Archives de catégorie : dîners ou repas privés

dîner au restaurant Søllerød Kro à Copenhague dimanche, 17 juin 2012

Guillaume nous quitte et nous nous rendons à travers des routes forestières dans une jolie ferme aux toits de chaume, dont la décoration intérieure est de grand raffinement. C’est le restaurant Søllerød Kro. Kristoffer, qui avait raté Noma hier, nous a précédés et a apporté deux vins.

Nous commençons à boire un Champagne Grande Cuvée magnum Krug dont l’étiquette dorée correspond à une période d’embouteillage comprise entre 1995 et 2005. Ce champagne peut donc avoir une quinzaine d’années. Le parfum de ce champagne est exceptionnel, envoûtant. En bouche, c’est la classe absolue et l’on comprend pourquoi Olivier Krug dit que la Grande Cuvée est l’âme de Krug, car le goût est magnifique et la longueur infinie. C’est très probablement un des plus grands Krug que j’aie jamais bu. Il a créé sur l’huître mais surtout le caviar d’Aquitaine un accord vibrant.

Nous prenons le menu prestige, dont un ami fidèle a essayé de reconstituer les composantes, avec : Huitre de Marennes, sorbet au céleri, morceaux de pomme granny-smith, vinaigre de raifort et pomme / Pana cota, asperge, langoustine et caviar de Gironde / Homard bleu, concombre, petits pois glacés, pousses de petits pois, mayonnaise aneth et oseille / Saint-Jacques de Norvège rôties, pomme de terre nouvelles et fenouil, patates bleues croustillantes et crème de moules fumées, morilles, sauce à l’huile d’aneth / Asperge grillée, lotte rôtie, feuilles de capucines parmesan truffe d’été, beurre brun, fond de sauce volaille / Foie gras poêlé, poitrine de pigeon sèche, petits oignons, sauce beurre d’amande, purée d’oignons / Chevreuil d’été poêlé, moelle fumée, asperges vertes, morilles et herbes / Fraises danoises, fumet de camomille, sorbet au thé / compote de rhubarbe, gelé de yogourt, citron et chocolat blanc, petit financier et beurre brun / Sorbet et macaron chocolat passion crémeux et mousse chocolat. Après Noma, le contraste est très intéressant. Car ici, tout est gourmand, joyeux, gastronomique.

L’Y d’Yquem 1972 sent la cire, le miel. En bouche il évoque le caramel de façon discrète et a parfois des notes d’armagnac. Ce vin mature est délicieux et crée avec la lotte un accord parfait.

Le Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau 2007 est un vin d’un grand raffinement. Il est déjà prêt à boire. Son élégance est ravissante. Sur la sauce du plat au foie gras, il atteint des sommets.

Le Grands Echézeaux Paul Bouchard 1971 est follement bourguignon. Il est typé au possible. On peut reconnaître le sel et la rose, qui signent les bourgognes anciens de forte personnalité, sur une structure manquant un peu d’étoffe. Mais le vin est extrêmement plaisant et la chair du chevreuil lui va bien.

Le Fonseca Guimaraens Porto vintage 1978 est d’une grande légèreté. Il glisse en bouche et le mariage avec le dessert au chocolat est d’une rare gourmandise. L’incontestable phare de ce dîner est le Krug Grande Cuvée, d’une perfection incroyable. L’ambiance de ce restaurant est très sympathique et chaleureuse. Ce restaurant est une étape à ne pas manquer lorsque l’on est à Copenhague.

bar à vin Ved Stranden à Copenhague dimanche, 17 juin 2012

Mon gendre doit partir en Australie, aussi ne pourra-t-il pas se joindre à nous au restaurant Søllerød Kro. Alors, pour que nous nous quittions autour d’un verre de plus, nous nous rendons au bar à vin Ved Stranden, Vinhandel & Bar. Au coin d’une rue, au rez-de-chaussée d’un immeuble, ce lieu est d’une décoration raffinée, comme celle d’un appartement privé, et la pièce de réception qui fait aussi comptoir ressemble à l’échoppe d’une pharmacie.

Jean-Philippe m’avait indiqué le champagne à commander : le Champagne Georges Laval Cumières Premier cru Brut sans année. Je ne sais pas ce qui conduit Jean-Philippe à ce choix, car le champagne est dur, strict, extrêmement sec et sans concession. Nous sommes assis dans un petit salon charmant et qui voyons-nous ? Mats, le sommelier qui nous a servis hier au Noma, qui fait des extras dans cette boutique. Nous bavardons en commentant la soirée d’hier, et pendant que nous parlons, je remarque que beaucoup des vins que nous avons choisis hier se trouvent aussi sur les étagères de ce bar à vin. Et nous avons constaté que tous ces restaurants et lieux de dégustation se connaissent et ne sont pas en compétition, au contraire. Ils promeuvent un style gastronomique danois fait de recherche de pureté, tant au niveau des plats que des vins.

la surprise de retrouver Mats de Noma !

déjeuner au restaurant Manfred à Copenhague samedi, 16 juin 2012

Le temps à Copenhague est incertain. La météo locale prévoyant des pluies, nous changeons notre programme du lendemain de Noma pour aller au restaurant Manfred, sur les conseils d’un ami suédois de Jean-Philippe. A notre grand étonnement, ce restaurant est juste en face du restaurant Relae qui avait marqué la première étape gastronomique de notre voyage de 2011. Nous apprendrons peu après que ces deux restaurants ont les mêmes propriétaires.

Ici, c’est la chasse gardée du vin bio, du vin nature, des « terroiristes ». Par une insolente contradiction de la nature, il fait un soleil de plomb. Nous déjeunons sur le trottoir en plein soleil. Dans cette rue passent les innombrables vélos et tricycles, la population est très jeune et le nombre de femmes enceintes et de mères de jeunes enfants est impressionnant. Nous prenons la formule suggérée à la carte où rien n’est décrit.

Assiette de fenouil mariné, assiette de crudités, salade de concombre et de tranches de poisson cru, délicieux tartare et verdure, œuf poché et graines épicées, pommes de terre et lardons, asperges et herbes, mousse au chocolat. On sent l’énorme influence de Noma et de René Redzepi sur tous les restaurants de la ville. Il n’est question que d’herbes, de nature, de légèreté de tous les plats. Alors que l’endroit ne paie pas de mine, tout ce que nous mangeons est goûteux, précis, engageant, et l’on ressort frais, en ayant bien mangé. Je me suis régalé.

Un Champagne Larmandier-Bernier 2005 est hélas bouchonné aussi commandons-nous un Champagne L’Apôtre Blanc de Blancs extra brut David Léclapart sans année très agréable, fluide, pur et bon compagnon de gastronomie. C’est de la belle ouvrage.

ici, c’est le paradis des vins « hors piste », comme le montrent ces étiquettes de vins que l’on peut acheter.

ceux que nous avons bus

même ici, on voit l’école danoise qui fait multiplier les plats, même dans une petite maison. Ici, c’est gourmand !

dîner au restaurant Noma à Copenhague samedi, 16 juin 2012

C’est par Kristoffer que nous avions pu l’an dernier disposer de la magnifique table du premier étage du restaurant Noma. A cet étage, il n’y a qu’une vaste cuisine et une pièce donnant sur l’eau avec une seule table. Nous aurons cette même table privilégiée. Il était donc légitime de demander à Kristoffer de se joindre à notre groupe de sept. Alors que je suis en pleine sieste Kristoffer m’appelle et me demande si nous sommes prêts pour demain. Je lui réponds :  » ce n’est pas demain mais ce soir ». Kristoffer a fait une fâcheuse méprise. Nous serons sept seulement.

Le taxi nous dépose sur le quai devant un immense entrepôt qui a stocké jadis de la graisse de baleine. Mats nous attend sur le seuil et, selon le rite, nous conduit à travers les cuisines du rez-de-chaussée puis au dehors pour rejoindre l’escalier qui monte au premier. Toute l’équipe nous salue et je suis une fois de plus impressionné par les larges sourires de toute l’équipe. René Redzepi est lui aussi tout sourire et nous salue chaleureusement. Il n’a pas 35 ans et a constitué une équipe qui compte 26 cuisiniers et 37 stagiaires d’une vingtaine de nationalités. L’un des chefs, irlandais, nous dira plusieurs fois avec insistance qu’il regrette qu’aucun stagiaire français n’ait envoyé de lettre de candidature. Notre pays n’a jamais été représenté dans la plus ingénieuse cuisine du monde.

Au premier étage, le service sera assuré par Mats, dont la connaissance des vins est impressionnante, et par Kro, une jeune danoise rousse souriante et très concernée . Dans les conditions d’inscription à cette fameuse table, il est dit qu’il faut assurer un minimum de recette au restaurant, et l’absence de Kristoffer pourrait poser problème. Pour atteindre ce quota, on demande une pré-réservation des vins. C’est assez surprenant. Nous avions soumis notre copie il y a quelques jours. On aimerait un peu plus de décontraction dans l’approche financière des inscriptions.

Le menu est toujours d’une folle imagination et d’une exécution remarquable. Les cuissons sont divines, comme celle de la langoustine, et les goûts sont forts comme celui des délicieux petits pois. J’ai été fortement décontenancé, troublé, voire agacé parce que les treize amuse-bouche se sont succédé en un rythme effréné : tous servis en vingt minutes. Alors, on ne sait jamais où l’on en est d’autant que les explications en anglais ne sont pas toujours faciles à comprendre. Ce n’est qu’après la pause qui suit ces treize services que le repas – à notre demande – a repris un rythme acceptable.

Il y a dans cette cuisine un souci louable de perfection. Les horaires de cueillette des plantes locales ou des herbes de plage sont choisis : certains stagiaires se lèvent à trois heures du matin pour cueillir des plantes au réveil, d’autres sont cueillies quelques minutes avant le service. Le crabe est cuit juste en début de repas. Le pain fume encore quand on s’en saisit, car il est fait à la dernière seconde. La recherche de la perfection est permanente. Des plats sont les mêmes que l’an dernier et d’autres sont des nouveautés. Mais à la fin, je ressens comme un manque. La gamme de goûts explorés est quasiment toujours la même : on veut du naturel, de l’authentique, du local, et la pureté prime sur le goût. De temps à autre, on aimerait du gourmand, du charnu, et sortir d’une palette aromatique somme toute assez limitée. Alors, l’impression d’avoir fait le tour du monde de René Redzepi apparaît, et c’est un peu dommage. Car ce chef a un tel talent qu’on aimerait le voir explorer des voies complémentaires où le plaisir compte autant que l’authenticité. Pour l’instant l’envie de revenir une troisième fois ne s’impose pas. Mais René est si jeune et si inventif que l’envie nous reprendra un jour, si l’on apprend qu’il explore d’autres pistes. C’est mon souhait le plus cher.

C’est un ami qui a consciencieusement noté le menu, mêlant le français et l’anglais au fil des explications. J’ai laissé son texte « dans son jus » spontané. La succession des plats est impressionnante : Croustillant Malt flower and Mousse / Mushroom reinder dusted with cepes / fresh pork skin and a thin slice of black current / Cookie fromages suedois herbes ciselees coriander / Sandwich crispy potatoes black trumpet roasted chicken liver mushroom on top / Blue muscle top shell remoulade danish pickle celery / Foie de morue caramelised milk chips / Sandwich crispy rye bread lump fish peau poulet grille fromage danois / Oeuf de caille pickled and fumé / Radis et jeunes carottes terre chicorée mangeable goat milk yogurt and grass / Beignet pickled cucumber poisson finlandais / Fibres de veau crème fraiche sea weed powder /Peau de morue vinegar powder surnageant de gras de canard / Butter de Suède arrêté avant totale séparation petit lait /Saindoux oignons, pain maison /Petits pois purée épinard thé camomille miso a partir de pois jaune fermentés et herbes de la plage (coriandre) verveine citronnée / Crabe de Norvège gelée de raifort feuille capucine jaune œuf 68 degrés thé verveine purée persil / Tartare organic Danish tenderloin horseradish graine de moutarde genièvre oignons tarragone oxalis / Langoustine Norvège émulsion huitre persil /Poudre d’algue séchée un an / Pétales d’oignons rôtis et cuits sous vide avec beurre green strawberries et pur jus huile de thym / Pike perch sandre verveine and spinach sauce cooked in cabbage leaf au barbecue herbes de la plage nappage sauce aux arêtes / Sélection de légumes au vinaigre carotte miel betterave rose choux rave sauce moelle estragon beurre noisette oxalis /ris de veau sauce cèpes danois groundelder fleur sureau oseille branche turnip / Rhubarbe lait huile de genièvre vert fromage caramélisé de Norvège oxalis / Poire grillée au barbecue herbes et fleurs poire fraiche parfait épines avec genièvre réduction poire thym beurre salé verveine citronnée. Quel voyage au pays des saveurs !

Le Champagne la Colline inspirée extra brut blanc de blancs magnum Jacques Lassaigne sans année est un très grand champagne, profond, pur, de très grande longueur. De plus, il est adaptatif, prenant de la vigueur sur beaucoup d’amuse-bouche.

Le Champagne Les Beaux Regards chardonnay Béréche et Fils brut nature blanc de blancs dégorgé en octobre 2010 sur une base de 2007 est très dur, rêche, mais de grande personnalité. Il se réveille fort à propos sur le délicieux plat de petits pois, un des meilleurs du repas. Il est un peu acide mais il crée un accord splendide sur le crabe.

Le Champagne Les Papilles Insolites Blanc de noirs Jacques Lassaigne sans année est d’une approche très originale. Il est splendide avec le tartare goûteux à souhait formant un accord mémorable. Il est très sec, original et de belle personnalité.

Le Muster Erde vin d’Autriche 2007 servi en bouteille de terre cuite est très troublant. Il est moins brillant que le même bu à la propriété il y a une semaine. Sa couleur est presque orange, son nez est superbe. En bouche on sent de fortes épices, de la pêche, du laurier fumé, créant un bel accord sur le thym et l’oignon. Il est très sec, oxydatif, un peu rêche. Il revit avec le sandre, devenant profond avec la chair de poisson. Il est assez troublant tant il est inhabituel.

Il sert de faire valoir à l’Arbois Pupillin Maison Overnoy Chardonnay 2007 lui aussi très oxydatif mais beaucoup plus charmant, qu’on ne situerait jamais dans le Jura. Il se boit bien, avec gourmandise. C’est un vin de grande profondeur.

Le Chateauneuf-du-Pape Réserve des Célestins Henri Bonneau 2001 est un vin que j’adore, droit, puissant, gouleyant, à la belle fraîcheur mentholée. Il capte le fumé du ris de veau, pour se l’approprier. Ce sera mon vin préféré de la soirée.

La Bulle Gamay, vin mousseux aromatique de qualité maison P.U.R est intitulé « mon produit de beauté » sur l’étiquette où l’on voit une belle qui s’ébat dans une baignoire de ce breuvage anecdotique, que j’aurais du mal à considérer comme du vin, cadeau d’essai de Mats, essai non transformé pour moi.

Le Riesling Vom Horn Mosel Prädikatswein 2009 malgré sa jeunesse est pertinent. C’est le type même du vin allemand de plaisir, bien adapté à la poire et au genièvre.

Avant le dessert, nous sommes allés dans la cuisine du premier étage où une quinzaine de stagiaires épluchent, classent et préparent des composantes de plats. On me montre un cageot où glissent une myriade d’escargots. Nous nous rendons dans une pièce que je ne connaissais pas, qui est à la fois réfectoire des stagiaires, bureau des chefs, laboratoire et lieu de maturation de certaines plantes ou épices. L’un des chefs montre une assiette sur laquelle se promènent lentement, comme anesthésiées, des fourmis vivantes. Il en prend avec une pince à épiler et nous les tend. Qui eût dit qu’un jour je croquerais une fourmi vivante ?

Noma ne peut pas laisser indifférent car il y règne une créativité impressionnante. Des plats font déjà partie de l’histoire de la cuisine. Nous attendrons quelques années avant de revenir dans ce temple de la cuisine créative. Longue vie au talent de René Redzepi.

le cadre

notre table

un tableau posé au sol représente l’atmosphère de la cuisine

Champagne la Colline inspirée extra brut blanc de blancs magnum Jacques Lassaigne ss A

Champagne Les Beaux Regards chardonnay Béréche et Fils brut nature blanc de blancs ss A

Champagne Les Papilles Insolites Blanc de noirs Jacques Lassaigne ss A

Muster Erde vin d’Autriche 2007, en bouteille de terre, bue aussi il y a une semaine lors de ma visite au domaine en Autriche

Arbois Pupillin Maison Overnoy Chardonnay 2007

Chateauneuf-du-Pape Réserve des Célestins Henri Bonneau 2001

La Bulle Gamay, vin mousseux aromatique de qualité maison P.U.R ss A « mon produit de beauté » !!!

Riesling Vom Horn Mosel Prädikatswein 2009

les plats

à ce stade du repas, nous faisons une pause à notre étage, pour rencontrer les stagiaires et cuisiniers, et voir la grande salle qui fait réfectoire, mais aussi lieu de recherche. Ici des stagiaires et le chef qui a accompagné notre repas

Mats, le sommelier et serveur qui a accompagné notre voyage. Le chef explique des recettes à notre groupe

la salle du personnel, multi-usages

et dire que j’ai mangé une fourmi !!!!

le repas reprend

toutes ces photos montrent bien l’esprit Noma, d’exploration de goûts. Avec cette succession de plats, on est attentif à des saveurs. Mais on n’est jamais dans une mouvance gourmande. Une cuisine intellectualisée, aux cuissons parfaites, aux goûts purs, sans la sensualité du bon vivant.

Restaurant Kiin-Kiin et restaurant Radio à Copenhague samedi, 16 juin 2012

Nous avions tellement été enthousiasmés il y a un an par le voyage à Copenhague couronné par le dîner à Noma que nous y retournons. Ma femme et moi arrivons un jour avant les autres par un froid très inhabituel pour un mois de juin. L’hôtel Admiral est un ancien entrepôt du port de Copenhague, étroit et de grande hauteur, dont la charpente est faite de lourdes poutres consolidées d’armatures métalliques. Le confort est spartiate, ce qui est étonnant dans ce pays. Nous grignotons un agréable déjeuner sur une terrasse au bord de l’eau et des radiateurs infrarouges aériens réchauffent notre zone. Les harengs sont délicieux et les fromages danois fort affinés.

C’est Jean-Philippe qui s’est occupé de nous retenir pour le dîner une table au Kiin- Kiin restaurant thaï doté d’une étoile au guide Michelin. Je ne sais pas ce que Jean-Philippe a pu dire à Henrik, le sympathique propriétaire du lieu qui nous accueille, mais c’est comme si nous étions des réincarnations de Bouddha. Une déférence comme la sienne pourrait faire sourire. En fait c’est Laurent, un belge vivant à Copenhague que je connais et que nous avions rencontré l’an dernier qui a permis de réserver une place en cet endroit. La décoration est superbe, raffinée, ce qui est rare, car les restaurants thaïs partagent avec les restaurants de poisson une fâcheuse tendance à avoir des idées très personnelles du bon goût.

Comme c’est la tendance maintenant, nous sommes embarqués dans un menu unique, avec une multitude de plats : lobster-based Tom Yum Limfjord oysters / Spicy squid salad with glass noodle / Frozen Tom Kha with pickled mushrooms / poached eggs with green beans and holy basil / snails intermezzo /confit of chicken with green curry and summer peas / Star anise and poppy seeds Pandan leaves pistachio and tapioca / petits fours. C’est un repas de grande cuisine, subtil, délicat, avec un service extrêmement attentionné et une grande élégance. A la fin, nous nous disions que l’on aurait pu faire l’économie de quelques plats, car c’est un voyage long dans lequel nous sommes emmenés.

Le Champagne Fleur de Passion Diebolt Vallois 2002, d’une maison que j’aime beaucoup, ayant eu la chance de boire un 1953 exceptionnel, se présente très vert ce qui est étonnant car il a dix ans. Il est bien fait et devient plaisant au cours du repas quand il s’étoffe. Il redevient vert à la fin du repas, quand aucune nourriture ne lui permet de s’arrondir.

Alors que nous attendions le reste de la troupe pour le déjeuner, Jean-Philippe nous surprend au petit-déjeuner. Nous décidons d’aller à pied au lieu du rendez-vous, mais les routes sont barrées car le premier ministre chinois rend visite au Danemark. Nous trouvons des chemins de traverse et parcourons cette ville agréable, aux voies larges, aux nombreux parcs où le moindre rayon de soleil fait éclore sur la pelouse de jolies jeunes filles comme autant de pâquerettes.

Le restaurant Radio est décoré de façon simple mais de très bon goût. Là aussi, nous allons profiter d’un menu unique composé par le chef, avec une multitude de plats, comme si le standard danois était la double douzaine de bouchées diverses.

Le Champagne Brut Tradition Grand Cru Egly-Ouriet sans année a été dégorgé en janvier 2009 après 42 mois de maturation. Il est plus accueillant que le Diebolt d’hier, fort plaisant sur une cuisine simple, danoise, authentique. On sent que Noma a influencé les restaurants de la ville, car les herbes et salades diverses abondent.

Le Champagne Francis Boulard blanc de blancs vieilles vignes est un pur chardonnay dégorgé en août 2010 et fait de vins de 2006 et 2007. Il est beau comme un blanc de blancs, très pur, de grande personnalité. Il est à noter que les champagnes de ces maisons familiales de champagne se trouvent plus facilement sur les cartes danoises que sur les cartes françaises.

L’accueil de « Radio » est sympathique, la cuisine est authentique er légère. Ce restaurant est agréable, simple et sans recherche particulière. C’est une halte sans souci.

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La chambre de l’hôtel Admiral donne sur un bateau antique et l’Opéra de Copenhague. Quoi de plus calme !

mais si on regarde de plus près, qu’y a-t-il ? L’Euro de football en plein air !!!

la profusion de petits plats est plus de l’école danoise que de l’école thaï

l’Opéra illuminé à notre retour de Kiin Kiin

quelques vues de Copenhague – une exposition de chateaux de sable

dîner à Graz avec Lafleur 1999 vendredi, 8 juin 2012

Gerhard, l’ami autrichien fou de vin, rendu célèbre dans mon modeste microcosme par son plongeon accidentel en plein repas dans la piscine intérieure d’Yvan Roux, parce qu’il était excité d’aller chercher une de ses bouteilles prête à être servie, organise à Graz une dégustation verticale de 41 millésimes de La Romanée Liger-Belair, la plus petite appellation française, mais une des toutes grandes en qualité.

Je prends l’avion à Roissy pour rejoindre Louis-Michel Liger-Belair qui m’attendra à Vienne, pour que nous nous rendions ensemble à Graz en voiture. Prendre l’avion avec 45 minutes de retard parce que le personnel de nettoyage des avions est en sous-effectif est une spécificité particulièrement intéressante d’une France « normale ». Louis Michel Liger-Belair, venu de Lyon, m’accueille à Vienne et nous arrivons sans encombre à notre hôtel à Graz. Il a retenu une table au restaurant Eckstein où nous dînons à l’extérieur, sur la place Mehlplaz, dans une ambiance de plein été. Le tout Graz est de sortie, les terrasses des restaurants et bistrots regorgent de monde, les femmes sont jolies, ça sent l’été.

C’est un ami autrichien de Louis-Michel qui a organisé les vins pour nous. Le premier est un Pichler FX, Grünerveltliner Smaragd Dürnsteiner Kellerberg 2001 qui titre 13,5%. Le nez est très expressif, la robe est d’un jaune à peine doré. En bouche, il y a une impression combinée de sec et de doucereux, une fraîcheur remarquable et un confort certain. Le vin iodle ses complexités. C’est charmant, plaisant et agréable à boire.

Le serveur ajoute un vin au programme conçu par l’ami de Louis-Michel. C’est un Pichler FX Riesling Smaragd Loibner Steinertal 2004. Le vin est intéressant, plus sec, mais contrairement à Louis-Michel, je suis gêné par le côté perlant très prononcé. Le vin s’anime sur les plats, notamment un délicieux jambon fumé sec accompagné d’une soupe au concombre et de beignets de champignons. Le 2004 est très pertinent sur un steak tartare peu épicé, ce qui est important pour l’accord.

La vedette du repas, c’est un Château Lafleur 1999. Respect, comme on dit en banlieue. Ce qui frappe immédiatement, c’est un velours impressionnant. Le vin a une longueur extrême et le velours s’étale pendant tout le parcours en bouche. Les tannins sont forts mais bien contenus. Ce vin a un charme fou et nous avons ri car nous avons eu la même idée au même moment : ce vin a un charme inouï qui ne peut pas être bordelais. Traduisez, sans qu’on le dise, que ce charme est forcément bourguignon. J’exagère, bien sûr.

Le vin est profond, musclé mais galant, et c’est son énorme velours qui séduit nos palais conquis. L’agneau à basse température lui convient parfaitement.

Le service a été épatant Par une belle température estivale nous sommes revenus à l’hôtel à pied, croisant une foule hétéroclite et bigarrée. Graz est une ville qui vit !

déjeuner en Autriche dans une auberge bobo vendredi, 8 juin 2012

Nous nous rendons ensuite dans l’auberge Buschenschank Oberguess, une Buschenschank, selon la loi, n’ayant le droit de vendre que des produits de sa propre production. C’est du local food poussé à l’extrême. Christian Krampl, qui était vigneron et maintenant fait du vin pour son restaurant, a le look du bobo retiré à la campagne. Sa femme et lui sont jeunes et beaux, cools, rustiques à souhait. On grignote une assiette de nourritures variées sur les vins de Christian : Ober Guess Sclossberg Gelber Muskateller 2011, Ober Guess Sclossberg Weissburgunder 2011, Ober Guess Sclossberg Sauvignon blanc 2011. Là encore, c’est dur de se tordre les boyaux, mais on constate l’extrême écart entre des vins bien faits, ceux de Stefan Potzinger, et ceux-ci, franchement peu intéressants du fait de leur élaboration imprécise. Un quatrième vin dont je n’ai pas noté le nom mais de 2009 s’est montré beaucoup plus convaincant. Pourquoi boire des 2011, si les 2009 se boivent mieux ?

dîner de vins anciens au restaurant Schmankerlstub’n Temmer vendredi, 8 juin 2012

Pendant tous nos trajets, nos vins étaient dans les voitures, celles de Gerhard dans une boîte réfrigérée, les miennes dans un sac. Gerhard voulait absolument que les bouteilles soient ouvertes pendant notre casse-croûte rustique. J’ai accepté d’ouvrir les siennes puisqu’il le voulait, mais j’ai conservé les miennes intactes jusqu’à l’arrivée au restaurant Schmankerlstub’n Temmer, situé à une vingtaine de kilomètres au sud de Graz. Monika Temmer est en cuisine et Sepp Temmer son mari nous fera le service des vins. Il est très fier de sa toque au Gault et Millau. Il est très motivé à nous servir les vins au point qu’il se sert aussi de belles portions qu’il avale cul-sec, comme un seul homme.

La cuisine est simple, goûteuse et assez bien adaptée aux vins qui sont l’objet de toute notre attention. Stefan Potzinger et Sepp Muster sont avec nous.

Le Stefan Potzinger Joseph Sauvignon blanc magnum 2006 montre à quel point les années profitent aux vins de Stefan et combien la gastronomie est essentielle pour eux. C’est un vin fruité, direct, chaleureux, sans chichi et bien expressif. C’est comme cela qu’il faut boire ces vins.

Le Clos Sainte Hune Riesling Trimbach 1968 a un niveau bas et une couleur beaucoup trop ambrée. Le nez est celui de vins qui ont viré vers le madère et en bouche, si le goût est très agréable, il est très éloigné de ce que Clos Sainte Hune peut être. Alors on le boit comme une curiosité, avec des notes plaisantes, mais un peu hors sujet.

L’Hermitage blanc Audibert & Delas 1950 a aussi un niveau bas et une couleur beaucoup trop ambrée, mais à l’inverse du riesling, il parle, il est causant, il raconte une histoire. Il ne laisse pas indifférent et il a une râpe fort agréable qui signe un vin d’encore belle vitalité. J’ai beaucoup aimé ce vin.

Le Muster Sauvignon blanc Sgaminegg 1992 va apporter la preuve de ce que disait Gerhard il y a quelques heures. Car il est confronté à un Le Montrachet Dupard Aîné 1991, vin de négoce, beaucoup trop ambré pour son âge, plat, sans la puissance ni la pétulance d’un montrachet. A côté, le Muster est élégant, précis, et c’est surtout sa longueur qui m’impressionne. Il est très frais, comme les vins nobles. Un très grand vin. Il faut se précipiter pour acheter des vins de ce vigneron, tant que les tarifs sont encore doux, du moins sur les années récentes.

Le Vosne Romanée Domaine du Château de Vosne-Romanée 1980 est un vin du domaine Liger-Belair que Gerhard possède. Il est hélas trop bouchonné pour qu’on puisse en saisir les subtilités.

Le Vosne Romanée Saint-Florentin Domaine Grivelet 1955 avait des petites bêtes qui couraient sur le haut de la capsule qui, au fil des ans, avait exsudé une pâte molle. Un bon nettoyage avait éliminé ces parasites. Le vin sent un peu le renfermé, mais en bouche, il est très plaisant, avec une belle esquisse de salinité très bourguignonne. Gerhard s’étonne de sa puissance et l’idée qui vient est celle d’un apport d’une minorité visible dans ce vin. Je le trouve fort agréable.

Viennent maintenant mes deux vins. Est-ce que, selon une tradition solidement établie, je vais les juger les meilleurs du dîner, ce dont nous plaisantons avec Louis-Michel ? Ça paraît bien parti, car le Chateauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1988 est un gaillard sacrément solide. Il est puissant affirmé, avec un velours beaucoup plus guerrier que celui, subtil, du Lafleur 1999 de la veille. Je l’aime beaucoup, et Louis-Michel un peu moins, pour son côté rouleau-compresseur. C’est vrai qu’il passe en force.

Le Vega Sicilia Unico 1965 m’oblige à respecter la tradition de la préférence de mes enfants, car ce vin est superlatif. Sepp Muster est subjugué par sa jeunesse. Ce vin n’a pas d’âge, mais ce qui est le plus confondant, c’est qu’il est d’une fraîcheur mentholée exceptionnelle. Il glisse en bouche en la rafraîchissant. Il ne bougera pas d’un iota pendant sa dégustation.

Le Rheingau Qualitätswein mit Prädikat Erbacher markobrunn Riesling Auslese 1971 a tout le charme des beaux vins allemands et la sérénité de l’année 1971 superbe en Allemagne. Délicieusement liquoreux, avec des complexités successives, je l’aime beaucoup, même s’il n’est pas totalement équilibré dans sa structure. C’est un grand vin.

Le Château d’Arche Lafaurie sauternes 1964 est hélas bouchonné, mais après une bonne dizaine de minutes, il effacera presque complètement l’odeur désagréable. Il restera à peine une amertume rêche. C’est un grand sauternes dont nous n’avons pas pu profiter comme il eût convenu.

Mon classement sera : 1 – Vega Sicilia Unico 1965, 2 – Muster Sauvignon blanc Sgaminegg 1992, 3 – Rheingau Qualitätswein mit Prädikat Erbacher markobrunn Riesling Auslese 1971, 4 – Chateauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1988, 5 – Stefan Potzinger Joseph Sauvignon blanc magnum 2006.

Une telle journée ne pouvait se concevoir qu’en recrachant les vins. Par une belle journée ensoleillée dans des paysages de rêve, nous avons fait la connaissance de deux vignerons sympathiques, dynamiques et compétents. Nous avons dîné avec des vins parfois un peu fatigués, mais comme disait Pierre de Coubertin, l’important c’est de participer et d’ouvrir des vins anciens qui n’attendent que d’être bus. Les cinq que j’ai mis dans mon classement justifient à eux seuls ce beau repas entre amis.

Stefan Potzinger Joseph Sauvignon blanc magnum 2006

Clos Sainte Hune Riesling Trimbach 1968

Hermitage blanc Audibert & Delas 1950

Muster Sauvignon blanc Sgaminegg 1992

Le Montrachet Dupard Aîné 1991

Vosne Romanée Domaine du Château de Vosne-Romanée 1980

Vosne Romanée Saint-Florentin Domaine Grivelet 1955

Chateauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1988

Vega Sicilia Unico 1965

Rheingau Qualitätswein mit Prädikat Erbacher markobrunn Riesling Auslese 1971

Château d’Arche Lafaurie sauternes 1964

les plats

déjeuner au restaurant Laurent mardi, 5 juin 2012

Déjeuner impromptu au restaurant Laurent avec un ami, fidèle de mes dîners. Quand je suggère de commander un vin à Ghislain, il fait : « oh, oui, c’est mon préféré ».

Ce vin, c’est un Hermitage Jean-Louis Chave blanc 2001. Il arrive à une température idéale, ce qui est un plaisir de plus. En lui, tout est grand. Le parfum est fort et expressif. Il un joli fumé et un caractère oxydatif sympathique. C’est surtout son opulence et sa complexité qui me frappent. On peut dire que ce vin est aimablement envahissant, car à aucune gorgée on ne l’oublie : il est là, il occupe le terrain.

Mais il a la gentillesse de laisser le plat jouer aussi. Il est parfait pour accompagner de croquantes asperges vertes et un poisson cuit à la vapeur d’une tendreté extrême.

La cuisine est toujours aussi précise, mais la vedette incontestable, c’est ce vin blanc d’une présence inouïe.

Pommard André Morey 1928 mardi, 29 mai 2012

Préparer une séance de l’académie des vins anciens n’est pas une mince affaire. Nous en sommes à 46 vins dont 19 de ma cave. J’ai toujours envie d’en rajouter. Je me promène dans ma cave à la recherche de bouteilles supplémentaires. Mon œil est attiré par une bouteille au faible niveau. Il s’agit d’un Pommard André Morey 1928. Le bouchon tient à peine et s’est en partie décollé du verre. Le vin vit probablement ses derniers instants. Il n’est pas question de le laisser mourir. Je décide de le rapporter chez moi pour le boire ce soir.

Il fait chaud, le vin est secoué dans la voiture et j’arrive à l’heure du dîner. Tout est réuni pour que l’exercice soit difficile. Le bouchon est enfoncé et je gratte au couteau une poussière grasse. Il faut faire attention de ne pas pousser le bouchon avec la pointe du tirebouchon. Le bouchon se lève. Il est gras et disgracieux. L’intérieur du col est gras et je le nettoie avec mes doigts qui deviennent noirs de graisse. Je sens le vin, m’attendant au pire et, oh surprise, l’odeur est plaisante, évoquant des fruits rouges et noirs frais.

Je verse du vin dans un verre et une peur nouvelle apparaît, car la couleur n’est pas engageante, très foncée. Elle s’améliorera par la suite. L’odeur du vin dans le grand verre à bourgogne est plaisante. Elle donne une impression de charge alcoolique que l’on ne retrouve pas au goût. En bouche je suis surpris, car le vin est plein de charme. Il y a des petits fruits comme des cerises, mais le plus étonnant est l’impression de fraîcheur que donne le vin. Il est vraiment vivant, et c’est sa fraîcheur qui me subjugue, une fraîcheur presque mentholée, sous-tendue par son acidité.

Ce plaisir dure quelques minutes, puis l’acidité prend le dessus, alors que le nez reste galant. Je m’attends à une extinction progressive, mais à ma surprise, du velouté apparaît, qui rend l’acidité plus acceptable. J’imagine alors que le vin pourrait profiter de l’aération. J’attends une heure avant de reprendre la dégustation. Entretemps, le vin a décidé de mourir, le parfum ayant viré vers l’animal, et l’acidité ayant pris le dessus, avec l’apparition d’un vilain goût métallique qui existait mais n’était pas encore apparu. On veut croire aux miracles, mais on ne peut pas lutter contre l’inéluctable.

Comme dirait Sylvie Vartan, « je ne suis pas tout à fait abandonné » par ce vin, car j’ai eu « deux minutes trente cinq de bonheur ».