Archives de catégorie : dîners ou repas privés

déjeuner avec deux beaux champagnes de Mesnil-sur-Oger jeudi, 2 août 2012

Des amis viennent déjeuner dans le sud. Le Champagne Pierre Peters Cuvée les Chétillons blanc de blancs 2002 est un digne représentant des vins de Mesnil-sur-Oger, la Mecque du blanc de blancs. Riche, épanoui, goûteux, il se boit avec franchise et plaisir. Ce sont des cochonnailles qui l’accompagnent et cela lui va bien. Un signe qui ne trompe pas : le flacon est rapidement vide. Le Champagne Salon magnum 1997 est lui aussi un blanc de blancs de Mesnil-sur-Oger. L’année 1997 n’est pas encore à un stade d’épanouissement complet. Mais il se boit bien et ce qui frappe, c’est une profondeur nettement plus marquée que le Pierre Peters. Les deux sont de grands champagnes et je suis content que le 1997 évolue bien.

Sur un veau basse température un Volnay les Champans Domaine de Montille 1999 est exactement ce qui convient en cette période de canicule. Le vin est servi à 15° et délivre un parfum subtil. En bouche il est délicat, chaleureux, plein de finesse. Il ne fallait pas un vin tonitruant. Ce vin subtil est de grand confort. Il lui manque peut-être un peu de longueur mais je l’aime dans sa franchise.

dîner avec un magnifique Vega Sicilia Unico jeudi, 2 août 2012

Dîner au bord de la mer chez ma fille cadette. Un Champagne Krug 1995 est d’une couleur joliment dorée. Le champagne paraît épanoui, marquant une belle maturité. Il y a des fruits rouges, de la pâte de fruit, et une profonde acidité citronnée. Le final est très long. Mon gendre a découpé des dés dans un grenadin de veau, juste saisis et saupoudrés de copeaux d’amandes à peine grillées. L’amande fait ressortir le goût d’amande du champagne. Des champignons de Paris presque crus se marient très bien avec le champagne en atténuant l’acidité naturelle. Il manque peut-être quelques années de plus pour que ce grand champagne devienne parfait.

Le Château Lafite-Rothschild 1981 a une belle assurance. Il est bien tramé et se marie très bien avec des filets de loups. Quand ma femme et ma fille nous disent que le Lafite est bouchonné, nous protestons, mon gendre est moi, car la perception au nez est infime et la déviation en bouche n’est pas perceptible. Notre plaisir ne se discute pas. Mais lorsque je reviens au Lafite après avoir bu le vin qui suit, le goût de bouchon apparaît nettement. Voilà un défaut qui n’avait pas dépassé notre seuil de perception et qui devient évident lorsqu’un autre vin le fait ressortir.

Et le vin qui suit est une petite merveille. C’est Vega Sicilia Unico 1989 que j’avais trouvé sublime il y a un an. Et on retrouve son charme inénarrable sur un grenadin de veau d’une tendreté extrême. Le vin puissant, lourd, a un final d’une légèreté admirable, avec une fraicheur mentholée confondante. Ce vin aux lourds tannins, à la jeunesse folle a conquis mon cœur à cause de cette fraîcheur mentholée. C’est un grand moment.

Le Lafite aurait pu nous plaire, tant son défaut était à peine perceptible au début. Mais le vin espagnol a illuminé cette soirée sous un fort mistral et une lune peignant d’argent l’onde agitée.

repas d’amis avec des vins locaux jeudi, 2 août 2012

Chez des amis qui font une fête créole, la chaleur ambiante me fait prudemment éviter le punch.

Un Champagne Charles Heidsieck brut réserve se boit avec plaisir.

Un Terrebrune Bandol 2008 est encore trop jeune, car il n’a pas la râpe que j’aime, qui apparaît avec quelques années. Et on le mesure d’autant plus que le « R » de Rimauresq Côtes de Provence 2004 avec ses quatre ans de plus, exprime mieux tout ce qui fait le charme de la région : la garrigue, le romarin, le fenouil, l’anis et une belle fraîcheur. J’ai trouvé le « R » plus précis que le Terrebrune, alors que je suis un inconditionnel de ce Bandol.

dîner avec Dom Pé et mara des bois lundi, 23 juillet 2012

Des amis de mon fils viennent dîner. Un Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1997 a une jolie robe dorée. La bulle est assez grosse, mais le champagne est plaisant. Le plus grand compliment que l’on puisse lui faire est qu’il se boit bien. Il est serein, gouleyant, sans chichi. Avec une rillette de maquereau, l’accord est redoutable. Avec du foie gras tartiné, l’accord est confortable. Un Champagne Dom Ruinart 1998 fait prendre conscience de l’écart de complexité. Ce champagne est généreux, complexe, follement romantique. On ne lui cherche pas d’énormes énigmes, car on est bien. C’est un beau champagne qui ne boxe pas parmi les plus grands mais qui se classe dans la famille des grands champagnes.

Nous passons à table et sur un agneau cuit à basse température, fondant et goûteux, le Chateauneuf-du-Pape Vieux Télégraphe 1999 a de l’allure. Il est conquérant, offre son bois et sa force burinée. Il est puissant mais il n’est pas très complexe. Il se boit bien, mais il ne faut pas lui demander des subtilités qu’il n’a pas. Sa générosité est son passeport, auquel on accorde un visa de satisfaction.

Par une conjonction quasi miraculeuse, il y a sur la table une grosse barquette de fraises mara des bois, et j’ouvre un Champagne Dom Pérignon 1998. Ce que la fraise apporte au champagne, le champagne l’apporte à la fraise et l’accord est miraculeux. Et aucune autre fraise que cette mara n’aurait joué le rôle de multiplicateur du champagne. C’est irréellement délicat. Le champagne est beau, frais, romantique et subtil. Ce n’est que du plaisir, qui se redouble avec un gâteau corse composé par ma femme, dont la trame citronnée vibre avec le Dom Pérignon à la vibration extrême.

Par un soir doux de juillet sans mistral et des discussions passionnantes et cosmopolites, nous avons passé un excellent dîner où l’accord mara des bois et Dom Pérignon 1998 est de loin le plus saisissant.

sous le chant des cigales, un Krug magistral samedi, 21 juillet 2012

Enfin nous avons nos trois enfants et leurs enfants ensemble auprès de nous. Il faut qu’un grand flacon marque l’événement.

Les petits enfants courent partout et leurs rires tentent de couvrir l’espace sonore que monopolisent les cigales et la mer. Ils y arrivent parfois.

Le Champagne Bollinger Grande Année 1989 est d’un or superbe et généreux. Il se place bien en bouche, vineux mais aussi confortable. C’est un champagne épanoui, serein, sans histoire. La poutargue moelleuse mais profonde lui rend un écho vibrant.

Vient enfin le tour du Champagne Krug Vintage magnum 1990. Mon gendre me rappelle que c’est ce même champagne que j’avais ouvert pour ses fiançailles avec ma fille cadette. Le choc gustatif est extrême et nous nous félicitons que ce Krug ait été précédé du Bollinger. Car la pureté du 1989 permet de mieux comprendre la fabuleuse complexité du Krug. Il y a du floral, d’une délicatesse rare. Et il y a surtout des fruits rouges, comme en pâtes de fruit. L’intensité de ce champagne est extrême, ainsi que sa vibration. Sur des anchois, sur une anchoïade, sur du foie gras, sur du lomo, il brille chaque fois. Il est imposant sans s’imposer, de longueur extrême et de complexité absolue. S’il n’a pas le romantisme et la gracilité d’un Krug 1982, il a l’aisance d’un champagne accompli.

Le repas est simple, consistant en des chipolatas aux multiples parfums. J’en ai retenu cinq, aux herbes et épices redoutables. Le Terrebrune Bandol 1997 nous déçoit, car après l’invraisemblable Baguiers d’hier, il joue en dedans, et nous soupçonnons qu’il a eu un coup de chaud en cave. Il y a bien sûr tout ce qui fait qu’on aime le Bandol, mais sans relief. Le vin joue « en dedans ».

Il met d’autant plus en valeur un Pibarnon Bandol 1990 superbe, et tellement Bandol ! Il y a la garrigue, le romarin, le thym et le fenouil et cette râpe que j’aime. S’il est grand, il n’arrive pas à nous faire oublier le Baguiers d’hier.

Les enfants se font d’autant plus bruyants qu’ils sont fatigués mais ils rient de si bon cœur. Une salade de brugnons blancs met en valeur le fond du Krug car il fait ressortir son fruit délicat.

Par un beau soir d’été en famille quasi complète, un Krug magistral a fleuri notre plaisir d’être ensemble.

un Bandol de rêve vendredi, 20 juillet 2012

Demain, nous aurons nos trois enfants chez nous. La fenêtre de tir est toujours étroite, alors il faut en profiter. Aujourd’hui, ce sont deux sur trois, avec trois petits enfants sur les six. Je crois ouvrir un Cristal 2002, mais en fait, c’est un Champagne Cristal Roederer 2004. La première impression est très rassurante. C’est un champagne solide, sûr de lui, sans véritable imagination. Il se boit bien, car il est bien fait, mais il ne crée pas la vibration d’un champagne complexe. Il faut sans doute attendre qu’il trouve sa personnalité. Un Pata Negra vieilli quatre ans est une merveille, car il délivre un gras subtil et des notes de noix légères. Il excite le champagne d’une superbe façon, alors qu’une tapenade traditionnelle fort goûteuse n’accroche pas sur le champagne.

Avec des chipolatas d’une mode traditionnelle, elle aussi, j’ai ouvert un Domaine des Baguiers, Bandol rouge 1989. Nous crions des oh et des ah, car ce vin est tout simplement exceptionnel. Il évoque la garigue, le fenouil, les végétaux râpeux comme la barbe d’artichaut, et nous nous disons que jamais un Bandol récent ne pourrait donner cette impression de plénitude absolue. Quand on boit ce vin râpeux, qui chante comme les cigales, on se dit qu’il n’existe rien de meilleur. J’aime les vins de Bourgogne quand je trouve en eux le sel et la rose. J’aime ces vins du sud quand je trouve le fenouil, l’anis et une râpe à nulle autre pareille. On peut dire que ce vin « nature », « simple », a trouvé un accomplissement qui en fait un vin de première grandeur. Bandol ne fait probablement pas beaucoup mieux, du fait de ces 23 ans qui donnent une touche de génie.

repas de famille dans le sud dimanche, 15 juillet 2012

Nous accueillons depuis quinze jours quatre puis trois de nos petits enfants dans le sud. Le week-end du 14 juillet, fille et gendre viennent retrouver leur couvée. C’est un court passage de leur part, mais il faut fêter cela. A déjeuner, un Champagne Dom Pérignon 1998 est ouvert. Immédiatement nous sentons que le gamin souvent bu l’an dernier à notre table estivale a pris du poil au menton. La couleur s’est à peine dorée. C’est en bouche que l’évolution est sensible. Le champagne a perdu ses fleurs blanches pour devenir plus vineux, et cela lui va bien. Alors que je le trouvais depuis quelques mois dans une phase de renfermement, il est sorti de sa retraite et ne procure que du plaisir. Bravo.

C’est un Champagne Pol Roger Cuvée Winston Churchill 1996 qui lance le dîner. La race, la grandeur, la complexité, tout est là. C’est un champagne carré, assis, notable. Notre fournisseur de poutargue a changé, et sa poutargue n’est pas aussi typée qu’avant. Le champagne n’y trouve pas son compte, se sentant rétréci, alors qu’avec du lomo, saucisson de Pata Negra, le Pol Roger prend un véritable coup de fouet. Sur un Pata Negra de quatre ans de séchage, le petit goût de noix et le gras propulsent le Winston Churchill à des sommets merveilleux. Le champagne est très long, complexe, de grand raffinement. Rectitude et plénitude sont ses deux qualités. On a donc deux oppositions de style avec le Dom Pérignon, le 1998 étant plus vineux et très élégant, alors que le 1996 est plus complexe et plus noble.

Sur un loup juste saisi à la plancha, c’est un Château de la Gardine Chateauneuf-du-Pape 1989 qui est ouvert. Instantanément, c’est une bouffée végétale du sud qui nous envahit. Je reconnais le fenouil, le romarin et un poivre bien assorti. Ce vin est joyeux et fait crisser les cigales dans nos cœurs. Il est velours, on se sent bien. Il n’est pas tonitruant, mais un vin de grand plaisir, une belle surprise. Il montre à quel point il fait savoir attendre ces vins chauds, car il n’a plus la moindre aspérité, il est doux, plaisant, convivial. C’est exactement ce qu’il faut pour un loup à la chair si précise. Ce dîner est un coup d’envoi des futures vacances de nos enfants.

dîner dans le sud avec Penfolds Grange 2005 mercredi, 27 juin 2012

C’est une coquetterie, je tiens à être présent dans mon sud pour le jour le plus long de l’année. C’est le jour où le soleil se lève et se couche le plus au nord à l’horizon. C’est le début d’une longue pause bien nécessaire, car en ce premier semestre j’ai bu plus de six cents vins. L’ordre du jour est au sport. Mais quand des amis nous invitent, il est difficile de refuser. Par un beau soir d’été, sur une terrasse surplombant la baie de Hyères et les îles, notre hôtesse a interprété de belles recettes de grands chefs. La salade de homard aux fraises et caviar d’aubergine est d’une recette créée par le chef Patrick Raingeard du Cap d’Estel, et le tagine est revisité selon une recette de Nicolas Isnard et David Le Comte de l’Auberge de la Charme à Prenois. L’exécution est parfaite et montre les talents culinaires de notre amie qui surmonte les difficultés de ces préparations avec grâce.

Le Champagne Louis Roederer magnum sans année est nettement meilleur que de précédentes versions. On sent que l’âge fait son œuvre ajoutant des complexités qu’il n’a pas quand il est au berceau. Il se boit donc vite, car il fait soif à bavarder et le Champagne Bollinger Grande Année 1999 lui succède. Et c’est une bonne chose car cela met en valeur le caractère raffiné et délicatement floral de ce champagne. Il a beaucoup de talent combinant les vertus pâtissières à ce floral insistant. Un vrai plaisir.

Nous commençons les rouges par un Richebourg Grand Cru 1992 mis en bouteille par un certain monsieur Bidouilh au château de Verneuil dont on imagine volontiers que des amis mal intentionnés l’ont accusé d’avoir un peu coupé ses vins. Du poids à porter des patronymes ! Le vin est fort sympathique car l’année 1992 a donné des vins subtils et délicats, peut-être en sourdine quand ils étaient jeunes, mais bien expressifs maintenant. J’ai apporté, pour voir, un Côtes du Rhône Rochegude Cuvée du Président 1976, provenant de la coopérative de vinification de Rochegude. Ça peut faire sourire et le début en bouche est assez simplifié, mais tous les convives seront étonnés de voir à quel point ce vin assemble ses composantes pour offrir presque une heure plus tard un vin du Rhône solidement charpenté et très expressif, jugé par eux presque le meilleur de ce soir.

Le Rimauresq Côtes de Provence 2004 nous fait revenir sur des bases solides, car nous sommes dans sa région. Il chante comme les vins du sud, et les citrons confits et l’orange amère qui accompagnent le suprême de volaille mettent en valeur le vin.

Le Rimauresq Côtes de Provence magnum 2008 est meilleur que le 2004. Il est plus précis, plus expressif, plus souriant. J’ai un grand faible pour ce vin que l’on goûte si bien dans sa région.

Vient maintenant mon autre apport dont j’espère qu’il fera un tabac. A l’ouverture son parfum explosif anisé m’avait conquis. Le Penfolds Grange BIN 95 2005 est un vin que j’adore. Résolument moderne, puissant, envahissant, il me conquiert par sa fraîcheur anisée. Alors que mon cœur bat pour les vins anciens, on est ici dans le contraire. Le vin est conquérant, propulsant un fruit noir et lourd qui envahit et possède le palais. Mais la fraîcheur de menthol et d’aneth est une telle merveille que je succombe. Une convive présente ne cessera d’éreinter ce vin, disant qu’il est trop travaillé, trop boisé, trop tout. J’aurais peut-être eu la même analyse il y a plus de dix ans, quand je refusais les tendances modernes. De l’eau a coulé sous les ponts et mon palais s’est ouvert à d’autres horizons. Le lendemain matin ma bascule et mon professeur de tennis semblaient ligués contre moi. Mais comment regretter une si belle soirée d’été.

L’Arpège du 18 juin – icônes et surprises mardi, 19 juin 2012

En ce jour, pensant à Charles de Gaulle, j’ai envie d’intituler ce compte-rendu : « l’Arpège du 18 juin« . Nous sommes huit pour un repas d’amis à apports partagés. Cinq sur huit étaient du dîner mémorable chez Michel Rostang illuminé par un Hermitage La Chapelle 1961 éblouissant.

Notre groupe est cosmopolite : Patrick est irlandais et travaille dans le commerce du vin, Amin possède à Madagascar des fermes aquacoles, Iqbal est un avocat mauricien, Freddy est restaurateur aux tendances vietnamiennes, Eric est un trader qui gère son patrimoine, Frédéric est aussi dans le commerce du vin. Jean-Pierre et moi sommes retraités. L’ambiance est joyeuse, amicale, souriante et partageuse.

Je suis venu dès 17h30 ouvrir les vins du dîner et les deux vins du Rhône de 1978, bien que de deux caves différentes, m’ont donné le même souci : bouchons très secs collés aux parois, qu’il est impossible d’extirper sans les briser en morceaux. Aucune odeur n’est suspecte. Certains parfums sont discrets. La couleur du 1973 est un signe possible de madérisation. Avec douze bouteilles pour huit convives, nous ne manquerons de rien.

Lorsque j’ai senti le Haut-Brion 1943, j’ai pensé qu’il serait dommage de l’associer à un fromage. Je m’en suis ouvert à Alain Passard qui a donné son accord pour un ris de veau de plus que celui prévu au menu, et Gaylord, fort astucieusement, a fait passer le Bâtard 1973 à cette place, pour trouver un accord brillant avec le gruyère.

Le menu conçu par Alain Passard : Tartelettes potagères (apéritif) / L’Œuf à la coque aux quatre épices / Fines ravioles potagères consommé végétal / Homard des Iles Chausey en aigre-doux miel du jardin / Asperges et couteaux à la verticale (comme ils ne sont pas venus, les couteaux ont été remplacés par des salicornes) / Turbot de la pointe de Bretagne grillé entier au savagnin / Robe des champs multicolores fine semoule à l’huile d’argan / Volaille du Haut Maine au foin / ris de veau (ajouté) juste poêlé / Ris de veau à la fève de tonka / Canard grillé entier au thé rohibos / Fromage / Tarte aux pommes bouquet de roses caramel lacté.

Le Champagne Salon 1997, comme je l’avais annoncé, est là pour se préparer la bouche au festin. Je le trouve très vert. Son vin est puissant et structuré, mais il lui manque quelques années pour trouver le charme et la plénitude d’un grand Salon.

Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1986 a un nez d’une complexité et d’un raffinement extrêmes. Le vin évoque les cèpes et la pâtisserie, mais est marqué par une empreinte florale très suggestive. Ce n’est que plus tard qu’apparaît le citron vert. Puis le champagne revient aux évocations gourmandes de pâtisserie. Pendant toute la dégustation, on ressent que l’on est face à un extra-terrestre de grandeur pure. C’est un immense champagne. Alors que 1986 n’est pas une très grande année de champagne, en le buvant, j’ai du mal à imaginer qu’on puisse boire quelque chose de plus grand. L’œuf, qui est une institution de l’Arpège, n’est pas le meilleur camarade du Krug pourtant très flexible.

Le Pouilly Fuissé Cuvée Vieilles Vignes Daniel Barraud 1989 est une remarquable surprise. Son nez est opulent et sa mâche, sa plénitude sont la marque d’un grand vin. Freddy voulait nous faire découvrir de belle surprises. Ce vin en est une de première grandeur. Les ravioles aux herbes et légumes, sur un consommé à se damner créent un plat de haute gastronomie et le Pouilly est épanoui par le consommé.

Le Meursault Perrières J.F. Coche-Dury 2002 est une bombe olfactive. Il sent le soufre. Son goût Coche-Dury se reconnaît instantanément. Il trace sa route gustative à la hache, envahit les papilles et les terrasse. C’est un vin de grand calibre, mais beaucoup trop jeune.

Voir apparaître le Château Haut Brion blanc 1990 après la bombe bourguignonne, n’est-ce pas un assassinat annoncé ? Pas du tout. Le bordelais marque son territoire. Il ne trompette pas, il convainc. Sa complexité est immense, avec une acidité citronnée bien mesurée, et une longueur extrême. C’est un vin très complexe qui ne passe pas en force, il persuade. Quelques années de plus lui feraient du bien. Les asperges ne l’aident pas beaucoup.

Le Puligny-Montrachet Les Combettes Domaine Etienne Sauzet 1986 a une couleur un peu ambrée. Il a une sécheresse que l’on trouve généralement dans les vins bouchonnés, mais ce n’était pas détectable au nez. Et le goût de bouchon s’impose de plus en plus. On sent que derrière ce goût il y a une grande matière. Mais le plaisir n’est pas au rendez-vous.

Le Domaine de Trévallon Coteaux des Baux en Provence J. Dürrbach 1983 est un vin gigantesque. A l’ouverture, il m’avait impressionné par son parfum intense. En bouche, c’est la même intensité. Il est envahissant, conquérant, avec une force de fruits difficilement soupçonnable. On reconnait un vin du sud, parce qu’on le sait, mais il est sûr qu’à l’aveugle, on ne citerait pas un vin des Baux de Provence. Il a la force, le charme convaincant, un fruit rouge épicé, du poivron, et se situe délibérément dans les grands vins. Le couscous de légumes d’Alain Passard est un plat exceptionnel, le plus grand du repas, et excite merveilleusement le Trévallon.

Le Royal Kébir Frederic Lung 1945 me fait un plaisir immense. Depuis plus de trente ans j’apprécie ces vins algériens nobles. Celui-ci est ramassé, carré, au message direct, avec une profondeur extrême. Sa solidité est imposante. Il fait rêver à tous les bourgognes que ses congénères ont fortifiés. C’est un régal.

Oui, mais voilà, quand on prend contact avec le Château Haut Brion 1943, le silence se fait. D’abord, c’est la couleur, d’un sang de pigeon vivace. Puis le nez, noble. Enfin en bouche, c’est un festival d’élégance et de complexité. J’ai bien fait de le marier à un ris de veau délicat, qui met en valeur la finesse de sa trame. Toute la table est excitée, car on sent que l’on tient le vainqueur. L’âge est à peine visible, la sérénité est exemplaire, la classe de ce vin est exceptionnelle. Il y a évidemment des années de Haut-Brion qui sont plus grandes. Mais avec ce volume mesuré, le vin est encore plus convaincant.

Le Vega Sicilia Unico 1986, pour moi, c’est un petit bonheur. Car il est d’une immense intensité et récite le fenouil, le céleri et la menthe pour donner dans son final infini une fraîcheur inégalable. Je l’ai sans doute plus aimé que mes compères, qui eux, ont plus vibré sur le Haut-Brion 1943.

L’Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1978 est manifestement un grand vin du Rhône, puissant, charnu, mais il lui manque quelque chose. J’ai bu assez souvent ce 1978, année encensée pour le vin de Jaboulet. Mais j’avoue rester un peu sur ma faim. Car le 1961 est un mythe incontestable, mais ce 1978 n’en est pas un. Il est bon, bien sûr, franc, direct. Mais il n’est une icône, contrairement au vin servi en même temps que lui.

La Côte Rôtie La Landonne Guigal 1978 ne peut s’accueillir qu’avec des courbettes er l’expression d’un total respect. Quel vin inimitable ! Ce qui est surprenant, c’est que le mot qui s’impose, c’est « grâce ». Ce vin est aérien. Bien sûr, il a une forte empreinte, mais il glisse en bouche comme le mouchoir négligemment jeté par une belle glisse dans les airs. Je suis conquis, inutile de le dire. Il est difficile de comparer avec La Mouline 1978 puisqu’il faut faire appel à mon souvenir, mais il est probable que cette Landonne est encore plus délicate que la mythique Mouline 1978.

Le Bâtard-Montrachet Delagrange Bachelet 1973 est très ambré. Il est devenu très oxydatif, et c’est le délicieux gruyère qui le sauve, provoquant un accord pertinent et joyeux.

Le Château Suduiraut 1928 est certainement l’un des plus grands sauternes qu’il m’ait été donné de boire. Celui-ci en a les promesses, mais il joue nettement en dedans par rapport à la flamboyance qu’il peut avoir. On a bien sûr la mangue et le caramel, mais sans la vibration rare qu’il pourrait avoir.

On pourrait classer les vins en plusieurs niveaux.

Le niveau 1 serait Château Haut Brion 1943, Côte Rôtie La Landonne Guigal 1978 et Champagne Krug Clos du Mesnil 1986, dans l’ordre de préférence de mes amis. Mon ordre serait différent, car j’ai déjà bu de plus grands Haut-Brion : Côte Rôtie La Landonne Guigal 1978, Champagne Krug Clos du Mesnil 1986 et Château Haut Brion 1943.

Le niveau 2 serait Trévallon 1983, Royal Kébir Frederic Lung 1945, Vega Sicilia Unico 1986, Château Haut Brion blanc 1990, des vins au sommet de leur art.

Le niveau 3 serait Pouilly Fuissé Daniel Barraud 1989, Meursault Perrières J.F. Coche-Dury 2002, Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1978 et Château Suduiraut 1928, qui n’ont pas démérité, mais soit sont trop jeunes, soit n’atteignent pas leur sommet.

Le niveau général des vins est impressionnant et justifie que nous recommencions. Alain Passard a fait une cuisine d’un niveau très relevé avec deux perles, le couscous de légumes et le consommé et raviolis. Charlotte a joué le jeu en nous expliquant les plats en deux langues. Nous avons passé une magnifique soirée sous le signe du partage et de l’amitié.

Champagne Salon 1997

Champagne Krug Clos du Mesnil 1986

Pouilly Fuissé Cuvée Vieilles Vignes Daniel Barraud 1989

Meursault Perrières J.F. Coche-Dury 2002

Château Haut Brion blanc 1990

Puligny-Montrachet Les Combettes Domaine Etienne Sauzet 1986

Domaine de Trévallon Coteaux des Baux en Provence J. Dürrbach 1983

Royal Kébir Frederic Lung 1945

Château Haut-Brion 1943 (la capsule m’avait fait un peu peur, comme si elle avait été enlevée puis remise, du fait de ses pliures. Il n’en était rien).

Vega Sicilia Unico 1986

Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1978

Côte Rôtie La Landonne Guigal 1978

Bâtard-Montrachet Delagrange Bachelet 1973

Château Suduiraut 1928

photos de groupe (on remarque les superbes niveaux)

les plats

l’Opinel ne se mange pas. On l’utilise tout au long du repas, et il est offert en fin de repas.

déjeuner au restaurant Aamanns dimanche, 17 juin 2012

Le lendemain, notre groupe se réduit encore. Nous sommes cinq à déjeuner au restaurant Aamanns, spécialisé dans les smørrebrods. Je prends un sandwich au hareng au curry et à la moutarde, puis un tartare à l’estragon, câpres, oignons et autres herbes, et un sandwich aux pommes de terre nouvelles, mayonnaise, radis et fromages fumés. Après une bière, un schnaps au fenouil accompagne une tarte à la rhubarbe et un sorbet à la vanille. Ce restaurant est simple mais sympathique, avec des harengs goûteux.

Ce séjour danois montre le foisonnement culinaire d’une ville où il fait bon vivre.

le verre de schnaps