidence que le Cramant ne va pas du tout sur le plat, ce qui renforce la pertinence de l’accord du rouge sur le caviar. Un autre Cramant 1928 fut ouvert plus tard pour sa destination souhaitée.

Le Château Margaux 1959 dont l’amertume poussiéreuse m’avait alarmé a complètement gommé cette odeur. Je constate avec Benoît qui est mon voisin de table qu’il reste une trace infime de poussière mais le vin est exceptionnel. Quand Margaux joue à fond sa séduction féminine, personne ne résiste. C’est un vin qui joue sur sa subtilité et le turbot lui sert de danseur mondain. La délicatesse subtile et charmeuse de ce grand vin est confondante.

Comme je l’ai presque chaque fois fait dans mes dîners lorsqu’il y a Pétrus, c’est un rouget qui accompagne Pétrus 1953. Richard s’étonne et applaudit car nous en sommes déjà à trois vins rouges et nous campons toujours dans le monde du capitaine Némo.

N’ayant aucun repère pour le Moet & Chandon 1921 dont le dégorgement est prévu à la volée devant nous, j’ai pensé que sa digne place serait entre Pétrus et Romanée Conti, les deux monstres sacrés de leurs régions. Une première bouteille est dégorgée, mais le geste n’éjecte pas la lie agglomérée. Un deuxième dégorgement d’une autre bouteille est un succès. J’aime bien le champagne de la première, délicatement acide, mais la deuxième, comme Benoît l’avait pronostiqué, est absolument splendide. Je bois ce champagne avec une intense émotion, d’une part parce que l’année est légendaire, mais aussi parce que le vin est parfait. C’est un équilibre absolu de champagne, sous une forme que l’on ne rencontre quasiment jamais. Cette féerie est difficilement descriptible, car l’accumulation d’évocations rares est unique. Le ris de veau cuit dans sa simplicité est ce qui convient le mieux à ce nectar. Je frissonne de boire un vin de cette année.

Le nez de la Romanée Conti, Domaine de la Romanée Conti 1972 fait franchir la porte bien gardée du paradis. Dès que l’on sent ce vin, on comprend que l’on entre dans un monde d’élitisme absolu. Les quelques convives qui n’avaient jamais bu de Romanée Conti sentent qu’ils touchent à l’exception. Ce vin a un nez rare, et en bouche, le plaisir est total. Je dirais que si l’on sent bien la salinité propre au domaine de la Romanée Conti, la forme de perfection de trame fait de ce vin le plus bordelais des bourgognes. Il est hors norme, jouant assez peu de son charme bourguignon, préférant montrer sa perfection de structure. C’est la plus grande des Romanée Conti 1972 que j’ai déjà bues.

A ses côtés, hélas, le Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1987 que j’avais choisi d’une année calme pour ne pas faire ombrage à la Romanée Conti, fait pâle figure. J’ai soupçonné un effet de bouchon mais Benoît me dit qu’il n’en est rien. Il a dû avoir un petit coup de chaleur. Le vin n’est pas ce qu’il devrait être. C’est dommage, mais la Romanée Conti donne du plaisir pour deux sur le filet d’agneau.

La Côte Rôtie La Mouline Guigal 1978 est absolument magnifique. On ne peut pas imaginer plus grande variété que celle offerte par quatre rouges magiques, le Margaux 1959 d’un charme féminin exacerbé, le Pétrus 1953 d’une perfection de structure hors du commun, la Romanée Conti 1972, firmament de complexité œnologique et cette Mouline d’une année exceptionnelle, d’une apparente simplicité de lecture, sereine, équilibrée qui nous ouvre les bras, puis découvre des talents d’une rare finesse comme un texte de Prévert. Quatre vins magiques qu’il va être difficile de départager. Le râble de lièvre est délicieux dans sa simplicité, ajustée au millimètre sur la simplicité de La Mouline.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1972 confirme que ce vin est peut-être le plus grand vin blanc du monde. Il n’a pas l’explosivité de la jeunesse, mais il a la débauche aromatique qu’on attend de lui. Le plus grand risque que j’avais pris, c’est de l’associer au pigeon molé. Le risque se justifie, mais il aurait fallu faire la même préparation et brosser le molé pour l’éliminer, ce que j’avais suggéré lors de nos préparatifs. Sa trace sur le pigeon eût suffi. Car le mariage de la chair du pigeon seule, ainsi marquée et du blanc est pertinent et excitant. Ce vin blanc d’une année discrète est très grand.

Le Vin blanc d’Arlay Jean Bourdy 1888 est un de mes péchés mignons. J’adore cette évocation jurassienne de noix, d’une subtilité décuplée par les 120 ans de vie de ce vin. La comparaison avec le Cramant Moët & Chandon 1928 est justifiée. Le plus âgé est de loin le plus musclé, mais le Cramant, avec sa jolie acidité, réagit bien dans la confrontation sur un Comté de dix-huit mois seulement, plus pur pour la mise en valeur des vins.

Le Château d’Yquem 1904 a un parfum qui devrait être inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, ce qui est à la mode en ce moment, car il est extraordinaire. En bouche, c’est un feu divin. C’est un Etna de bonheur. On ne peut pas imaginer forme plus parfaite de sauternes. Doté d’une longueur immense, il a tous les parfums des Yquem que j’aime combinant mangue et pamplemousse, avec des accents légers de confiture de fruits bruns.  Le Vin de Chypre 1845 joue sur un registre qui n’est pas sans analogie. Le parfum est aussi beau que celui de l’Yquem, avec des notes de poivre et de réglisse. J’avais demandé que l’on badigeonne les madeleines de jus de réglisse. C’est d’une rare finesse. Ce vin est l’expression la plus aboutie du plaisir pur.

Nous passons au salon pour boire un champagne Moet & Chandon 1959 en magnum qui représente par rapport au 1975 du début de repas un saut qualitatif très substantiel. Ce champagne est beau. Comme pour tous les vins tranquilles de la maison Moët, le Vin du Mesnil Moët & Chandon 1900 nous fait voyager dans la science fiction, sur une planète inconnue. Il y a dans ce vin une fraicheur citronnée étonnante pour ses 108 ans. Benoît avait eu un doute sur ce vin quand il était allé le sentir avant le repas. J’étais beaucoup plus confiant. Et quand nous le buvons son équilibre est plaisant.

Revenons en arrière, car j’ai fait voter à table, sans inclure les deux derniers vins bus au salon, afin d’être sûr de recueillir des votes, qui devaient porter, du fait de la profusion, sur cinq vins au lieu des quatre habituels. Six vingt ont reçu des votes de premier : Yquem 1904 quatre fois, Chypre 1845 trois fois, Pétrus 1953 et Moët 1921 deux fois et Margaux 1959 et Romanée Conti 1972 chacun une fois.

Le classement de Benoît Gouez, chef de cave de ¨Moët est le suivant : 1 – Moët 1921, 2 – Pétrus 1953, 3 – Romanée Conti 1972, 4 – La Mouline Guigal 1978, 5 – le Rilly rouge Moët 1928. Le classement de Richard Geoffroy, chef de cave de Dom Pérignon : 1 – Chypre 1845, 2 – Yquem 1904, 3 – Moët 1921, 4 – Margaux 1959, 5 – La Mouline 1978. Le classement du consensus serait : 1 – Yquem 1904, 2 – Chypre 1845, 3 – La Mouline 1978, 4 – Pétrus 1953, 5 – Moët 1921.

Mon classement des vins : 1 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1972,  2 – Chypre 1845, 3 – Chateau d’Yquem 1904,  4 – Moët & Chandon 1921, 5 – Pétrus 1953.

Il est plus de deux heures du matin lorsque je rejoins ma chambre inondée de roses rouges en bouquets galants. Dans mon lit, j’ai un sourire béat. Car tout a fonctionné le mieux du monde. L’équipe de cuisine a fait un repas qui est un chef d’œuvre. Le service a été d’une rare attention. La table était apprêtée comme il serait impossible de le faire dans un restaurant. Mes amis ont vibré comme je le souhaitais à tous les moments forts du repas. Amitié et vins splendides. Tout m’est bonheur.

(n’oubliez pas de regarder les photos, sur les trois messages qui suivent)

visite aux caves de Moët & Chandon et au chateau de Saran jeudi, 24 avril 2008

On m’a préparé un petit encas au château de Saran, ce qui me permet de découvrir Dom Pérignon 2000.

 

Mes amis écoutent Jean Berchon qui explique l’histoire de Moët & Chandon.

 Un arbre tricentenaire, plus ancien que la Maison Moët qui date de 1743, a offert son ombre à Napoléon 1er.

 

Descente en cave pour découvrir les trésors de la maison Moët, la plus grande maison de champagne.

 

Un foudre offert en 1810 par Napoléon 1er à son camarade de l’école de Brienne-le-Château, le Moët fondateur de la maison de champagne.

Le Moët s’appelle Brut Impérial en souvenir de l’amitié entre les deux hommes.

ouverture des vins, dégorgement du 1921, ma chambre jeudi, 24 avril 2008

Ce tableau de famille est assez unique. Deux vins manquent : le Moët 1921 et le Mesnil 1900.

 

Une autre vue des vins et la table. Peut-on imaginer quelque chose d’aussi beau ?

 

Vues partielles des vins.

Que penser de ce groupe de rouges : Chateau Margaux 1959, Pétrus 1953, Romanée Conti 1972, Vosne Romanée Cros Parantoux Henri Jayer 1987 et Côte Rôtie La Mouline Guigal 1978. Que du grand !!!

Le Rilly 1928 et un groupe de vins à faire rêver avec les deux vins de la Romanée Conti 1972.

Que de blancs en fin de repas ! Montrachet Domaine de la Romanée Conti 1972, Blanc vieux d’Arlay Bourdy 1888, Cramant 1928 Moët, Chateau d’Yquem 1904, Vin de Chypre 1845, Moët & Chandon 1959 en magnum et vin du Mesnil Moët 1900 (que l’on voit à droite sur la photo de gauche).

Un programme immense.

 

Le dégorgement de Moët & Chandon 1921 à la volée dans la belle salle à manger avec un équipement traditionnel.

 

Ma jolie chambre au deuxième étage du château et mon petit-déjeuner terminé dans la belle porcelaine de Limoges.

Je n’ai pas pu photographier mon sourire béat !

100th dinner – the complete story jeudi, 24 avril 2008

The story of my little organization’s hundredth dinner starts two years ago, when I was invited by Moët & Chandon, along with some important people from the world of wine – including Enrico Bernardo, who had just been named World’s Best Sommelier – for a dream weekend at the Château de Saran, Moët & Chandon’s magnificent reception manor.

The magic of the place led me to suggest the idea of holding one of my dinners there, serving my wines and Moët’s champagnes in that idyllic place.

Jean Berchon, head of public relations, kept the project in mind, letting it develop and mature, until one day, he announced, “You can have the château whenever you want.” As I was soon to hold my 100th dinner, I leapt at the chance to honor his promise. We set a date. I called several of my most faithful attendees and the operation was launched.

As it was a place in which I had never held a dinner before, coordinating things with the chef was essential. So, with a strong sense of duty guiding me, I head to the Château de Saran a month before the dinner. I also use the occasion to bring the wines, so that they can remain there undisturbed.

I am welcomed into the Château de Saran by rays of sunlight, a rarity for the season, and by Hélène Feltin, the new mistress of the place. Jean Berchon joins us, and we head to the kitchen to greet Bernard Dance, the chef, who has composed a working menu so that I can comment on each dish as a function of the predicted characteristics of the wines.

Here is the very exhaustive menu we are served to comment on: Cream of sole / Fillet of sole with Aquitaine caviar and chervil / Lobster in vanilla sauce / Roast turbot with savory anchovy jus / Thai scampi / Lamb roast in a black truffle crust / Duck à l’orange / Seared foie gras with mild spices / Sweetbreads with fresh morels / Squab mole / Cheeses / White chocolate and lime délice / Sichuan peppercorn ice cream / Confit of pineapple with spices and coconut ice cream / Dark chocolate and brandied cherry whirlwind.

Jean announces the Moët & Chandon wines that will be added. He has promised me I will be happy with them. I am.

Bernard Dance, who trained in several three-star restaurants in France, is already an adept at food and wine parings, as Jean Berchon, Richard Geoffroy and Benoît Gouez always pinpoint the precise flavors that should accompany “house” champagnes. I discover minimalistic, limpid dishes, which makes the task of adjusting them to the wines that much easier. We change direction a hundred times, modifying sauces or the spirit of the dishes, removing some and adding others, until we hit upon a solution: we will mix the reassuring with the bold, the comfortable with confrontations. The combination seems coherent to me.

Throughout our lunch with Jean and Hélène, the excitement grows, because what we have slated before us is particularly motivating. Bernard Dance is happy to see our reactions to his intelligent, highly readable cooking. Our work affords me a moment of great pleasure by way of a 1999 Dom Pérignon Champagne, which gets better every time I taste it, with its warm hints of caramel cream with graceful floral notes. I know we are preparing a great dinner.

The day comes. I reach the Château de Saran, where a light lunch has been prepared for me, served on a table set out on the terrace in the sun, for this is the first day that really feels like spring, after the gloomy drizzle of the past two months. This simple lunch is accompanied by a 2000 Dom Pérignon Champagne, which I have never seen or tasted before, because it was released this month. The first impression is that it is light-bodied. But as I start to eat, I realize just how ideal a match this champagne is for gastronomic fare. May it have a long and fruitful life.

The atmosphere at the Château de Saran exudes a spirit of service. Jean Berchon joins me in the magnificent dining room to watch the all-important opening of the bottles. We start with a photo shoot of the impressive series of wines. The corks often break as they are being pulled, but I manage to let no crumb fall into the precious liquids. The most heady scents are, obviously, those of the 1845 Vin de Chypre and the 1904 Yquem, which are bewitching in their olfactory perfection. Then, the 1972 Romanée-Conti and the 1953 Petrus. The scent that gives me pause is that of the 1959 Margaux. The 1987 Henri Jayer Vosne-Romanée Cros Parantoux’s is fairly neutral. The 1888 Blanc Vieux d’Arlay’s is imperial in its serenity.

I also open the still Moët wines, which have corks that are indented on the top to hold the clip ensuring the cork remains firmly in place. On some of them, the metal crumbles to dust, as the clip no longer has any part to play. I manage to open all those corks, though it is a type of closure I rarely encounter.

I head off to join my friends at the meeting we have scheduled at the Moët & Chandon headquarters for a tour of the cellars. Jean Berchon tells the story of the families, of which he is a descendant, and a Polish hostess leads us through a tiny part of the 28 kilometers of cellar space. We visit a thing of my dreams: racks of ancient vintages from mythical years, which I hope to explore one day.

A tight convoy, we drive back to the Château de Saran. We head to our rooms to get ready for dinner. The women will be beautiful, their husbands elegant. We are about to experience a meal that will be a rare thing indeed in the world of gastronomy.

Now, we are all at the château, all assembled there, and I am the host! I have been "lent" the château, and the fact that I am the one to greet the company heads as their host gives them a piquant sense of novelty.

I usher in Jean Berchon, head of public relations and heritage for the Moët Group; Richard Geoffroy, cellar master for Dom Pérignon champagne; and Benoît Gouez, Moët & Chandon’s cellar master. The title “cellar master” indeed implies that those two enologists have the enormous responsibility of being the final arbiters of how the champagnes are assembled. Nine of my friends, among the most faithful at my dinners, round out the company at table. Who are they? A lawyer, the most devoted attendee of my recent repasts; an executive young enough to be my son who had been unwaveringly devoted to all of my grand dinners, including the ones at Château d’Yquem and L’Astrance, along with his wife; another executive and his wife, closer to my own age, he a great wine lover who has brought along another couple of wine lovers, the husband a dentist by trade; an Italian accountant who has come from Milan with his wife, he too a faithful participant at many of my dinners, despite the distance.

The point of this evening’s dinner is that the champagnes or Champagne wines – still wines of the region – have come from the cellars of Moët & Chandon, and all the other wines have come from my own cellar. I have had complete freedom in collaborating with the chef to choose the dishes to be served that evening.

In the pleasant reception room, where an important photography book appears to have been carelessly abandoned, open to the cover page, showing the First Lady of France in a decidedly indecorous state of undress, we are served glasses of 1973 Dom Pérignon from a magnum – its nose surprises me. I am overcome with a sense of wonderment I have no recollection of having felt with previous experiences of the 1973. I inquire, and discover that Richard has switched it for a magnum of 1966 Dom Pérignon, as he knows that I love that vintage. An attentive touch. I then give a little welcome speech in which I recall some data concerning the 1,050 wines served over the course of my hundred dinners.

We sit down to dinner, and all of us are enthralled by the mahogany table’s exquisite glow, and by the porcelain tableware, with its deep sea-urchin red powerfully striking out against the wood. A table in a private setting has far more charm than a table in a restaurant, even the grandest of them. The courses devised by Bernard Dance, which I have helped him develop and hone, are as follows: Cream of sole / Thai scampi / Fillet of sole with Aquitaine caviar and chervil / Roast turbot with veal jus and braised fennel / Fillet of red mullet with red wine sauce / Sweetbreads / Lamb roast in a pastry crust with confit turnips in jus / Saddle of rabbit / Squab mole / 18 month aged Comté / Duo of mango and grapefruit with tea jus / Madeleines. The precision of the flavors, the impeccably timed cooking, and the limpidity of the tastes on the plate make for some astounding pairings with the wines. I am aware that Richard and Benoît spend a considerable amount of time seeking out the pairings that will bring out the brightest in their champagnes. Now I have had to invent, innovate and make bold choices in order to catch their attention. With one exception, the pairings prove to be spectacular.

The 1975 Moët & Chandon poured from a magnum is a solid champagne that is at a turning point in its life, still young before it will begin to show signs of maturity. It is faced off against the first two dishes, and the pairings evoke multi-dimensional mental images. The cream of sole grounds the champagne, which settles onto a firmly solid foundation, allowing it to develop its aromatic palette. It is not drawn out, but rather well-grounded by the pairing. The subtle, delicate scampi sauce, in turn, is a whipshot, lashing the champagne into shape; the drink sparkles wildly and shines remarkably bright. We have here, with the pairings, two fascinating approaches to enhancing champagne through precise dishes, and – I am proud to say – ones that are quite unexpected for the guests and hosts I am hosting.

Moët & Chandon’s 1928 Rilly red is a still wine, produced without bubbles, and a striking example of Pinot Noir. There are no possible points of comparison for it, other than, perhaps, some older Alsatian reds. I am particularly proud of the pairing I dreamed up without ever having tasted the wine, because the caviar’s saline quality and the virile flesh of the sole are a devilishly good match for this excellent red, which is a gustatory extraterrestrial for us all. I planned on serving the 1928 Cramant with the cheese course, but in an earlier draft of the menu, I suggested comparing the Rilly and the Cramant, red and white wines from the same mythical vintage, by pairing them with the same dish. I then rejected the idea, but the wine is nevertheless served. It is blindingly clear that the Cramant does not pair well at all with the dish, a clash that gives an even stronger sense of how well the red goes with the caviar. Another 1928 Cramant is opened later to reach its desired destination.

The 1959 Château Margaux, whose dusty bitter smell alarmed me, has completely enveloped that smell, which is no longer anywhere to be nosed out. I remark with Benoît, who is sitting next to me at the table, that there is still a minuscule trace of dust, but the wine is exceptional. When Margaux plays its feminine wiles to the hilt, it is irresistable. The subtle, seductively delicate body of that great wine is stupefying.

As I have done almost every time there has been a Petrus served at my dinners, a red mullet accompanies the 1953 Petrus. Richard is awed, and applauds the pairing, because we have now successfully navigated three red wines through the world of Captain Nemo.

As I have no point of comparison for the 1921 Moët & Chandon, which is to be disgorged on the spot, before our eyes, I thought that its rightful place would be between a Petrus and a Romanée-Conti, the two juggernauts of their regions. A first bottle is disgorged, but it does not expel the compacted lees. A second disgorgement of another bottle is successful. I like the champagne from the first, which is delicately acidic, but the second one, as Benoît predicted, is absolutely splendid. I am intensely moved as I drink that champagne, partly because the vintage is legendary, but also because the wine is perfect. It is a perfectly balanced champagne in a form one almost never encounters. It is difficult to describe the fairytale wonder of the thing, as it is a unique procession of rare and beautiful things. The simply cooked sweetbreads are best suited to this elixir. I feel a thrill run through me in drinking a wine from that vintage.

The nose on the 1972 Domaine de la Romanée-Conti Romanée-Conti draws us through the well-guarded gates of paradise. Once you smell this wine, you understand what it means to enter a world of absolute elitism. The few guests who have never tasted Romanée-Conti feel they are experiencing something unworldly. The wine has a matchless nose, and on the palate, the pleasure is complete. I would suggest that if the saline quality that characterizes the Domaine de la Romanée-Conti is indeed present, the perfection of the body’s structure makes this the most Bordeaux-like of Burgundies. It is uncommon. It does not draw on its Burgundian charms, but rather chooses to show off its perfect structure. It is the greatest 1972 Romanée-Conti I have ever tasted.

Next to it, alas, the 1987 Henri Jayer Vosne-Romanée Cros Parantoux, which I chose from a subdued vintage in order not to upstage the Romanée-Conti, is somewhat less sublime. I suspect there is an issue with the cork, but Benoît declares that idea unfounded. It could be heat damage. The wine is not what it should be. It is a shame, but the Romanée-Conti provides enough pleasure for the both of them, paired with the lamb roast.

The 1978 Guigal Côte-Rôtie La Mouline is absolutely magnificent. You could not dream of a greater variety than what these four magical reds have to offer – the 1959 Margaux with its heightened feminine charm, the 1953 Petrus with its uncommonly perfect structure, the 1972 Romanée-Conti, a paradise of vinous complexity, and this La Mouline, from an exceptional year, with its deceptively simple approach, a serene and balanced thing, opening its arms to us, then uncovering a breathtakingly refined encyclopedia of talents. Four magical wines it would be well-nigh impossible to rank. The saddle of rabbit is delicious in its simplicity, and pairs to a tee with the simplicity of the La Mouline.

The 1972 Domaine de la Romanée-Conti Montrachet confirms that this is perhaps the greatest white wine in the world. It no longer has the explosive quality of its youth, but it is a heady tangle of aromatic debauchery, as one would expect. The greatest risk I took was in matching it with the squab mole. The risk pays off, but it would be better to prepare the same dish and take away the mole sauce, which is what I suggested during our preparations. Traces of it on the squab would suffice, as the pairing of the squab’s flesh, flavored by that preparation, with the white is poignant and exciting. This white wine from a discreet vintage is grandiose.

The 1888 Jean Bourdy Vin Blanc d’Arlay is one of my guilty pleasures. I love its unmistakably Jura tastes of walnut, with a subtlety that is magnified tenfold by the 120 years of its life. Comparing it against the 1928 Moët & Chandon Cramant is justified. The older wine is by far the more brawny, but the Cramant, with its charming acidity, reacts well against a Comté that has been aged only 18 months so that it could highlight the wines.

The 1904 Château d’Yquem has a scent that deserves to be included on the list of world heritage monuments – a currently fashionable thing – because it is extraordinary. On the palate, it is a heavenly flame, a Mount Etna of joy. One could not possibly imagine a more Platonically perfect Sauternes. Of unimaginable length, it has all the scents of the Yquems I love, combining mangoes and grapefruits, with lighter notes of dark fruit jam. The 1845 Vin de Chypre plays a chord that has no analogy. The scent is as wondrous as the Yquem’s, with pepper and licorice notes. I asked that the Madeleines be brushed with licorice liqueur. They are uncommonly delicate. The wine is the most perfect expression of pure pleasure.

We move on to the drawing room to drink a magnum of 1959 Moët & Chandon champagne, a wine that proves to be quite a qualitative leap from the 1975 served at the start of the meal. It is a lovely champagne. As with all of Moët’s still wines, the 1900 Moët & Chandon Vin du Mesnil leads us into a world of science fiction, to an unknown planet. The wine is possessed of a striking, lemony freshness that is mind-boggling for its 108 years. Benoît had doubts about the wine when he smelled it before the meal. I was much more confident. And when we drink it, its balance is pleasing.

Now, we must take a step back, as I have asked the guests to vote at the end of the meal, before we go on to the last two wines in the drawing room, in order to make sure I collect each person’s vote, which, because there are so many wines to choose from, should single out the top five rather than the usual four. Six wines are singled out as the best wine of the night: the 1904 Yquem four times, the 1845 Chypre three times, the 1953 Petrus and 1921 Moët twice, and the 1959 Margaux and 1972 Romanée-Conti once apiece.

Benoît Gouez, Moët’s cellar master, votes as follows: 1 – 1921 Moët, 2 – 1953 Petrus, 3 – 1972 Romanée-Conti, 4 – 1978 Guigal La Mouline, 5 – 1928 Moët Rilly red. Richard Geoffroy, Dom Pérignon’s cellar master, votes as follows: 1 – 1845 Chypre, 2 – 1904 Yquem, 3 – 1921 Moët, 4 – 1959 Margaux, 5 – 1978 La Mouline. The overall winners are: 1 – 1904 Yquem, 2 – 1845 Chypre, 3 – 1978 La Mouline, 4 – 1953 Petrus, 5 – 1921 Moët.

My vote: 1 – 1972 Domaine de la Romanée Conti Romanée-Conti,  2 – 1845 Chypre, 3 – 1904 Château d’Yquem,  4 – 1921 Moët & Chandon, 5 – 1953 Petrus.

It is well past 2 o’clock in the morning when I reach my bedroom, which is flooded with red roses in heady bunches. Lying in my bed, I have a beatific smile on my face. Because everything has gone as smoothly as could be imagined. The kitchen team prepared a masterful meal. The service was precise and unbelievably attentive. The table was set as no restaurant could have. My friends felt a ripple of pleasure running down their spine with each of the meal’s highlights. Friendship and splendid wines. There is joy in the air.

99ème dîner de wine-dinners – quelques plats vendredi, 11 avril 2008

Carré d’agneau de lait des Pyrénées caramélisé, fèves et petites oignons mijotés au beurre de romarin

 

Volaille de Bresse pochée en vessie : 1° service : le suprême servi dans son bouillon, chou farci et raviole de foie gras

 

2° service : gras de cuisse au jus et abattis de volaille

Poire « William » cuite au naturel et caramélisée, mousseline et crème glacée au sirop d’orgeat.

Tout fut délicieusement délicat.

 

99ème diner de wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 10 avril 2008

Le 99ème diner de wine-dinners se tient au restaurant Laurent. Son histoire est liée à celle du 100ème dîner. L’idée de faire au château de Saran le centième dîner, qui marque une date dans l’histoire de mes dîners, m’avait beaucoup excité. Le projet d’un dîner en ce haut lieu de la champagne, au propre comme au figuré, était dans l’air depuis longtemps. Un tel site pour le centième, c’était plus que tentant. Mais comme ceux des lecteurs qui ont une connaissance mathématique développée le remarqueront sans difficulté, il est d’usage que le centième apparaisse après le 99ème et non avant. La date de disponibilité du château de Saran m’ayant été communiquée, il fallait insérer dans mes programmes un dîner de plus. Plutôt que de s’embarrasser à trouver des convives je décidai d’inviter les heureux inscrits au centième. S’ajoute un couple de jeunes mariés à qui j’offrais ce cadeau. Un ami de toujours compléta la table, et nous voilà onze au restaurant Laurent.

Je viens ouvrir les vins peu avant 17 heures et le jeune sommelier qui m’assiste sent chaque vin avec un grand plaisir. Il est surtout intéressé par le Porto du 19ème siècle, car c’est sa région d’origine. Même lorsqu’ils se briseront, aucun des bouchons ne me pose réellement de problème. Aucune odeur ne me fait peur.

Chose invraisemblable qui n’arrive normalement que dans mes rêves les plus irréels, tout le monde est à l’heure à 20 heures précises. La probabilité d’une telle exactitude étant plus faible que celle d’une éclipse totale de soleil, on image à quel point je suis désemparé. Dans le beau salon d’entrée du restaurant, nous prenons l’apéritif avec un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle ancien que j’avais annoncé vers 1970. Il pourrait être plus vieux encore car sa belle couleur dorée évoque les acajous subtils et en bouche il y a un délicieux entrelacs d’agrumes et de brioches. Kaléidoscopique, ce champagne à la bulle chiche mais pétillant sur la langue montre à quel point les champagnes anciens ont une séduction redoutable. Il sert d’introduction au voyage que nous allons faire dans le monde des vins anciens. Les toasts au jambon réveillent l’envie de convaincre du champagne qui serait un partenaire idéal de gastronomie tant il a de choses à raconter.

Nous passons à table dans la belle salle en rotonde du restaurant. Je me suis mis dos à la salle et quand je vois les mâles de notre groupe tourner le cou je peux m’imaginer qu’une beauté sculpturale doit franchir l’espace. Je n’exclus pas pour certains quelques torticolis postprandiaux.

Le menu créé par Alain Pégouret et Philippe Bourguignon : Toasts de jambon Jabugo / Langoustine croustillante au basilic / Royale de morilles / Carré d’agneau de lait des Pyrénées caramélisé, fèves et petites oignons mijotés au beurre de romarin / Volaille de Bresse pochée en vessie : 1° service : le suprême servi dans son bouillon, chou farci et raviole de foie gras / 2° service : gras de cuisse au jus et abattis de volaille / Poire « William » cuite au naturel et caramélisée, mousseline et crème glacée au sirop d’orgeat / Tartelettes au chocolat noir / Café, mignardises et chocolats. Tout ceci est d’une rare délicatesse et je ferai un commentaire à la fin de ce compte-rendu.

Le Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Cuvée Or 1976 surprend immédiatement car il forme avec le précédent un contraste incroyable. Le premier champagne était un « vieux » champagne. Celui-ci est un gamin par comparaison. Ce qui est assez extraordinaire c’est sa séduction subtile féminine au plus haut point. Il est floral de fleurs blanches, il est fruité de fruits blancs et son message délicat impose à nos lèvres son charme infini. On se complairait d’en boire à l’envi dans un Eden retrouvé. La langoustine a une chair douce presque tendre et sucrée et cela compose en bouche avec le champagne un tableau à la Vigée-Lebrun.

Le Montrachet Domaine Amiot Guy et Fils 1993 est un solide gaillard. Son message est clair comme un réveil de Diane. C’est avec la crème qui entoure les morilles qu’il s’exprime dans une continuité envoûtante. L’accord est percutant. Il le fallait bien car ce Montrachet monolithe ne fait rien pour nous dérouter : il suit sa trace gustative sans se retourner.

J’ai passé beaucoup de temps à observer les réactions des jeunes mariés car c’est pour moi riche de sens de comprendre l’entrée de jeunes palais dans un monde quasiment nouveau pour eux. Leurs rires, leurs réactions sont des signes qui m’importent car on peut entrer dans le monde des vins anciens sans grande connaissance préalable et y trouver magie et plaisir. Le carré d’agneau à la chair tendre accueille deux vins aussi disparates que possible. Le Château Carbonnieux rouge 1929 a une couleur sang de pigeon d’un jeune vin. Son nez est franc, mâle. A l’inverse le nez du Château Lafite-Rothschild 1924 est un peu rebutant et sa couleur est plus fatiguée. Mais en bouche ce n’est plus du tout la même chose. Le Carbonnieux a un message direct, franc qui ne s’embarrasse pas de fioritures. On le saisit instantanément et je dois dire que je préfère ce 1929 à tous les nombreux 1928 que j’ai déjà goûtés. Il y a une classe derrière cette pureté qui fait de ce vin un très grand vin. Et je ne suis pas sûr que beaucoup de 1961 seraient plus jeunes que lui. A l’inverse le Lafite est tout en complexité et en subtilité. Rarement Lafite n’aura exposé autant d’évocations. On comprend en « lisant » ce vin pourquoi c’est un premier grand cru classé. Une légère fatigue est là, mais elle n’entrave en rien l’exposé du message large comme un éventail. C’est un très grand vin qui s’est marié plutôt avec la peau caramélisée bien grasse qui réveillait son envie de vivre.

Une incroyable symétrie allait se produire avec les deux bourgognes. Comme dans la première série des rouges c’est le verre à ma gauche qui a le vin le plus vivant. Il s’agit maintenant de l’Echézeaux Henri Jayer 1976 au nez tonitruant, alors qu’il était le plus discret à l’ouverture. Chat matois sans doute il attendait son heure. Henri Jayer est devenu de son vivant mais encore plus après sa mort une légende de la vinification bourguignonne. Est-ce de l’auto-persuasion, toujours est-il que je trouve ce vin absolument parfait dans sa conception, son écriture et son exposé. Des bourgognes aussi précis que celui-ci, je n’en connais pas beaucoup. De plus, comme lors d’une manif, il a mis le son sur haut-parleur et nous délivre un message d’une rare richesse. A côté de lui, à droite, comme pour la série précédente, le Chambolle Musigny Domaine Grivelet 1949 fait un peu plus fatigué. Mais il cache bien son jeu. D’une des plus grandes années de la Bourgogne, il est grand, noble et sans vouloir séduire il y arrive bien. Le plat est divin, la chair blanche d’une tendreté rare, et le petit ravioli de foie gras excite le Chambolle aussi bien que la feuille de chou. Le parallélisme des deux séries de rouges est intéressant : le plus jeune est fringant, mais le plus ancien, sous son manteau de vieillesse, affiche une complexité qui force l’estime et l’affection.

Le deuxième service de la volaille est particulièrement judicieux sur l’Hermitage la Sizeranne Chapoutier 1955 qui me donne un coup de poing dans le cœur. Ce vin est étiqueté comme étant de la réserve de l’auberge  de la Truite à Locmaria-Huelgoat. Est-ce là qu’un souffle iodé de force 8 lui a donné cette puissance, je ne sais, mais je reste sans voix. Ce vin est parfait. Il est intégré, c’est-à-dire que chaque composante est ordonnée de façon logique. Il est cohérent, plein, rond, fruité et joyeux. C’est un vin de pur plaisir. Il n’y a pas de recherche de complication, et cela se boit bien, avec la joie au cœur. Les parties plus grasses de la volaille s’en complaisent. Décidément, l’année 1955 ne me réserve que de belles surprises en ce moment.

Le Château Rieussec Sauternes 1947 fait un tour de piste pour faire admirer sa robe d’un or précieux. Les mâles de notre table s’en arrêteraient de voir les Vénus qui passent. Aussi bien au nez qu’en bouche, c’est la perfection et le bonheur. On se demande en buvant ce vin s’il existe quelque part quelque chose de plus parfait. Car avec l’âge, le sucre s’intègre, se polit, et sans aucune charge excessive, il ne reste que le plaisir pur. Si le Graal devait exister, il se nicherait dans ces vins-là. Bien sûr le jeune couple se délecte comme Alice dans un pays merveilleux. J’avais un peu peur en étudiant le menu que le dessert où le sucre abonde ne s’oppose au vin car le sucre est l’ennemi des sauternes, mais la poire prise seule est un délicat compagnon.

Par contraste le Porto Ferreira Enrique Duque de Bragança 1895 est beaucoup plus alcoolique et lourd. Mais l’âge profite tellement à ces vins qui gagnent en rondeur et en équilibre que le charme est infini, ticket pour le nirvana. Les petites barquettes au chocolat me donnent des envies de roudoudou et je les lèche par le haut comme le font les enfants. Et l’aspect griotte du porto se fond dans le chocolat. C’est du plaisir gourmand.

Tout au long du repas j’ai analysé avec mes jeunes amis sur quel aspect du plat l’accord se faisait, tantôt avec la chair, tantôt avec la sauce, et quand la pointe d’asperge répondait merveilleusement à l’Hermitage c’était un moment d’extase partagée.  Le plus bel accord du repas a été celui de la crème des morilles et ses esquisses de réglisse sur le Montrachet.

Les votes sont toujours d’un grand enseignement. Nous étions onze pour dix vins et chacun des vins sans aucune exception a figuré dans les votes où l’on ne retient que les quatre premiers. Ce résultat est, on le sait, un immense encouragement pour moi. Et le fait que cinq vins sur dix ont eu au moins une place de premier montre d’une part la qualité de mes vins (l’autocongratulation est un exercice qui ne me fait pas trop peur), mais d’autre part la diversité des goûts. Le Rieussec 1947 a obtenu six places de premier, ce qui lui donne une élection présidentielle au premier tour. Quatre vins ont été cités une fois premiers : l’Hermitage Chapoutier, le Lafite 1924, le Chambolle-Musigny Grivelet 1949, et l’Echézeaux Henri Jayer 1976.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Rieussec Sauternes 1947, 2 – Echézeaux Henri Jayer 1976, 3 – Hermitage la Sizeranne Chapoutier 1955, 4 – Château Carbonnieux rouge 1929.

Mon vote, sans doute influencé par le fait qu’Olivier Bernard m’avait rappelé que je vote très souvent pour les sauternes a été : 1 – Hermitage la Sizeranne Chapoutier 1955, 2 – Echézeaux Henri Jayer 1976, 3 – Château Rieussec Sauternes 1947, 4, – Château Carbonnieux rouge 1929. Le consensus consacre les mêmes vins que mon vote, mais j’avais bien hésité d’inclure dans le mien le Porto. Lorsque je m’apprêtais à sortir, j’ai félicité Philippe Bourguignon pour la pertinence absolue des accords et pour la simplicité des plats. Il me répondit que pour un chef, simplifier un plat est ressenti comme une entrave à l’expression de son talent. Il faudra que je m’en explique avec Alain Pégouret au talent que j’admire, car je suis convaincu que la simplification d’un plat pour faire jaillir un accord pur est comme la calligraphie chinoise : c’est un art. Et je suis sûr que l’ensemble de la table a été impressionnée par le talent du chef plus dans cette simplicité que s’il adoptait une expression plus riche, plus composée mais moins proche du résultat escompté. Chaque fois qu’un chef joue ce jeu, il en sort grandi. Et l’apparente limitation du talent n’en est pas une, au contraire.

Aucun plat n’a été à contremploi, ce qui est remarquable. Tout fut en subtilité. L’engagement de Philippe Bourguignon le talent d’Alain Pégouret, l’attention constante d’un jeune sommelier engagé vers la perfection, le service, l’atmosphère, tout a contribué à notre bonheur. Si sur les cent dîners que j’aurai bientôt accomplis le restaurant Laurent, le plus fréquent de tous, figure quinze fois, ce n’est pas un hasard. C’est ici qu’une gastronomie sereine peut s’épanouir. Il ne restait à cela qu’à ajouter nos rires. Ce fut fait.