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dîner de wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 2 mai 2002

Dîner au restaurant Laurent le 2 mai 2002
Bulletin 33

Les vins :
Champagne Pol Roger 1988
Pavillon Blanc de Château Margaux 1992
Batard-Montrachet Bouchard 1984
Corton Charlemagne Bouchard 1983 (offert par Bernard Hervet)
Château Mouton-Rothschild 1971
Vray Canon Boyer 1947
Chambolle Musigny Clos Saint-Jacques Clair Daü 1966
Chambolle Musigny Bouchard 1952
Chambolle Musigny Labourée Roi 1945 ?
Beaune Avaux Bouchard 1928
Monbazillac le Chrisly 1965
Château Gilette « doux » 1945

Les plats conçus pour les vins par le restaurant LAURENT :

Anchois marinés, tomates « olivette » confites à l’infusion de basilic
Turban de morilles aux asperges
Carré d’agneau de lait des Pyrénées doré à la broche, petits farcis
Aiguillettes de canard de Challans aux épices, navets au jus et foie gras
Fromage, fourme d’Ambert affinée
Gariguettes et rhubarbe gratinées
Mignardises

dîner de wine-dinners au restaurant Laurent jeudi, 2 mai 2002

Un dîner de wine-dinners, chez Laurent. Il porte le numéro 19 sur le site internet. Le cadre du restaurant est merveilleux, et nous avions la belle table centrale. L’accueil de Philippe Bourguignon est inégalable, et le talent de Patrick Lair s’est exprimé à plusieurs reprises. A l’ouverture des bouteilles, Patrick a « sauvé » des bouchons que j’aurais sans doute émiettés. Et Patrick a eu raison de ne verser les vins que lorsque le plat est servi. Les vins sont magnifiés par les plats, et c’est bien de les découvrir ainsi. Une cuisine juste, des plats simples mais avec un talent affirmé. Anchois marinés, tomates « olivette » confites à l’infusion de basilic. Turban de morilles aux asperges. Carré d’agneau de lait des Pyrénées doré à la broche, petits farcis. Aiguillettes de canard de Challans aux épices, navets au jus et foie gras. Fromage, fourme d’Ambert affinée. Gariguettes et rhubarbe gratinées. Gelée d’agrumes. Mignardises. C’est précis, et exactement adapté à la mise en valeur des vins. Des convives particulièrement experts : Philippe Faure-Brac, meilleur sommelier du monde, Nicolas de Rabaudy, écrivain et journaliste entre mille activités, Bernard Hervet, directeur général de la maison Bouchard, Ester Laushway, journaliste, et quelques convives qui n’avaient aucun complexe vis-à-vis de ces sommités tant l’atmosphère était chaleureuse.
Pour « ajuster les ponctualités », j’avais prévu Pavillon Blanc de Château Margaux 1992, année clin d’oeil, car c’est celle du sacre de Philippe Faure-Brac. Très belle expression d’un beau Bordeaux, à l’âge idéal pour l’apprécier. Il avait acquis une belle rondeur et a gardé un nez racé tout au long de la soirée dans le verre quasi vide au milieu de près de cent vingt verres sur table ! Quel tracas pour le service si parfait. Le champagne Pol Roger 1988 est un beau champagne à la robe claire, à la bulle abondante. Pas la moindre trace d’âge, une belle fraîcheur, et une légère douceur délicate. Le mariage avec le poivron et l’anchois, avec juste ce qu’il faut de pain se faisait idéalement. Le plat suivant, un plat de trois étoiles selon Nicolas de Rabaudy, allait me donner l’occasion d’un grand plaisir. Le Bâtard Montrachet 1984 Bouchard est très mal noté dans les archives de dégustation de Bouchard alors que le Corton-Charlemagne 1983 Bouchard, (rebouchage 1998) que Bernard Hervet a apporté est jugé brillant. Mais comme le coach d’un patineur artistique, j’avais materné mon poulain, et sur les morilles, « mon » 84 s’est révélé meilleur, car sa légère madérisation lui donnait des accents de vin jaune qui sied si bien aux morilles. Le Corton est évidemment plus racé, et se serait sans doute mieux exprimé sur un autre plat. De toutes façons, il s’agissait de deux très belles expressions du Blanc de Bourgogne si séduisant. J’étais bien content de bousculer les hiérarchies, signe que « l’ascenseur social » des vins de petites années fonctionne bien. Ou signe que toute bouteille de ma cave s’y sent bien.
Le Mouton-Rothschild 1971 est un vin de grande race. Année de belle réussite. Il a été très apprécié, surtout par les jeunes palais et les palais féminins. Je lui ai trouvé un coté un peu fermé. Il me fait penser à ces calligraphes chinois qui expriment d’un trait des pensées profondes. C’est beau, mais c’est terriblement ésotérique. Mouton avait, dans sa subtilité, toute cette discrétion. Mais évidemment, il ne peut pas cacher longtemps sa grandeur. L’affirmation était au programme du Vray Canon Boyer 1947, Canon Fronsac au nom confidentiel que j’avais déjà apprécié. Un nez merveilleux, doux, raffiné comme Bordeaux sait l’être. Et en bouche un vin délicat, velouté, qui apporte la preuve de l’incroyable valeur de 1947, dont il est une réussite.
Le passage de Bordeaux vers la Bourgogne est comme le franchissement d’une frontière. On ne peut pas comparer ces deux mondes, et on doit les aimer tous les deux. On est envahi par la chaleur humaine, ronde et bien vivante. Le Gevrey Chambertin Clos Saint-Jacques Clair Daü 1966 arrive en fanfare. Très clair, transparent, il s’impose en affichant une orthodoxie bourguignonne où l’amer (agréable) le dispute au fruité. Puissant, franc, il a montré son caractère de grand cru, alors que le Chambolle Musigny Bouchard 1952 lui emboîtait le pas sans complexe. Simple vin d’appellation, il s’affirmait très bien. L’analyse des vins n’est pas une science exacte, car Bernard Hervet et moi différions sur le sens de l’histoire : il voyait l’avenir de ce 52 devant lui alors que je le voyais derrière lui : parchemin encore lisible mais avec quelques trous. Les faits ont donné raison à Bernard Hervet, car le vin a bien tenu sa distance, montrant un charnu réconfortant. L’évolution du Chambolle-Musigny 1945 de Labourée Roi est intéressante, quoique plus triste. J’avais pris cette bouteille basse en un endroit où je range des 45 et des 61. Le classement de mes bouteilles a la même précision que celle des instituts de sondage en période électorale. A l’ouverture d’un bouchon très gras, nul doute, c’est un 45. Une odeur insupportable, dont j’ai « vu » l’évolution rapide vers des signes beaucoup plus civilisés. J’en attendais volontiers une grande surprise tant son premier rétablissement avait été rapide. Mais en le versant : couleur terreuse, nez de grenier, saveur amère. Il a toutefois continué à s’améliorer comme un naufragé qui remonte le courant. Je lui ai dit un dernier adieu en fin de repas en quittant la table, pensant qu’il aurait sans doute été bon le lendemain. Chacun de mes vins est comme un de mes enfants, et je ne peux pas me résoudre à l’abandonner sans un petit signe d’encouragement. Comme il y avait deux vins de plus que prévu, cette escapade vers une bouteille basse d’une grande année et d’un grand vigneron ne portait pas ombrage à l’ordonnance du repas.
Arrivait alors l’un des deux ou trois vins phares de cette soirée. Un Beaune Avaux Bouchard Père & Fils 1928 de la cave Bouchard. J’ai une passion pour ces Beaune de 28 et 29 qui sont des émotions rares. Ils étonnent toujours tout dégustateur, même averti, par leur invraisemblable jeunesse. Bouteille ancienne d’origine, étiquette récente. Le bouchon, assez ancien, indique un rebouchage probable d’il y a plus de 20 ans. Le nez était si parfait à l’ouverture vers 17 heures que j’ai immédiatement rebouché : pas question de prendre de risque quand un vin est tout de suite parfait. Ce vin est la récompense de tous les amateurs de vins vieux. Un équilibre absolu, et une promesse qu’il serait intact comme aujourd’hui s’il était ouvert dans un demi siècle. Il est assez difficile de décrire un vin quand il a tout : un nez très poli, annonçant bien ce que l’on va boire, et une bouche équilibrée, ronde, pleine, riche de jeunesse. Il transcendait bien sûr les autres vins de Bourgogne, mais il avait l’intelligence de ne pas les écraser : on pouvait passer de l’un à l’autre sans en rejeter un seul. C’est aussi cela la bonhomie des Bourgognes. Bien que mes convives – dont des habitués – connaissent cela par coeur, j’ai expliqué comment mâcher la fourme pour sublimer un liquoreux. Certaines bouteilles sont des fiertés de collectionneur : le Monbazillac Château Le Chrisly 1965 s’est montré si grand. J’aime quand on peut ainsi bousculer des idées reçues. Une couleur d’or orangé, un nez dense de beau miel, puis une structure élégamment épaisse qui trahirait volontiers un Sauternes en dégustation à l’aveugle. Quand un petit vin fait des merveilles, cela justifie la démarche de wine-dinners, qui veut qu’aux tables les plus prestigieuses de Paris, les plus belles bouteilles renommées côtoient des vins plus méconnus, porteurs parfois, comme ce soir, de magiques surprises. L’un des convives a été vraiment ému par la richesse et la poésie de ce brillantissime Monbazillac. On avait pu préférer le Bâtard au Corton. Il était imaginable que l’on préférât le Monbazillac au vin de légende qui allait suivre. Le repas se finissait comme souvent sur un vin de référence : Château Gilette « doux » 1945. Le Sauternes dans sa plus belle expression. Riche puissant, long en bouche, tenace, doré, il exprime une belle orthodoxie rassurante de la plénitude du Sauternes ancien. Propriété atypique, à la commercialisation hors norme (aucun vin de moins de 20 ans n’existe dans aucun circuit), qui participe au prestige de cette région si généreuse en vins de rêve.
Tant absorbé par les discussions passionnantes, je n’ai même pas pensé à demander à chacun de faire son tiercé. Pourtant il est probable que l’homogénéité des réponses eût été plus grande que dans d’autres dîners. Si je devais me livrer à cet exercice difficile, je répondrais volontiers : 1 – Vray Canon Boyer 1947 parce que c’est une réussite d’un vin inconnu de beaucoup, 2 – Beaune Avaux 1928 pour sa jeunesse épanouie, 3 – Gilette 1945 parce que c’est un symbole de beauté. Mais beaucoup mettraient le Beaune en premier, et je suis sûr que mon fils mettrait dans son tiercé le Mouton 1971 et le Monbazillac 1965 avec sans doute le Beaune.
Grand dîner où chacun a pu apprécier chaque vin en toute liberté de jugement, selon son goût et sa culture. Talent toujours renouvelé du restaurant Laurent pour créer une fête autour de vins de 10 à 74 ans.

Dîner de wine-dinners au restaurant le Cinq jeudi, 24 janvier 2002

L’histoire commence à mon arrivée au restaurant le Cinq à 16 heures. Je prépare les bouteilles apportées trois jours avant et stockées debout, et pendant que j’officie, Eric Beaumard me demande si une de mes bouteilles de secours ne pourrait pas être bue par des amateurs qui étaient encore en train de déjeuner. J’ai apporté un Chambertin Jules Régnier 1913 à leur table. Des bons vivants ont apprécié ce solide Bourgogne si enchanteur. Il est probable que ces amateurs viendront à un prochain dîner. Rangeant la bouteille vide près des autres bouteilles, on m’interpelle à la seule autre table encore occupée à 17 heures ( !) en me demandant le goût de ce 1913. Reconnaissant un propriétaire du Bordelais chez qui j’avais fait une merveilleuse dégustation quelques années auparavant, je me mêle à la table dirigée par une truculente et passionnante dame dont on ferait volontiers sa mère ou sa tante chérie, qui m’a fait goûter Dom Ruinart 1990 en magnum, décidément très bon, et Figeac 1988 que j’ai bien apprécié, d’une belle puissance et de très précise expression. Ce sont les hasards de rencontres heureuses.
Les convives arrivent à 20 h précises, et nous pénétrons dans cette salle splendide, luxueusement décorée, avec une débauche de fleurs magnifiques dans des vases gigantesques. Un festival de beauté. La table remarquablement située, avec nappe et serviettes en dentelle, assiettes et verrerie de classe. Tout cela annonçait un événement.
Le menu conçu par Eric Beaumard et Philippe Legendre fut fantastique, de grande classe, et commenté par Eric qui sait si bien avec des mots simples expliquer et transmettre son immense savoir. Un Blanc-manger de Sole au caviar d’Aquitaine et avocat mariné à l’huile de noisettes, homard en coque fumé et rôti aux châtaignes de Corrèze, Truffe de Tricastin en feuilleté, sauce Régence, côte de veau de lait fermier poêlée aux câpres de Pantelleria, Carré de Chevreuil rôti, dragées au chocolat, sauce poivrade, Fromage, Soufflé au nougat, glace au calisson. Parmi tous ces bons plats, quelques accords de légende. Je retiens surtout l’accord truffe et Montrachet, et l’accord de ce si discret dessert délicieux avec le magique Lafaurie. Une équipe attachante et bien dirigée nous a assuré un service d’extrême qualité, dont Thomas, sommelier de talent et attentif, qui savait qu’il manipulait des flacons de grande rareté.
Avant que je ne commente les vins, je fais une petite remarque : à un ami expert en vins présent au repas je disais à titre de boutade que j’ai la « main verte », c’est à dire que toute bouteille qui passe entre mes mains est bonne, puisqu’à ce jour, je n’ai jamais écarté une des bouteilles que j’avais prévu d’ouvrir (ce qui n’est pas le cas en dîners privés, où on s’amuse à prendre plus de risques). Or mon ami a pu constater que tous les vins présentés étaient parfaits, et de plus, des bouteilles qui auraient dû être moins puissantes du fait d’années plus risquées apparaissaient grandioses, ce qui remettait en cause tous les repères d’experts. J’ai pris cela comme un compliment pour des vins que j’essaie de conserver et présenter de la meilleure façon.
Champagne Salon « S » 1985 : puissant, viril, plombant la langue avec ses lourdes bulles. Un nez envoûtant, une expression vineuse. Un grand champagne que plusieurs convives ne connaissaient pas. Eric Beaumard a eu la gentillesse de doubler la bouteille de Salon, et je vais réfléchir à l’intérêt qu’il y aurait à démarrer avec deux champagnes au lieu d’un. Le « Y » d’Yquem 1964, fantastique à l’ouverture à 16 h est apparu éblouissant. Un nez enivrant, à respirer des heures, une densité de goût qui fait penser qu’on a utilisé abondamment des grains botrytisés pour donner du gras à ce vin sec, puisque Yquem 1964 n’a pas été produit. Le Y 1964 est une grande rareté. C’est aussi une surprise particulière tant l’écart entre ce qui est dans le verre et ce que l’on attendrait est spectaculaire. Le Montrachet Louis Latour 1981 est arrivé en accord avec la truffe de somptueuse façon. Amusant de voir un Montrachet moins puissant qu’un Bordeaux sec ! Tout en arômes dans des directions infinies, le Montrachet remplit le palais et l’inonde de mille saveurs. Une merveille. L’année 1941 est difficilement trouvable (tout a déjà été bu de cette si petite année), et peu de professionnels en ont bu récemment. Aussi ce Cheval Blanc 1941 fut une invraisemblable surprise. A l’ouverture un nez chatoyant. Au moment de servir, un grand Cheval Blanc, caractéristique, chaleureux, ouvert, soyeux, velouté, tout en discrétion mais intensité. Un grand Bordeaux, qui surpassait – est-ce possible ? – le Pétrus 1967. Pétrus est « la » réussite du millésime 1967. Très caractéristique de Pétrus, avec cette concentration, cette puissance, mais aussi ce coté ascétique volontiers trop sérieux. Un grand vin porteur d’émotion par la légitimité du symbole, mais le Cheval Blanc avait trop de charme. L’arrivée de trois Bourgognes sème un peu de confusion dans nos palais, car cela fait une patrouille de choc. Le très bon Nuits Saint Georges les Boudots de Charles Noëllat 1978 en magnum était rond, gras, puissant, lui aussi soyeux, mais il a fait une entrée plutôt confidentielle, tant le Chambertin Clos de Bèze de Pierre Damoy 1961 affirmait son insolente puissance avec un envahissement absolu du palais. Un équilibre, un coté très gouleyant, fluide, vin de soif juteux et enjôleur. Définitivement 1961 est une année de puissance et de gloire. Magnifique moment que ce Chambertin. Mais il y avait encore mieux : le Chambertin 1913 de Jules Régnier est à chaque expérience un vin étonnant. Puissant, sans la moindre trace d’âge, il étonne par cette présence, cette maturité accomplie et éternelle. Un vin de plaisir, avec du gras, de la vinosité, et une belle charpente. C’est un vin éternel, tant sa charpente semble faite pour défier les siècles, sans trace d’âge.
A ce stade, il n’y avait pas de bouteille qui avait montré le moindre signe de fatigue. Nous allions maintenant entrer dans la grâce absolue. Yquem 1988, mon chouchou, est toujours un objet de querelle d’école : d’une trilogie d’années grandioses 88/89/90, le 88 est de loin à mon goût le plus beau, mais chaque année a ses défenseurs, même autour de la table, et même à Yquem. Bu sur une excellente pâte persillée, puis bu seul, tant cet épais trésor, si imprégnant d’or et de miel est un dessert à lui tout seul. Sur de magnifiques et tendrement subtils desserts, le Lafaurie Peyraguey 1928 a pu étaler tout son talent. Très Lafaurie, ce qui veut dire structure, force et imprégnation, il avait cette présence si caractéristique des 1928, où le vieillissement apporte aux Sauternes un cadeau divin, fait de fumé, d’agrumes, d’épices qui se fondent en un seul plaisir envahissant. Comme le Suduiraut 1928 qui lui est légèrement supérieur, à boire et sentir pendant des heures et des heures.
Cigares et Fine Bourgogne du domaine de la Romanée Conti 1979 (le même que celui de Ducasse) ont clôturé ce repas qui a enchanté des convives émerveillés.
Bien sûr nous avons chacun fait notre tiercé, et ce fut comme à chaque fois très étonnant de voir des réponses aussi différentes, confirmant que chaque vin mérite une place d’honneur. Très grandes différences de choix. Le mien fut : 1 – Lafaurie 28, 2 – Chambertin 1913 et 3 – Cheval Blanc 1941. Mais tant d’autres choix ont été énoncés, fort justifiés. La palme de l’heureuse surprise revient ex æquo à Y 1964 et Cheval Blanc 1941.
Un dîner exceptionnel talentueusement préparé par l’équipe du Cinq. Magie et féerie d’un soir de rêve.

Dîner de wine-dinners au restaurant le Cinq du George V jeudi, 24 janvier 2002

Dîner du 24 janvier 2002 au restaurant « le Cinq »
Bulletin 24 – livre page 61
Les vins :
Champagne Salon « S » 1985
« Y » de Yquem 1964
Montrachet Louis Latour 1981
Château Cheval Blanc Saint Emilion 1941
Château Pétrus Pomerol 1967
Nuits Saint Georges Les Boudots Charles Noëllat 1978 (magnum)
Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961
Chambertin Régnier 1913
Château d’Yquem 1988
Château Lafaurie Peyraguey 1928

La cuisine de Philippe Legendre :
Blanc Manger de sole
Demi homard en coque fumé et rôti aux châtaignes de Corrèze
Truffe de Tricastin en feuilleté sauce Régence
Demie Cote de veau de lait fermier poêlée aux câpres de Pantaleria
Carré de chevreuil rôti, dragées au chocolat, sauce poivrade
Fromages
Soufflé au nougat
Glace au calisson

Dîner de wine-dinners au Pré Catelan jeudi, 13 décembre 2001

Ce dîner est raconté dans le vingt et unième bulletin. Des bonnes bouteilles auront encore quelques occasions de s’ouvrir cette année, mais ce sera dans d’autres contextes. Nous étions onze au Pré Catelan, où l’efficace équipe s’était intéressée à notre passion. Grande organisation, implication de tout le personnel concerné, travail de professionnels. Frédéric Anton a fait un menu remarquable de combinaisons, de traitement des mets et de création. Quel dommage que sa réserve, qui l’écarte de la salle, ne nous ait pas permis de le féliciter comme il convenait, et d’écouter ses choix. Il avait décidé de nous régaler, je vous laisse juge : l’étrille en coque et fine gelée au caviar, crème fondante d’asperge verte, la betterave parfumée à la muscade et vieux comté, jus gras, l’oursin cuit dans son test, fumet léger de céleri, la Saint-Jacques en coquille au cidre, noix écrasées et torréfiées, la langoustine en papillote croustillante, jus de romaine et crème d’échalotes, le pigeonneau poché dans un bouillon aux épices, cuisses en petites merguez, semoule de brocoli préparée en couscous et pois chiches, le cochon, poitrine braisée rôtie en cocotte, noisettes et salsifis confits dans un jus gras, les fromages fermiers, la poire en marmelade recouverte d’un zéphyr avec jus et croustillant à la vanille. Comme nous avons classé les vins, nous nous sommes amusés à classer ses plats. Le pigeon fut unanimement jugé comme grandiose, suivi de la betterave au comté et de l’oursin. Le pigeon fut l’un des plus grands que j’aie jamais dégustés. J’ai apporté un soin tout particulier à l’oxygénation des vins, cherchant à améliorer encore mes méthodes, et je me suis rendu compte que cela joue de façon essentielle sur l’image que l’on se fera du vin au moment du premier contact. J’ai pu constater que mes choix furent bons, fondés sur une analyse purement olfactive : je ne bois pour goûter que si ce prélèvement a un intérêt dans l’élargissement de la surface d’oxygénation, car je préfère de loin l’oxygénation lente à celle que procure une « facile » mise en carafe. Pour une fois, je vais m’étendre plus sur cet aspect, car cela pourrait donner des idées à ceux d’entre vous qui vont ouvrir de vieux précieux flacons pour les fêtes. Le Champagne Laurent-Perrier 1981 a délivré de belles et abondantes bulles, une couleur joliment dorée, un nez intense et imprégnant, et un goût charnu de champagne élégant marqué par le vin. Nous avons en fin de repas donné notre tiercé, le Top 3.
Ce Laurent Perrier étonnant a été non seulement nominé, mais aussi mis en premier par un convive. A noter que l’on a gardé les verres vides pour les sentir. C’est le champagne qui fut le plus brillamment persistant. Le Château Lagrave Martillac 1992 a été ouvert à 17h, bouchon enlevé en chambre froide à 10°. Rothschild à19h et mis à température de pièce une demie heure avant le service. Beau nez marin, dans les citrons, en bouche la glycérine qui s’estompe ensuite. Belle expression de Bordeaux, nettement meilleure que ce que nous attendions. Il a même été nominé. Le Chablis 1er cru les Vaudevay Domaine Laroche 1988 a été ouvert à 17h et rebouché. Débouché de nouveau à 19h il a été servi non carafé après mise en salle de 1/2 heure. Très classique Chablis de belle expression, là aussi meilleure que ce que nous attendions. Il faut dire que les entrées de Frédéric Anton ont été des « embellisseurs » de talent. Ayant assez rapidement asséché les blancs nous avons dû servir le Château Figeac Saint Emilion 1978 sur la langoustine, et ce fut un bon choix. Ouvert à 15h30, il a profité d’une oxygénation lente qui a évité de carafer. Vin extraordinaire de plénitude, élégant, adulte, beau comme Adonis. Un plaisir rare, bien au dessus de ce que mes amis experts et moi estimions devoir goûter. Plusieurs fois nominé, il a enchanté notre table. Le Château Calon Montagne Saint-Emilion 1955 que m’avait envoyé son propriétaire fut une ajoute au programme initial. Merci pour ce vin si beau. Ouvert à 15h30, il nécessitait une bonne oxygénation : je l’ai carafé à 19h, laissant le fond en bouteille. M. Boidron, contrairement à ce que vous m’avez dit, il n’y avait pas de dépôt. Vin très subtil, de très bonne structure, nous fumes frappés par son élégance et sa tenue. Il se montrait grand à coté du Figeac, même si moins complexe. Il a donné de belles émotions qui en ont fait le deuxième vin le plus nominé. Il a confirmé de belle façon le talent de l’année 1955. Le Château Gadet Médoc 1929 a été ouvert à 16h. Beau nez, même si poussiéreux, il s’est gentiment oxygéné en six heures. Une couleur si belle que David Rivière, le sommelier du Pré en fut ému. Très belle présence, attaque fraîche, puis l’acidité qui est le squelette d’un vin vieux, et son gage de longévité. Fin un peu courte, mais vraiment grand vin. J’ai été agréablement surpris de voir comment chaque convive acceptait ce vin pourtant si différent des vins actuels. Quand le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1969 est apparu, quel choc positif ! Un vin qui embaume la pièce quand on le sert. Une odeur envahissante et capiteuse, un vin riche et puissant. Je l’ai ouvert à 16h et rebouché, tant l’odeur était parfaite. Très grand vin, mais qui allait rencontrer une rude compétition. Le Nuits Saint Georges Clos des Corvées Général Gouachon 1945 Tasteviné 1950 a été ouvert avec les autres et s’est aéré lentement. Sa jeunesse est époustouflante. Intensité de goût, avec moins de velouté que les deux autres et plus de caractère. Le plus souvent nominé. Un vin de grande émotion. Le Corton Soualle et Bailliencourt 1929 a été goûté trop tard et trop vite : nous n’avons pas pu l’apprécier autant qu’il le mérite, alors qu’il est aussi bon que celui ouvert il y a deux mois. Grand, subtil plus que les autres mais moins flamboyant que le 45. Il a de ce fait été moins nominé. Le Monbazillac Le Chrisly 1965 a étonné tout le monde. Belle couleur dorée. A l’aveugle, ce serait un grand Sauternes. Grand, long, persistant, caressant. Présenté à un stade idéal de dégustation. Le Château Gillette Crème de tête 1949 devait être la star absolue. C’est incontestablement une réussite, d’un ambre si beau. Mais je n’y ai pas trouvé la même émotion qu’avec le Rayne Vigneau 1949 récent. On parle ici de nuances, car ce vin a été souvent nommé premier par des convives. Mon classement personnel, rejoint presque par deux autres convives, alors que tous les classements furent différents est : 1 : Nuits Saint Georges 45, en 2 : Calon 55 et en 3 : Corton 29. Mais le champagne et le Figeac mériteraient des mentions comme le DRC et le Gillette, les deux stars « sur le papier ». Des soifs résiduelles ont été comblées par un Laurent Perrier Grand Siècle (qui a mis en valeur par différence le sublime 1981) et Laberdolive 1970, ce bel Armagnac. Les convives ne se connaissaient pas, et il y avait cinq d’entre eux qui participaient à leur deuxième ou troisième dîner, mais issus de trois dîners différents. Leur aisance a permis une ambiance gaie et décontractée tellement chaleureuse que tous – ou presque – ont décidé de se revoir à un prochain dîner le 24 janvier. On m’a même demandé d’ouvrir l’un de mes Chypre du 19ème siècle. Je vais y réfléchir, car j’aimerais dans la démarche d’initiation à des vins rares que l’on sache doser les étapes du voyage. Si l’on accède trop vite au Graal, que reste-t-il après ? J’y pense et proposerai un dîner pour cette date où des places seront sûrement disponibles.

dîner de wine-dinners au Pré Catelan jeudi, 13 décembre 2001

Dîner au Pré Catelan le 13 décembre 2001
Bulletin 21
Les vins :
Champagne Laurent-Perrier 1981
Château Lagrave Martillac 1992
Chablis 1er cru les Vaudevay Domaine Laroche 1988
Château Figeac Saint Emilion 1978
Château Calon Montagne Saint-Emilion 1955
Château Gadet Médoc 1929
Grands Echezeaux Domaine de la Romanée Conti 1969
Nuits Saint Georges Clos des Corvées Général Gouachon 1945 Tasteviné 1950
Corton Soualle et Bailliencourt 1929
Monbazillac Le Chrisly 1965
Château Gillette Crème de tête 1949

La cuisine de Frédéric Anton :
L’étrille en coque et fine gelée au caviar, crème fondante d’asperge verte
La betterave parfumée à la muscade et vieux comté, jus gras,
L’oursin cuit dans son test, fumet léger de céleri
La Saint-Jacques en coquille au cidre, noix écrasées et torréfiées
La langoustine en papillote croustillante, jus de romaine et crème d’échalotes
Le pigeonneau poché dans un bouillon aux épices, cuisses en petites merguez,
semoule de brocoli préparée en couscous, et pois chiches
Le cochon, poitrine braisée rôtie en cocotte, noisettes et salsifis confits dans un jus gras
Les fromages fermiers
La poire en marmelade recouverte d’un zéphyr avec jus et croustillant à la vanille

Dîner de wine-dinners au Carré des Feuillants jeudi, 22 novembre 2001

Une société qui voulait honorer des clients et correspondants britanniques nous avait demandé de préparer un bel événement. Nous fumes huit au Carré des feuillants. Alain Dutournier avait marqué son intérêt pour wine-dinners, a accepté de nous recevoir selon notre formule et a donné libre cours à sa créativité. Du talent, de la recherche. Un grand moment de gastronomie. Amuse-bouches, petite friture, « Cappuccino » de châtaignes à la truffe blanche d’Alba, Langoustine pimentée à la nougatine d’ail doux, Filet de daurade royale poêlé « façon tajine », Gâteau « topinambour – foie gras » à la première truffe, Quartier d’agneau de lait des Pyrénées rôti, cresson meunière, macaronis aux cèpes, Roquefort crémeux des caves baragnaudes, medley de coing et noix, Les dattes de Nefta en « parfait » safrané, compotées au gingembre confit, mini baba au limoncello. Le cappuccino fut une pure merveille, comme la daurade, mais chaque plat mériterait aussi une mention. C’est vraiment la cuisine de talent qui accompagne bien les vins, créant une symbiose magique. Les convives avaient peu de connaissance des vins anciens, mais une culture suffisante pour apprécier chacun des vins sans marquer la moindre timidité. Une présence féminine – comme dans le dîner précédent – permet d’ajouter une touche de charme, et d’adoucir les échanges sur le vin qui deviennent ainsi plus nuancés. Le champagne Mumm cuvée René Lalou 1979 a frappé par son odeur, beaucoup plus prononcée que celle d’un champagne classique. Le goût est très vineux, de belle longueur, mais garde toute sa finesse de champagne aérien. Très belle structure et plaisir plus grand encore que celui de la précédente bouteille de ce champagne bue chez Guy Savoy. Le Laville Haut-Brion est décidément un grand Bordeaux blanc. Ce Laville Haut-Brion 1987 a des arômes et des saveurs si complexes ! On aime à retrouver toutes les saveurs d’agrumes, et ces épices discrètes qui font un vin mordoré en bouche, aux aspects changeants. Ce vin, carafé à 19 heures était trop compliqué pour mes hôtes qui ne l’ont pas tellement apprécié, contrairement à mon impression. Il est intéressant de noter que ce vin si immédiatement plaisant n’a pas tenu ses odeurs. J’avais demandé à chaque convive de garder tous ses verres, pour sentir l’évolution du nez de chaque vin pendant tout le temps du repas. C’est le Laville qui a le moins tenu. Le Bâtard Montrachet Veuve Henri Moroni 1992 qui a suivi m’avait fait peur à 17 heures à l’ouverture. Je craignais un vin déjà commençant sa courbe descendante. En fait, servi avec le poisson, il rajeunit de si belle façon ! Son message est très simple, naturel, fait de belle force. Intensément présent il envahit bien la bouche et y reste longtemps. Son odeur a persisté en verre et s’est même améliorée merveilleusement. Le Mouton Rothschild 1975 m’avait aussi inquiété à l’ouverture : très fermé. Carafé à 19 heures, il arriva juste comme il faut au moment désiré. Très agréable, il ne m’a pas autant plu que celui bu récemment. C’est un agréable Mouton, mais pas le meilleur. Il faut reconnaître en revanche que la truffe lui a donné du panache. Le Palmer 1964, aussi fermé à l’ouverture et aussi carafé à 19 heures arrivait alors que j’avais en tête et en bouche le souvenir du merveilleux Palmer 1928 de la veille. Je dois dire que j’ai été extrêmement positivement surpris de voir tant de qualités dans ce Palmer 1964. Ce vin est subtil, méritant d’être cajolé, et à coté des colosses de Bourgogne qui l’accompagnaient, malgré sa fragile subtile structure, il se tenait comme un adulte, ce qui est le signe d’une grandeur qui m’a fait plaisir. Le Chambertin Domaine Pierre Damoy 1961 est un vin immense. Une puissance de géant. Vin très facile, compréhensible immédiatement. Il a la force, l’invasion calme, mais aussi du velouté enveloppant. Un grand vin que les convives ont adoré. Bien sûr, avec tant de force, il n’était plus question de revenir aux Bordeaux, sauf par le nez qui tenait bien. Le Chambertin de Charles Viénot de 1934 provenant des caves de Maxim’s, celui que j’avais déjà bu chez Guy Savoy lors d’un dîner relaté dans le bulletin 7, est apparu à l’ouverture à 17 heures immédiatement prêt à boire. Déjà chaud du désir de plaire. Et sur table, en pleine forme, avec ces saveurs si subtiles qui en font un vin adorable et beau. Le fait qu’il soit possible de le boire à coté du Chambertin 1961, de le sentir évoluer comme le 1961 donne une idée de la solidité de ce vieillard, si jeune au nez et en bouche. Un grand moment de plaisir. J’avais une petite fierté personnelle que ce vin de 67 ans puisse soutenir le choc d’un grand 1961. Vint ensuite un Yquem 1973, année de petite production difficile à trouver. Belle couleur encore bien claire, limpide, très typique. Etonnant de plénitude pour cette année là. Dès qu’apparaît Yquem les yeux brillent plus et les conversations deviennent plus douces et les cœurs légers. La consécration de la soirée fut atteinte avec le Rayne Vigneau 1949 d’une splendeur toute particulière. C’est tellement distingué. On est dans un registre subtil, fait d’évocations plus que d’affirmations. C’est la danse de la séduction. Les arômes se font câlins. Il n’était pas possible de revenir au Yquem qui apparaissait alors tout en force quand le Rayne Vigneau ne fait que suggérer toutes les composantes de fruits, d’agrumes, de sucres discrets. Je trouve que la conclusion d’un dîner par un vieux Sauternes – nous avons pris l’habitude de le faire – est un vrai moment de grâce.
Comme on le fait assez souvent, j’ai demandé à chacun de désigner ses trois meilleurs vins et, bien sûr, aucune réponse n’était en double. Les réponses les plus fréquentes pour le numéro un furent le Bâtard Montrachet et le Chambertin 1961. C’est assez logique, car ce sont les vins les plus immédiatement chaleureux et faciles d’accès. Dans le trio, on retrouvait le plus souvent ces deux vins et le Chambertin 34, le Palmer 64 et le Rayne Vigneau 1949. Mon choix personnel, mais qui n’a pas valeur de certitude ou de repère fut en premier pour le Chambertin 1934, tant je suis content qu’il traverse bien les années, le Palmer 1964, tant je suis content qu’il ait si bien tenu la comparaison avec le Palmer 1928 qui est légendaire, et en troisième le Rayne Vigneau 1949, car il fut le goût le plus brillant de la soirée.
Alain Dutournier nous a rejoints en fin de repas. Il a commenté ses choix de chef, ce qui fascine toujours les hôtes, car il lève un peu le voile sur sa création, comme le prestidigitateur qui vous explique un tour en le compliquant encore plus : plutôt que de croire devenir un chef de ce niveau, autant apprendre la prestidigitation. Alain Dutournier a été favorablement impressionné par le Yquem, et par le Chambertin 1934. Son sommelier si présent depuis l’ouverture des vins jusqu’en fin de repas a montré une compréhension et un talent qui méritent cette mention.
Une fois de plus une atmosphère conviviale, enthousiaste et plaisamment studieuse. Chacun se promettait dès le lendemain d’acheter de belles bouteilles. J’avais apporté des bouteilles de secours, mais comme chaque fois, il n’en fut pas besoin. Le donneur d’ordre, hôte de ce soir, fut ravi du festin qui a enchanté ses invités, ce qui est évidemment le but que nous poursuivons.

dîner de wine-dinners au Carré des Feuillants jeudi, 22 novembre 2001

Dîner au Carré des Feuillants le 22 novembre 2001
Bulletin 19

Champagne Mumm cuvée René Lalou 1979
Laville Haut-Brion 1987
Bâtard Montrachet Veuve Henri Moroni 1992
Château Mouton-Rothschild 1975
Château Palmer 1964
Chambertin Domaine Pierre Damoy 1961
Chambertin Charles Viénot 1934
Château d’Yquem 1973
Château Rayne Vigneau 1949

Le menu d’Alain Dutournier
Amuse-bouches, petite friture,
« Cappuccino » de châtaignes à la truffe blanche d’Alba,
Langoustine pimentée à la nougatine d’ail doux,
Filet de daurade royale poêlé « façon tajine »,
Gâteau « topinambour – foie gras » à la première truffe,
Quartier d’agneau de lait des Pyrénées rôti, cresson meunière, macaronis aux cèpes,
Roquefort crémeux des caves baragnaudes,
medley de coing et noix,
Les dattes de Nefta en « parfait » safrané,
compotées au gingembre confit,
mini baba au limoncello

Dîner de wine-dinners au restaurant Maxence lundi, 24 septembre 2001

Ce repas est raconté dans est le seizième bulletin. Il raconte l’histoire d’un dîner de wine-dinners, le numéro quinze, dont la gestation a été particulière. En effet, deux convives avaient une date impérative, il fallait improviser autour de ce fait. D’autres amateurs se sont joints, et parmi eux des professionnels du vin dont la connaissance des vins, jeunes ou vieux, est le métier. Il fallait les intéresser, mais aussi les étonner, ce qui, je crois, fut fait.
Avant que tous les convives ne soient présents, nous avons commencé par Pavillon Blanc de Château Margaux 1992. Très clair, beau nez floral, et en bouche une rare discrétion, mais qui donne envie de découvrir toutes ses subtilités. C’est ce type de vin qui donne envie d’explorer de nouveau les Bordeaux blancs, si subtils à l’analyse. Dès que tout le monde fut là, Besserat de Francis rosé brut 1966. C’était le plus grand risque possible de la soirée. Rose tirant sur le roux, nez poussiéreux, bulle rare. Tout cela n’était pas bon signe. Mais en bouche, un plaisir : un goût vineux, prononcé, la bulle que l’on trouve en bouche, qui pèse sur la langue. On retrouvait des allures de Salon, avec cette force du vin. Au total, un excellent champagne, très différent des jeunes champagnes modernes, mais de grand plaisir. David van Laer, puisqu’on se retrouvait de nouveau chez lui, avait servi des petits vol-au-vent goûteux sur le Pavillon blanc, mais sur le champagne, l’escabèche de rouget cassait sa longueur. Une merveilleuse crème de haricots « coco » (c’est l’écho) se mariait fort justement avec un Domaine Laroche 1985 Château de Puligny Montrachet – appellation Puligny Montrachet contrôlée. Je mets ce titre à rallonge qui est celui de l’étiquette, car Laroche, connu pour ses Chablis, se met en avant, au lieu d’annoncer qu’il s’agit d’un Puligny. Cette opacité des étiquettes est critiquée par les amateurs étrangers. Très caractéristique de Puligny, un vin bien plaisant, mais sans grande aspérité. Bon élève sans génie. Magnifié par la crème. Sur un Saint-pierre extraordinaire, j’avais choisi un quitte ou double : Grande Réserve, Comte A. De la Rochefoucauld 1947 « appellation Bourgogne contrôlée ». C’est l’étiquette d’un vin de table et rien ne dit, sauf la couleur, qu’il s’agit d’un blanc. A l’ouverture, un nez légendaire. Avec un des convives, nous avons passé de longues minutes à seulement le respirer. Il n’y a pas de meilleure ivresse que ce nez là. Une couleur très foncée, et au palais, un enchantement indéfinissable. C’est évidemment âgé, mais c’est présent, insistant. Pas du tout madérisé, mais l’alcool ressort. Et il y a du fruit. Un convive n’a pas aimé, car ce qui le choquait, c’est que ce vin n’a jamais été fait pour donner ce goût là. C’est vrai pour beaucoup de vins anciens, car Margaux, par exemple, n’a pas cherché à faire des vins pour être bus 100 ans après, alors que ce sont aujourd’hui des sommets. Mais ce vin, si loin de sa valeur d’origine était un grand plaisir.
Arrive alors le lièvre en marmelade, qui sent si fort la viande intensément gibière, si l’on accepte ce néologisme. Il fallait choisir quel rouge l’accompagnerait. Alors qu’on commence le plus fréquemment par les plus jeunes, je décidai, malgré plusieurs suggestions pour le Beaune, de servir le Corton 1929 L. Soualle & E. De Bailliencourt Maisons du Montcel, L. Barjot & ses Neveux réunies. Une pure merveille. Un des grands Bourgogne d’une vie de dégustateur. Couleur très légère, très rose tendre, très jeune. Un nez jeune, expressif, puissant. En bouche une simple merveille. Il suffit de penser à tout ce qu’on aimerait trouver dans un grand vin pour qu’on le cueille ici sur la langue. Belle longueur, belle expression veloutée. On est sous le charme, et on tient un accord parfait. Sur le même plat pour ceux qui mangent le plus lentement, un Beaune Clos des Mouches 1953 Pierre Bourée Fils négociant. Une magnifique découverte sur cette année. Il est plus jeune que le 29, mais sans créer de différence nette, car le 29 est très jeune. Il est plus puissant que le 29, mais sans créer de différence nette, car le 29 est très puissant. Un vin vraiment agréable. Il y avait autour de la table des aficionados du Clos des Mouches, qui a tenu ses promesses. Comment allait se comporter un honnête Bordeaux après ces si grands Bourgogne ? J’avais un petit doute. Et, comme beaucoup de convives, j’ai été bluffé par ce Malartic Lagravière Graves 1955. Vraiment je ne pensais pas que Malartic en 1955 pouvait être aussi bon. Il avait beaucoup de rondeur, d’équilibre. Un vrai plaisir tout étonnant. Non pas que j’aie une mauvaise image de ce vin, mais il est apparu à un niveau que l’on ne suppose pas. Ce qui fait que ces trois rouges se sont parfaitement succédés, le Corton 29 étant d’une rare qualité.
Sur du Stilton est apparu la star de la soirée : Yquem 1917. C’est d’abord une année émouvante, l’année de Verdun et de Douaumont. Ensuite, c’est une année rare que peu de gens ont bue. D’où l’attention qu’il mérite. Très belle bouteille, au bouchon d’origine, avec un niveau un peu bas, mais une couleur merveilleuse, de caramel et de tabac brun. A l’ouverture le bouchon s’est cassé en deux, mais est resté ferme, et de belle odeur. Dans le verre, j’ai eu un peu peur : un nez discret, une attaque sèche, et une longueur un peu faible, même si le charme d’Yquem s’exprime. J’en faisais la remarque, mais les convives autour de moi appréciaient tellement que j’aurais eu mauvaise grâce à critiquer, d’autant que progressivement, ce Yquem devenait grand. Belle consistance de fruit. Peut-être pas éclatant comme certains, mais grand, intense, et un remarquable témoignage. Le vin qui allait suivre, un Golser Strohwein (vin de paille) Prädikatswein Neusiedlersee Österreich 1998 de 11°, était impossible à boire à ce moment. Trop monolithique, trop simple, il ne pouvait pas trouver sa place. Mais il a eu le mérite de montrer combien Yquem, apparemment si simple tant il est chaleureux est en fait d’une extrême complexité. Le vin de paille mérite une autre chance. A boire dans un autre contexte.
Ce qui fut intéressant, indépendamment du plaisir convivial, c’est de montrer à des professionnels que des vins inconnus ou peu connus peuvent se révéler, dans de bonnes conditions, et avec l’approche adéquate, de très grands vins. Une fois de plus, ces vins sont de véritables fêtes. Et l’association avec une grande cuisine contribue à les magnifier.

Dîner de wine-dinners au Maxence lundi, 24 septembre 2001

Dîner de wine-dinners chez « Maxence » le 24 septembre 2001
Bulletin 16

Champagne Besserat de Bellefont Rosé 1966
Pavillon Blanc de Château Margaux 1992
Puligny Montrachet Domaine Laroche 1985
Bourgogne « grande Réserve » Comte A. de la Rochefoucauld 1947
Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1960
Château Malartic Lagravière, Graves 1955
Beaune Clos des Mouches Pierre Bourée Fils négociant 1953
Vosne Romanée E & D Moingeon Frères, # 1943
Corton L. Soualle & E. de Bailliencourt Maisons du Montcel et L. Barjot réunies 1929
Yquem 1917
Golser Strohwein (vin de paille) Prädikatswein Neusiedlersee 1998
Kummel # 1950

Le menu de David Van Laer
Gougères
Escabèche de rougets
Crème de cocos de Paimpol et foie gras
Dos de Saint-Pierre rôti aux aromates
Compote de lièvre façon Parmentier
Sélection de fromages de chez Quatrehomme
Gratin de figues
Dégustation de chocolats
Mignardises