Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Les vins du dîner à l’Agapè Substance – photos mercredi, 7 septembre 2011

Kristoffer est un ami danois grâce auquel nous avons eu une table privilégiée au restaurant Noma, et qui nous a offert des vins exceptionnels. Notre petit groupe de Noma l’invite à Paris chez un élève de Marc Veyrat.

Nous apporterons tous des vins. Voici les miens

Champagne Pommery 1953 (encore dans son enveloppe plastique)

Château Gazin Pomerol 1953

Château Léoville Poyferré Saint-Julien 1959

Château Guiraud Sauternes 1904

on arrive à lire l’année sur l’étiquette (faut d’beaux yeux, tu sais !)

merveilleux dîner à l’Agapé Substance mercredi, 7 septembre 2011

L’histoire commence à Noma. Notre groupe de fans de Marc Veyrat avait décidé d’aller explorer la cuisine de Noma et c’est Kristoffer, un ami danois, qui, non seulement nous avait obtenu « la » table V.I.P. de ce restaurant, mais avait fourni sans nous prévenir tous les vins, plus grands les uns que les autres. Il fallait une réciproque à cette extrême générosité et sur une idée de Jean-Philippe, nous nous sommes retrouvés à l’Agapé Substance, dirigé par David Toutain et Laurent Lapaire, le premier ayant travaillé en cuisine aux côtés de Marc Veyrat pendant cinq ans, et l’autre ayant fondé l’Agapé il y a quelques années.

Le clin d’œil est évident : faire ressurgir des souvenirs de l’ère Veyrat et faire un pont avec la cuisine d’avant-garde de René Redzepi à Noma.

Dans le quartier très vivant du 6ème arrondissement, le restaurant Agapé Substance occupe une minuscule salle toute en longueur, que des miroirs qui couvrent tous les murs tentent de rendre plus grande qu’elle n’est. La table d’hôtes centrale prolonge le plan de travail du chef et de son équipe. On peut donc admirer, si l’on est placé dans le bon angle, le travail créatif du chef David, fondé sur l’exploitation de douze produits de base, cuisinés à sa façon. C’est Jean-Philippe qui a eu le contact avec le chef pour ajuster les recettes aux qualités de nos vins, et l’on peut tirer un grand coup de chapeau aux deux, car nous avons vécu un dîner d’anthologie, fondé sur le talent inné d’un grand chef et la sensibilité unique de Jean-Philippe qui sait trouver la colonne vertébrale de chaque vin pour créer des merveilles d’accords.

J’arrive à 18 heures pour ouvrir les bouteilles présentes, et je reconnais Laurent Lapaire ainsi que Guillaume, sommelier ami de Tomo avec lequel nous avions partagé un dîner coréen avant les vacances. J’ouvre les bouteilles sans trop de problèmes sauf pour le Guiraud 1904, le bouchon tombant dans la bouteille à peine l’ai-je touché. C’est dans une hideuse carafe aux suggestions phalliques que j’ai transvasé le précieux breuvage de 107 ans. Pendant cette opération je me sentais handicapé par un rhume carabiné qui n’a pas altéré mon goût mais a bloqué complètement mon nez.

Tomo arrive très tôt et ouvre une demi-bouteille de Champagne Krug rosé sans année. L’attention est amicale mais Krug est moins bien inspiré pour ses rosés que pour ses blancs, du moins pour mon palais. Les ouvertures étant faites, avec Tomo nous allons nous promener dans ce beau quartier où un belle jeunesse parisienne profite de la fin de l’été aux terrasses de nombreux cafés.

Lorsque les amis sont tous là, nous commençons par un Champagne Le Cotet extra-brut blanc de blancs Jacques Lassaigne à Montgueux sans année. Ce champagne bien dessiné et précis, joli blanc de blancs, se boit avec plaisir. C’est une mise en bouche.

Le menu conçu par David Toutain est : Berce / Huître – Pain grillé / Tourteau – Consommé de crevettes grises – Condiment Pamplemousse / Oeuf – Verveine – Amande fraîche / Lotte – Risotto d’épeautre à la reine des prés – Sauce à la fève Tonka / Carotte – Galanga / Haricot vert – Saumon fumé – Miso rouge / Merlan – Purée de patates douces à la vanille – Sauce aux feuilles de citronnier / Merlan – Purée de patates douces à la vanille – Sauce aux feuilles de citronnier / Abats / Pintade – Sauce chocolat blanc – Miso blanc / Veau – Croûte d’olives noires – Purée d’aubergines brûlées / Pigeon / Poire – Caramel – Glace à la poire et beurre salé / Mangue – Pamplemousse – Glace Gianduja.

Ce sont quatorze plats d’une grande émotion qui nous ont fait briller les yeux et excité nos papilles.

Sur les trois premiers plats nous avons Champagne Krug 1979 et Champagne Bollinger RD 1979. Selon les saveurs, c’est tantôt le Krug, tantôt le Bollinger qui vibre le mieux. Le match fut donc égal au niveau des accords. Mais en goût pur, le match est inégal. Le Bollinger dégorgé en 1991 est un grand champagne, et ayant le souvenir de la verticale récente de treize millésimes de Bollinger R.D., je place cet exemplaire à dégorgement ancien dans le haut de la hiérarchie. Mais le Krug qui montre des signes de forte maturité tout en conservant sa jeunesse est irréellement bon. Il a déjà toute la complexité insaisissable des champagnes anciens, avec des variations sur les fruits jaunes frais et confits, et brille aussi par une vivacité exemplaire. C’est un immense champagne.

Il aurait pu prétendre au titre mais voilà qu’arrive, dès les quarts de finale, un concurrent qui le terrasse : le Champagne Pommery Brut 1953. Ce champagne, naturellement vêtu du costume des champagnes anciens est diabolique. Il est insaisissable, kaléidoscopique, d’une complexité absolue. Il est riche, joyeux, et ce que j’aime, c’est qu’il surprend à chaque gorgée. C’est tout naturellement qu’il capte chaque arôme de l’œuf et de la lotte pour y trouver une tension supplémentaire. Nous sommes sur un petit nuage fait de corbeilles de tous les fruits jaunes et rouges.

Le Château Laville Haut-Brion 1982 a la couleur d’un jaune vert d’un vin de l’année. Son nez (pour ceux qui peuvent le saisir) est d’une puissance absolue. C’est un très grand Laville, puissant, fruité, aux agrumes verts, et d’une longueur extrême. A côté de lui, le Corton-Charlemagne Bonneau du Martray 1978 me fait pousser un « wow ». C’est probablement l’un des tout meilleurs Corton-Charlemagne Bonneau du Martray que j’aie bus de cette excellence. C’est la maturité et la plénitude qui caractérisent ce vin. Il est riche, plein et expressif, et l’on serait bien en peine de dire lequel du Laville et du Bonneau on préférerait. Ce sont deux très grands vins.

Le Corton-Charlemagne Domaine des Comtes de Grancey, Louis Latour 1950 est un vin qui ne laisse pas indifférent, car il est assez rare de boire un vin de cet âge à la couleur aussi belle, comme récente. Il est riche aussi, mais je suis un peu gêné par la pesanteur de l’alcool de ce vin. Ce sont sans doute les abats qui ont exacerbé cet alcool.

Le Château Gazin 1953 est d’une année qui convient merveilleusement aux pomerols. D’une couleur très noire sans un gramme d’âge, il est riche évoquant la truffe, les champignons noirs, et son épanouissement est un vrai plaisir. Il rebondit sur la trace de chocolat pour y trouver un supplément d’âme. Un beau vin.

Le Château Léoville-Poyferré 1959 a une couleur rubis foncé magnifique, avec un niveau dans le goulot ce qui est exceptionnel. Ce qui me frappe immédiatement, c’est l’élégance de 1959 qui convient parfaitement à ce Saint-Julien. C’est un vin magnifique, sans âge, d’une belle jeunesse mature, qui s’accorde à merveille avec le veau, mais les olives noires eussent sans doute trouvé un plus bel écho avec le Gazin. Ce 1959 est enthousiasmant et les avis diffèrent lorsqu’il s’agit de dire si le 1953 est meilleur ou si c’est le 1959. La différence de qualité est de l’épaisseur du papier à cigarette.

Le Clos Vougeot Charles Noellat magnum 1985 a beaucoup de charme, mais il est un peu simple. Et là aussi, la pesanteur de l’alcool me gêne. Est-ce dû au fait que la pièce est extrêmement chaude ? Ce n’est pas impossible. Le charme naturel du vin et son fruité font qu’on l’apprécie. Le pigeon très goûteux et tendre y aide aussi.

Le Château d’Yquem 1979 est une heureuse surprise par un fruit confit qui élève la voix. Il exprime plus que ce que je n’aurais imaginé. Cela reste un Yquem relativement simplifié, mais avec l’ADN d’Yquem et une séduction naturelle qui emporte les suffrages.

Quand on est agacé d’attendre, on dit : « alors, ça va durer 107 ans ? ». Eh bien 107 ans, c’est l’âge du Château Guiraud 1904. Il est d’un or glorieux. Même servi dans son affreuse carafe, il est beau comme une mangue mûre. Il a mangé un peu de son sucre, mais est d’une finesse et d’une complexité incomparables. Comment peut-on imaginer qu’un vin de cet âge n’ait aucune trace de fatigue. Car le goût est d’une définition précise et d’une pureté où se mêlent les mangues, les citrons verts et les agrumes roses.

Comment classer de tels vins ? C’est quasiment impossible. Ceux qui sortent du lot sont : 1 – Pommery 1953, 2 – Guiraud 1904, 3 – Corton Charlemagne 1978, 4 – Krug 1979, 5 ex aequo – Laville, Gazin et Léoville Poyferré. Le tir groupé des vins ce soir a été exceptionnel.

Les plats ont été aussi d’une inventivité rare. J’ai adoré la carotte, l’œuf, les haricots verts, mais aussi les viandes et les poissons. En fait j’ai tout aimé, car c’est élégant, sensible et créatif.

Il ne fait de doute à personne que nous y reviendrons souvent. Ce restaurant chaleureux, moderne a tout pour séduire et connait déjà un grand succès. On ne pourrait que lui souhaiter de trouver un autre écrin pour un supplément de confort. Ce fut une soirée parfaite.

Agapè Substance – photos mercredi, 7 septembre 2011

la façade sur la rue

des vins sont déjà arrivés pour que je les ouvre. On me reconnaît à gauche et Guillaume, sommelier ami de Tomo, à droite

la demi-bouteille de Krug rosé apportée par Tomo. Par le hasard des vitrages et miroirs, Tomo est sur la photo

Le Corton Charlemagne Chateau de Grancey 1950 avec une jolie capsule

Le Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1978 avec un bouchon magnifique

Laville Haut-Brion 1982 avec la mention « crème de tête »

Le Guiraud 1904 a perdu son bouchon qui est tombé dès que j’ai appuyé la mèche du tirebouchon. Quelle idée d’avoir une carafe qui trouverait un meilleur emploi dans des films porno !

les bouchons des vins que j’ai ouverts

Champagne le Cotet de Jacques Lassaigne à Montgueux

Bollinger RD 1979 à la très belle étiquette

le bouchon du Champagne Pommery 1953 s’est brisé net à l’ouverture

les menus de l’Agapè sont faits sur la base de douze produits, avec deux niveaux de nombre de plats

les plats que nous avons eu la chance de goûter sont élaborés pour nos vins

le chef en plein travail

A la fin du repas, les bouteilles alignées et la joie des convives

dernier dîner de l’été chez Yvan Roux mardi, 30 août 2011

Des amis m’avaient annoncé qu’ils allaient dîner chez Yvan Roux et me proposent de me joindre à eux. Leur mail annonce les vins qu’ils apportent, dont un Rayne Vigneau 1947 très tentant, et avec cette délicatesse que j’apprécie, ils ajoutent : « nous sommes un peu courts en champagne ». Cet appel ressemble comme deux gouttes d’eau à une carte forcée.

Il restait beaucoup de vins du déjeuner d’hier avec l’ami autrichien, ce qui me donne une bonne occasion de leur en faire profiter.

J’ouvre un Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1990 qui est la carte forcée. Le champagne est très plaisant, bien construit et se boit de belle soif, mais je n’ai pas l’émotion que j’attendais. Il est très bon, mais n’atteint pas ce qu’un 1990 devrait offrir.

Le reste du Champagne Salon magnum 1996 qui a encore suffisamment de bulles et s’est étoffé montre un gap gustatif spectaculaire. Salon « assure », comme on dit dans un amphigouri très actuel, en lui ajoutant cette affreuse expression des journalistes sportifs : « à la loyale ». Ce Salon est immense. Les tempuras de sauge sont délicieuses. Le saucisson de Pata Negra est lourd.

La table est dressée sur la terrasse, en surplomb face à la mer. Mes amis ayant lu l’accord qui avait été créé entre des beignets d’anémones de mer et un Tokaji Escenzia Aszu 1988 ont envie que l’on essaie de créer l’accord avec un Château d’Yquem 1998. Le vin est riche, au nez caractéristique d’Yquem et il évoque de lourds raisins confits. Il faut vraiment en prendre très peu pour que l’accord avec les anémones se fasse car l’Yquem est tellement dominateur qu’il tuerait le plat si on en buvait trop. Et se restreindre avec Yquem, ce n’est pas facile. Malgré sa jeunesse, le vin peut se boire comme il est, Yquem classique au message encore simple.

Dans trois verres, Château Haut-Brion blanc 1985, Château Haut-Brion blanc 1970 et Château Haut-Brion blanc 1960, le premier et le troisième étant de la veille. Le 1985 est toujours aussi brillant, le 1960 a presque intégralement gommé ses traces de fatigue et devient un grand vin puissant et expressif, plus imposant que le 1985. Et le match n’aura pas lieu avec le 1970 apporté par l’un des amis, puisqu’il est bouchonné. Sur de délicieux beignets de lotte, c’est le 1960 qui est le plus percutant, même si le plus orthodoxe et pur est le 1985.

Nous goûtons ensuite un mérou en filets absolument délicieux. Le Château Mouton Rothschild 1967 a une belle richesse de fruits noirs, mais se présente comme sous un voile de poussière. Je pense à une vieille armoire que l’on ouvre. A côté, le Château Pavie 1960 brille par sa pureté. L’année 1960, coincée entre deux millésimes de légende, convient bien aux saint-émilions. Le vin est pur, précis, assez riche, et c’est agréable de boire un Pavie tout en nuances. Je fais servir ensuite le reste du Chateauneuf-du-Pape « Cuvée Réservée » Domaine du Pégau 1981. Le vin s’est bien épanoui, a pris de la richesse et son plaisir dépasse de loin celui des deux bordeaux. Sa force s’accommode bien des aulx confits.

Le reste du Grüner Veltliner « Ried Lamm » Schloss Gobelsburg 1995 n’est pas plus excitant qu’hier même s’il a perdu son perlant. C’est donc sur l’Yquem que se prend le dessert aux poires. Et le Rayne Vigneau dans tout ça ? J’apprends qu’il a été cassé lors de son voyage en avion. Dommage.

Si je devais classer ces vins disparates, je mettrais : 1 – Salon 1996, 2 – Pégau 1981, 3 – Haut-brion 1985, 4 – Pavie 1960, 5 – Enchanteleurs 1990, 6 – Yquem 1998.

Ce repas amical aux nombreux vins met un point final – je l’imagine, sauf événement impromptu – à cet été dans le sud, marqué par de grands vins.

déjeuner avec un autrichien – photos lundi, 29 août 2011

Champagne Salon magnum 1996

Grüner Veltliner « Ried Lamm » Schloss Gobelsburg 1995

Château Haut-Brion blanc 1985

Château Haut-Brion blanc 1960

Chambertin F.Tortochot 1969

Chateauneuf-du-Pape « Cuvée Reservée » Domaine du Pégaü 1981

Chateauneuf-du-Pape « Reserve des Célestins » Henri Bonneau 1981

quelques plats composés par ma femme

Gerhard, sa femme et ses enfants, et la camionnette de pompiers

déjeuner avec un autrichien amoureux du vin dimanche, 28 août 2011

L’an dernier à la même époque, un amoureux du vin autrichien était venu me rejoindre dans le sud pour un déjeuner de très grands vins chez Yvan Roux. Ce déjeuner a marqué nos mémoires lorsque Gerhard, se précipitant pour aller chercher une de ses bouteilles était tombé dans la piscine d’Yvan. Il est chef d’orchestre et compositeur (c’est lui qui a composé le da capo qui figure sur l’étiquette du premier millésime de cuvée da Capo du domaine du Pégau), elle est violoniste, et leurs deux jeunes garçons sont dans le cycle secondaire de leurs études à Graz. Les quatre se présentent comme l’an dernier avec une camionnette Volkswagen antédiluvienne de pompiers de couleur rouge, utile lorsque Gerhard va faire ses emplettes dans des prestigieux domaines de vins où il est connu et ami. J’ai pu le vérifier lorsque j’ai cité son nom à plusieurs vignerons.

Gerhard est profondément généreux, aussi m’a-t-il annoncé les vins suivants : Grüner Veltliner « Ried Lamm » Schloss Gobelsburg 1995, Haut-Brion blanc 1985, Chateauneuf-du-Pape « Cuvée Reservée » Domaine du Pégaü 1981, Chateauneuf-du-Pape « Reserve des Celestins » Henri Bonneau 1981, Chambertin GC F. Tortochot 1969 et Madeira Boal 1934 V.J.H. Comment ajouter des vins alors que nous serons au plus huit, dont ma femme qui ne boit pas et deux adolescents ? Comme l’an dernier, j’annonce beaucoup de vins pour que nous puissions trier : Champagne Salon magnum 1996, Haut-Brion blanc 1960, Chateauneuf-du-Pape blanc Les Cabanes Charles Descarréga 1969 et Vosne Romanée Cros Parantoux Domaine Méo-Camuzet 1999.

Entretemps, notre groupe se réduit à six. Il va falloir écarter plusieurs vins. Gerhard annonce tout de suite la couleur : il n’a aucune intention de repartir avec l’un de ses vins. Nous arbitrons, j’ouvre les bouteilles et prépare les bonnes températures car il fait chaud. Il est temps de prendre l’apéritif.

Le Champagne Salon magnum 1996 me donne un coup de poing au cœur dès que je l’ouvre. Car son parfum est le plus capiteux de tous les 1996 que j’ai bus. Le nez est impérieux, extrêmement vineux. En bouche, c’est la gloire de Salon dans une expression de puissance et de jeunesse. Il est merveilleux. Il combine un caractère vineux avec un fruit extrêmement fort. Ce Salon est parfait. Nous grignotons des petits toasts au foie gras et de la poutargue qui mettent en valeur le champagne.

Nous passons à table et ma femme a prévu un menu pour les vins : tempuras de lotte, gambas à la plancha, filets de loup juste poêlés, quasi de veau basse température aux petites pommes de terre en robe des champs, sauce fine à la courgette, au pignon et à la mûre en trace, camembert, crème de chocolat et caramel.

Pour les poissons, nous avons côte-à-côte trois vins. Le Grüner Veltliner « Ried Lamm » Schloss Gobelsburg 1995 a un nez qui rappelle les eiswein autrichiens. En bouche il est légèrement perlant et évoque les litchis ainsi que les vins de glace, car il a un sucre résiduel non négligeable. Le vin titre 15°. Je n’arrive pas à mordre à ce vin qui ne me crée aucune émotion.

Je tenais beaucoup à faire une confrontation entre les deux millésimes de Haut-Brion, mais à l’ouverture, le nez du 1960 m’avait fait craindre qu’il n’y ait pas de match. Le Château Haut-Brion blanc 1985 a un nez extraordinaire. C’est la perfection du Haut-Brion blanc. Et en bouche c’est un festival de complexité et d’équilibre. C’est un immense vin très fruité et qui plus tard évoquera le miel. A côté, le Château Haut-Brion blanc 1960 qui avait un beau niveau dans la bouteille a une couleur nettement plus foncée. Le nez est riche et beau. En bouche, l’attaque est très plaisante, forte, avec des fruits confits. Mais la fin de bouche a une trace médicinale qui signe la fatigue de ce vin. Gerhard et moi savons être tolérants à ce type de vins qui ont encore un message dont une part est riche, mais le vin est quand même très inférieur à ce qu’il devrait être. Il n’y a pas de match et j’en suis triste car j’aurais aimé un jeu plus égal.

Sur la viande, nous avons aussi trois vins. Le Chambertin F.Tortochot 1969 a une robe plutôt rose foncé. Le nez n’est pas désagréable, mais la fatigue du vin est trop forte, car aucune partie du message n’est claire. Gerhard reconnait un Chambertin, et le goût peut être velouté parfois, mais la cause est entendue. Il faut dire que la confrontation des deux vins suivants capte notre intérêt. Il y a une belle similitude entre le Chateauneuf-du-Pape « Cuvée Reservée » Domaine du Pégaü 1981 et le Chateauneuf-du-Pape « Reserve des Celestins » Henri Bonneau 1981, car l’effet millésime joue a fond, donnant des vins assez stricts, un peu rêches, mais d’une forte charpente. Le Pégau (que Gerhard écrit Pégaü, car semble-t-il c’est ainsi qu’on l’écrivait dans le passé) est le plus pur et le plus plaisant. Le Bonneau est plus « campagnard », plus approximatif dans sa trame. Mais les deux sont d’immenses vins dont nous jouissons de chaque goutte.

La tentation était grande de vérifier si le camembert Jort préfère les vins blancs ou les vins rouges. Avec le Haut-Brion 1985 et avec le Pégau 1981, il y a jeu égal, les sensations étant différentes, mais de même niveau. C’est en fait le Bonneau 1981 qui emporte la mise, car c’est lui, par son côté « campagnard », qui colle le mieux au camembert bien fait. Et chose curieuse, le camembert joue le rôle de « docteur-miracle » envers le chambertin qui a perdu sa fatigue et devient presque plaisant, mais retrouve ses blessures dès que le camembert a disparu.

Mon vote est annoncé en premier : 1 – Haut-Brion 1985, 2 – Salon 1996, 3 – Pégau 1981, 4 – Bonneau 1981, 5 – Haut-Brion 1969.

Pour Gerhard, c’est : 1 – Pégau 1981, 2 – Salon 1996, 3 – Haut-Brion 1985, 4 – Bonneau 1981, 5 – Haut-Brion 1969.

Gerhard va poursuivre son voyage en visitant des vignerons de Chateauneuf-du-Pape et de Bourgogne. Sa générosité et son amour du vin ont contribué à faire de ce repas un grand moment de partage et de communion.

champagne et champagne vendredi, 26 août 2011

Des amis viennent pour une partie de belote. Comme chaque fois, le Champagne Henriot magnum 1996 appelle un mot : « rassurant », car ce champagne résume ce qu’un champagne doit être, agréable, lisible, plein en bouche et se buvant avec facilité. Et comme l’année 1996 lui donne du caractère, c’est un grand champagne. Au moment de la belle qui suit le dîner, il fait soif. Je vais chercher un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle magnum sans année et mon ami estime qu’un magnum serait de trop. Le connaissant, j’imagine assez bien qu’au bout de dix minutes, une bouteille serait insuffisante, aussi le magnum est-il ouvert. Le champagne est très différent du Henriot. Les notes florales délicates, romantiques, explorent une autre dimension du champagne. Il est plus complexe, plus accompli, d’un charme extrême.

Mon ami avait raison car après leur départ, il reste plus de la moitié du magnum. N’ayant aucune intention de boire ce vin tout seul, je lance un « au secours » à nos voisins pour l’apéritif du soir. Ils viennent par la mer le long d’un chemin jadis à sec mais aujourd’hui noyé du fait combiné de la montée des eaux et de l’érosion du littoral. Nous improvisons un petit casse croûte sur la base du Grand Siècle qui n’a pas perdu de bulle et s’est élargi et épanoui, prenant des notes de fruits jaunes tout en conservant ses fleurs blanches. Très vite il me faut ouvrir un Champagne Krug Grande Cuvée au fruité exceptionnel, transcendantal par rapport à celui que nous avions bu au Castellet. C’est un immense champagne invraisemblablement fruité et à la personnalité conquérante. Il nous a cueillis à froid par un uppercut gustatif, car jamais nous n’aurions attendu une telle perfection. C’est sur la note parfaite de ce champagne que s’est conclu cet apéritif impromptu, chacun rentrant sagement chez soi pour un dîner frugal.

Cette appréciation du Krug a été faite le lendemain. Lorsque j’ai voulu mettre les photos sur mon blog, je me suis rendu compte que ce que nous avons bu est Champagne Krug 1996. On comprend mieux l’écart gustatif qui m’avait tant étonné.

dîner chez des amis vendredi, 26 août 2011

Chez des amis, un Champagne Ruinart sans année est agréable à boire, facile, simple, sans chichi, au goût gentiment vineux. Nous allons dîner ensuite chez d’autres amis. Le Champagne Pierre Péters Cuvée Spéciale les Chétillons magnum 2002, blanc de blancs de Mesnil sur Oger est d’une forte personnalité. Je reconnais tout ce qui fait le charme des vins de la « Mecque » du champagne, la commune de Mesnil-sur-Oger. Il est précis, fort, vineux, avec un charme que j’apprécie. J’avais bu deux fois le 2000 des Chétillons, une fois à Miami, sans être très emballé et une fois à Copenhague avec un jugement nettement plus encourageant, ce qui avait justifié que j’achète ce champagne plus connu à l’étranger en France. La démonstration de ce 2002 est convaincante. C’est un bon blanc de blancs.

Le Champagne Dom Pérignon 1996 nous fait changer de registre. C’est un champagne moins vineux, plus romantique, plus gracile, plus séducteur. Mon goût personnel va vers le vin du Mesnil.

Sur un agneau cuit de longues heures, un Palette Domaine du Grand Côté 2005 est sympathique, agréable, sans grande vibration. Un Chateauneuf-du-Pape Les Olivets de Roger Sabon & Fils 1971 ouvert tard a besoin de s’ébrouer. Lorsqu’il a suffisamment respiré, c’est un magnifique Châteauneuf, épanoui, au fort fruit noir, plein en bouche et de belle longueur, qui nous réjouit. J’aime ce Châteauneuf qui est d’une belle maturité et d’accomplissement sans avoir de signe d’évolution.

Pour le dessert, nous prenons un Champagne Salon 1997. Instantanément, nous savons qu’il n’y a pas de match possible entre les deux champagnes de Mesnil-sur-Oger. Le Salon est absolument magnifique et accompli, plus soutenu que de récents 1997 que j’avais bus, et sa palette aromatique complexe et riche en fait le gagnant inatteignable de ce repas. Un Bas Armagnac Langeroy du Tiers 1985 mis en bouteille en février 2011 très bien construit mais encore très jeune a conclu cette belle soirée d’amitié.

Champagne Ruinart sans année

Champagne Pierre Péters Cuvée Spéciale les Chétillons magnum 2002

Champagne Dom Pérignon 1996

Palette Domaine du Grand Côté 2005

Chateauneuf-du-Pape Les Olivets de Roger Sabon & Fils 1971

Champagne Salon 1997

Bas Armagnac Langeroy du Tiers 1985

dîner chez Yvan Roux avec un accord inattendu lundi, 22 août 2011

Nous allons prendre l’apéritif chez des amis d’amis. Le Champagne Bollinger Grande Année 1996 est extrêmement solide. Il est vineux, imprégnant et conquérant. On l’aime pour sa forte personnalité. Le fruit jaune cède la place au vineux puissant. Ce champagne a devant lui un bel avenir mais se boit bien car l’année est magistrale.

Nous nous rendons tous ensemble chez Yvan Roux, suffisamment tôt pour profiter de la vue magnifique rosissant sous les feux du soleil couchant d’un jour caniculaire. Le Champagne Laurent Perrier Cuvée Grand Siècle magnum sans année que nous avions entamé en faisant un crochet chez moi montre un grand contraste avec le précédent. Il est tout en charme romantique, fleurs blanches et gracilité. Il est un peu plus dosé que le souvenir que j’en avais.

Comme Yvan nous annonce des beignets d’anémone de mer pour l’apéritif, je fais ranger le champagne et servir le Chassagne-Montrachet les Chaumées Olivier Leflaive 2000. Mais j’ai soudain une intuition : c’est avec le Tokaji Eszencia Aszu 1988 que l’accord se trouvera le mieux. Tout le monde me regarde en pensant à une incongruité, aussi bien Yvan que Babette et mes amis. Et force est de constater que si l’on prend bien soin de mettre des quantités infimes sur sa langue, le Tokaji est ce qui convient le mieux aux anémones, alors que le Chassagne est hors sujet.

L’anémone a des goûts très complexes, car au-delà de l’iode, il y a du végétal, type artichaut et c’est ce côté végétal qui accroche l’accord avec le Tokaji. C’est vibrant et chacun en convient. Le Tokaji bu à petites gorgées est d’une belle complexité, avec un goût de raisin sec très prononcé, ainsi que des végétaux comme l’artichaut et le fenouil. L’âge lui va bien.

Yvan a essayé une recette nouvelle, avec une soupe froide de moules et une boulette panée de moules. C’est original et très intéressant. La force du plat met mal à l’aise le Chassagne à l’or déjà foncé, au goût légèrement fumé, qui fait assez simple, mais à cause du plat. A côté, le Chevalier-Montrachet Bouchard Père & Fils 1998 est pétulant de subtilité, avec une belle acidité et un fort aspect minéral. Il est gouleyant, fluide et ravit de plaisir.

Le plat suivant est fait de seiches cuites à l’encre, plat très fort qui me semble appeler un rouge. Aussi buvons-nous un Château Pradeaux Bandol 1996 dont la maturité est parfaite. Il est riche, râpeux comme la garrigue et son final mentholé signe un très grand vin. Mais l’accord se trouve mieux avec le Chassagne-Montrachet qui a enfin trouvé son terrain d’épanouissement. Il est riche, goulu, plein, et accroche bien avec la chair très typée de la seiche. Le Pradeaux convient aussi, mais l’accord est plus naturel avec le blanc puissant.

La demie langouste avec son corail peut trouver son bonheur avec chacun des trois vins, dans l’ordre de pertinence : le Chevalier-Montrachet, le Chassagne-Montrachet et le Bandol.

Sur des filets de mérous aux aulx confits, c’est à nouveau le Chassagne-Montrachet qui brille plus particulièrement, ce qui forme une compensation par rapport au premier contact assez fade.

Sur le soufflé à la vanille, le Grand Siècle convient à la perfection pour rafraîchir nos palais. Ce fut un beau dîner.

Les vins ne furent pas tous bus

les plats

déjeuner à l’hôtel du Castellet avec Vannières 1983 jeudi, 18 août 2011

A l’hôtel du Castellet j’avais fait commander deux Vannières 1983 chez le producteur par le sommelier Romain. Il est temps de goûter le deuxième, aussi allons-nous avec des amis déjeuner au San Felice, le bistrot supervisé par Christophe Bacquié, le chef du restaurant deux étoiles de cet hôtel.

Par une magnifique journée, nous prenons l’apéritif sur la terrasse du bar. Le Champagne Krug Grande Cuvée sans année est absolument plaisant. Il est riche, complexe, vineux, avec une longueur particulièrement marquée. Il est à la fois noble et champagne de plaisir. Son goût citronné est bien dosé et lui confère une tenue remarquable.

Nous passons à table et une jeune sommelière nous sert le Château Vannières Bandol 1983. Le restaurant a une représentation des jeunes millésimes de ce domaine, aussi le 1983 fascine la sommelière. Je lui fais goûter et je sens à quel point elle est sensible à cette occasion qui lui est donnée. Elle nous dit : « quel grand vin ». La couleur est très sombre, le nez est celui d’un vin évolué, et je trouve que le vin en bouche est plus évolué que le précédent bu il y a quelques semaines. Lorsqu’il s’épanouit, il montre un accomplissement remarquable. Avec des olives noires, il vibre intensément. Il est divin avec ces olives excellentes et un peu de pain. Il est très plaisant sur une côte de bœuf et il représente tout ce que j’aime dans les vins du sud, le thym, la garigue, les olives noires et les odeurs de sous-bois chauffés de soleil.

Comme la bouteille est bue rapidement, je commande un faux-filet à partager et une Côte Rôtie La Landonne Guigal 2000. C’est intéressant de vérifier si celle que nous avons bue il y a quelques jours, la plus bourguignonne et la plus évoluée des Côtes Rôties 2000 de Guigal confirme cette impression et cette tendance.

Et instantanément, ce qui me frappe, c’est que cette fois, le vin est intensément fruité de fruits rouges et noirs. Cette Côte Rôtie n’est pas bourguignonne et ne montre aucun signe d’évolution. On est dans le fruit pur. Elle est beaucoup plus proche de la Mouline 2000 de l’autre soir que de la Landonne 2000. Ceci montre bien que d’une bouteille à l’autre, même pour des vins jeunes comme les 2000, il n’y a pas de vérité unique. Juteux, gouleyant, ce vin explose de santé et de jeunesse.

Je me suis demandé lequel des deux vins je préférais aujourd’hui. Alors que je suis un fan des vins de Guigal, dans le contexte d’un hôtel au parc magnifique, par une chaude journée d’été embaumant les pins parasols, j’ai préféré le vin de la région pour la virilité de la garigue, au vin si délicieusement fruité qu’est cette Landonne à la fraîcheur délicatement mentholée. Il faut dire aussi que j’ai plus souvent l’occasion d’ouvrir les grands vins de Guigal, aussi, préférer le régional de l’étape me fait plaisir.

Le site de l’hôtel du Castellet est une invitation au farniente et à la sérénité. La cuisine est simple et met en valeur de beaux produits. Ce fut une belle journée à la campagne.

de belles viandes au San Felice