Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Déjeuner avec des vins à risque lundi, 18 novembre 2024

Les fêtes de fin d’année approchent. Je cherche au hasard des vins pour les réveillons. Ma fille cadette venant déjeuner demain, deux bouteilles prestigieuses qui me semblent incertaines devraient convenir à ce repas.

Le programme est : petits biscuits au parmesan, pâté de tête / coquelets et purée de pommes de terre / époisses et mont-d’or / flan.

Dès dix heures du matin j’ouvre le Clos de la Roche Joseph Drouhin 1937 au niveau à 15 centimètres du bouchon. Je tire doucement un bouchon tout noir et la première odeur est horrible, essentiellement de terre poussiéreuse. Immédiatement je pense que 99,9 % des amateurs de vins déclareraient la mort du vin et l’écarteraient. Ma vision du vin ancien est que l’on doit toujours donner sa chance au vin car si l’on pense déclarer la mort, autant le faire quatre heures plus tard. A ce stade, je ne peux pas garantir un retour à la vie, mais j’ai déjà rencontré des résurrections de vins ayant les mêmes défauts de parfums.

A titre de sécurité, j’ouvre une demi-bouteille de Château Lafite-Rothschild 1969 que j’ai bu plusieurs fois avec bonheur.

J’ouvre ensuite le Champagne Dom Pérignon 1959 à l’étiquette abîmée et au bouchon qui a dû souffrir. 1959 est une grande année pour ce champagne et fort curieusement je ne reçois jamais d’offres de ce millésime. Il n’est pas question de le voir s’abîmer encore, il faut le boire maintenant, d’autant qu’il a perdu une dizaine de centimètres. Je veux tourner la petite rondelle de fil d’acier qui, en tournant, permettrait de dégager la coiffe du bouchon, et elle me reste dans les doigts. Les fils d’acier se déchirent. Quand je veux lever le bouchon il se brise et le bas du bouchon nécessite un tirebouchon. L’odeur est assez fatiguée, mais aucun défaut n’apparaît. Il n’y a pas de pschitt.

L’avenir est incertain mais il faut espérer des retours à la vie.

Ma fille arrive avec son fils et je verse le Champagne Dom Pérignon 1959 qui n’a pas de bulle, qui a une jolie couleur dorée joyeuse et qui a une odeur très discrète, peu expressive. Dès la première gorgée, je sais que le champagne est grand. Il n’a aucun défaut. Mais la surprise vient maintenant. Sur le pâté de tête, je me rends compte que le champagne est superbe et gourmand, mais en plus, qu’il me semble être très au-dessus des champagnes de cette période. Il est immense, royal, impérial. Quelle surprise !

Le plus grand Dom Pérignon que j’ai bu est le 1929 de ma cave que j’ai partagé avec Richard Geoffroy. Je serais prêt à penser que ce 1959 vient juste après le 1929, car il explose de joie et de complexité. Je n’en reviens pas.

Les coquelets sont servis et nous commençons par le Château Lafite demi-bouteille 1969. Il est agréable, conforme à ce que doit être un Lafite, très plaisant et confirme ce que j’attendais.

Le Clos de la Roche Joseph Drouhin 1937 montre un parfum fascinant et joyeux. Toutes les mauvaises odeurs ont disparu, remplacées par des senteurs de petits fruits rouges étonnants. La couleur est d’un rouge marqué d’un peu de terre comme des vieilles Romanée Conti, mais couleur plaisante. En bouche, ce sont les petits fruits rouges qui dominent et le vin est absolument superbe. J’ai beau raconter des dizaines et des dizaines de fois des retours à la vie de vins blessés, je reste quand même fasciné qu’un vin qu’il faudrait jeter puisse se montrer aussi glorieux et sans le moindre défaut.

Sur l’époisses, le vin de Drouhin devient absolument immense. Le fromage le propulse.

Le flan permet au champagne de continuer de briller.

Il est à noter que le soir, j’ai goûté à nouveau les deux vins. Le champagne a perdu de sa splendeur, il s’est éteint, alors que le Clos de la Roche est toujours aussi brillant. C’est donc le vainqueur inattendu de cette belle journée.

Déjeuner de famille dimanche, 10 novembre 2024

Ma fille aînée vient avec sa fille aînée déjeuner à la maison. A l’apéritif nous buvons un Champagne Cristal Roederer 1999 qui m’avait gratifié à l’ouverture d’un petit pschitt discret. Le champagne a de jolies bulles fines et une couleur d’un or clair. De fines tranches de boudin blanc sont idéales pour mettre en valeur la personnalité de ce Cristal. Il est large et confortable. Il n’a pas une grande énergie, mais c’est un champagne de qualité très agréable à boire.

Pour la pintade, j’ai ouvert un Château Ausone 1967. Le niveau était dans le goulot, le bouchon idéal et le parfum prometteur à l’ouverture. Dès la première gorgée, on sent à quel point il est noble. C’est l’archétype d’un grand Saint-Emilion. Tout en lui est pur, riche, intense et équilibré. C’est le bordeaux parfait à la maturité idéale.

déjeuner au restaurant Pages samedi, 9 novembre 2024

Un ami de longue date me propose de déjeuner au restaurant Epicure de l’hôtel Bristol car cela fait des années que nous ne sommes pas vus puisqu’il vivait en Australie. Par ailleurs l’américaine qui est la plus fidèle de mes dîners vient d’arriver à Paris, et participera demain au déjeuner au restaurant Plénitude. Elle me demande quand nous pourrions nous voir. Je lui propose de se joindre à nous.

Jonathan demande à Epicure s’ils pratiquent un droit de bouchon. Le prix qu’ils indiquent est tellement ridiculement haut que je lui suggère d’annuler sa réservation. Nous irons donc déjeuner au restaurant Pages. Nous serons quatre, car j’ai demandé à ma femme de se joindre à notre petit groupe car l’américaine est une amie.

Jonathan a apporté un Krug Clos du Mesnil 2008. J’ai apporté un Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1967 et un Château Chalon Bouvret 1959 que j’ouvre en arrivant. Le bouchon du 1967 est illisible et le parfum subtil est engageant. Le parfum du Château Chalon est tonitruant et conquérant. Une bombe de saveur.

Je fais le menu avec le chef Ken : carpaccio de wagyu / pagre cru / turbot / wagyu ou lièvre à la royale ou les deux / dessert.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 2008 a un parfum délicat qui est assez réservé. En bouche, je suis très agréablement surpris de sa largeur et de sa convivialité, alors que le champagne est jeune. Avec les deux entrées de viande et poisson crus, le champagne est brillant, vif et profond. Mais c’est en fait dans vingt ans que ce champagne donnera ses plus belles complexités, car ce champagne gagne en vieillissant, le millésime 1979, le premier de tous, étant le plus exceptionnel.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1967 me fait tomber en pâmoison. Et je souris. Depuis des années je participe à la présentation des vins du domaine de la Romanée Conti et l’Echézeaux est servi en premier, considéré comme le petit débutant qui doit ouvrir le spectacle. Or cet Echézeaux est absolument étonnant, d’un niveau très supérieur à ce qu’il devrait offrir. Il est délicat, raffiné, et je le considère l’égal d’une Romanée Saint-Vivant qui serait parfaite.

Ce vin m’émeut au plus haut point car ses finesses progressent en bouche sans trouver de fin. C’est un régal sans limite. Alors bien sûr, il est tentant de le boire avec le turbot cuit nature, et c’est parfait. Nous sommes deux à manger le wagyu et deux à profiter du lièvre à la royale. Ayant eu ce lièvre hier j’ai pris le wagyu. L’accord est parfait et toute l’âme de la Romanée Conti se montre en ce vin, sel, finesse, longueur terrienne infinie.

Un Comté est prévu pour le Château Chalon Bouvret 1959. Quelle déception ! Alors que le parfum est explosif, le vin est plat, réservé, sans l’énergie que l’on aimerait. Quel dommage. Bien sûr il se boit mais il manque d’âme.

Le subtil dessert de Lucas est accompagné par le Krug toujours aussi élégant.

Le classement sera facile : 1 – Echézeaux 1967, 2 – Clos du Mesnil 2008, 3 – Château Chalon 1959. De nombreux souvenirs communs ont ensoleillé ce repas où l’équipe de cuisine a fait des prouesses.

déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur mercredi, 6 novembre 2024

L’écrivain me propose de venir à des séances de signature de ses livres mais les dates ne conviennent pas. J’invite l’auteur à déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur. Lorsque j’arrive, je suis accueilli par Aurélien qui fait office de sommelier mais aussi de directeur de salle.

J’ouvre les vins que j’ai apportés. Tous les deux ont des bouchons magnifiques, les niveaux sont parfaits et les parfums sont distincts. Le Corton Charlemagne a un nez puissant et conquérant tandis que le Chambertin a un nez subtil et délicat. Aurélien sent aussi les vins et nous composons le menu. Il y aura une assiette de cèpes juste poêlée et le lièvre à la royale. Aurélien pensait que le vin rouge serait trop frêle pour le lièvre et j’ai pensé au contraire que le vin charmant calmerait la puissance du lièvre.

L’écrivain arrive et nous buvons le Corton-Charlemagne Pierre Marey & Fils 1982 sur les gourmandes rillettes du restaurant. La couleur du vin est d’un or clair très séduisant. En bouche on ressent son côté guerrier, puissant, conquérant. C’est un grand Corton-Charlemagne que je n’imaginais pas aussi solaire pour l’année 1982. L’accord cèpes et vin blanc est absolument parfait.

Le lièvre à la royale, façon sénateur Couteaux, est délicieux. Sa puissance est mesurée, ce qui est agréable. Le Chambertin Clos de Bèze Faiveley négociant 1969 a une très couleur rouge sang. Le nez est discret mais subtil. En bouche je suis immédiatement conquis. Je me sens invité par Madame d’Epinay ou par la Marquise de Lambert, à l’un de ses salons où l’on parle de science et de poèmes. C’est le côté courtois de ce vin que j’adore, tellement raffiné et glissant sans fin dans le palais. Et le vin adoucit l’ardeur du lièvre avec un talent infini.

Je suis aux anges avec ce chambertin qui n’a pas d’âge tant il est pertinent. On dirait qu’il est de 1985, on ne ferait pas d’erreur, tant il est accompli. Alain Pégouret fait une cuisine d’une belle justesse.

Nous avons continué à boire les deux vins sur des fromages bien choisis par le restaurant.

Ce déjeuner avec des vins très différents et parfaits a été passionnant car nous avons échangé sur des sujets intéressants. Il est assez probable que nous nous retrouverons.

déjeuner chez des amis vendredi, 1 novembre 2024

Nous sommes dans le sud et nous allons déjeuner chez des amis qui habitent Eygalières, une petite ville entourée d’un paysage d’une grande beauté. Notre ami est un passionné de cuisine et a préparé des plats délicieux.

A l’apéritif nous buvons un Champagne Louis Roederer Brut Premier sans année. Il n’est pas désagréable, mais il manque de complexité.

Sur une entrée originale avec un boudin noir, Le Schistes d’Agrumes Condrieu M. Chapoutier 2020 est une magnifique surprise. Je m’attendais à un vin trop jeune pour mon goût, or ce vin est gourmand, plein, fruité, frais et très agréable à boire. Un réel plaisir.

J’ai apporté un Château de Beaucastel Châteauneuf du Pape 2001. Quelle merveille. Ce vin est totalement accompli, riche, construit, explosant de joie de vivre. Il est arrivé à un équilibre parfait, de belle maturité. Il va encore s’épanouir, mais il est déjà proche de la perfection absolue. L’accord avec la joue de bœuf est idéal.

Pour le dessert nous avons un Porto Ramos Pinto 2011 riche et percutant. Il est encore jeune, mais il atteint son but, riche de gourmandises pointues. Son équilibre est très agréable.

Par une belle journée ensoleillée, d’un été indien qui s’est invité dans l’automne, nous avons passé une agréable journée avec des amis charmants et deux vins de grand intérêt.

déjeuner de famille avec deux vins de 90 ans dimanche, 20 octobre 2024

C’est un déjeuner de famille dans ma maison. Nous serons huit dont cinq qui boivent du vin. Ma dernière fille vient d’avoir cinquante ans. Un tel chiffre est important dans la vie de chacun et j’ai ressenti qu’elle y est sensible aussi j’ai eu l’idée de choisir deux Bourgognes de 1934, qui ont quarante ans de plus qu’elle, pour suggérer qu’elle a une longue vie devant elle et qu’il ne faut pas s’arrêter à un chiffre jalon.

J’ai ouvert les vins très tôt et j’ai voulu ouvrir le champagne en avance, car il s’agit d’un magnum. Lorsque j’ai tourné le bouchon du Veuve Clicquot 2008, j’ai senti une énorme pression sur mes doigts, et le pschitt explosif a fait le bruit d’un tir de canon. Buvant rarement des champagnes jeunes, j’ai été impressionné par ce bruit.

Le Champagne Veuve Clicquot La Grande Dame 2008 en magnum promet d’être grand mais il est un peu trop jeune pour l’instant. Très élégant, avec une grande longueur, j’aurais aimé un peu plus de gras car il est strict. Mais il deviendra grand. C’est aujourd’hui un champagne sérieux.

Le Clos Vougeot Cave de la Reine Pédauque 1934 avait à l’ouverture il y a quatre heures une odeur qui n’était pas parfaite, un peu boueuse. Mais quand je le sers, il a effacé toute imperfection. Il est grand, un peu gras, et offre une personnalité généreuse.

Le Chambertin Charles Viénot 1934 est un vin que j’ai acheté il y a plus de 20 ans quand Pierre Cardin vendit aux enchères simultanément à New York et à Paris la cave du restaurant Maxim’s. Les prix étaient fous mais j’ai acheté une caisse de douze Chambertin 1934. Beaucoup ont souffert d’évaporation, certainement en raison des conditions de conservation dans la cave de Maxim’s.

Cette bouteille – pour une fois – a un bon niveau, et en l’ouvrant je savais que ce serait un grand vin. Ce vin a toutes les qualités d’un grand vieux Chambertin. Il est si impressionnant, dense, intense, frais. Un vin immense d’un très grand vigneron. Large et opulent c’est un vin de plaisir.

Ma fille aînée préfère le Clos Vougeot. Ma plus jeune fille comme moi préfère ce Chambertin d’une belle intensité.

Nous avons bu les vins avec du poulet et des pommes de terre, le plat le plus simple et parfait. Et avec un fromage Mont d’Or, le Chambertin est à se pâmer.

Ouvrir deux vins de 90 ans était un risque. Ce fut un succès.

Dernier repas de vins dans le sud mercredi, 4 septembre 2024

Le chirurgien qui a opéré mon genou est bourguignon et au fil des réunions que nous avons eues, nous avons parlé de vin. Je l’ai invité à venir dîner avec son épouse et j’ai voulu lui montrer le monde du vin tel que je l’aborde et le vis.

Le premier vin est Champagne Salon 2002. Je complimenterai la maison Salon pour un bouchon parfait. Il est exactement ce qu’il devrait être. Pour d’autres années, je dois lutter contre le bouchon. Ici, j’ai eu un effort normal, un joli pschitt, et un petit nuage créé par les bulles qui s’échappe de la bouteille.

J’ai ouvert le 2002 environ 10 heures avant le dîner et quand je verse dans les verres, les bulles sont présentes mais pas trop. Ce champagne est une pure élégance, alliant jeunesse et maturité.

Nous l’avons essayé avec différents composants de l’apéritif. Avec les rillettes le Salon s’agrandit, avec le pâté de tête à base de langue de bœuf, le champagne devient complexe, et je n’ai pas été convaincu par l’association avec le camembert contrairement aux expériences précédentes.

Ce qui est fascinant, c’est la longueur et la persistance du goût qui n’en finit pas. Ce champagne est un seigneur.

J’ai prévu ensuite un Bourgogne Aligoté Coche Dury 2014. Pour ce vin ma femme a préparé des coquilles Saint-Jacques crues avec des œufs de saumon nappés d’une sauce au Saké et d’une discrète crème froide. La combinaison est magique et je suis fier qu’avec ma femme nous ayons composé un plat idéal pour le vin.

J’avais ouvert le vin 10 heures avant le dîner et je l’avais maintenu à 15 degrés pour qu’il s’étoffe.

Le premier contact est impressionnant car le vin est précis, tellement distingué. Et l’accord est à se damner.

J’étais vraiment heureux de boire ce vin que je ne connaissais pas, mais ensuite j’ai réalisé que même s’il est parfaitement fait, il manque de complexité et un peu d’ampleur. J’ai adoré l’expérience mais ce vin est loin d’un Grand Cru.

Le vin suivant est Château Rayas rouge 2005, un vin mythique, que j’ai ouvert 10 heures avant le dîner. Ma femme a préparé du Wagyu avec de la purée de pommes de terre et de céleri.

A l’ouverture, le vin offre un grand parfum intense. Au service à table, le parfum est profond et la première gorgée est divine. C’est un vin parfait. Il est jeune, mais pas trop jeune parce qu’il atteint un niveau glorieux. C’est un vin que l’on peut garder plusieurs décennies, mais c’est aussi un plaisir complet aujourd’hui.

On dit généralement que Rayas est le plus bourguignon des Châteauneuf du Pape, et c’est vrai pour celui-ci. Elégant, charmeur, plein de gaieté, c’est un très grand vin, conforme à sa renommée.

Pour le dessert j’ai prévu un Vouvray J.M. Monmousseau 1959, ouvert lui aussi 10 heures avant le dîner. La première odeur était hésitante.

Le vin est servi avec une tarte aux mirabelles. Hélas, c’est un Vouvray sec. Et comme il n’est pas très précis et ne forme aucun accord, c’est un vin que je n’ai pas apprécié comme il aurait pu l’être si j’avais su qu’il était sec.

Pour le dîner, le classement des vins est : 1 – Rayas 2005 : absolument parfait, 2 – Salon 2002 d’une longueur impressionnante, 3 – Aligoté Coche Dury 2014 : une belle expérience, 4 – Vouvray 1959 : pas ce à quoi je m’attendais

Les meilleurs accords : 1 – Saint-Jacques crues à l’Aligoté, 2 – Wagyu avec Rayas, 3 – rillettes avec Salon.

Ce dîner a permis qu’avec ce couple charmant, nous découvrions que nous avons beaucoup de points communs. Je suis particulièrement heureux de ce repas qui – normalement – est le dernier des repas des presque trois mois passés dans le sud.

Deux vins de Curnonsky jeudi, 29 août 2024

J’ai fait la connaissance d’un industriel qui a acheté un Domaine de Côtes de Provence pour y faire du vin blanc et du rosé. Il est sympathique et de l’âge de mes enfants. Nous le recevons à déjeuner avec son épouse.

Une idée me vient d’ouvrir deux vins appartenant aux cinq meilleurs vins blancs de Curnonsky, pour lui faire connaître des vins qu’il n’a peut-être jamais bus. Curnonsky était le Prince des gastronomes et avait décidé que cinq blancs étaient les meilleurs du monde (je dirais de son monde) : le Montrachet, Yquem, Château Chalon, Coulée de Serrant et Château Grillet.

J’ai choisi d’ouvrir un Clos de la Coulée de Serrant Mme A. Joly 1976 et un Château Grillet 1986. J’ai ouvert les vins à 8h du matin et les bouchons sont venus entiers, offrant de prometteuses senteurs.

La Coulée de Serrant Mme A. Joly 1976 a été vinifiée par la mère de Nicolas Joly, le Prince de la biodynamie. Je préfère les vins élaborés par Mme Joly. Celui-ci est impressionnant. Au premier contact, il est astringent. Puis en bouche il devient plus large et plus gras, et la finale a une longueur incroyable et reste en bouche pour toujours. Je suis très impressionné par ce vin.

Lorsque j’ai commencé à boire du Château Grillet il y a quelques décennies, j’avais du mal à le comprendre. Je n’arrivais pas à entrer dans son monde. Dès la première gorgée aujourd’hui, je sais que je suis devant une merveille. Le Château Grillet 1986 explose en bouche, ample, convaincant, précis. Très long aussi. C’est un vin plein et parfait.

Je comprends maintenant pourquoi Curnonsky a choisi ce vin. Car c’est un monstre de bonheur.

Bien sûr, les choses ont changé en un siècle et aujourd’hui, le classement des meilleurs blancs serait différent en France et je mettrais certainement parmi eux le Corton Charlemagne de Coche Dury.

Mais aujourd’hui, nous buvons deux merveilles et je suis heureux d’avoir montré deux perles à cet ami nouveau vigneron.

Dîner d’amis lundi, 26 août 2024

Nous recevons des amis à dîner. Il a une cave impressionnante et a bu tout ce qui se fait de grand. Je vais donc essayer de trouver des vins assez originaux. Et la beauté des bouteilles va jouer un rôle dans mes choix.

Le Champagne Joseph Perrier Cuvée Joséphine 1982 a une bouteille d’une grande beauté, surchargée de couleurs scintillantes. C’est la meilleure Cuvée de la maison Joseph Perrier et 1982 est la première année pour cette Cuvée qui n’est pas élaborée tous les ans.

L’ouverture était difficile à cause d’un bouchon très serré dont la partie basse coincée dans le goulot est venue par le secours d’un tire-bouchon. Il y a eu un pschitt assez puissant qui a poussé ma main. C’est une surprise.

Composé de Chardonnay et de Pinot noir c’est un grand Champagne noble alliant maturité et jeunesse. Sa grandeur m’a beaucoup plu, sur des rillettes, sur un pâté de tête et sur diverses cochonnailles. La personnalité affirmée de ce champagne d’un or pâle est impressionnante.

Le Châteauneuf du Pape L. de Vallouit 1959 a un niveau assez bas. A l’ouverture cinq heures avant, j’ai pu constater que ce niveau n’a aucune influence sur la puissance et l’énergie de son parfum. A table on vérifie qu’il n’y a absolument aucune influence sur le goût.

Dès la première gorgée, je me suis senti sous le charme de ce Châteauneuf du Pape si élégant. Riche, intense, il possède une structure solide et est fait pour être aimé. Les anciens Châteauneuf du Pape sont toujours pleins de charme et de joie de vivre et 1959 est une grande année.

Comme nous bavardions, il est apparu que je devais ouvrir un autre vin rouge. Ce que j’aime dans le Vega Sicilia Unico 1999, c’est sa jeunesse impressionnante. J’adore les Vega Sicilia Unico des années 60 ou 70, mais je les aime aussi quand ils sont jeunes car la très longue finale a la fraîcheur de la menthe. Et ce 1999 a gardé sa fraîcheur bien qu’il ait 25 ans.

Ma femme avait acheté une tarte au citron meringuée. J’ai pensé que le meilleur accompagnement serait un champagne rosé. Il en est un dont je trouve la bouteille particulièrement élégante, c’est le Champagne Krug rosé. Le bouchon s’est cassé comme celui de la Cuvée Joséphine 1982 mais n’a donné aucun pschitt.

J’imagine que ce Krug a des vins des années 1980 / 1985, car il paraît contemporain du Cuvée Joséphine. La combinaison est parfaite. C’est un joli champagne, parfaitement réalisé et confortable. Un rosé qui est plus puissant que romantique, solide et intelligent.

Je rangerais volontiers en 1er la Cuvée Joséphine parce que je l’ai découverte lors de ce repas, puis le Châteauneuf-du-Pape 1959 du fait de sa richesse, le Krug rosé pour son charme puissant et en quatrième le vin espagnol non pas à cause de sa prestation qui est parfaite mais parce que je le connais trop bien.

Un point final à de belles agapes lundi, 19 août 2024

Il fallait un point final à cette période autour du 15 août. Ce sera avec mon fils et un vin que j’adore. Le Penfolds Grange 1997 a un niveau parfait, mais un bouchon au liège très peu dense qui se casse en miettes. Il a une odeur incroyable de richesse et de joie.

Je sers le vin à l’aveugle à mon fils qui hésite un peu mais trouve le vin.

J’aime Penfolds Grange comme j’aime Vega Sicilia Unico. Ils sont différents, notamment sur le final, plus long et plus romantique pour VSU. Mais tous les deux ont un dynamisme que j’aime. Ce sont deux grands vins, intéressants dans leur jeunesse et dans leur maturité. Ce 1997 durerait probablement un siècle.

Je me souviens que lors d’une précédente soirée du 15 août, j’avais ouvert des vins, tous de 1989 : Sassicaia, Gaia, Mouline, VSU, Penfolds Grange. Et pour moi, Grange était le gagnant.

Ce vin riche est dévastateur pour mon âme. Ce point final est idéal.