Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Beau repas au restaurant Garance mardi, 2 juillet 2013

Obligé de rentrer à Paris pour un rendez-vous, je trouve mon réfrigérateur bien vide. L’idée de dîner seul à la maison me déplait. Je réserve au restaurant Garance où je me présente nanti d’une bouteille de vin. C’est un Chateauneuf-du-Pape Emile Costes négociant 1947. Ce vin ne peut se comprendre que si l’on a envie de l’écouter. Plus d’un amateur de vin n’en aurait pas le courage. Or en fait, il est passionnant dans son originalité. Il change souvent de facettes, presque à chaque plat conçu par Guillaume Iskandar. Ce qui domine, c’est la truffe, le graphite, les fruits noirs. On ne peut pas dire que c’est un grand vin. C’est un vin dont l’intérêt est lié à son adaptabilité à une cuisine variée. Il ne laisse pas indifférent et va même jusqu’à donner de belles émotions.

La cuisine du chef est de plus en plus épanouie: ravioli en un bouillon /homard / les dernières asperges / lotte merveilleuse / travers de porc /dessert au fruits rouges. J’avais été accueilli par un verre de Champagne Billecart Salmon Cuvée Nicolas François Billecart 2000, beau champagne bien frais et de belle soif. Qui penserait que c’est sur la lotte que le Châteauneuf a créé les plus belles vibrations ? La cuisine du Garance évolue on ne peut mieux vers une plus grande cohérence. Ce fut un beau repas.

DSC05540 DSC05539

DSC05536 DSC05535

DSC05537 DSC05538 DSC05541 DSC05542 DSC05543 DSC05544 DSC05545 DSC05546

Deux grands vins dans ma maison du sud dimanche, 30 juin 2013

Nous reprenons la route vers ma maison du sud où mon épouse a préparé un grenadin de veau aux fines tranches de pommes de terre. Avant cela, nous grignotons de l’anguille fumée, de la poutargue et du jambon Jabugo autour d’un Champagne Salon 1996. Ce champagne, ce n’est pas la force tranquille, c’est la complexité tranquille. Car il ne fait aucun effort pour se pousser du col. Il est brillant, complexe, vineux mais aussi floral, et déroule toutes ses complexités sans jamais insister. On pourrait dire que c’est un Roger Federer du champagne. C’est avec le Jabugo qu’il est le plus brillant, puis avec la poutargue, l’anguille étant moins opportune. La rémanence en bouche de ce champagne mêle le vineux avec un extrait de fruit confit et quelques fleurs blanches jetées de-ci-de-là. Longtemps en bouche, on a son empreinte au léger poivre, picotant la langue.

Pour le plat, j’ai choisi Vega Sicilia Unico 1989. C’est mon favori actuel des Vega Sicilia. Si je devais faire un choix, je plébisciterais la décennie 60, avec de sublimes 1965 et des Reserva Especial d’une plénitude considérable sur cette période, puis ce 1989 exceptionnel de jeunesse. Le nez du vin est envahissant. Il annonce déjà toutes les complexités du vin. Le parfum est opulent, avec des évocations de feuilles de cassis, feuilles de menthe et de végétal. En bouche, si l’intensité est extrême, la fraîcheur l’est tout autant. Le vin déborde de générosité, avec des fruits rouges et noirs savamment dosés, et une fraîcheur mentholée qui claque comme un coup de fouet. On ne se lasse pas de ce vin qui pourrait sembler lourd et moderne mais qui, de fait, décline toutes ses composantes avec un dosage savant qui donne de la légèreté, de l’élégance et de la complexité.

Nous avons même essayé le vin avec un camembert Jort. Sur le papier, l’expérience est perdue d’avance. Mais si l’on sait manger le Jort, calmer son palais, puis boire le vin avec de minuscules lampées, le râpeux du fromage donne une tension au vin qui prolonge sa longueur.

Par un soir venté à la brise de chaleur, ce qui est une première pour cette année, ces deux vins ont enchanté notre soirée.

DSC05529 DSC05527

DSC05524 DSC05525

DSC05521 DSC05522 DSC05526

Déjeuner à l’Enchanteleur dimanche, 30 juin 2013

Une amie annonce qu’elle vient déjeuner chez nous avec l’une de ses amies. J’ouvre un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs 1996. Pour l’accompagner, il y a de fines tranches de betterave rose et blanche, dont le goût terreux bride un peu le champagne. Il s’épanouit sur un tajine de poulet aux dattes goûteux, mais qui n’arrive pas à donner un coup de fouet suffisant à ce champagne que j’adore. Il faudra en ouvrir un autre prochainement, pour vérifier qu’il a toujours cette vibration que j’apprécie particulièrement.

DSC05431

DSC05427 DSC05428

Beau dîner à l’hostellerie Jérôme à La Turbie vendredi, 28 juin 2013

Jean-Philippe est descendu dans la région de Nice pour explorer la cuisine locale. Il m’envoie un message, me demandant de le rejoindre à l’Hostellerie Jérôme à La Turbie, ville romaine qui surplombe Monaco. N’écoutant que mon courage, je le rejoins à l’hôtel Napoléon, situé le long de la Nationale, en plein centre ville. Nous allons prendre un verre dans un bistrot sur la Nationale sous un agréable soleil après des ondées, et nos poumons font leur plein de pollution pour l’année, tant les véhicules crachent leur venin sous nos narines.

L’heure est venue de nous rendre à l’Hostellerie Jérôme. Bruno Cirino arrose les abords de son établissement. Nous le saluons et nous nous présentons sur l’autre façade où Marion Cirino nous dit : « attendez, je vais mettre une veste pour vous recevoir ». On nous propose de dîner sur la terrasse qui surplombe un panorama méditerranéen, mais de peur d’ondées sournoises, nous choisissons la jolie salle à manger aux voûtes gracieuses d’un ancien cloître.

La carte des vins est tentatrice et à ma grande surprise, Marion Cirino me dit qui je suis, car, dit-elle, elle aime suivre ce qui s’écrit sur le vin. Nous hésitons longtemps, car la carte est très engageante, et nous jetons notre dévolu sur un champagne et un vin blanc. Jean-Philippe décide que nous prendrons le menu dégustation et je le suis sans même regarder son contenu.

Le menu est : un « bâtonnet » d’espadon mi-cuit en salade / calamars grillés, composition d’une courgette en fleur / homard d’Irlande grillé à la Rossini aux figues noires et citron confit /scampis puce à la vapeur servis décortiqués, mangue, citronnelle, jasmin / asperges violettes de bord de mer à l’émulsion de comté truffé / Gamberoni il violetto di Oneglia aux pêches blanches et cristallines de verveine / la grosse langoustine rôtie sur une croûte d’amandes vertes à la verveine du jardin / le mérou à la marseillaise / rouget de roche grillé aux pousses de fenouil sauvage, pistou de légumes / aile de pigeonneau rôtie à la réduction d’olives noires au vin de Bandol / fraises des bois, angélique de montagne, croquettes, sorbet au lait de bufflonne / pur chocolat Taïnori, les cerises marasque et le sorbet à l’eau-de-vie.

Le Champagne Pol Roger Sir Winston Churchill 1999 est plein de surprises. Il est étonnamment fruité et généreux. Beaucoup plus que son millésime. Ce qui frappe, c’est l’intensité de son finale et le prolongement en bouche de saveurs lourdes. Son épanouissement est remarquable. En le buvant, je me demande si je le reconnaîtrais dans une semaine si on me le servait à l’aveugle. Et je pense que je n’y arriverais pas. Car ce champagne est parfait sur tous les compartiments du jeu, mais n’a pas d’aspérité que l’on mémoriserait. C’est un champagne de grande classe et de grande harmonie, avec une matière vineuse de première grandeur, mais ce n’est pas le loulou de banlieue que l’on reconnaît à sa danse chaloupée. Pour moi, c’est la persistance aromatique qui est le signe absolu de sa grandeur. Il va accompagner une bonne partie du repas avec pertinence.

Le Bienvenues Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 2001 est une merveille de vin bourguignon. Il a une force vineuse certaine, mais bien contrôlée. Il est puissant mais sait se révéler délicat. Ce qui me fascine, c’est qu’au moment où l’on déglutit, on est au milieu d’une motte de beurre, tant cette impression beurrée est dominante. C’est un immense vin au sommet de son art, dans la jeunesse.

La cuisine de Bruno Cirino est généreuse, fondée sur des produits de haute qualité et cuits à la perfection. Dans un dîner de tant de plats, tout ne se vaut pas, mais la qualité globale vaut les deux étoiles du guide. Je n’ai pas vibré avec l’espadon, l’épinard et la mûre qui jouxtaient la sublime langoustine, le rouget, manquant un peu de peps et le chocolat délicieux, mais qui arrivait au-delà de nos limites de raison. Tous les autres plats m’ont enchanté. Il en est même un qui m’a procuré un véritable orgasme culinaire. Je frissonnais à chaque bouchée. C’est le pigeon, démoniaque de perfection, à la sauce inouïe. Sinon, la crevette d’amuse-bouche, le calamar, le magique mérou et les prodigieux Gamberoni ont signé un repas de grand art. Mes chouchous : le pigeon, le mérou et la crevette du début. Les vins se sont bien adaptés à la cuisine, même si elle force un peu sur le citron.

Une mention spéciale ira vers Marion Cirino. Son intelligence des situations, son sens du service, son humour et sa compétence ont illuminé ce repas. Elle est chaleureuse, sachant jusqu’où elle peut aller, et si nous avons passé une magnifique soirée, c’est bien sûr grâce au talent de son mari. Mais elle tient une part importante dans ce succès. Voilà une table généreuse où il faut aller.

DSC05479 DSC05480

DSC05491 DSC05490

DSC05478 DSC05485 DSC05489 DSC05493 DSC05495 DSC05496 DSC05498 DSC05500 DSC05501 DSC05502 DSC05504 DSC05505 DSC05506 DSC05507

Cuisine de génie chez Pic à Valence avec un Cathelin Chave 1991 mythique samedi, 8 juin 2013

Lorsque l’on est seul à table, on ne goûte pas de la même façon. Car on a plus de temps pour remarquer des tas de petits détails. Alors, soit on est agacé par de minuscules accrocs comme ce fut le cas il y a bien longtemps chez Jacques Maximin, malgré la grande qualité de sa cuisine, soit on gonfle le petit nuage sur lequel on est assis et l’on jouit plus encore de l’instant qui passe. Ma visite au restaurant Pic à Valence est de ce deuxième profil.

Une fête de famille doit avoir lieu près d’Orange. Nous annonçons notre venue,  ma femme et moi. Réservation est faite chez Pic, dîner et nuit. Depuis des mois un artisan devait faire une opération délicate dans notre maison qui ne doit pas se rater. Il annonce sa venue le jour de notre départ. Il est hors de question de le laisser faire seul. Ma femme décide de rester.

Cela fait des années que nous voulions revenir ensemble chez Pic où nous avons de grands souvenirs depuis l’époque du père d’Anne-Sophie. C’était aussi une halte fréquente puisque le groupe que je dirigeais avait une importante filiale à Valence. Le bar au caviar est un des souvenirs qui marquent nos deux esprits, aussi je ne le prendrai pas ce soir, car c’est avec ma femme que je veux en perpétuer le souvenir.

Lorsque j’arrive à l’hôtel, on prévient Denis Bertrand, le très célèbre sommelier qui fêtera bientôt ses quarante ans de maison. Nous sommes heureux de nous retrouver. Denis m’accompagne jusqu’à ma chambre et m’apporte un Champagne Delbeck brut vintage magnum 1996. Le haut de la bouteille qui avait été placée dans un seau à glace est plus chaud que le bas aussi les verres avec lesquels nos trinquons sont-ils un peu chauds. Le vin offre des sensations pâtissières, plus croissant que beurre. Il y a aussi un peu de pâte de fruit. Nous trouvons ce champagne sympathique et Denis décide de le remettre au frais pour l’apéritif.

La décoration du lieu est résolument moderne, très « pushing » en certains endroits et très « féminine » en d’autres, comme à la Dame de Pic à Paris. Les sièges sont d’une imagination débridée, ainsi que les moquettes et cela a un petit air jeune et éphémère. Mais d’un autre côté la tradition n’est pas oubliée avec une petite salle souvenir où sont évoquées les trois générations de cuisiniers de la famille. La décoration est tonique.

Traversant des allées serpentines et tropicales je m’assieds à une table dominée par le bruit d’une cascade. Le champagne Delbeck m’interpelle. Il a des petits aspects de vin bouchonné alors que le nez n’indique rien. Je m’en ouvre à Denis qui me confirme que le vin a mal évolué, prenant une fatigue qu’il ne devrait pas avoir. Immédiatement mon verre est remplacé par un Champagne Bollinger Grande Année 2004 qui marque un saut qualitatif impressionnant. Ce vin est vif, claque en bouche. C’est du bonheur.

Denis Bertrand avait des envies de me faire goûter des vins au verre, mais je veux profiter de ma présence en ce lieu pour dénicher un vin que j’aurais du mal à trouver. La carte est très bien fournie, mais les prix ont parfois attrapé la folie des grands hôtels parisiens. Il va donc falloir louvoyer.

Mon œil s’arrête sur un vin mythique. Je demande à Denis si je peux le prendre, mais je sens que ça coince. Denis a envie de me faire plaisir, car nous nous apprécions depuis très longtemps. Mais la bouteille que je guigne est sa dernière, et je sens qu’il aimerait la garder en cave comme un totem. Je lui suggère de demander à Anne-Sophie Pic. Et soudain, c’est le noir. Denis ne revient pas et lorsque je l’aperçois, je ressens sa gêne d’amoureux du vin.

Le temps passe et enfin il revient. Il n’a pas posé la question à Anne-Sophie. Je rejoins ma table dans la salle du restaurant et ça me fait mal de voir Denis aussi travaillé dans ses chairs, ne voulant pas me décevoir et gardien jaloux de son trésor. Comme je le comprends !

Mon envie de ce vin n’a fait que s’amplifier. Denis s’est fait sa religion. Pour donner une indication au lecteur qui n’a pas encore eu la tentation de regarder plus bas dans le texte, si j’ai eu cette envie, c’est que sur un mur, le peintre Cathelin a fait un portrait d’Anne-Sophie. Quel beau prétexte pour boire un vin de génie. Les angoisses de Denis disparaissent. Le dîner peut prendre son cours.

Mon menu est : les poireaux jaunes du Poitou et le caviar Alverta, poireaux crayons et anchois de Méditerranée marinés, bouillon au thé vert Matcha / la langoustine au casier, saisie au beurre de langoustine, bouillon léger à la pomme verte, feuille de cannelier, anis vert et céleri branche / le turbot côtier poché lentement, coulant de petits pois et oignons doux aux bourgeons de sapin, thé sencha et vanille de Tahiti / le chevreau de la Drôme confit à la camomille, pomme de terre grenaille confite et ail des ours à la réglisse.

La crème brûlée au foie gras en amuse-bouche est accompagnée d’une mousse à la pomme Granny-smith. C’est délicat et accentue la tension du Bollinger.

Denis porte comme le Saint-Sacrement un Ermitage Cuvée Cathelin Chave 1991. Le vin est d’une année mythique dans le Rhône et c’est la deuxième année qui a été faite depuis la création de la Cuvée Cathelin. Nous sentons le premier verre sans boire et ce vin s’annonce conforme au mythe. On va le laisser tranquille car arrive le premier plat. Le caviar (le même que celui du bar légendaire) forme avec l’anchois snacké une combinaison merveilleuse où chaque composante ressort encore plus goûteuse. Ça pétille et le poireau calme tout cela. C’est un plat de dosage et d’équilibre. Le Bollinger suit bien, mais le plat est le gagnant.

Il est temps de boire le vin rouge. Le Cathelin, c’est un choc. Je fais : « ho ! ». En moi-même, je me dis : « madre de Dios ». Le nez est diabolique de profondeur. L’attaque est toute en douceur, avec des petits fruits rouges. Le milieu de bouche, c’est la structure, l’architecture, le poivre. Ce vin est un char d’assaut. Et le finale est sur des notes de bois et de poussière cendrée. La longueur est infinie. C’est proprement divin.

Il y a beaucoup de cendre dans ce vin. Je suis confondu par la plénitude et la précision du Chave. Il  a des accents bourguignons. J’ai l’image de l’omble chevalier de Marc Veyrat, emprisonné entre deux écorces de pin. Il y a de ces suggestions dans ce vin de bonheur, par le fumé de bois de pin.

Etant seul je peux me poser des questions : suis-je influencé par l’étiquette au point de surévaluer ce que je bois. Ma réponse est non, car il y a dans ce vin un supplément d’âme qui ne trompe pas.

La langoustine, ajoutée à mon programme, est totalement réussie. Elle est gourmande. Il y a de l’onctueux dans la sauce qui est diabolique. L’accord est génial avec le Bollinger 2004 dont l’aller et retour avec le vin rouge se passe sans accroc. La langoustine est probablement l’une des meilleures que j’aie jamais mangées.

Le Cathelin auquel je reviens me fait penser à Luciano Pavarotti ou à Teddy Riner. Ça paraît tellement simple le génie ! Je succombe totalement au charme de ce vin. Le côté feu de cheminée que j’avais trouvé récemment dans un champagne de Selosse, je le retrouve ici. Je suis assailli de subtilités de folie. Denis Bertrand, avec qui je partage un verre de ce vin, parle de « terre cendrée ». L’expression est jolie.

Le turbot est exceptionnel. Sa mâche, son gras, sa cuisson avec des saveurs très féminines, tout est bonheur. Ce qui frappe, c’est l’élégance du plat complexe. Le vin s’oriente vers puissance et raffinement.

Le chevreau, c’est l’accomplissement de la légèreté dans la cuisine bourgeoise. La sauce est exceptionnelle et le chevreau est fondant. C’est le climax de la cuisine bourgeoise. Le père d’Anne-Sophie doit être fier sur son nuage au Paradis. Je ne sais pas si le Chave est plus divin avec la chair ou avec la sauce. Avec la sauce, c’est une explosion sensuelle. Avec la chair, c’est l’équilibre gastronomique de légende. Alors ? Où est le meilleur. Je ne sais pas.

Je me félicite d’avoir refusé que Denis carafe le vin. Car il devient maintenant plus Hermitage, plus notable, plus enjôleur. Sur la première partie, il était l’énigme, le faune dans la forêt. Maintenant c’est un sénateur opulent, et son discours devient plus convenu, même s’il est excellent. Je l’ai aimé dans la cendre et pas dans son fauteuil. Il faut dire aussi que par cette chaude soirée, il a pris quelques degrés de plus, ce qui ne lui convient pas aussi bien que sa première fraîcheur.

Il reste encore de quoi me satisfaire sur un fromage et si je veux synthétiser, ce vin a un équilibre gigantesque entre sa râpe, une salinité cendrée, des fruits noirs et de beaux tannins. C’est un vin raffiné, profond, à la longueur infinie.

Anne-Sophie Pic est venue saluer toutes les tables, si gentille et ouverte avec tous. Elle a fait une cuisine merveilleuse. Bien sûr, je suis influencé par ma solitude à table, qui amplifie les émotions, mais je crois bien que c’est l’une des cuisines les plus brillantes que j’aie pu rencontrer depuis longtemps.

DSC05335

DSC05339 DSC05338 DSC05337

DSC05350 DSC05349 DSC05352

DSC05346 DSC05348 DSC05355 DSC05359 DSC05360 DSC05362 DSC05363 DSC05365 DSC05366 DSC05367 DSC05368

DSC05358 DSC05364

Déjeuner au restaurant Les Climats mercredi, 5 juin 2013

Le monde des blogs du vin est un microcosme particulier. J’ai voulu rencontrer l’auteur d’un des plus actifs de ces sites sur le vin. C’est sa proposition qui fut prise, le restaurant Les Climats. Après avoir monté quelques marches sur la rue de Lille, on arrive sur une immense salle assez extraordinaire décorée avec un mélange de style qui va du fauve à l’Art Déco avec une générosité spontanéiste. C’est furieusement tendance. En traversant la salle on aperçoit un jardin en contrebas, entouré d’immeubles, planté sur une pelouse synthétique. L’impression est tonique et marrante à la fois. On sent qu’on va aimer.

Carole colin, qui m’accueille, est aussi tonique que la décoration. Elle me fait visiter la cave toute en hauteur et bien agencée. La carte des vins est la belle surprise du lieu. Il n’y a que des bourgognes, mais il y a une grande variété et ce qui se fait de mieux. Pour honorer cette initiative heureuse de mettre en valeur la Bourgogne, je choisis un Chambertin Armand Rousseau 2009.

Curieusement, pour ce temple du vin, la carte des menus n’a pas l’air d’être orientée vers les vins. Aucune entrée ne nous tente aussi le menu sera fait de deux plats : dos de cabillaud cuit vapeur, émulsion de carottes et safran, légumes et olives de Calamata / onglet de bœuf français, jus corsé à l’ail doux, patates douces en deux façons.

Le chambertin est bien jeune aussi arrive-t-il un peu coincé, serré, mais il ne peut s’empêcher de séduire. Lorsqu’il s’ébroue et lorsque la viande l’anime, on retrouve la richesse et la carrure d’un chambertin passionnant, velouté, follement séducteur. On ne peut s’empêcher de penser que c’est un crime, dont j’admets la faute, de ne pas attendre de boire ce vin avec quinze ans de plus.

Le chef Phan Chi Tam cuisine de beaux produits, cabillaud ou onglet avec des cuissons idéales. Mais les à-côtés trop marqués ne sont pas des amis du vin. Carole ayant une attitude très ouverte, nous avons pu parler avec le chef, formé dans de grandes maisons et avec de grands chefs, d’évolution de la cuisine pour aller dans le sens de la prodigieuse carte des vins. Voilà un lieu où je reviendrai avec grand plaisir.

DSC05328

DSC05332 DSC05333 DSC05334

Dîner à quatre mains avec Gilles Goujon de Fontjoncouse et Philippe Mille des Crayères mardi, 4 juin 2013

Les « dîners à Quatre Mains » sont avant tout une aventure humaine et c’est en cela qu’ils prennent une dimension supplémentaire à mes yeux. Voir le bonheur de deux chefs qui créent ensemble et la joie des jeunes commis de la brigade heureux de recevoir un enseignement riche de deux grands chefs, c’est un plaisir qui ne se mesure pas. Il se savoure.

Nous arrivons à l’hôtel les Crayères par un chaud soleil ce qui fait tout drôle après la grisaille qui n’en finissait pas d’obscurcir le ciel de mai. Notre chambre est spacieuse, décorée comme les riches maisons bourgeoises du 19ème siècle. Ce n’est pas désagréable.

Nous prenons l’apéritif face au grand parc et au soleil dont on ne se lasse pas. Le Champagne Taittinger brut sans année se boit avec beaucoup de bonheur, d’autant plus que nous trinquons avec Claire et Pierre-Emmanuel Taittinger. Peut-être dopé par cette présence, le champagne a une profondeur et une vivacité plus grandes que la mémoire que j’en avais. Les deux chefs viennent nous rejoindre et sont d’une décontraction remarquable. On est loin de la tension des pilotes de Formule 1 avant le départ.

Les chefs du jour sont Philippe Mille, le régional de l’étape, MOF (meilleur ouvrier de France) doté de deux étoiles, et Gilles Goujon, MOF lui aussi et doté de trois étoiles à l’Auberge du Vieux Puits à Fontjoncouse. Son épouse est biterroise, ce qui fait que nous sommes pays.

Le menu préparé par les deux chefs est : lobe de foie gras de canard poêlé, tarte sablée « pain d’épices » à la rhubarbe en cage de meringue et gariguettes en réduction balsamique par Gilles Goujon / filet de rouget barbet, pomme bonne bouche fourrée d’une brandade à la cébette en « Bullinada », écume de rouille au safran par Gilles Goujon / aloyau de bœuf de Galice affiné cent jours, fenouil confit à l’eau de tomate, caviar d’aubergine au gingembre, jus de rôti à l’olive noire par Philippe Mille / dacquoise noisette et son praliné crémeux, mousse et dés de cake citron, mikado de meringue zestées par Philippe Mille.

Le Champagne Taittinger Comtes de Champagne rosé 2005 est un agréable champagne qui n’a pas tellement attiré mon attention, tant les discussions à notre table étaient animées. Mais il a favorisé un bel accord.

Il n’en est pas de même du Champagne Taittinger Comtes de Champagne rosé 2002 qui ne peut pas passer inaperçu. De grande personnalité et de grande tension, il occupe la bouche en en prenant possession. Ses évocations de fruits sont roses et le caractère vineux est très équilibré. Très gastronomique il est le chevalier servant idéal d’un plat d’anthologie, la bouillabaisse revisitée par Gilles Goujon.

Le Coteaux de Champagne Ambonnay rouge Cuvée des Grands Côtés, Vieilles Vignes Egly-Ouriet 2009 a un parfum incroyable. Je n’arrive pas à y croire. Il est puissant, fait de fruits rouges lourds, velouté comme le parfum du plus généreux des chambertins. Comment est-ce possible ? Je ne veux pas le croire car jamais je n’ai rencontré une telle puissance olfactive en un Coteaux de Champagne. J’ai beau sentir et ressentir, je ne peux pas m’y faire tant il y a du charme et de la puissance dans ce parfum. M’en ouvrant à Francis Egly qui participait au dîner avec son épouse, il explique cette richesse notamment par la faiblesse des rendements. En bouche, le vin est plus conforme à l’image que j’en ai. Le vin est bon, profond, mais il n’a pas la largeur que suggérait son parfum. Le vin est idéal sur la pièce de bœuf généreuse.

Le Champagne Egly-Ouriet Brut Tradition dégorgé en janvier 2013 est un champagne un peu vert à mon goût, mais très prometteur. Francis Egly m’a expliqué qu’il aime les champagnes plus mûrs et qu’il avait fait ce choix à cause de la présence de citron dans le dessert. Il me semble qu’il aurait pu choisir plus mûr, car le citron se sentait à peine.

Gilles Goujon est venu lui-même découper les lobes de foie gras et servir nos assiettes qui embaumaient tant la fraise était présente. Je me suis concentré sur la chair seule du foie gras, qui se mariait idéalement au rosé 2005. Le rouget traité en bouillabaisse est un plat qui donne des frissons dans le dos. Il est parfait et fait comprendre ce que c’est que d’avoir trois étoiles. Le plat est gourmand, et l’on reprend sans cesse le jus délicieux, servi à profusion. La viande mûrie plus de trois mois glisse en bouche comme un bonbon, mais c’est sur le dessert d’un équilibre remarquable que l’on a surtout vu le talent extrême de Philippe Mille.

Le directeur, Hervé Fort, nous entraîne dans le noir dans un coin reculé du petit bois qui jouxte le parc et nous entrons dans une yourte aux bois joliment peints, où nous pouvons continuer à bavarder avec Gilles Goujon, Pierre-Emmanuel Taittinger, Francis Egly et de nombreuses autres personnes en goûtant l’un des cognacs Hine qui nous sont proposés. Je choisis un Cognac Hine 1960 qui a une délicatesse extrême, plus charmant à mon goût qu’un Cognac Hine 1961 plus viril mais moins élégant.

Une fois de plus, les « Quatre Mains », c’est grand et très émouvant.

DSC05266 DSC05269 DSC05270 DSC05272

DSC05292 DSC05293 DSC05294 DSC05295 DSC05296

DSC05275 DSC05280 DSC05279 DSC05281 DSC05282 DSC05283 DSC05285 DSC05286 DSC05289 DSC05290

Margaux 1928, Lafite 1961, La Tâche 1951 et d’autres vins immenses au Garance samedi, 1 juin 2013

La chaîne de télévision LCI m’a demandé de donner mon avis sur la vente aux enchères de vins de la cave de l’Elysée qui doit commencer le soir même. J’ai l’occasion de dire à quel point cette opération n’envoie que des signes négatifs, d’un pays aux abois qui vend des poussières de ses bijoux de famille, mais surtout d’un pays qui ne va pas de l’avant, qui devrait être solidaire avec une des filières les plus porteuses de la balance commerciale du pays, la filière vin et plus précisément la filière des vins de qualité qui sont un emblème de l’image de la France, qui fait tant rêver le monde. Alors que je n’avais pas l’intention d’aller à cette vente, car j’anticipais des prix de feu d’artifice, le journaliste qui m’invitait me dit : « bien sûr vous irez à la vente ! ». Je me suis senti obligé d’y aller.

Sur place, je rencontre diverses personnes que je connais et tout d’un coup, je vois arriver Gérard Besson, le chef chez qui j’ai organisé beaucoup de dîners et de casual Fridays. Nous sommes heureux de nous revoir, pour la première fois depuis qu’il a pris sa retraite. Tous les deux nous voulons nous revoir et je lui dis : « pourquoi pas demain ? Nous faisons l’un des dîners de notre dream team, avec des vins très rares ». Je quitte très vite la vente aux prix fous et j’envoie à Gérard la liste des vins prévus. Le lendemain matin il m’informe qu’il viendra.

Au restaurant Garance, j’ouvre les bouteilles dès 17h30. Le parfum du Lafite 1961 est d’une pureté d’Evangile. Le bouchon de La Tâche 1951 est de très mauvaise qualité et n’a pas été aidé par une cave trop sèche si je me fie à ce qui apparaît sur le bouchon. Le niveau est bas, le bouchon sent très mauvais et lorsqu’on sent le goulot, l’odeur est désagréable. Tomo qui m’a rejoint verse un peu du vin dans un verre et les odeurs désagréables n’étaient attachées qu’au goulot. L’espoir renaît. Le parfum du Margaux 1928 est séducteur, et, lorsque Florent arrive avec son Pontet Canet 1926, c’est un parfum d’une délicatesse rare qui envahit mes narines à l’ouverture.

Je descends au rez-de-chaussée pour mettre au point avec Guillaume Iskandar le menu et choisir avec lui quelques orientations. Le menu, dont je reconstitue les intitulés, est ainsi organisé : la traditionnelle brioche de bienvenue / homard bleu, traces de crème à l’orange / Lieu, roquette et petits oignons / ris de veau / épaule d’agneau, asperge et oignons / financier en gâteau fumé.

Notre groupe se compose de Tomo, Lionel, Florent, Jean-Philippe, Gérard Besson et moi. L’un d’entre nous étant en retard, Guillaume Muller nous propose au verre le Champagne Langlet Brut Grand Cru. Le champagne ne m’inspire pas et j’ai un commentaire bien méchant : « voilà un champagne qui nous fait aimer le cidre ». C’est bien méchant. Le Champagne Louis Roederer 1964 de Florent a encore du pétillant et une jolie couleur ambrée. En bouche c’est du plaisir pur, avec de jolis fruits oranges et une originale évocation de marc. Ce champagne est excitant de curiosité et s’annonce comme un grand compagnon de gastronomie.

Le Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 de Jean-Philippe, que j’ai bu maintes fois, à la bouteille si belle, est une grosse déception. Car il a vieilli trop vite et a perdu de sa vivacité. Il n’est pas mauvais mais il n’est pas ce que nous attendons.

Le Château Rayas blanc 1996 de Lionel met un sourire à mes lèvres : c’est « love at first sight », le coup de foudre pour un vin généreux, facile, dandy sacrément convaincant. Avec le homard un peu chiche pour nos appétits, il est parfait.

Le Château Haut-Brion blanc 1964 de Lionel n’a pas assez de panache pour retenir notre attention. Je ne saurais pas dire de quoi il souffre mais il n’est pas là, même si le homard l’aide un peu.

Le Bienvenues Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 1995 de Gérard attaque très fort. Ce vin puissant d’un équilibre rare occupe le palais et l’envahit de ses arômes complexes. Ce qui me fascine, c’est le plaisir qu’il donne, profond et pénétrant. C’est l’attaque qui pose le jeu.

Servi en même temps, le Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1989 offre des saveurs plus fluettes. On imagine que le combat est joué au profit du Bienvenues, mais pas du tout. Le Chevalier s’assemble, déroule sa matière riche et prend progressivement le dessus. Les deux vins sont parfaits et très différents. J’aime le premier pour son attaque généreuse. J’aime le second pour sa matière opulente et sa noblesse. J’aime les deux car ils sont l’expression de la grandeur des blancs de Bourgogne. Le lieu superbement cuit convient aux deux vins, probablement plus au Chevalier.

Le Château Margaux 1/2 bouteille 1928 que j’ai apporté est tétanisant de perfection. Au moins dix fois Gérard dira qu’il n’en revient pas qu’une demi-bouteille de plus de 80 ans puisse avoir une telle jeunesse. Il regardera à deux fois le bouchon pour vérifier qu’il s’agit bien d’un bouchage d’origine. Séduisant, féminin, velouté, ce vin est d’un charme à pleurer. Il a une profondeur et une densité qui sont remarquables et un final grandiose.

A côté de lui, le Château Pontet-Canet 1926 de Florent, au niveau presque dans le goulot, au parfum charmant, se caractérise par son velouté délicat. S’il n’était à côté du Margaux, il aurait la vedette parce qu’il profite à fond d’une grande année : 1926. Mais le Margaux est trop brillant.

Pour être sûr d’avoir une bonne demi-bouteille de Margaux, j’en avais apporté trois. Dix fois au moins mes amis ont tenté de faire pression pour que j’ouvre les deux autres. Mais j’ai résisté, surtout pour rester sur la bonne impression d’une bouteille parfaite. Le ris de veau est de très grande qualité et tout au long du repas, Gérard Besson n’arrêtera pas de faire des compliments sur la cuisine de Guillaume Iskandar. Venant de la part d’un MOF, meilleur ouvrier de France, cela compte.

Je ne peux évidemment avoir aucune objectivité pour le vin que j’ai apporté, Château Lafite-Rothschild 1961. Son parfum est d’une profondeur exceptionnelle avec des évocations de graphite et de truffe. En bouche ce vin est dense, lourd, profond, mais aussi complexe et raffiné. C’est un très grand vin au final inextinguible.

A côté de lui, La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1951 de Tomo, qui avait un bas niveau, exhale un parfum d’une rare persuasion. Si l’on voulait savoir ce qui fait la caractéristique d’un vin du domaine, ce serait ça. Je m’amuse car lors d’une dégustation d’une vingtaine de vins de la Romanée Conti, un participant voulait que j’enlève La Tâche 1942 dont il contestait l’étiquette, sans le nom des propriétaires et sans l’indication des volumes produits. C’est ce vin contesté qui avait été le plus brillant de la réunion. Cette Tâche 1951 a strictement la même étiquette et se présente avec l’ADN du domaine sans l’ombre du plus minuscule doute. Je dirais même qu’il est presque un peu exacerbé et excessif dans le caractère salin. Le charme du parfum du vin est extrême. Là où nous allons différer avec mes amis qui plébiscitent ce vin, c’est que je trouve qu’il n’est pas parfait. Il a souffert, comme le montre son bouchon dégradé, et ses caractéristiques se sont empâtées. Elles sont là, mais manquent un peu de finesse. Cette réserve est à la marge, car le vin est convaincant, dominant et plein de charme.

La cohabitation des deux vins est possible. Le Lafite, c’est la perfection, la pureté la droiture. La Tâche, c’est le charme, la séduction et la complexité. L’agneau vote pour Lafite.

Le Château Rabaud-Promis 1937 de Jean-Philippe se présente dans une bouteille assez sale, ce qui ne préjuge de rien et le liquide que l’on devine est d’un marron très foncé. Le nez est très sauternes mais manque un peu d’ampleur. En bouche c’est un sauternes généreux aux fruits bruns, un peu poussiéreux, qui aurait créé un accord superbe avec le financier si celui-ci avait été moins fumé.

Nous sommes tous impressionnés par la qualité générale des vins que nous avons bus. Il y a parmi eux des vins de première grandeur. Gérard n’en revient toujours pas qu’une demi-bouteille de 1928 ait cette vivacité. Jean-Philippe met le Margaux 1928 en premier. Pratiquement tout le monde met Lafite et La Tâche juste après, soit ex-æquo, soit La Tâche en tête. Mon classement diffère sur La Tâche. J’ai noté : 1 – Château Margaux 1/2 bouteille 1928, 2 – Château Lafite-Rothschild 1961, 3 – Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 1989, 4 – Bienvenues Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 1995. Il y aurait ensuite les belles performances de La Tâche 1951, du Rayas blanc 1996 et du Pontet-Canet 1926.

En des moments comme celui-là, nous ne voulons pas nous quitter, aussi avons-nous rêvé de nos futures agapes autour d’un Chartreuse faite à Tarragone très récente, beaucoup trop jeune pour avoir la complexité que l’on attend de cette liqueur emblématique. La date est prise pour un futur dîner. Ces repas amicaux dont de véritables bonheurs.

DSC05254

DSC05248 DSC05245

DSC05219 DSC05218

DSC05217 DSC05216

DSC05220

DSC05259 DSC05258

DSC05222 DSC05221

DSC05214 DSC05253 DSC05250

le défaut du verre de la bouteille de Lafite 1961 est assez spectaculaire

DSC05238 DSC05235 DSC05234

DSC05224 DSC05223

DSC05243 DSC05230 DSC05229

DSC05240 DSC05241 DSC05242

DSC05255 DSC05256 DSC05257 DSC05260 DSC05261 DSC05262 DSC05263

Déjeuner au restaurant Les 110 de Taillevent samedi, 1 juin 2013

Au dîner à quatre mains aux Crayères, Laurent Gardinier propriétaire des lieux avait lancé à notre table une invitation à se retrouver au restaurant Les 110 de Taillevent. Le jour dit, ma femme, Jean Miot et moi sommes aux côtés de Thierry et Laurent Gardinier. Le lieu est décoré dans des tons d’ocre et de terre, créant une atmosphère intimiste et décontractée. Un comptoir « à la Robuchon » fait face à l’impressionnant alignement de 110 verseurs de vins au verre. On reconnait quelques icônes qui sont des tentations auxquelles on a envie de succomber.

La carte est extrêmement astucieuse puisque les vins sont classés par tranches de prix et sont positionnés dans la même zone de lecture que les plats qu’ils pourraient accompagner. Les choix sont intelligemment facilités. Mes plats seront : le risotto printanier, asperges et morilles / le cabillaud « au naturel », jus de cresson, poireaux au cumin et tartare d’algues.

Mon premier vin est un Pinot Gris Clos Windsbuhl domaine Zind-Humbrecht 2007 dont je prends un verre de 7 cl, puisque l’on a le choix entre 7 cl, 14 cl et bouteille. Le vin est précis, original, mais il manque un peu d’ampleur. Il est très adapté à l’excellent risotto. Si la formule du choix au verre est très intéressante, puisque l’on peut avoir accès à des vins dont le budget serait élevé pour 75 cl, cela fait tout drôle d’être seul à boire un vin, que l’on ne peut pas commenter avec ses convives si leurs choix sont différents. L’avantage, c’est que dans un restaurant tourné vers le vin, on peut parler d’autres choses que de vin, ce que nous avons fait. Ce n’est pas désagréable. C’est un paradoxe amusant de cette formule.

Le Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 2007 est dans le haut de gamme de l’offre du 110. Il a la noblesse des vins de ce prestigieux domaine, mais il n’a pas l’ampleur habituelle d’un Bâtard du domaine, sans doute du fait du millésime. Il cohabite bien avec le cabillaud à la chair comme je l’adore, marqué d’une verdure vraiment verte. J’aurais volontiers apprécié une petite coupelle de purée de pomme de terre pour que le jaune clair contrebalance le vert intense. Ce qui n’enlève rien à la qualité de ce plat.

Entraîné par mes amis, j’ai pris un verre de « Cuvée Laurène » vin de l’Orégon domaine Drouhin USA 2008. C’est vraiment une bonne idée car ce vin est joyeux, riant, subtil, équilibré dans toutes ses composantes. C’est un régal de boire ce vin bien dessiné aux subtilités « à la française ».

Le petit financier qui accompagne le café est un régal, après un détour gourmand par un nougat glacé. Le lieu est ouvert sept jours sur sept midi et soir, ce qui est un atout. Cette formule de type bar à vin qui joue sur une offre de vins haut de gamme et une cuisine qui est une vraie cuisine est extrêmement judicieuse.

DSC05208 DSC05210 DSC05211

DSC05209 DSC05212

1928 MARGAUX, 1961 LAFITE, 1951 LA TACHE AND OTHER OUTSTANDING WINES AT RESTAURANT GARANCE samedi, 1 juin 2013

The French TV channel LCI has asked me to comment the auction of wines from the cellar of the Élysée Palace (the official residence of the President of the French Republic), which is scheduled to begin that evening. It gives me the opportunity to explain that this operation only sends negative vibes: it is yet another sign of a country in dire straits, selling off bits and pieces of its family jewels, but also of a country that is not going forward, which should rather work hand in hand with one of the most promising sectors in its trade balance—the wine industry and more specifically the fine wine sector, a true French emblem, something the rest of the world dreams about. While I originally do not intend to go to the auction, as I anticipate a fantastic fireworks display of prices, the reporter who invited me tells me: « Naturally, you will go to that auction! » I therefore feel obliged to go.

There, I meet several acquaintances and all of a sudden, here comes Gérard Besson, the restaurant chef with whom I have organised many of my dinners and my Casual Fridays. We are happy to see each other again, for the first time since he retired. We both want to see more of each other and I suggest: « Why not tomorrow? We are organising one of our dream team dinners, with very rare wines. » I quickly leave the auction and its insane prices, and send Gerard the wine list scheduled for the dinner. The following morning, he confirms that he will join us.

At the restaurant Garance, I open the bottles at 5:30pm. The scent of the 1961 Lafite is of angelic purity. The cork of the 1951 La Tâche is of very poor quality and, looking at it closely, it has apparently not been helped by a stay in an over-dry cellar. The level is low, the cork smells really bad and when you smell the neck, there is an unpleasant whiff. Tomo joins me and pours a little bit of the wine into a glass and it seems that the unpleasant smell only came from the neck itself. We can still hope. The aromas of the 1928 Margaux are seductive, and when Florent arrives with his 1926 Pontet Canet, I open it and a scent of a rare delicacy invades my nostrils.

I go to the ground floor to develop the menu with William Iskandar and together we determine some guidelines. Here is the organisation of the dishes on the menu, which I recreate from memory: traditional welcoming brioche / blue lobster, traces of orange cream / pollack, arugula and small onions / sweetbreads / shoulder of lamb, asparagus and onions / smoked almond sponge cake.

Our group consists of Tomo, Lionel, Florent, Jean-Philippe, Gérard Besson and myself. One of us being late, Guillaume Muller suggests we have a glass of Champagne Langlet Brut Grand Cru. The champagne does not inspire me and I can’t help myself and criticize the wine— »this champagne would make you fall in love with cider! » That is really spiteful. The 1964 Champagne Louis Roederer brought by Florent is still sparkling and of a nice amber colour. In the mouth it is pure fun, evoking beautiful orange fruits and also marc alcohol, strangely enough. This champagne is curious and exciting and promises to be a great companion to food.

Several times I have had the 1979 Champagne Mumm Cuvée René Lalou brought by Jean-Philippe: the bottle is splendid, but the champagne is a big disappointment, because it has aged too quickly and lost part of its liveliness. It is not bad but it is not what we were expecting.

The 1996 Château Rayas Blanc brought by Lionel makes me smile: it is love at first sight for this generous, easy-going wine, a really convincing dandy of a wine. With the lobster—whose portion size falls rather short of filling our appetiteit is perfect.

The 1964 Château Haut-Brion Blanc also brought by Lionel does not have enough panache to catch our attention. I cannot really say what its problem is, but it is not really focused, even though the lobster helps it a little.

The 1995 Bienvenues Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive that Gérard brought with him starts really strong. This powerful wine, of a rare balance, fills up your mouth and invades it with complex flavours. What fascinates me is the deep and penetrating pleasure it creates. This is the attack of the wine that sets the stage.

The 1989 Chevalier Montrachet Domaine Leflaive is served at the same time and offers lighter flavours. One could imagine that this is a losing battle for the Chevalier, but not at all. It picks itself up, unfolds it rich body and gradually takes over. Both wines are perfect and very different. I like the first one for its generous attack. I like the second for its opulent body and its nobility. I like both because they both showcase the greatness of white Burgundy wines. The perfectly cooked pollack pairs beautifully with both, probably slightly better with the Chevalier.

The 1928 half-bottle of Château Margaux which I brought is of petrifying perfection. Gérard ends up repeating at least a dozen times that he cannot believe that a half-bottle which is over 80 years old can remain so young. He even takes a closer look at the cork to make sure it is indeed original. Seductive, feminine, velvety—this wine has enough charm to make you cry. It has remarkable depth and density, and a grand finish.

Next to it, the 1926 Château Pontet-Canet brought by Florent, whose level is upper-shoulder, has charming aromas and a delicate velvety texture. Were it not served along with the Margaux, it would be the star of the show, being boosted by the great 1926 vintage. But the Margaux is just too damn brilliant.

To make sure that I would produce a good half-bottle of Margaux, I had brought three. Again and again my friends try to pressure me to open the other two. But I resist, especially because I want to remember the positive note of a perfect bottle. The sweetbreads are of great quality and throughout the meal, Gérard Besson keeps complimenting William Iskandar’s cooking. Coming from a MOF, Meilleur Ouvrier de France (Best National Craftsman in His Category), it says something.

I can obviously show no objectivity towards the wine I brought, a 1961 Château Lafite-Rothschild. Its fragrance is exceptionally deep with hints of graphite and truffle. In the mouth, the wine is dense, heavy, deep, but also complex and refined. This is a great wine with a never-ending finish.

Tomo’s 1951 La Tâche Domaine de la Romanée Conti is served alongside the previous wine. It has a low level but gives off a scent of rare persuasion. If one wanted to know what identifies a wine from the domaine, it would be exactly that. It makes me laugh because during a recent tasting of twenty wines from the Domaine de la Romanée Conti, one participant wanted me to exclude a 1942 La Tâche because its label did not include the names of the owners nor any indication of the number of bottles produced. This disputed bottle turned out to be the most brilliant of the tasting. This 1951 La Tâche has exactly the same label and sports the DNA of the domain without the tiniest shadow of a doubt. I would even say that it is almost a little exaggerated and excessive in its saltiness. The charm of this wine’s aromas is extreme. But, contrary to my friends who praise this wine, I find that it is not perfect. It has been through hard times, as its decayed cork can testify, and it has become slightly pasty. All its traditional characteristics are there, but lacking a little in finesse. This is almost insignificant, for the wine is convincing, dominant and full of charm.

The coexistence of both wines is possible. The Lafite is perfect, pure, and straight. The La Tâche is charming, seductive and complex. The lamb votes in favour of the Lafite.

The 1937 Château Rabaud-Promis brought by Jean-Philippe comes in a rather dirty bottle—which is actually irrelevant—and inside it, one can make out a very dark brown liquid. The nose is very Sauternes but slightly lacks in volume. In the mouth, it is a generous Sauternes with brown fruit, a little dusty, which would have created a superb pairing with the almond sponge cake had it been less smoked.

We are all impressed by the overall quality of tonight’s wines. Among them are some first-class bottles. Gérard still cannot believe that a half-bottle of 1928 can have such liveliness. Jean-Philippe gives first place to the 1928 Margaux. Almost everyone ranks the Lafite and the La Tâche immediately behind, either tied or with the La Tâche ahead.

My ranking is different because of the position of the La Tâche: I place 1 – 1928 Château Margaux half bottle; 2 – 1961 Château Lafite-Rothschild; 3 – 1989 Chevalier Montrachet Domaine Leflaive; 4 – 1995 Bienvenues Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive. Then would come the commendable performances of the 1951 La Tâche, of the 1996 Rayas Blanc and of the 1926 Pontet-Canet.

In times like these, we do not want to part ways, so we decide to dream of our future banquets and share a Chartreuse bottled very recently in Tarragone—far too young a bottle to have the complexity that is expected from this emblematic spirit. The date is set for a future dinner. These meals among friends are blessed moments.