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Dîner de wine-dinners à l’Ecu de France mardi, 8 mars 2005

Je dois organiser un dîner un peu particulier pour un ami puisqu’il est fondé sur ses vins. Ils représentent pour lui une haute valeur sentimentale. Il veut les partager avec des amis d’enfance dans des conditions idéales. Mon rôle devient celui « d’ouvreur préparateur» de ses pépites. Comme les ambitions de l’Académie, dont j’annoncerai prochainement les contours, sont de mettre en valeur le patrimoine des vins anciens, cet événement entre dans ses objectifs. Je ne peux qu’acquiescer. Le choix porte sur l’Ecu de France, car l’enthousiasme du jeune et bouillonnant chef me semble adapté. J’eus une écoute, une coopération de la part des équipes et une intelligence culinaire dignes de restaurants étoilés. L’oubli que fait le guide Michelin de simplement signaler cet endroit est à réparer tout de suite. Si la nouvelle génération des propriétaires veut viser une étoile, il y aura quelques améliorations à apporter, mais on sent qu’avec de la volonté, cet objectif pourrait ne pas être de l’utopie. Le moteur ne demande qu’à monter en régime.

L’ouverture des vins se fait comme à l’habitude, vers 17 heures. Christiane, fidèle lectrice de mes bulletins, veut me voir enfin à l’œuvre, mais la première bouteille ne me permet pas de faire une démonstration convaincante : le bouchon colle tellement à la paroi du Calon 1929 que je dois l’extirper morceau par morceau. Et le bas du bouchon étant fort imprégné, je ne peux empêcher des miettes de flotter sur le vin. Mes méthodes deviennent convaincantes pour le Fargues 1945, dont le bouchon menace de tomber. Je le sors intact. Aucune odeur n’est inamicale. Je n’ai pas de crainte.

Le Champagne Pommery cuvée Louise 1989 en magnum est fin, délicat, léger et primesautier. Un opportun  sandwich débordant littéralement de douceurs complexes lui donne une densité et une expressivité nettement supérieures. Le champagne s’affirme, jouant d’un brio particulièrement plaisant.

C’est sur une inattendue mise en bouche qu’apparaît le Château Pichon-Lalande GCC Pauillac 1975 dont la jeunesse coquine et la rudesse sympathique trouvent avec la sauce légèrement crémeuse de coquilles Saint-Jacques de quoi s’extérioriser.

La brouillade d’œufs aux truffes avec une petite tartine de truffe incendie nos narines tant le tubercule s’enflamme. Le Château Calon, Montagne Saint Emilion 1964 surprend cette jeune assemblée par la complémentarité avec la brouillade, pas forcément indiquée a priori, pour bavarder avec lui. Il étonne aussi par sa jeunesse, l’accord forçant les commentaires d’émerveillement.

Sur un effeuillé de cabillaud épais légèrement ferme au jus de viande, le Château Beauséjour, 1er Grand Cru Classé de Saint-Emilion 1966 émeut par une odeur parmi les plus belles que l’on puisse trouver dans le bordelais. Mon ami y trouve des senteurs qui ne sont pas évidentes pour tous, tandis que je ressens ces odeurs veloutées que l’on décèle chez les grands bordeaux d’années telles que 1928. Sa jeunesse est évidente et ravit de fort jolies convives, mais la rondeur acquise présage, pour plus tard, une vieillesse longue et heureuse lorsque ce vin décidera de mûrir. La chair du cabillaud lui va bien tandis qu’un poivre insistant brouille un peu le message.

Un fort goûteux  pigeonneau rôti à la réglisse et au foie gras, avec des miettes de fruits secs, est le plat idéal pour deux des phares de ce repas. Le Château Calon Montagne Saint Emilion 1929 a un nez assez poussiéreux. Un léger soupçon de bouchon altère le plaisir mais pas longtemps. Le vin n’a pas la flamboyance d’un 1929 mais son charme, sa discrète distinction en font un compagnon charmant. Le Château Corbin Michotte, 1er Cru Classé de Saint-Emilion 1926 me remémore les vins les plus brillants de 1926 dont le sublimissime Haut-Brion. D’une odeur intense, épanouie, d’une couleur d’un rubis évoquant les plus fringants des jeunes vins de dix ans à peine, il marque la bouche d’une empreinte impressionnante d’accomplissement serein. C’est le vin qu’on aimerait boire toujours dans cet état, sûr de lui et dominateur. Le 1926 a capté le goût du pigeon et s’exprime comme lui, parlant sa langue, opulente et charnue.

Au fromage, on finit quelques verres encore remplis ou l’on est servi à nouveau de champagne, avant qu’arrive une des stars de la soirée. La salade d’oranges et pamplemousses forme un dessert un peu complexe qu’il faudrait épurer de quelques fioritures, mais dont certains composants à l’agrume mettent en valeur un Château de Fargues 1945 éblouissant. Une couleur d’ambre intense, une odeur plutôt discrète d’un sauternes aux accents arides. Cela tranche avec le palais qui parade, flamboyant, dense, d’une longueur infinie.

Un armagnac centenaire du père ou du grand-père de l’initiateur de l’événement  présente dans une bouteille alléchante un liquide de l’or le plus beau. Hélas l’alcool a perdu son charme, n’offrant qu’un goût limité et poussiéreux. La bouteille est amusante, car il y a un lion rouge sur l’étiquette qui ressemble comme un frère au lion rouge du Sauternes 1929 dont la photo figure sur le bulletin 126. Et le nom de famille des distillateurs propriétaires est Suffran. Ce qui, par une assimilation phonique hardie les pousse à faire figurer une image du bailli de Suffren (1726 – 1788) et à intituler leur Fine Grand Armagnac : Réserve du Bailli.

Nous votâmes et chaque vin eut au moins le crédit d’un vote, les deux plus couronnés étant le Corbin 1926 et le Fargues 1945. Quatre vins eurent un vote de premier, et mon vote résume assez bien la moyenne des votes : en 1 Corbin Michotte 1926, en 2 Fargues 1945, en 3 Beauséjour 1966 et en 4 Pichon Lalande 1975.

Le chef a produit une cuisine de haute qualité dont je retiens le pigeon et la brouillade d’œufs aux truffes. L’accord le plus émouvant fut celui du Corbin Michotte 1926 avec le pigeon. Le service fut attentionné. Un niveau d’étoilé, même si l’endroit n’y est pas encore prêt. De tels dîners sont d’utiles répétitions.

Avant un nouveau dîner original de wine-dinners samedi, 26 février 2005

Je dois organiser un dîner un peu particulier pour un ami : il veut que ce soit avec ses vins (je ne fais pas  ici d’avis aux amateurs, car mes dîners sont plus volontiers à base de mes vins). Il fallait que je comprenne ses intentions. Comme le Général de Gaulle en son temps, je les ai comprises. Ce sera à l’Ecu de France, car ma description du lieu lui avait plu. Je viens livrer sur place les vins en donnant des instructions de stockage. Comme l’insecte nocturne attiré par la lumière, je demande à me remémorer la carte des vins. Telle la pieuvre impardonnable celle-ci me happe. Je demande qu’on me prépare trois bouteilles pour le lendemain. Le piège redoutable de cet endroit qui était mon étape secrète avait de nouveau fonctionné.

J’arrive à l’Ecu de France avec ma fille cadette et son mari. Le Meursault Genévrières Comtes Lafon 1989 carafé depuis plus d’une heure a une belle couleur, presque un peu trop dorée. Le nez est majestueux, mais en bouche c’est la surprise : l’attaque est franche, puis le vin s’évanouit en un final bancal. Je fais goûter au sommelier qui confirme cette platitude. Je fais ouvrir pour le remplacer un Château Haut-Brion blanc 1975 qui met quelques secondes à s’ébrouer puis nous gratifie de toute sa belle race. Il aura des moments de pur bonheur par la précision légendaire de sa construction, mais lui aussi semble donner son message au travers d’une cellophane de protection. Le Musigny G. Roumier 1990 a depuis l’ouverture, selon ce qui m’est dit, caché son nez qui reste timide. En bouche on imagine la grandeur d’un beau Musigny mais on imagine seulement. Le vin reste coincé. Et on aura la même discrétion pour l’Hermitage de Chave 1990 à qui j’offrais une occasion de revanche. Beau nez, mais bouche partielle. Pourquoi aucun de ces vins ne s’est-il livré comme il eût dû ? J’ai pensé à la cave, mais une visite après le dîner me confirma qu’elle est bien saine et a traversé le froid actuel sans dommage. Est-ce mon palais qui serait embrumé ? Non, puisque le sommelier et Monsieur Brousse confirmèrent mes avis. Je hasarderais volontiers que les vins n’aiment pas cette période prolongée de neige et qu’ils ont voulu bouder. Est-ce cela ? La compensation vint fort heureusement de la cuisine, car la tarte aux truffes abondantes, la sole parfaitement cuite et l’agneau de lait  au romarin très goûteux comblèrent notre palais. Trois Rhums Neisson goûtés à l’aveugle et fort bons ne firent pas oublier que des vins que je révère ne furent pas, ce soir là, au rendez-vous qu’ils avaient.

Dîner de wine-dinners au restaurant de Patrick Pignol jeudi, 24 février 2005

Dîner de wine-dinners du 24 février 2005 au restaurant de Patrick Pignol
Bulletin 132

Les vins de la collection wine-dinners
Cuvée de Réserve Bourgogne aligoté 1960 « les caves unies »
Bollinger spécial cuvée brut SA # 1995
Bâtard Montrachet Antonin Rodet 1989
Château Haut-Brion 1950
Château La Grâce Dieu 1955 (offert par Léandre Aubert)
Château Nénin Pomerol 1964
Château Trottevieille Saint-Emilion 1943
Vosne Romanée Louis Gros 1957
Nuits Saint-Georges Bouchard Père & Fils 1947
Château Loubens Sainte Croix du Mont 1943
Château Filhot 1908
Porto Burmester 1950 (offert par Léandre Aubert)

Le menu créé par Patrick Pignol
Amandine de foie gras de canard, petite salade d’herbes fraîches
Huîtres en habit vert pochées dans leur jus iodé,
compotée d’échalotes au vieux vinaigre
Céleri rave et foie gras mitonnés, servis en ravioles ouvertes,
Réduction et truffes noires
Ris de veau doré au beurre de cardamome, pistaches torréfiées
Pigeon de Touraine désossé, compotée de choux à l’ancienne
Bleu de la Xaintre
Quelques agrumes accompagnés de madeleines au miel
de bruyère, cuites « minute »

dîner de wine-dinners au restaurant de Patrick Pignol jeudi, 24 février 2005

Un nouveau dîner au restaurant de Patrick Pignol. Nicolas, jeune et brillant sommelier assisté de Sylvain vont m’aider à la cérémonie d’ouverture de nouvelles olympiades gastronomiques. Le choix des vins à ouvrir se complique dans l’instant par deux événements. L’un des convives qui doit dîner ce soir avec son épouse arrive en début de séance et m’apporte trois vins à inclure dans le dîner, cadeau généreux de sa part (avis aux futurs convives). Et Patrick Pignol me tend un fax qui annonce qu’une méchante grippe écarte l’un des inscrits (nouvel avis, mais d’interdit celui-là). Réminiscence de mes longues études, je calcule que si « n » est le nombre de bouteilles prévues, et si l’on ajoute trois flacons et retranche un convive, on majore la consommation de chacun de 30%. Il faut faire des choix. Je rends au généreux donateur l’un de ses vins et je soustrais deux de mes vins. Il reste quand même onze bouteilles dont une de Porto pour dix personnes. La soirée sera solide.

L’ouverture des vins offre une variété extrême de bouchons. Celui du Haut-Brion 1950 vient entier comme celui du Filhot 1908, d’origine et très beau, même si resserré en sa partie centrale. D’autres se déchirent en miettes et celui de Trottevieille 1943 colle tellement aux parois que je l’extrais par chirurgie. Les odeurs sont presque trop belles ce qui fait que nous rebouchons beaucoup plus de bouteilles que d’habitude, par précaution. Presque six, je crois. Ces odeurs très charmeuses, la palme allant au Trottevieille, me gênent un peu. J’ai toujours peur que le vin ne vire et peu avant le dîner, sentant quelques odeurs incertaines j’ouvre un nouveau vin, ce qui porte le nombre à …. C’est pour voir ceux d’entre vous qui suivent.

Patrick Pignol a conçu un menu d’une extrême qualité. Nous étions à table le jour où le tableau d’honneur du Michelin paraissait. Pour le repas de ce soir, la troisième étoile gravitera autour du front du chef sans que celui-ci n’enfle de congestion. Il n’a pas cette ambition, accroché qu’il est à une solide deuxième étoile qui ravit le cercle large de ses fans. Voici le menu : Amandine de foie gras de canard, petite salade d’herbes fraîches, Huîtres en habit vert pochées dans leur jus iodé, compotée d’échalotes au vieux vinaigre, Céleri rave et foie gras mitonnés, servis en ravioles ouvertes, Réduction et truffes noires, Ris de veau doré au beurre de cardamome, pistaches torréfiées, Pigeon de Touraine désossé, compotée de choux à l’ancienne, Bleu de la Xaintre, Quelques agrumes accompagnés de madeleines au miel, de bruyère, cuites « minute ». Un programme élégant qui me donna l’occasion de faire une surprise à Patrick Pignol, quand je changeai un vin prévu pour un plat. Je le dirai.

Une table égayée par la beauté de quatre femmes. On dut régler les rhéostats de l’éclairage tant leur charme éblouissait.  La propriétaire de l’un des plus grands Sauternes, dont des reliques vénérables ont marqué certains de mes dîners, un ancien professionnel du vin et son épouse, une créatrice de parfums, un journaliste littéraire, une des plus grandes sommités françaises dans le domaine du vin, auteur de guides et palais décisif, la plus fidèle de ces dîners et l’un des ses collègues, un des partenaires professionnels de ma période industrielle formèrent un groupe où les discussions fusèrent. Passionnées, érudites, sensibles, les remarques furent joyeuses, donnant un ton de grande gaieté à un repas comme on les aime : rien à prouver, rien à démontrer, tout à emmagasiner dans le tiroir des plus beaux souvenirs.

Le premier vin allait donner le sens de ma démarche, qui consiste à explorer non seulement les phares de la production viticole mais aussi des obscurs, des sans grade qui ont le mérite d’avoir traversé le temps avec panache. Le Bourgogne aligoté Cuvée de Réserve 1960 "les caves unies" a été mis en bouteille à Chateauneuf du Pape. Quel a été le parcours de ce liquide ? Qui oserait mettre un tel vin à sa table ? Et voilà que ce vin, d’une superbe couleur dorée, au nez élégant de miel et de fleurs existe comme un grand. Combien de ses conscrits, premiers crus de Bourgogne, auraient encore sa vaillance ? Le ton était donné : un vin que tout aurait dû conduire à l’ignorance et à la mort vivait comme un solide gaillard. De plus, ce n’était pas qu’un aimable témoignage. Je l’avais annoncé dans mes programmes comme « mis pour voir ». Il existait, rond chaleureux, fin, presque élégant. Il figura même dans l’un des quartés du vote devenu traditionnel.

Arrivent ensuite, devant chaque place, des assiettes où pointent vers le ciel des représentations phalliques ostensibles, ostentatoires et virilement explicites. Quand madame Pignol annonce : « c’est une spécialité de la maison », je me demande à qui elle fait allusion. Appeler un engin pareil « amandine » est de la plus belle provocation verbale. C’est du Brassens ! J’adore qu’un chef brave ainsi les interdits et les conventions. En plus, c’est bon, et le champagne Bollinger spécial cuvée brut SA vers 1993 le sait bien. Il est élégant, à la bulle sèche et discrète, de couleur allant vers les fleurs blanches légèrement rosées. Son nez est profond, noble, et en bouche il signe un grand champagne de qualité.

Le Bâtard Montrachet Antonin Rodet 1989 est d’une couleur dorée de miel. Au nez on a le beurre, la crème safranée, et d’imperceptibles épices. L’huître est goûteuse, intense, et le vin brille de sa précision absolue. C’est l’archétype du Bâtard qui serait devenu Chevalier. On notera au passage que le miel est à la couleur d’un vin blanc ce que le lilas est à la chemise de Fernand Raynaud : tous les vins blancs ressemblent à un miel, comme toutes les chemises blanches seront toujours de couleur lilas.

Patrick Pignol avait prévu un blanc pour la truffe, le Puligny que j’avais inscrit au programme, mais j’eus l’intuition, à la séance des nez, que ce serait le Château Haut-Brion 1950 qui conviendrait. Quand Patrick s’en enquit, la partie était jouée, et bien jouée. J’avais eu peur de l’odeur de ce vin peu avant de passer à table, mais le grand expert me rassura comme le vin lui-même le fit. Le Haut-Brion était superbe. Une odeur très confite, presque de Porto, une couleur d’encre noire, et en bouche cette solide rondeur qui n’appartient qu’à Haut-Brion. Plombant la bouche par sa lourdeur il capta tous les arômes de la truffe envahissante pour devenir truffe lui-même. J’avais expliqué peu avant que j’aime quand des vins provoquent un plat mais aussi quand d’autres épousent un plat pour s’y lover. Là le Haut-Brion jouait au porc truffier qui garderait pour lui sa trouvaille. Remarquable truffe et vin intense. Aucun blanc n’aurait fait mieux.

Le ris de veau allait accueillir trois vins de Bordeaux. Le Château La Grâce Dieu 1955, cadeau de ce jour, est un très joli saint-émilion. L’année 1955 est belle en ce moment et le message de ce vin de jolie couleur est simple, gracieux. Le vin n’en fait pas trop. Le Château Trottevieille Saint-Emilion 1943 est magistral. Son nez, déjà le plus beau à l’ouverture, est devenu raffiné. Le vin a une profondeur rare, une beauté de construction remarquable. C’est un vin accompli, qui ne fait pas du tout son âge. On aimerait bien que des 1982 aient de cet équilibre. Le Château Nénin Pomerol 1964, que j’avais ouvert juste avant le repas, par crainte d’une mauvaise performance d’un de mes poulains, vaut que je vous raconte une de ces anecdotes qui me font plaisir. Je suis en train d’ouvrir tardivement la bouteille quand un homme qui vient d’entrer pour dîner avec son épouse s’approche de moi et me dit : « est-ce que vous seriez monsieur Audouze ? ». Je confirme le bien fondé de sa supputation et il m’explique qu’il a lu mon livre, a apprécié les aventures que je raconte, et s’est imaginé que si un vin est ouvert dans un restaurant par quelqu’un qui n’a pas un look de sommelier, ce ne peut être que moi. Je n’ai aucune honte à dire que tout ce qui flatte mon ego ne me gêne pas (nouvel avis aux amateurs). Revenons donc à ce Nénin, brillant sur cette année 1964. Il a une belle synthèse de la discrétion du Grâce Dieu et de la profondeur du Trottevieille. Il fut admiré et consommé avec une grande avidité. Nous étions sur la Rive Droite avec trois vins aux terroirs très proches qui nous offraient de belles images de ce paysage viticole d’un des plus beaux raffinements. Ce trio jouait bien ensemble, aucun ne condamnant les autres par une supériorité envahissante.

L’apparition du Vosne Romanée Louis Gros 1957 fut pour moi comme un choc. Quand on a une telle perfection olfactive, je reste sonné. Le pigeon de Patrick Pignol étant l’un des plus goûteux de la planète, ce vin élégant allait nous livrer une des plus belles constructions que l’on puisse imaginer. Et quel charme renversant. L’érudit qui avait la gentillesse de doser ses propos au rythme du voyage nous expliqua qu’il y avait de l’Echézeaux dans ce vin là, quand l’Algérie avait sans doute fait un détour dans le fût du Nuits Saint-Georges Bouchard Père & Fils 1947, dense, lourd, profond et plein d’une belle énergie à peine gâchée par une trace de nez de bouchon qui n’altérait pas la bouche. Un immense Vosne Romanée – qu’on ne vienne pas dire que 1957 est une petite année – et un Nuits Saint Georges n’exposant pas tout ce que son année pourrait dire, montraient que la Bourgogne a une sensualité inimitable. Ces Bourgognes assagis sont de verts gaillards.

A l’ouverture des bouteilles il y a toujours des surprises. Pourquoi le Vosne Romanée avait-il une bouteille si vieille, plus que probablement du 19ème siècle, au cul très profond. Pourquoi le Nuits Saint Georges était-il dans une bouteille au verre orangé presque rouge, colorée comme le serait la bouteille d’un apéritif exotique ?

Le bleu de la Xaintre était trop fort pour le Château Loubens Sainte Croix du Mont 1943 qui s’en souciait comme d’une guigne. Sûr de sa belle structure, il se montra beau, bronzé comme un sauveteur d’alerte à Malibu, expressif et grand pour son appellation.

Le Château Filhot 1908 allait faire une démonstration époustouflante de la perfection du Sauternes. Tout était là. La couleur, d’un orange particulièrement rare qui arracha des exclamations de joie à ceux qui connaissent ces Sauternes, le nez d’un raffinement unique et en bouche une trace éternelle comme un paysage aux perspectives infinies. Les agrumes, les fruits confits, les subtilités déclinées, la sécheresse qui jouxte le doucereux, tout en lui ressemblait à un défilé de mode où des créatures irréelles tant leurs proportions sont celles de déesses exposent sur leurs corps projetés dans l’espace des couleurs, des textures et des charmes à l’imagination débridée. Voilà la perfection absolue du Sauternes au message d’une troublante complexité.

Les madeleines accueillirent le Porto Burmester Colheita 1950, deuxième cadeau du convive qui avait assisté aux ouvertures. A ce moment là, il y a quelques heures, il délivrait du café, du thé, du torréfié, de la lourdeur tropicale. Ce vin m’évoquait certains vins mutés d’un siècle de plus. A son apparition sur table, le vin s’était domestiqué. Il n’avait plus son coté tout fou et se montra délicat, bien élevé, même si sa trace gustative était impérieuse.

Les votes furent bien difficiles, car il y avait beaucoup de choix entre toutes ces merveilles, qui nous firent le cadeau d’être belles au moment où il le fallait. Nous avions douze vins. Onze furent au moins une fois présents dans les dix quartés, ce qui est un score qui met du baume à mes angoisses et à mon trac précédant toujours l’événement. Trois vins eurent le bonheur d’être nommés premiers : le Filhot 1908, le Vosne Romanée 1957 et le Nénin 1964 qui fut cité à diverses places dans sept votes, ce qui est remarquable.

Mon vote personnel fut en un le Filhot 1908, en deux le Vosne Romanée 1957, en trois le Haut-Brion 1950 et en quatre le Trottevieille 1943. Le plus couronné de votes fut le 1908 avec huit votes dont cinq votes de premier. Quelques accords furent particulièrement remarquables, comme la truffe avec le Haut-Brion, le pigeon avec le Vosne Romanée et le délicat et intelligent dessert avec le Filhot. L’originalité de l’huître fut remarquable.

De belles discussions fusèrent dans une ambiance souriante et décontractée. Le grand juge des vins et la vigneronne du sauternais profitaient avec un immense bonheur d’un instant où il n’était point besoin de noter, de juger ou de justifier. Ce fut une détente dont ils ont joui avec un visible contentement.

Mon attachement à un chef amoureux des vins, à une équipe dévouée et inventive pour rendre le dîner agréable est explicite dans ces bulletins. Un repas de rêve l’aura de nouveau démontré.

Dîner de wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 20 janvier 2005

Dîner de wine-dinners du 20 janvier 2005 au restaurant Laurent
Bulletin 128

Les vins de la collection wine-dinners
Champagne Dom Ruinart 1993
Champagne Krug 1988
Clos Sainte Hune Riesling F. E. Trimbach 1996
Puligny Montrachet Clos de la Garenne Vincent Vial négociant 1962
Château Pontet GC Saint-Emilion 1955
Château Pichon Longueville 1921
Mercurey J. Thorin 1959
Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1964
Le Corton Bouchard Père & Fils 1961
Monbazillac Lagrive 1961
Château Filhot 1928

Le menu créé par Philippe Bourguignon et Alain Pégouret
Amuse-gueules
Tarte friande de maquereaux cuits en marmelade d’agrumes,
et champagne, réduction moutardéee
Royale d’oursins dans un Capuccino anisé
Carré d’agneau de lait des Pyrénées caramélisé, artichauts violets,
et petits oignons mijotés au romarin
Lasagnes de queue de bœuf braisée au vin rouge, moelle et truffe
Bleu Termignon
Tarte fine soufflée aux marrons
Café mignardises et chocolat

Un dîner de wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 20 janvier 2005

On change de registre, mais pas d’amour, avec un dîner de wine-dinners au restaurant Laurent. Les bouteilles sont apportées une semaine avant, et avec Patrick Lair, nous avons nos habitudes, et nous travaillons en équipe. Lorsque je découpe la capsule de la bouteille de Grands Echézeaux du Domaine de la Romanée Conti 1964, de la terre jaillit sur mes doigts. Encore cette inimitable odeur de la terre de la cave du Domaine. Le vin sent la poussière, semble comprimé, confiné. Espérons qu’il s’épanouisse. A l’inverse, le Mercurey 1959 a une odeur chaleureuse, totalement bourguignonne. Le Pichon Longueville 1921 a un bouchon d’origine et un niveau exceptionnel pour une bouteille authentique d’une présentation irréprochable. Il explose d’une perfection olfactive d’une générosité rare. C’est beau comme un 1928 épanoui ou comme un 1947 exubérant. Il est urgent de refermer la bouteille tant cette générosité mérite de rester encore en coulisse. Le bouchon du Pontet 1955 est un cas d’école : la perfection du bouchon, ce qui explique le niveau dans le goulot. Le Filhot 1928 fait un peu gris. Nous verrons.

Le menu préparé par Alain Pégouret en complicité avec Philippe Bourguignon fut d’une rare justesse de ton : Tarte friande de maquereaux cuits en marmelade d’agrumes, et champagne, réduction moutardée, Royale d’oursins dans un Capuccino anisé, Carré d’agneau de lait des Pyrénées caramélisé, artichauts violets, et petits oignons mijotés au romarin, Lasagnes de queue de bœuf braisée au vin rouge, moelle et truffe, Bleu Termignon, Tarte fine soufflée aux marrons, Café mignardises et chocolat.

Les convives arrivent au bar, ponctuels comme il se doit. Un champagne Dom Ruinart 1993 affiche une sûreté d’expression naturelle. C’est un grand champagne qui laisse en bouche une trace longue. Délicatement titillé par un toast au poisson fumé, il répond par un effleurement sucré. On démarre bien sur cet accord.

Nous rejoignons la jolie table, et la pâte feuilletée au maquereau provoque comme il faut un champagne impérial, Krug 1988. Quelle justesse de ton. Nous avions à la table de grands musiciens. Le Krug est un instrument précisément accordé. Tout est profond, goûteux, imprégnant. Il est difficile d’imaginer meilleur champagne.

Sur le capuccino d’oursins délicieux, un peu plus cappuccino qu’oursin, le Riesling Clos Saint Hune Trimbach 1996 affiche toute la noblesse de sa construction. Des alsace construit comme cela, il n’y en a que peu. Le cappuccino lui donne des notes citronnées qui le raccourcissent un peu. Alors que le prodigieux Puligny Montrachet Vial 1962, au nez intense, à la couleur dorée d’un airain lourd, et aux évocations de café et de réglisse se voit catapulté par l’oursin dans des vérités intangibles. Ce vin n’est plus du Puligny. C’est un vin intense, évocateur, qui emplit la bouche d’une immense complexité. Toute la table s’est pâmée, comme on le verra dans les votes.

L’agneau se fait discret pour laisser la place à de grands Bordeaux et la réduction vient rappeler qu’en cuisine on sait faire. Le Château Pontet Saint Emilion 1955 est superbe en tous points. Beau vin très jeune, même râpeux, il s’affirme à bon droit. Mais le Pichon Longueville Comtesse de Lalande 1921 me renverse, me plaque sur les cordes d’un ring imaginaire. Je suis sous le charme. Il n’y a rien à faire, je suis envoûté. Il y a dans l’odeur une forme de synthèse ronde et épanouie qui ne se discute pas. Et en bouche, la pesanteur cardinale, le velouté papal, la justesse de ton m’interdisent de considérer autre chose. La viande approuve mon vote. On est dans une subtilité gustative pimpante.

La queue de bœuf de chez Laurent, c’est un piédestal. Et trois bourgognes firent avec elle une prestation magistrale. Le Mercurey J. Thorin 1959 est époustouflant. Il est toute la Bourgogne, avec ses aspects changeants que j’ai si souvent vantés. Il représente l’acception aboutie de son climat. Je trouve le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1964 un peu abîmé. Mais quand je vois un vigneron bourguignon et un autre ami se pâmer sur sa subtilité, je révise mon jugement. On est dans la complexité la plus belle. Le Corton Bouchard Père et Fils 1961 est tellement jeune qu’on ne pourrait le croire. Il a tant de potentiel qu’il force l’admiration. On goûte un vin déjà grand qui deviendra grandiose. Tout le monde s’enflamma de la complémentarité de ces trois immenses bourgognes.

Je m’attarde un instant sur ce Grands Echézeaux. Etant volontiers exubérant et enthousiaste, je pourrais volontiers laisser penser à quelques lecteurs que j’ai pour les vins anciens les yeux de Chimène. Et je me dis parfois que mon lyrisme pousse mon jugement vers la tolérance. Or voilà que deux grands palais, qui connaissent les bourgognes sur le bout des lèvres, s’enflamment pour ce Grands Echézeaux quand je le trouvais plutôt fatigué. Comme ils ont attiré mon attention, j’ai repris mon analyse, et j’ai effectivement constaté que le premier écran cachait des trésors, si on les cherchait scrupuleusement. Aurais-je trouvé plus enthousiaste que moi ? Ce sera un sujet de réflexion, d’autant qu’un journaliste présent s’enflamma pour le Sauternes au point de ne plus vouloir que lui, alors que je me sentais un peu gêné par quelques infimes fadeurs. Deviendrais-je plus sévère et critique ? Docteur, que dois-je faire ? C’est grave ?

Le bleu d’une source confidentielle, que j’ai déjà goûté au Meurice, est le compagnon parfait du premier liquoreux, ici un Monbazillac Lagrive 1961. Voilà un liquoreux discret, sans aspérité ni type excessif, qui joue une partition extrêmement juste sur le fromage. Ce fut un accord magistral.

Le dessert au marron était ce qu’il fallait pour un Filhot 1928 que j’ai trouvé un peu métallique, mais qui était capable de porter des messages d’une complexité qui n’appartient qu’aux sauternes.

La table éclectique et enjouée s’enthousiasmait dans une bonne humeur plus que communicative. Le niveau général des vins était extrême et les accords particulièrement justes. On vota. Le vin le plus décoré de votes fut le Puligny- Montrachet. Il serait sans doute bon de méditer ce fait. Il figura dans les bulletins de vote des onze votants, ce qui est très rare, et il recueillit six places de premier. Quatre autres vins eurent aussi au moins un vote de numéro un sur le podium. Je le redis encore, car c’est important pour moi, si cinq vins sur onze ont reçu un vote de premier, c’est le signe que les vins choisis sont de grand intérêt. Le consensus, ou plutôt l’absence de consensus tant les goûts différent, couronna dans l’ordre le Puligny Montrachet 1962, le Pichon Longueville 1921, Le Corton Bouchard 1961, le Krug 1988 et le Filhot 1928. Fort curieusement le Grands Echézeaux 1964 n’eut que deux votes, de mes deux amis connaisseurs de bourgognes, et ces deux votes le plaçaient en numéro un. Paradoxe du goût !

Mon vote fut le suivant, dans l’ordre : Pichon Longueville 1921, Mercurey 1959, Puligny Montrachet 1962, Krug 1988. Il y avait à notre table des érudits et des néophytes. Deux étudiants poussèrent les portes d’un monde nouveau, un monde de plaisirs gustatifs extrêmes. Un niveau culinaire et œnologique particulièrement élevé.

Dîner de wine-dinners au restaurant de l’hôtel Meurice jeudi, 9 décembre 2004

Dîner de wine-dinners du 09 décembre 2004 au restaurant de l’hôtel Meurice
Bulletin 125

Les vins de la collection wine-dinners
Côtes du Jura blanc Léon Rouget 1973
Champagne Salon « S » 1982
Chante-Alouette Hermitage blanc M. Chapoutier 1955
Le Pin Pomerol 1987
Château Tertre Daugay GCC Saint-Emilion 1970
Château Gadet Médoc 1929
La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1957
Chambolle Musigny Domaine Grivelet 1972
Bonnes Mares Fernand Grivelet 1933
Château d’Yquem 1978
Château Doisy Védrines Haut-Barsac Sauternes 1940

Le menu composé par Yannick Alléno
Noix de coquilles Saint-Jacques et foie gras iodé aux langues d’oursin
Croustillant de pomme de terre, sucs de fenouil
Délicate gelée de bulots aux langues d’oursin
Crème de riz et croûte aux algues
Tronçon de turbot rôti aux échalotes grises
Gratin de cardon à la moelle et au parmesan
Tarte « Flammenkuechen » aux truffes
Jus tranché et coeur de salade à la crème
Noisette de biche façon Rossini
Pâtes gonflées au jus de truffe, sauce périgourdine
Assiette de bleu « Termignon »
Macaron au pamplemousse rose et coquelicot
Sauce à la pistache de Sicile

Dîner de wine-dinners au restaurant de l’hôtel Meurice jeudi, 9 décembre 2004

 

J’arrive à l’hôtel Meurice pour ouvrir les vins d’un nouveau dîner. Un imposant sapin blanchi de neige trône au milieu des ors et une exposition sur le thème du sapin, dont les couleurs et les formes originales s’étalent à l’envi, donne une note de gaieté et de modernisme dans le décor luxueux mais assez conventionnel de ce bel hôtel. Dans la salle du restaurant Yannick Alléno surveille la mise en place d’un sapin de cristal, pièce unique de Lalique, qui diffuse une lumière chirurgicale et blanche de très bel effet sur les marbres blancs de cette extraordinaire salle à manger. Originale décoration dans ce décor libertin. Bruno m’assiste pour les ouvertures. Malgré des parcours odorants que je peux décrire à l’avance, je n’ai pas la même décontraction que lors de dîners précédents, car il pourrait y avoir quelques caprices ou accidents. Le Bonnes Mares 1933 est radicalement mort, son bouchon ayant plongé dans la bouteille, ce qui était impossible à voir ou à prévoir. J’ouvre en compensation un Chambolle-Musigny 1972 du même propriétaire qui fut de loin la bouteille la plus épanouie à l’ouverture, avec cette odeur si palpitante de la belle Bourgogne. Yannick qui ne perdait pas une miette de l’opération d’assemblage de l’œuvre de cristal en profitait quand même pour venir sentir ces flacons. Il avait le même enthousiasme que moi, comme un enfant qui découvrirait un jouet posé sous le sapin. Je le voyais imaginer toutes les saveurs qu’on pourrait associer à ces arômes, d’une complexité qu’on ne trouve qu’en eux. La suite démontra qu’il les avait anticipées.

 

Il faudra qu’Aubert de Villaine m’explique pourquoi sous la capsule, dès qu’on la découpe, les bouchons des vins du Domaine de la Romanée Conti, donc de cette Tâche, sentent la terre, et pas n’importe quelle terre, celle de la plus vieille cave du Domaine. C’est frappant de voir se reproduire ce phénomène aussi souvent. Et de voir que cette odeur imprégnante de terre occulte toute autre sans affecter le vin.

 

Le menu composé par Yannick Alléno : Noix de coquilles Saint-Jacques et foie gras iodé aux langues d’oursin, Croustillant de pomme de terre, sucs de fenouil, Délicate gelée de bulots aux langues d’oursin, Crème de riz et croûte aux algues, Tronçon de turbot rôti aux échalotes grises, Gratin de cardon à la moelle et au parmesan, Tarte « Flammenkuechen » aux truffes, Jus tranché et coeur de salade à la crème, Noisette de biche façon Rossini, Pâtes gonflées au jus de truffe, sauce périgourdine, Assiette de bleu « Termignon », Macaron au pamplemousse rose et coquelicot, Sauce à la pistache de Sicile.

 

J’adore faire un dîner avec Yannick Alléno, car il est ouvert et empathique comme un Guy Savoy, attentif et créatif comme un Guy Martin. La différence avec le dîner précédent qu’il fit en ce début d’année, c’est qu’il ne va pas vers une troisième étoile, il y est. La notation n’est pas parue, mais elle est dans l’assiette. (Il se peut que chacun de ces chefs n’aime pas être assimilé à un autre car ces artistes sont uniques, sculptés dans le marbre de leur forte personnalité. Mais j’aime chacun des trois, ainsi que beaucoup de ces chefs studieux qui font l’excellence de la France).

 

Voyons un peu les vins. Le Côtes du Jura blanc Léon Rouget 1973 est apparu avec une oxygénation idéale qui avait musclé son expressivité. Nous avions la chance que la table comptât des amoureux du Jura. Ils apprécièrent d’autant plus la générosité épanouie de ce vin. J’avais demandé à Yannick de pousser un peu l’oursin afin de provoquer le Côtes du Jura. Ce fut un combat gustatif de belle passion. Je ne pensais pas que le Champagne Salon « S » 1982 allait venir avec le même plat, je ne m’en souvenais plus, et c’est en fait une erreur. Le sublime Salon, aux évocations de vin ancien, au charme quasi irréel était mis à mal par le Léon Rouget qui avait tant d’aisance. Il eût fallu sans doute que le Salon soit seul. C’est du pointillisme tant ce champagne montra que l’on peut aller loin dans la qualité. Il servit même de tremplin au vin du Jura, adoré de tous.

 

J’avais absolument voulu que Yannick mît le Chante-Alouette Hermitage blanc M. Chapoutier 1955 sur le plat de bulot. J’avais en effet en tête le goût du bulot. Mais en fait le plat est d’une subtilité iodée qui chavire l’âme. Entraîné comme par une sirène, on succombe à l’invraisemblable perfection de la gelée, on croque l’auréole verte d’algue, cache-sexe de Neptune, montée sur un porte photos à pince, biscuit qui se marie bien à l’Hermitage. Et ce vin que je trouve absolument charmant de rondeur et d’affabilité discute bien avec l’algue, quand il ne peut pas se frotter à l’iode de la gelée. Ce vin est remarquable mais fut peu remarqué, tant le programme était dense. Lorsqu’en fin de repas on dit à Yannick que ce fut l’accord le moins naturel, celui-ci, d’un sourire qui fut un tacle assassin contre un équipier de son camp, répondit : « c’est le choix de François ». C’est vrai, c’est moi, je l’avoue, car je voulais ce plat. Et même si le Côtes du Jura eût été divin sur ce bulot, j’assume cette envie que j’avais eue.

 

Le Pin Pomerol 1987 est un vin dont on parle, mais qu’on ne boit jamais. Pour moi, c’était le premier essai. Regardons les choses, c’est un vin qu’on ne boit que quand on vous l’offre. Il fallait l’essayer. Ce fut fait. A propos de ce vin je ne peux m’empêcher de vous raconter à nouveau une anecdote que j’avais relatée dans le N° 11 (c’est vieux maintenant, ce qui justifie la redite). Reçu à un cocktail à Yquem, je bavarde avec la fine fleur de l’aristocratie vineuse du bordelais. Discutant avec une charmante dame, celle-ci me dit : « mon mari est garagiste ». Immédiatement, du fait de l’atmosphère dans laquelle nous baignions, je lui demande si son mari est l’heureux propriétaire de Le Pin, le vin de garage par excellence. Elle me répondit : « non monsieur, mon mari a la concession pour la Gironde de … » et elle me cita une marque automobile très éloignée de la vigne. J’ai ri de ma méprise. Revenons à Le Pin : à l’ouverture, j’avais été effrayé par un nez métallique, mais j’espérais le retour. Bruno me servant à table la première rasade, j’eus encore cette odeur désagréable qui me fit grimacer. Ceci allait conditionner la suite, alors que je voyais ce vin revivre à grande vitesse. J’eus même quelques beaux moments de grande vibration. Disons le sur ce que j’ai vu : on imagine très bien la construction attentive, l’application dans les méthodes. On ressent les concentrations extrêmes. On est poussé vers les meilleurs vins du monde avec assez d’élégance. Mais ce ne fut pas suffisant, du fait de cette bouteille, pour adhérer définitivement à un vin dont on peut soupçonner des réalisations spectaculaires. A coté, le Château Tertre Daugay GCC Saint-Emilion 1970 paraissait élégant, subtil, précieux même comme un incunable. Joli Saint-émilion à qui d’aucuns trouvèrent du bouchon que je n’ai en aucun cas détecté. C’était un joli vin, plus frêle qu’un 1970 habituel, mais vrai dandy séduisant. Le gratin de cardon était à se pâmer et l’une de mes jolies voisines succombait à cette perfection gustative.

 

Le Château Gadet Médoc 1929 allait faire l’unanimité absolue. Il faut que je raconte son ouverture. La bouteille est belle et je la prends en main. Immédiatement je remarque que la bouteille est du 19ème siècle, soufflée, et même particulièrement ancienne. La capsule est d’origine et le niveau est très haut pour cet âge. Un aspect sain et rare. Je débouche, et je tire un bouchon tout rabougri et tordu. Un tel bouchon ne peut pas avoir permis de garder ce niveau. Où est l’anomalie ? Et c’est alors que je remarque que c’est le goulot de la bouteille qui a imprimé la forme au bouchon. Il ne s’était pas rétréci mais avait épousé un goulot incroyablement petit, le verre étant irrégulier et par endroit trois fois plus épais qu’il ne devrait. Et ce bouchon très nettement comprimé avait gardé un vin parfait. Ce qui me remit en mémoire le Chambertin 1811 que Jean Luc Barré avait fait partager à quelques amis. Nous avions un bouchon très court et très étroit, d’une densité quasi indestructible, qui avait parfaitement conservé ce vin. Que faut-il en déduire ? Je serais tenté de le faire : des bouchons de pureté extrême mais plus fins ne conserveraient-ils pas mieux les vins de garde ? Grâce à cette surprenante verrerie, nous eûmes un Médoc sublime, d’un épanouissement absolu, charmeur, rond, et d’une couleur extrêmement jeune. Un beau vin de charme qui forma avec la tarte aux truffes un moment d’extase. Un très grand gastronome, esthète et écrivain présent, confessa que si l’on arrêtait le repas à ce moment là, il n’aurait besoin d’aucun autre plaisir : il était touché par la perfection du moment. Il est resté. Il a bien fait.

 

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1957 bien oxygéné est vraiment le point de départ idéal, pour le « baptême » de beaucoup de convives, quand on découvre pour la première fois le charme des vins du Domaine de la Romanée Conti. On a, dès le premier contact, ce nez qui affiche le message de la Bourgogne : « n’attendez pas de moi la moindre séduction, je ne vous délivre que de l’énigme ». Et je l’avouerai volontiers, je succombe à cette approche troublante. Comme je l’ai déjà dit dans un bulletin, c’est « suivez-moi jeune homme ». C’est le mystère. Et en bouche l’énigme continue, mais les pièces s’emboîtent. On sent qu’à l’attaque du palais, le charme commence à opérer. Ce fut un beau La Tâche, magistralement aidé par la tendreté expressive de la biche. Mais comme le Jura de Léon Rouget ne s’en laissait pas compter par le Salon, le Chambolle-Musigny Grivelet Père et Fils 1972, remplaçant du Bonnes Mares, montrait un niveau qualitatif rare, très supérieur à son niveau attendu. Et, il faut bien le dire, apparu flamboyant dès l’ouverture, il a continué d’éblouir, au point de surpasser La Tâche sur ce plat. Ce qui, compte tenu de la performance inhabituelle de ce Chambolle, n’enlève rien à la prestation de La Tâche, de grande qualité. Le Bonnes Mares Fernand Grivelet 1933 fut absent à l’appel. Rien n’aurait pu le réveiller, contrairement à ce qui apparut dans un dîner chez Guy Savoy où ce vin fut ouvert (bulletin 13). J’eus la mauvaise surprise alors de voir le bouchon tomber devant moi quand je découpai la capsule. Ici, le bouchon avait déjà rendu l’âme bien avant, sans que ce fût visible. Chez Guy Savoy le Bonnes Mares revint brillamment à la vie. Ici point.

 

Comme notre palais est encore sur ce brillant 1972, il faut que je vous conte une anecdote collatérale. Un américain ami, Bipin Desai, palais incommensurable, m’avait appelé peu de jours avant, me demandant avec une politesse toute anglo-saxonne s’il pouvait utiliser mon nom pour se recommander auprès de Yannick Alléno. Précaution de pure politesse. Il n’avait pas annoncé le jour. Je découvris avec surprise que ce serait le même soir. Il n’était pas possible de fusionner nos tables. Trois américains dînèrent donc à portée de rond de serviette.

 

Mon ami me fit savoir avec fierté ce qu’ils buvaient : Montrachet du Domaine de la Romanée Conti 1995, Cheval Blanc 1990 et Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti (je répète pour que l’on voie bien que c’est bien elle) 1972. Je vins les complimenter, pensant que notre Premier Ministre avait trouvé là, par la grâce de ces américains, la solution du comblement du déficit budgétaire de la France, et mon ami me fit goûter le Cheval Blanc 1990 puis me donna un verre de la Romanée Conti 1972. Le Cheval Blanc est grand, mais ayant eu en bouche des vins parfaitement oxygénés, la première impression d’un vin qui n’a pas pris son essor me poussa à le juger parfait mais non encore accompli. Je le sens d’un fort potentiel.

 

Le fait d’avoir eu en bouche le goût de la Tâche 1957 et de ce grandiose Chambolle 1972 m’aida à profiter de façon totalement idéale de la perfection absolue de la Romanée Conti 1972. Le nez est le même que celui de cette Bourgogne qui parle par énigme. Le nez est suffisamment déstructuré pour tenir en haleine. Puis en bouche, un liquide particulièrement loquace. Tout se raconte en à peine une gorgée. On a une des subtilités les plus extraordinaires qu’un vin soit capable de délivrer. Quel bonheur que ce vin là, qui justifie pleinement pourquoi il est si recherché. Il dit tout, il pense tout. Il existe, il est là, il irradie. Un pur privilège.

 

Le Château d’Yquem 1978 n’allait pas se laisser impressionner par cet environnement. Plutôt discret pour un Yquem, il joua un duo avec un fantastique fromage qui le propulsa dans des explorations très inhabituelles de saveurs. Le chemin que les deux firent ensemble est d’un remarquable intérêt. Ce Yquem fut « the right wine at the right place », situé exactement où il fallait qu’il fût. Le Château Doisy Védrines Haut-Barsac Sauternes 1940 m’avait ravi à l’ouverture et j’en attendais plus. Bien sûr j’avais perçu une légère blessure, mais tout semblait en place. Et là, bien que délivrant de beaux messages, la belle restait sous sa voilette, se cachait derrière son éventail, suggérant au lieu d’exploser de beauté. C’est évidemment un beau Sauternes complexe, rehaussé par la subtilité d’un dessert réussi. Mais il eut pu briller plus.

 

Le classement, tradition de fin de repas, fut nettement plus concentré que d’habitude sur les têtes de liste, tant certains vins surclassaient les autres. J’adore quand les performances des vins entraînent qu’ils soient nombreux à être classés dans les votes. Ici ce fut plus resserré. Ma joie vient du fait que ce sont le Jura, le Gadet, le Chambolle et la Tâche qui furent les plus prisés.

 

Mon vote fut en un le Chambolle-Musigny 1972, en deux le Gadet 1929, en trois la Tâche 1957 et en quatre le Côtes du Jura 1973.

 

On serait en peine de classer les saveurs tant elles furent belles. La Flammenhkuechen est une institution et avec le Gadet, ce fut l’accord sublime. Le gratin de cardon est une saveur intergalactique. Mais j’ai quand même un faible pour la gelée des bulots et les langues d’oursin. On entre là dans la belle invention d’un artiste affirmé.

 

L’assemblée fut joyeuse, les échanges furent animés, chacun trouvant avec d’autres convives des sujets d’intérêt. Ce repas fut d’une perfection subtile particulière. Le Gadet fur envoûtant.

 

Mais mon Dieu que la Romanée Conti 1972 est belle !

 

Sachant que mon ami américain était à nos cotés, et me souvenant que ce fut avec Alexandre de Lur Saluces que nous nous connûmes, j’avais apporté pour cette retrouvaille un Château de Fargues 1989, petite attention à l’égard de notre ami commun, pour lequel nous trinquâmes. Ce Fargues est un grand Fargues, épais, de pur miel, et de pur bonheur amical. Il a trouvé des prolongements le lendemain que j’ai racontés dans le bulletin 124, où il fut miel mais aussi caramel, pur caramel.

 

Dîner de wine-dinners au restaurant Le Carré des Feuillants jeudi, 25 novembre 2004

Dîner de wine-dinners du 25 novembre 2004 au restaurant Le Carré des Feuillants
Bulletin 123

Les vins de la collection wine-dinners
Champagne Ruinart Brut NM
Champagne Veuve Clicquot rosé 1985
Pavillon blanc de Château Margaux 1981
Chablis Grand Cru « Blanchot » Domaine Vocoret 1988
Château Latour 1er GCC Pauillac 1962
Château Trottevieille Saint Emilion 1943
Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1987
Pommard Epenots Colomb-Maréchal Négociant Propriétaire 1926
Château Loubens Sainte Croix du Mont 1937
Château Rayne Vigneau Sauternes 1924

Le menu conçu par Alain Dutournier
L’huître de Marennes au caviar d’Aquitaine et les algues marines
Cappuccino de châtaignes à la truffe blanche d’Alba
Homard pimenté et rôti – nougatine d’ail doux
Noix de lotte croustillante, fumet mousseux au raifort
Gâteau de topinambour et foie gras aux premières truffes
L’aile d’oie grillée, la cuisse confite à l’étouffée dans l’argile
Douceurs d’oranges du Cap, crêpe soufflée, gelée de fleur d’oranger, cannelle de Ceylan
Blida de « Suzette – Marnissimo »

Dîner de wine-dinners au restaurant le Carré des Feuillants jeudi, 25 novembre 2004

Dîner de wine-dinners au restaurant le Carré des Feuillants. Alain Dutournier a composé un menu fort judicieux et ciselé pour les vins variés de ce repas. Qu’on en juge : L’huître de Marennes au caviar d’Aquitaine et les algues marines, Cappuccino de châtaignes à la truffe blanche d’Alba, Homard pimenté et rôti – nougatine d’ail doux, Noix de lotte croustillante, fumet mousseux au raifort, Gâteau de topinambour et foie gras aux premières truffes, L’aile d’oie grillée, la cuisse confite à l’étouffée dans l’argile, Douceurs d’oranges du Cap, crêpe soufflée, gelée de fleur d’oranger, cannelle de Ceylan, Blida de "Suzette – Marnissimo"

L’huître en gelée fut un pur plaisir de gastronomie, le gâteau de topinambour rappela fort opportunément qu’on peut manger solide et bon (quelle belle et goûteuse truffe noire qui arrive à propos). Et la douceur du Cap est décidément ce qui se fait de mieux sur les liquoreux.

A l’ouverture des bouteilles vers 17 heures, le bouchon du Pommard 1926 se brise en mille morceaux et libère une odeur qui va se bonifier pour devenir grandiose, je le sens. L’Echézeaux va s’épanouir en prenant un bol d’air, et les deux Bordeaux vont s’ébrouer. Si je goûte un peu du merveilleux Loubens et du puissant Rayne Vigneau avec Christophe, attentionné sommelier très intelligent, c’est par gourmandise. Aucune odeur ne me donne la moindre angoisse. C’est donc le cœur léger que je vais attendre le dîner en profitant d’un cocktail où je suis invité dans l’une des prestigieuses boutiques de la Place Vendôme, ouvertes ce soir pour mettre en valeur la décoration résolument moderne de la place, pour rappeler au monde que c’est ici, à Paris, que le luxe est inventif, festif et joyeux. Je n’y bus que de l’eau et revins au Carré attendre mes convives.

Le champagne Ruinart non millésimé de sans doute dix à douze ans est beau. Il est élégant, discret, et s’amuse à changer de costume chaque fois qu’Alain Dutournier lui propose une saveur complice. Très archétypal, il est le chevalier servant idéal. Le champagne rosé veuve Clicquot 1985 a une magnifique couleur d’hortensia d’automne. Il n’a pas pris une ride et éclate de jeunesse sucrée. Le capuccino lui va à merveille, accentuant par la châtaigne le doucereux délicat.

Le Pavillon blanc de Château Margaux 1981 surperforme largement sa droite de tendance comme on dirait au Palais Brogniart. Traduisez : très nettement au dessus de ce qu’on pourrait en attendre. Il explore des variations de saveurs, des changements de rythme dans le palais qui laissent surpris devant tant d’imagination. Le Bordeaux blanc, à ce niveau, a une complexité folle de grand art.

Le Chablis Grand Cru Blanchot, Domaine Vacoret 1988 confirme son statut de grand cru. L’âge lui a fait intégrer ses composantes, et il brille sur une lasagne au discret mais tenace caviar. C’est solidement bon.

Le gâteau de topinambour accueille Château Latour 1962 magnifique d’opulence de rondeur, de justesse de ton. C’est comme un piano qui vient d’être accordé : chaque note en est plus belle. Il fait un peu d’ombre – au départ – au Château Trottevieille 1943 encore un peu poussiéreux, mais qui se libère avec une grande facilité et devient un Saint Emilion raffiné qui sera même distingué dans l’un des classements finaux. La truffe très prononcée imprima un de ces mimétismes dont je raffole : le Latour 1962 avait un nez de truffe. Il avait dérouté les effluves de la précieuse tubercule pour se les approprier. De tels rapts sont fascinants.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1987, abondamment aéré, offrait une puissance rare pour l’année, et déclamait de beaux messages bourguignons. Sans doute pas explosif, mais élève studieux et doué. Le Pommard Epenots Colomb Maréchal 1926 m’a tiré des gloussements extatiques de pamoison. Je jubilais, je jouissais, possesseur que j’étais des clés de Champollion pour en lire tous les pictogrammes. Mais je fus –agréable surprise – rejoint dans mon extase par plus d’un convive qui acceptaient d’entrer dans ce monde de vins surprenants où la porte du grenier grince un peu, mais où les trésors enfouis dans les coffres sont des découvertes d’Ali Baba.

Comme le Pavillon Blanc, le Château Loubens, Sainte Croix du Mont 1937 s’afficha à un niveau quasi irréaliste pour son appellation. C’est un grand liquoreux, à la trame frêle (on n’est pas en sauternais) mais qui expose une palette d’arômes de la plus belle diversité. Et l’orange lui a donné des aspects sublimes. Grand vin.

Le Rayne Vigneau 1924, largement plus ambré, place la barre beaucoup plus haut, mais ne fait en rien pâlir Loubens qui n’est pas relégué en deuxième division. Le Loubens a la subtilité qui convient, et le Rayne Vigneau a un sourire, un chant ensoleillé et une séduction qui déshabille la Suzette de la crêpe dans une danse lascive.

Bien difficile de faire un vote dans cette diversité d’expressions. Les vins les plus cités en bon rang furent le Latour 1962, Le Pavillon Blanc 1981, le Château Loubens 1937 et  l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1987. Les votes, tous différents, mirent cinq vins sur dix, soit la moitié, en première place pour neuf votants, signe d’une grande diversité, et signe que cinq vins méritaient cet honneur. Mon vote fut le suivant : en un Rayne Vigneau 1924, car il n’y a rien d e plus beau que ces saveurs là. En deux le Château Loubens, car il a produit une performance rare, en trois le Pommard 1926, le plus émouvant, mais dont la légère blessure justifie cette place, et en quatre le Latour 1962, sublime d’équilibre.

Les plus beaux accords furent la châtaigne avec le Veuve Clicquot rosé, la truffe avec le Latour, la cuisse d’oie avec le Pommard et l’orange du Cap avec le Loubens. La plus belle saveur fut l’huître en gelée avec un biscuit d’algues.

Accueil toujours charmant, service bien rôdé, table bien proportionnée dans un décor adapté de couleurs sobres. Une table de convives qui apprenaient à grande vitesse et comprirent ces vins anciens. Une belle soirée amicale peuplée de saveurs qui ne seront plus jamais reproduites et n’existeront plus que dans la mémoire de convives conquis.