Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Déjeuner au restaurant Garance samedi, 21 septembre 2013

Des convives américains du 171ème dîner cherchant un restaurant pour le déjeuner du lendemain suivent les indications de Tomo, qui était présent et suggère naturellement Garance. Il insista tellement pour que je vienne que je me retrouve, à l’insu de mon plein gré au restaurant Garance avec les restes des vins de la veille, car des magnums pour huit personnes sont difficiles à finir.

Il est intéressant de noter que le Montrachet Guichard Potheret magnum 1988 est nettement meilleur que la veille, alors que les vins sont allés du Laurent à mon domicile puis au Garance, passablement agités pendant ces trajets. Le vin a gagné en précision et en tension. Il est devenu ce que j’aurais souhaité hier.

Le Château Gruaud Larose magnum 1950 est toujours aussi brillant et enthousiasmant. J’en suis encore amoureux tant il combine la puissance de l’attaque et le joli fruité en finale.

Le Clos de Vougeot Charles Noëllat magnum 1985, s’est éteint depuis la veille. On ne peut pas le lui reprocher, puisque c’est hier qu’il devait briller, et il l’avait fait.

Les restes ne pouvaient pas suffire pour accompagner l’excellent menu dégustation de Guillaume Iskandar, dont le talent s’affirme de plus en plus. Il a pris ses marques et fait une grande cuisine. J’ai apporté un Champagne Dom Ruinart rosé 1990. La couleur est de pêche, magnifique. Le champagne est impérial. Il est complexe, changeant, déroulant des arômes complexes, et très gastronomique c’est un immense champagne.

Le restaurant Garance s’inscrit maintenant à l’évidence dans les tables qui comptent à Paris.

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Déjeuner au restaurant Encore de Yoshi Morie jeudi, 19 septembre 2013

Lorsque le chef Yoshi Morie a quitté le restaurant Le Petit Verdot, ce fut un petit coup de tonnerre dans le monde de la gastronomie. Lorsqu’il a ouvert le restaurant Encore, la critique a unanimement salué cette naissance. Une table est réservée par ma fille. Le volume de la salle est agréable, la décoration minimaliste est de bon goût. Ici, ce sont des petites tables en bois et des ardoises qui servent de menu. L’atmosphère est de bistrot.

Je choisis dans l’intelligente petite carte de vins un Champagne Léclapart cuvée l’Artiste blanc de blancs extra-brut 2008. Mon choix sur l’ardoise est moules du Mont Saint-Michel, chou Kale, panais / boudin kintoa, persil, tubéreux / poire caramel, glace à la liqueur de cédrat. Je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi simple et aussi peu cuisiné. Lorsque je m’en suis ouvert au chef, il m’a indiqué que c’est le soir qu’il fait des plats plus gastronomiques. Ma fille est contente de trouver ici du chou Kale qu’elle est une des seules à offrir au café Pinson.

L’ambiance bistrot se confirme lorsqu’on constate qu’il n’y a pas de rince-doigt après les moules et lorsque les couverts ne sont pas changés entre les moules et le boudin. A ma question on répond : « bistrot ».

Le champagne est bien fait et on sent que le côté extra-brut est un peu fort et agresse les joues. Mais ce beau champagne accompagne tout le repas avec beaucoup de justesse. On y revient de plus en plus avec plaisir car il s’assagit. La cuisine est simple, peut-être un peu trop simple par rapport à ce que j’attendais. A revoir le soir, car dans ce cadre agréable, j’aimerais bien que le grand talent de ce jeune chef s’exprime.

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Repas de rêve au restaurant Arpège jeudi, 12 septembre 2013

Des amis me proposent de les rejoindre pour déjeuner au restaurant Arpège. Ils annoncent des bouteilles de haut niveau qui m’interdisent de refuser ce repas si par hasard j’en avais l’intention. Ma réponse à leurs apports est Latour 1914.

J’arrive vers 11h pour ouvrir ma bouteille mais aussi celles des amis. Les parfums sont extrêmement engageants. Celui du Margaux 1928 en demi-bouteille est irréellement bon. Je mets au point le menu avec un des amis arrivé en avance et avec l’équipe très motivée du restaurant.

N’ayant pas eu de menu, voici ce que j’ai retenu de la multitude de plats : petits amuse-bouche délicats en fines barquettes /fines lamelles de tomates multicolores à l’huile / pomme de terre bretonne avec une lourde sauce aux champignons et d’autres saveurs / carpaccio de poisson, bar, je crois / gratin d’oignons au parmesan / saint-pierre à la feuille de laurier et tétragone / céleri en forme de risotto / grouse / couscous de légumes / ris de veau / ravioles potagères et bouillon végétal / tomme / millefeuille « caprice d’enfant » à la mirabelle et à la dragée écrasée.

Ce repas est d’une qualité irréprochable. Le plat le plus enthousiasmant, c’est le couscous de légumes, plat emblématique d’Alain Passard. Ensuite, la grouse est exceptionnelle, suivie du gratin d’oignons et du millefeuille. Tous les plats sont bons, cohérents, talentueux.

Le Champagne Krug 1979 a une couleur très ambrée. La bulle est fine, minuscule et très active. En bouche, ce champagne est d’un rare plaisir. Il est expressif, confortable, charmeur. On sent le miel, le croissant tout chaud. Tout est charme en ce grand champagne.

Le Puligny-Montrachet Les Enseignères domaine Coche-Dury 1996, s’il est puissant, n’est pas envahissant. Car il s’est bien assemblé, devenant cohérent. C’est un vin qui dépasse le meilleur niveau des Puligny-Montrachet. L’huile des tomates permet de créer un bel accord, alors qu’il était improbable sur le papier.

Ce qui est fascinant avec le Château Laville Haut-Brion 1962, c’est qu’il est impossible de lui donner un âge. Alors que le Krug 1979 fait son âge, voire un poil plus, ce vin est intemporel. Sa couleur est d’un jaune citron. Son parfum est frais. En bouche, il est d’une précision extrême, de cette précision que l’on rencontre avec les meilleurs rieslings comme le Clos Sainte Hune de Trimbach. L’accord avec le saint-pierre est parfait. Ce vin est au sommet de son art, racé, noble, percutant.

Le Château Margaux 1/2 bt 1928 est fascinant. Son parfum est d’une force incroyable. Sa couleur est d’un rouge sang de pleine jeunesse. Le vin remplit la bouche de sa plénitude. Il est grand, à peine torréfié. Il est convaincant. C’est un très grand vin. J’avais ouvert ce même vin au Garance et Gérard Besson ne voulait pas croire qu’il soit possible qu’une demi-bouteille de 1928 puisse donner tant de jeunesse épanouie. Nous sommes dans la même configuration.

Le Château Latour 1914 a une couleur un peu trouble et donnant des signes d’âge. Le parfum est discret mais précis. En bouche, le vin montre une petite acidité lorsqu’on le boit sans plat. Avec la grouse, il devient follement gastronomique, perd ses signes d’âge et devient un vrai Latour, noble et distingué, même s’il n’a pas le caractère conquérant que Latour peut avoir. J’en ai offert un verre à Alain Passard qui l’a partagé autour de lui, pour autant de bonnes surprises.

Le charme sensuel des bourgognes se retrouve dans le Corton Grancey du Château Corton Grancey 1928. Il a quelques signes de torréfaction et de fatigue, mais c’est le charme qui triomphe sur le ris de veau. Notre ami coréen vivant à Singapour, qui préfère les bordeaux qu’il comprend mieux a vu ses convictions renforcées par une meilleure performance des bordeaux, mais le Corton Grancey, même incomplet, déclamait des complexités qui ne laissaient pas indifférent.

J’avais appelé à la raison en demandant qu’on n’ouvre qu’un seul sauternes, mais ma voix n’a pas pesé lourd. Nous avons donc pu comparer deux sauternes éblouissants. Le Château Lafaurie Peyraguey 1947 est d’un or glorieux, un peu plus foncé que l’autre. Son attaque est puissante avec un alcool affirmé et la cohérence du message est percutante. Ce qui me frappe, c’est la fraîcheur gracile de l’attaque, qui cohabite avec la puissance envahissante du Lafaurie.

Le Château Rayne-Vigneau 1947 a la même cohérence et le même accomplissement. Mais il a un peu plus de profondeur et de complexité. Il joue en douceur avec une efficacité redoutable. Les deux sauternes sont exceptionnels et selon les gorgées, on va aimer celui que l’on vient de boire. Les deux évoquent la mangue et les fruits jaunes dorés.

Nous avons bu des vins d’une grande qualité. Nous n’avons pas voté et ce serait bien difficile. Si je me risque, voici ce que serait mon classement : 1 – Château Margaux 1/2 bt 1928, 2 – Château Rayne-Vigneau 1947, 3 – Château Laville Haut-Brion 1962, 4 – Champagne Krug 1979.
Mais
si l’on me proposait un classement différent, je ne le refuserais pas, tant les vins furent tous de grande classe. Car chacun des quatre que je retiens est au sommet de son art.

Le repas fut un grand moment de gastronomie. On sent que l’équipe d’Alain Passard est tonique et motivée par ce grand chef chaleureux. Mes amis sont si fous qu’ils échafaudent d’autres moments de folie. J’ai bien peur de ne pas résister à leurs chants de sirènes et de les suivre dans cette jolie folie.

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Régis Marcon cuisine à quatre mains aux Crayères mercredi, 11 septembre 2013

L’hôtel Les Crayères à Reims a eu la riche idée d’organiser des repas à quatre mains et cinq étoiles avec Philippe Mille, le chef deux étoiles des Crayères et avec un chef trois étoiles. Ce soir, c’est Régis Marcon qui donne la réplique à Philippe.

Voici le menu concocté par les deux chefs : royale de foie gras d’oie, gelée de ratafia de la Champagne / dos de bar de ligne à la vapeur de champagne, vernis, couteaux et céleris boules étuvés / couci-couça d’agneau au praliné de cèpes, figue farcie / chaud-froid de banane et poire, caramel de morilles.

Les deux premiers plats sont de Philippe Mille et les deux suivants sont de Régis Marcon. Il s’agit de créations pour cette soirée. Il serait assez difficile de classer ces plats d’une créativité réfléchie. Chaque plat est porteur d’émotion. La royale de foie gras a un finale qui donne des évocations fruitées de pêches blanches que rien ne laisserait supposer, le dos de bar est d’une élégance et d’une justesse de ton exceptionnelle, l’agneau est d’une maîtrise qui fait comprendre pourquoi un chef peut obtenir trois étoiles et le dessert est probablement le plus abouti des quatre plats, avec une cohérence d’anthologie.

Alors, c’est un festival de bout en bout. Régis Marcon a découpé en salle les échines d’agneaux et c’est un régal de voir la précision des gestes. La vedette était manifestement du côté des cuisines.

Le Champagne Mumm Blanc de Blancs Mumm de Cramant magnum sans année est pris à l’apéritif. C’est un champagne de soif bien agréable, sans longueur excessive, qui se reprend avec plaisir.

Le premier plat accueille un Champagne Jacquesson Dizy Corne Bautray 2004 d’une belle tension. Le Champagne Jacquesson Avize Champ Caïn 2004 est de la même veine que le précédent, affuté, et trouvant dans le bar un écho très favorable.

Même si le Champagne R. Lalou Mumm 1999 a de grandes qualités, il est trop discret pour être à l’unisson de l’agneau, transcendantal pour lui.

C’est en fait le Champagne Mumm Extra Dry Carte Classique, fait avec des vins des années 90 qui a créé le plus bel accord de cette soirée, car malgré son dosage, sa douceur renvoyait un beau clin d’œil au caramel de morilles.

Mumm était venu en force, et tous les représentants de cette honorable maison sont restés entre eux, sans communiquer avec l’extérieur, vivant cet événement comme un séminaire interne. L’intérêt de ces événements extraordinaires où des chefs créent ensemble aurait été de susciter plus d’échanges.

Quelques fidèles se sont retrouvés sous la yourte du jardin, qui avec un champagne Billecart Salmon, qui avec un cognac Hine. Pour moi ce fut de délicieux et puissant Cognac Hine 1960.

Hervé Faure, avec les encouragements de Laurent Gardinier, a lancé un concept très fort, qui est un émerveillement à chaque nouveau happening à quatre mains.

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dîner de rentrée au restaurant Laurent mercredi, 11 septembre 2013

C’est mon premier dîner de rentrée au restaurant Laurent. Il est tentant de prendre le menu de saison : araignée de mer dans ses sucs en gelée, crème de fenouil / œuf de poule façon cocotte, girolles et mousseline d’artichauts / tronçon de turbot nacré à l’huile d’olive, bardes et légumes verts dans une fleurette iodée / pigeon à peine fumé et rôti, pissaladière de jeunes primeurs, sauce piquante / voiture de fromages / soufflé chaud au thym-eucalyptus.

La cuisine est rassurante, posée, sereine. On se sent bien. Le Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle est aussi confortable que cette cuisine. Il en a aussi la légèreté. Sa capacité gastronomique est sereine comme le lieu. S’y ajoute une petite pointe de romantisme. On succombe donc sans difficulté au charme de ce beau champagne expressif.

Pour le pigeon, j’ai commandé un Domaine de Chevalier rouge 1/2 bt 2008 sobre, classique, mais aussi profond et incisif, qui joue bien avec la chair rose du pigeon. Il se tient bien sur un saint-nectaire fondant.

Le champagne reprend sa place sur le soufflé délicieusement aromatique.

Pour paraphraser la célèbre formule : « chez Dupont tout est bon », ce sera « chez Laurent, tout est charmant ».

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Haut-Brion blanc 89 et Pol Roger 66 samedi, 24 août 2013

Les enfants vont partir demain. Nous avions fait festin pour leur arrivée. Leur départ doit aussi s’arroser. Je choisis un vin qui doit être un signe de l’importance de l’instant. Le Champagne Pol Roger Extra Cuvée de Réserve 1966 se présente dans une jolie bouteille patinée par les ans. Le bouchon s’extrait facilement. Il n’y a pratiquement pas de pschitt. La couleur est étonnamment jeune, sans ambre apparent. Le nez évoque des fruits jaunes.

En bouche, ce qui frappe en premier c’est l’équilibre et la sérénité. On sait qu’on est en face d’un champagne ancien, au pétillant sensible mais sans bulle et l’on s’aperçoit qu’il n’a pas de signe de fatigue. Il évoque des fruits jaunes et dorés, dont du citron et du pomelos. Il est extrêmement confortable. Il ne trouve aucun accord qui le sublime. Il vit sa vie, et on le boit pour lui tout seul.

On l’abandonne après l’apéritif pour le reprendre en fin de repas. Et c’est alors qu’apparaissent des signes de fatigue. Une amertume se découvre, ainsi que des notes de thé. Le vin a été magnifique sur la première moitié de la bouteille et fatigué en fin de repas. C’est une très belle expérience qu’il fallait tenter.

Sur le poulet au citron, c’est un Château Haut-Brion blanc 1989 de mon gendre qui fait son apparition. Le nez est impressionnant, car il plante le décor : on est dans la noblesse, la richesse et l’abondante complexité. Dès la première gorgée, le mot qui vient à l’esprit, c’est « respect ». Car on est face à un monstre sacré. Tout est imposant dans ce vin, la puissance, la complexité, les fruits si nombreux de tous les hémisphères, les épices innombrables. Mais s’y ajoutent une plénitude et une longueur infinie.

Alors que mon gendre est un amoureux inconditionnel de Laville Haut-Brion, nous convenons tous les deux qu’aucun Laville ne pourrait se hisser au niveau de cet impérial 1989. C’est probablement l’un des plus grands vins de notre été qui en comportait beaucoup.

Ma fille aînée, venue nous rejoindre pour quelques jours a besoin d’un vin rouge aussi hérite-t-elle d’un Hermitage Chave rouge 1995. Quel vin ! Ce qui frappe, c’est le côté velouté qui enveloppe de son charme ce vin. Le seul petit reproche, c’est que la fin de bouche est marquée par une trace camphrée qui trahit très probablement un accident de chaleur au cours de la vie du vin.

Nous avons au cours de cet été bu des vins magnifiques dont émergent, entre autres, Salon 1996, le Cros Parantoux Méo Camuzet 1999, le Pétrus 1985 et ce Haut-Brion blanc 1989. Mais il y en a tellement d’autres que je ferai le bilan plus tard. L’été n’est pas fini.

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Six vins jeunes exceptionnels dans une belle confrontation dimanche, 18 août 2013

Traditionnellement, le week-end du 15 août est le point culminant de notre été gastronomique. Des amis viennent avec des munitions généreuses et j’ouvre des vins que j’ai envie de partager avec eux. Ce soir, c’est le dîner de gala qui conclut une succession de six repas de grands vins.

En été, je n’aime pas ouvrir de très vieux vins, car la chaleur ne convient pas à ces vins mais aussi parce que les palais ne sont pas aussi réceptifs qu’au printemps ou à l’automne. Aussi vais-je pouvoir réaliser un de mes rêves : ouvrir ensemble six grands vins rouges de toutes origines, très jeunes et très puissants. Il y a trente ans, j’aurais refusé de tels vins, car le monde des vins anciens peuplait mon intérêt. Aujourd’hui, j’ai appris à aimer des vins modernes lorsqu’ils sont bien faits, même s’ils ont les caractéristiques de ce que je repoussais naguère.

Jean-Philippe a concocté le repas suivant : Cecina de Leòne / Dashi, livèche, crevettes séchées du Cameroun / Gnocchis, olives noires, abricot /Rognons de veau, poivron rouge / Filet de rumsteck, poêlée de fenouil, jus de viande / Parmentier de queue de bœuf, sauce andalouse / Nectarine, amande, agrumes.

Nous commençons par la fin du Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1990, toujours aussi confortable et rassurant, mis en valeur la les fines tranches de viande de bœuf traitée comme un jambon ibérique.

Le Champagne Laurent-Perrier Cuvée Grand Siècle magnum a au moins cinq ans de cave. C’est une explosion de fleurs blanches d’une élégance rare. Ce champagne féminin est d’une délicatesse subtile au plus haut point. Le bouillon dashi est très « détox » ce qui est de bon augure pour la suite du dîner. La cohabitation de l’olive noire et de l’abricot est très originale et convient bien au délicieux champagne, qui profite à plein de son long passage en cave et de son format magnum.

Chacun des huit buveurs sur neuf convives a devant lui six verres. Il a fallu de longues répétitions pour que chacun mémorise les vins qu’il aura devant lui puisque les verres ne sont pas marqués. J’ai choisi pour règle de mettre les étrangers d’abord, les plus éloignés de la France en premier. Ensuite, pour les vins français, c’est de la plus haute latitude vers la plus basse. Ce qui donne cet ordre :

Penfolds Grange BIN 95 2005. Ce vin me fascine par le fenouil et les herbes que l’on ressent et par la fraîcheur finale.

Vega Sicilia Unico Ribeira del Duero 2003. J’ai déjà ouvert plusieurs fois ce vin cet été et, lorsqu’il était servi seul, il a brillé beaucoup plus que ce soir. Je le trouve timide, plus discret, alors qu’il a un énorme potentiel.

Pingus Ribeira del Duero 2009. Ce vin titre 15,5° mais on ne le sent pas du tout. Il est d’un message assez monolithique mais il sait lui aussi montrer de la fraîcheur. J’aime beaucoup sa capacité de persuasion.

Côte Rôtie La Turque Guigal 2005. Lui aussi se montre discret au début, puis fait apparaître sa belle fraîcheur mentholée. Il est subtil et convaincant.

Chateauneuf-du-Pape Beaucastel Hommage à Jacques Perrin 2003. Il paraît, lui aussi un peu discret au démarrage, mais il montre ensuite une belle profondeur et un message subtil comme la Turque.

La Petite Sibérie Côtes du Roussillon Villages Bizeul 2005. Il est au début assez monolithique comme le Pingus, mais il montre ensuite sur les rognons des facultés extrêmes.

Assez rapidement on peut faire deux classes de vins : le Penfolds, le Pingus et la Petite Sibérie sont des vins puissants, percutants, qui veulent passer en force. A côté d’eux, le Vega Sicilia Unico, la Turque et le Beaucastel sont des vins qui cherchent à s’imposer par la persuasion de leur subtilité.

La nature humaine est ainsi faite que l’on aimerait bien classer ces vins par ordre de préférence. Mais ils vont nous jouer un joli tour en nous offrant un phénomène assez particulier. Si l’on fait une dégustation successive des six vins, on imagine un ordre de préférence. On attend un peu que le palais se calme et l’on boit alors celui qui paraissait le plus faible. Comme par enchantement on le trouve alors sublime. J’ai répété plusieurs fois cette expérience, et chaque fois, le plus faible d’un instant devenait un très grand vin. C’est comme si les vins s’étaient regroupés en une mêlée de rugby, pour être définitivement solidaires.

Cette idée ne me déplait pas de ne pas classer. Il y a toutefois un vin qui émerge et mérite d’être classé premier et je suis content que Jean-Philippe ait partagé mon choix. C’est le Penfolds Grange qui a la plus grande complexité combinée à une fraîcheur hors du commun. Ensuite, il y a deux grandes directions : les fonceurs comme Pingus et la Petite Sibérie, mais qui ne foncent pas dans le brouillard car ils sont capables de fraîcheur et les subtils comme la Turque et le Beaucastel, très « Frenchies » à côté des puissants étrangers, le Vega Sicilia se plaçant à mi-chemin entre les fonceurs et les subtils.

Mais ces catégories ont été souvent remises en cause au fil des plats absolument exceptionnels, les rognons percutants allant bien avec les fonceurs, le rumsteck convenant aux subtils et la délicieuse queue de bœuf en Parmentier accueillant l’ensemble des vins, et confirmant l’avantage du redoutable Penfolds.

Devant mes six verres, j’avais l’immense joie d’avoir réuni des vins exceptionnels dont aucun ne faisait pâle figure, aucun n’étant détruit pas la cohabitation avec l’un des autres. J’avais cette immense joie mais aussi la tristesse que cela puisse s’arrêter. Je voulais cette dégustation, je voulais cette confrontation et les vins ont eu l’intelligence de jouer collectif. Je suis heureux.

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Dîner chez ma fille avec des blancs d’exception samedi, 17 août 2013

Le quatrième repas de notre week-end de folie est un dîner chez ma fille et mon gendre. Jean-Philippe et mon gendre sont au fourneau depuis 17 heures. L’esprit sera aux tapas.

Le Champagne Bollinger Grande Année 1990 est une très heureuse surprise. Il a une évolution plus marquée que celle qu’il devrait avoir et cela lui va bien. Il a des notes fumées, un peu oxydatives. Le premier message est assez monolithique, unidirectionnel, mais le vin va spectaculairement s’épanouir sur les premières tapas. Nous commençons par des dés de céleri à la citronnelle et au citron vert, qui fouettent le champagne et lui donnent plus de percussion. Une huître rôtie aux herbes du port et au torron Sirvent colle à fond au côté patiné du champagne. C’est probablement le plus bel accord du dîner, car le champagne devient fringant et rajeunit de dix ans. L’huître est délicieuse et le vin en profite.

Le cappuccino de moules est inscrit dans la ligne de mire du Bollinger et crée lui aussi un accord vibrant.

Le Champagne Salon 1996 a un parfum qui est une explosion de fleurs blanches et de complexités. Dès la première gorgée, on sent qu’il y a un monde entre le Salon et le Bollinger. Les fleurs blanches sont brillantes, et c’est surtout la complexité qui fait la différence, car le message change sans cesse. Le vin n’est jamais là où on l’attend, glorieux, vineux mais drapé dans ses fleurs blanches. Un immense champagne, probablement le meilleur des Salon 1996 que j’aie jamais bus.

Le Clos de la Coulée de Serrant Nicolas Joly 2000 est un choc. Il est immense. On comprend Curnonsky qui l’a classé dans les cinq plus grands vins blancs de France. Car il est une énigme permanente, jouant sur des notes oxydatives mais bien contenues. Il est joyeux, plein, opulent et c’est la première fois que je vois une Coulée de Serrant aussi jeune avec autant de charme et de sérénité. Je suis transporté par ce vin car j’aime ce qui me dérange. La fondue de fenouil est délicieuse ainsi que les encornets à la pêche blanche qui mettent en valeur ce vin de Savennières.

Le Clos Sainte-Hune Riesling Trimbach 2005 montre une fois de plus à quel point le cépage riesling, lorsqu’il est bien vinifié, est d’une précision qui est l’une des plus grandes de tous les blancs secs. Ce vin pourrait être qualifié de parfait. Mais mon cœur penche vers le vin plus canaille de la Loire. Les encornets au curcuma sont délicieux et se dégustent aussi bien avec les deux blancs.

Le tartare de bar penche du côté du Sainte-Hune. Les rougets à la fondue de poireau accueillent avec grâce le Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 2007 qui est un bourgogne généreux fruité, joyeux, délicat et équilibré. C’est de la joie pure. Il est assez intéressant de comparer avec le vin servi en même temps, Château Laville Haut-Brion 1982. Ce vin est exceptionnel. Il est profond, droit, un vin de méditation. Car ses complexités sont extrêmement subtiles et il faut se concentrer pour en saisir le plus grand nombre. La joie est bourguignonne, la race et la noblesse sont bordelaises. Les deux vins s’expriment avec bonheur sur des andouilles qui à la cuisson ont explosé leurs peaux comme le font les crooners lorsqu’ils sont tétanisés pas les cris d’amour de leurs groupies et déchirent leurs teeshirts.

A ce stade, nous sommes soûlés de perfection. La succession de tapas est une excellente chose et les vins ont été multipliés par des accords éblouissants. Il faut se rafraîchir et un Champagne Krug 1995 accompagne des pêches blanches en salade ainsi qu’un gâteau conçu et réalisé par mon petit-fils de quatre ans. Jean-Philippe se met alors au piano et nous massacrons par nos voix des chansons qui font partie du patrimoine de la chanson française.

Je classerais volontiers les vins ainsi: 1 – Champagne Salon 1996, 2 – Clos de la Coulée de Serrant 2000, 3 – Château Laville Haut-Brion 1982, 4 – Clos Sainte-Hune 2005.

L’accord le plus vibrant est celui de l’huître avec le Bollinger. Mais le carpaccio avec le même champagne et l’andouille avec le Laville font partie des grands accords de ce repas. Jean-Philippe et mon gendre ont fait des prodiges.

Une journée chargée nous attend. Nous sommes donc rentrés à pied, sous une lune qui argente la mer, romantique comme jamais.

2013-08-16 19.47.48 2013-08-16 20.16.57-2 2013-08-16 20.16.24 2013-08-16 20.54.44 2013-08-16 21.13.52 2013-08-16 21.47.22 2013-08-16 22.17.07 2013-08-16 22.52.55 2013-08-16 23.59.19

2013-08-16 19.58.06 2013-08-16 20.08.14 2013-08-16 20.18.03 2013-08-16 20.46.09 2013-08-16 20.57.30-2 2013-08-16 21.11.11 2013-08-16 21.21.15 2013-08-16 21.48.57 2013-08-16 21.52.08 2013-08-16 22.21.44 2013-08-16 22.56.20 2013-08-16 22.58.42 2013-08-16 22.56.30

mer argentée sous la lune

2013-08-17 00.05.04

De merveilleux 1989 samedi, 17 août 2013

Le thème du cinquième repas de notre week-end de folie, c’est l’année 1989, naturellement trouvé grâce aux apports des amis. Ce soir, il y aura du très lourd, puisque c’est le dîner de gala, aussi est-il jugé opportun de supprimer l’apéritif au déjeuner, pour garder des forces.

Mais dans chaque groupe d’êtres humains il y a des « traîtres » dont l’un – perfide – me demande pourquoi je n’ai pas prévu de champagne. La vie est ainsi faite.

Le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1990 est toujours aussi solide et agréable, celui-ci s’exprimant beaucoup plus que lors d’un récent essai. Nous tranchons un long saucisson fait au belota belota, ce qui est original.

Le quasi de veau basse température est accompagné de fines tranches de pomme de terre juste poêlées. Jean-Philippe a conçu une sauce qui doit capter les tannins des deux vins. Elle est de grande pertinence mais je préfère approcher les deux vins merveilles sur la chair seule.

Le Château Tertre Roteboeuf Saint-Emilion 1989 est d’une grande richesse de tannins et ce qui frappe, c’est sa profondeur. Le message est assez simplifié, mais le vin a une grande cohérence. Comme pour le Dujac de l’autre soir, s’il était seul, il serait salué par des applaudissements. Il s’étoffe dans le verre, prend de l’aisance et se montre très plaisant.

Mais son voisin de plat est le Château Latour Pauillac 1989 qui marque un saut qualitatif déterminant. Ce vin est un bordeaux parfait. Il a l’élégance, la noblesse, la complexité mais surtout, son exposé n’en finit pas. Quand en bouche on croit avoir tout compris, il rajoute de nouvelles saveurs. Si le Tertre fait penser à des fruits noirs dont du cassis écrasé, le Latour est plus dans des fruits roses noirs comme des cerises. Ce qui est important pour moi, c’est ce message qui n’en finit pas.

L’épaule d’agneau a été cuite au basilic ananas avec une huile espagnole. Le Vega Sicilia Unico 1989 est depuis longtemps l’un de mes chouchous, probablement le meilleur des jeunes VSU. Le vin est d’une jeunesse insolente, car on a un jus riche en alcool comme celui d’un vin de quinze ans de moins. Et le charme agit car je ressens des brassées de plantes, dont des méditerranéennes, comme le romarin, le thym, et le basilic judicieux de Jean-Philippe. Il y a aussi du fenouil, de l’anis et le final est marqué par une extrême fraîcheur. Qu’on ne me demande pas d’être objectif, je ne le peux pas.

Le dessert est de mangue rôtie et pamplemousse rose confit au miel d’acacia avec quelques zestes de pamplemousse. La couleur du plat est strictement la même que celle du Château d’Yquem 1989 doré magnifique. La fusion entre le plat et le vin est saisissante. On n’est pas tenté de chercher la valeur intrinsèque du vin, puisque l’accord fusionnel nous propulse à des hauteurs himalayennes de gastronomie. Nous sommes tous saisis par cette perfection et l’Yquem, au sucre parfaitement intégré, récite les saveurs de miel, de mangue et de pamplemousse dont le dessert lui a donné le miroir. C’est irréellement bon.

Nos votes sont très différents. Jean Philippe a mis Latour en premier. Mon vote est : 1 – Yquem 1989, 2 – Vega Sicilia Unico 1989, 3 – Latour 1989, 4 – Tertre Roteboeuf 1989.

Nous avons eu la démonstration que l’année 1989 est encore d’une étonnante jeunesse, certains vins étant très loin d’avoir atteint leur maturité. Ces cinq repas qui se succèdent ont tous des personnalités différentes. Il faut vite se reposer, car ce soir, c’est le feu d’artifice.

2013-08-17 13.27.17 20130817_095938 20130817_095813 20130817_095856 20130817_100544 20130817_100200 20130817_100935 20130817_101636 20130817_101409 20130817_100809 20130817_100403 20130817_101235 20130817_101911 20130817_102004

2013-08-17 13.52.02 2013-08-17 13.55.59 2013-08-17 14.02.57 2013-08-17 14.37.13 2013-08-17 15.42.07

fusion des couleurs et des saveurs avec l’Yquem

2013-08-17 09.54.41

2013-08-17 15.42.25

Week-end de folie – 2ème déjeuner vendredi, 16 août 2013

Le lendemain midi, c’est un festival de jambons ibériques et de lomo, qui précèdent des canapés variés en forme de tapas. Nous pouvons finir les vins de la veille. Je ne suis pas tenté d’essayer la Moutonne dont Jean-Philippe me dit qu’elle n’est toujours pas chablis.

Le Meursault Charmes Comtes Lafon 2002 a gagné en opulence. Il est beaucoup plus épanoui et précis. Il est nettement plus grand qu’hier.

Cette impression est la même pour le Clos de la Roche Dujac 2002 qui est nettement plus grand et affirmé que la veille.

Seul le Clos de Bèze Armand Rousseau est fidèle à l’excellence qu’il avait montrée la veille. C’est assez réjouissant de constater que les vins se comportent aussi bien le lendemain.

2013-08-16 13.00.42 2013-08-16 13.00.50 2013-08-16 12.48.49 2013-08-16 12.48.44