Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Copenhague photos jour 2 jeudi, 2 juin 2011

quelques photos de la ville : le disk jockey à bicyclette, le gardien du chateau royal

les serres royales, l’amour du soleil

l’amour des couleurs

le restaurant AAmann’s

les schnaps

les bières

les plats

LE RESTAURANT GERANIUM – la lumière est rasante sur notre table, ce que l’on remarquera sur les photos des plats

les vins : Champagne Substance Jacques Selosse

une bière à l’asperge

Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 2005

Chateau Rayas 2001

Chateau d’Yquem 1969

les plats

dîner au restaurant Geranium à Copenhague jeudi, 2 juin 2011

Après une sieste réparatrice, nous partons dîner au restaurant Géranium, un peu excentré par rapport à la ville de Copenhague, près d’un stade et d’un parc, au huitième étage d’un immeuble d’où la vue est splendide. Ici, ce n’est plus « la bonne franquette », comme nous l’avons vécue au restaurant Relae et au restaurant Aamann. Lorsque l’on sort de l’ascenseur, l’entrée est toute noire, et des hôtes et hôtesses habillées de couleur marron sombre annoncent un endroit luxueux. Nous traversons un petit salon où une cheminée toute en verre brûle de l’éthanol, donnant l’impression que la flamme flotte dans les airs. La salle est spacieuse, élégamment colorée, et les serveuses hautaines et extatiques donnent un aspect guindé à l’endroit, qui contraste avec la chaleur de contact trouvée jusqu’alors. Seul le sommelier, Michael, ravi de pouvoir parler à des gens intéressés par le vin, fera un service compétent et attentionné. Ses yeux miroitent lorsqu’il nous sert, mais aussi lorsqu’il goûte nos vins, prélevant une généreuse portion.

Nous sommes embarqués pour vingt étapes d’un menu qui ne nous sera révélé qu’en fin de repas. Le service est réglé de façon militaire et impersonnelle. Il faudrait donner des cours de diction aux serveuses, car à chaque présentation de plat, nous sommes obligés de faire répéter les intitulés, découragés souvent par des mots incompréhensibles. Voici le menu in extenso : carrot and seabuckthorn / green apple, celeriac & chervel / new beetroots & apple vinegar / crispy pork’s ear & sorrel / potato chips & seaweed / seasalt cheese & ramsons / king crab, lumpfish roe & green strawberries / cold tomato juice, wild flowers & gelled ham / asparagus beer, smoked cream cheese & verbena / « summer feelings » salted mackerel, frozen dill & horseradish / grains & onion in two servings / lightly smoked peas, soup made from new potatoes & lovage / sprouts of cabbage stalk, langoustines & rhubarb / herb garden / stuffed chicken with burned branches, juniper & morels / elderflower / synthetic strawberries rosehips & yoghourt / milk in mysterious ways / grain coffe caramelized grains & cloudberry / green spheres caramel & pine.

La cuisine est résolument moderne, très technique, tournée vers les herbes. La recherche de combinaisons audacieuses domine. On privilégie parfois la virtuosité à la cohérence, lorsque la chair principale, comme pour la langoustine délicieuse, est noyée sous des déluges légumiers. Et tout au long du chemin, il manque de la mâche, du dur à croquer. Car à force de suggestions, on voudrait enfin manger. Et l’exaspération est arrivée au moment du service des petits pois. Nous avions envie de crier : « quand est-ce qu’on mange enfin ». Et Jean-Philippe qui est allé voir le chef en fin de repas a eu l’explication. Le chef a eu une jeunesse végétarienne et il veut explorer les plantes et les herbes. Et comme nous sommes au début juin, tous les jeunes fruits et les jeunes légumes sont disponibles, ce qui explique son champ d’expérimentation. Nantis de cette explication tardive, force est de reconnaître que cette expérience est très intéressante.

Il faudra sans doute revoir le rythme du repas pour que la monotonie ne s’installe pas et garder cet esprit inventif et virtuose qui justifie que ce chef ait eu le Bocuse d’Or en 2011.

Que s’est-il passé du côté des vins ? Nous avons commencé par un Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en décembre 2009 magistral qui démarre sur un aspect fumé et relativement austère puis s’élargit dans le verre au fil du temps de façon spectaculaire. C’est un très grand champagne, plus serein que certaines versions antérieures de Substance.

Le Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 2005 a un nez impérial. Il en impose ! Il y a des notes mentholées, de noisette et de beurre dans son parfum. En bouche il est aussi imposant, solennel. C’est un grand vin blanc de stature, de structure, mais aussi de plaisir. Sa mâche est forte. A noter que le vin blanc donne au champagne un coup de fouet qui le stimule, le simplifie, mais lui apporte un panache exceptionnel. Les deux se complètent.

Le Château Rayas rouge Chateauneuf-du-Pape 2001 est tout simplement une merveille. C’est une mécanique de précision. Tout en lui joue juste. Il est tellement équilibré qu’aucune critique ne pourrait l’effleurer, si même on y pensait. Quel plaisir de boire ce grand vin, juteux, long en bouche, facile à comprendre tant il est bien fait.

Le Château d’Yquem 1969 est le cadeau d’un des amis présents, compagnon fidèle de nombreuses folles aventures. L’or est beau. Le nez est noble et distingué. En bouche cet Yquem peu puissant est tout en délicatesse. J’aime cette forme discrète d’Yquem qui au fil du temps « mangera » son sucre. Ces Yquem élégants et distingués sont parmi les meilleurs.

Mon classement des vins serait : 1 – Château Rayas rouge Chateauneuf-du-Pape 2001, 2 – Chevalier Montrachet Domaine Leflaive 2005, 3 – Château d’Yquem 1969, 4 – Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé en décembre 2009. Pour qu’un champagne que j’adore soit placé en fin de liste, il faut que le niveau ait été très fort. C’est le cas.

En revenant à l’hôtel en taxi, nous nous disons tous à quel point nous sommes heureux d’avoir fait cette expérience d’une cuisine sincère, en pleine recherche, disposant d’un bagage technique hors du commun. A revisiter sans hésitation dans quelques années.

déjeuner au restaurant Aamann à Copenhague jeudi, 2 juin 2011

Le soleil se lève très tôt à Copenhague au début juin. Il sera radieux et chaud toute la journée. Nous partons dans les rues piétonnes du centre ville qui ne sont pas nettoyées car c’est jour férié. Or hier, les jeunes ont bu, et quelques uns sont encore effondrés sur les pavés autour de la fontaine qui hier résonnait de rires et aujourd’hui de querelles d’ivrognes. Dans un grand parc les pelouses sont envahies de jeunes et de familles qui viennent capter les rayons du soleil. Dans les rues, une multitude de vélos et de poussettes montrent la vitalité d’une population jeune. Nous allons visiter dans un beau jardin botanique une immense serre tropicale aux multiples rotondes. Les fines structures métalliques sont élégantes. Dans une allée du jardin une cane est suivie de quatre minuscule canetons. Quelle n’est pas notre stupeur de voir la cane et ses petits passer à travers les grilles et traverser une immense avenue. Une voiture tente de faire rempart pour les protéger. Il faut espérer que cette évasion ait fini sans drame.

Nous nous rendons au restaurant Aamann. La salle est petite, avec une décoration minimaliste mais joyeuse. Peter, notre serveur, a fait une école de commerce à Lyon. Il est très attentionné. Comme la salle est encore vide, il a le temps de nous montrer sa collection de schnaps faits maison. Les noms sont difficiles à traduire mais il y en a à l’asperge, à la myrte, au thym, à la rhubarbe et d’autres encore. Nous avons le droit de sentir pour choisir celles que nous boirons. Le restaurant est spécialiste de Smorrebrods. Nous prendrons du hareng servi sur du pain noir en deux préparations, cru et cuit, puis trois pièces de smorrebrod, dont une à la pomme de terre absolument délicieuse, une autre aux légumes et bacon et une à la viande. Pour accompagner cela, deux bières, l’une dorée et l’autre légère, faites par la plus petite brasserie du Danemark, Bodegal. L’atmosphère est joyeuse et ces snacks sont goûteux. On mange bien, sans chichi, avec une bonne humeur communicative.

Nous rentrons par le grand parc. Des jeunes jouent à une sorte de jeu de quilles dont la boule est remplacée par une brique en bois carrée. Je m’immisce dans le jeu pour un essai piteux. Une sieste est nécessaire, car ce soir nous remettons le couvert.

Copenhague photos jour 1 mercredi, 1 juin 2011

le parc de Tivoli (on distingue des gens dans des nacelles)

un sit-in (les danois adorent le soleil)

Le Relae

dans un petit tiroir pour chacun, il y a le menu, les couverts et la serviette

les vins :

Champagne Terre de vertus, chardonnay premier cru Larmandier Bernier sans année

champagne brut Christophe Mignon en pinot meunier sans année

Chenin blanc d’Anjou Navine les griottes 2006

« panier de fruits » J.F. Chéné à Beaulieu sur Layon 2008

les plats

restaurant Relae à Copenhague mercredi, 1 juin 2011

Jean Philippe Durand, notre médecin cuistot de compétition a concocté pour quelques amis, ma femme et moi, un voyage gastronomique marathon à Copenhague, la nouvelle Mecque de la grande cuisine. Nous arrivons par un beau soleil un peu frais dans cette belle capitale et la circulation fluide dans des avenues larges est un bain de jouvence par rapport à la maladie qui étrangle Paris de rétrécir les plus belles avenues par des constructions destinées à éradiquer la race automobile.

Le Radisson Blu Royal hôtel est une chef d’œuvre d’un art moderne dont je ne suis pas forcément le plus friand. Notre chambre domine le Tivoli où des gens s’envoient dans les airs pour des sensations folles. Nous nous promenons dans les rues piétonnes des alentours où une foule extrêmement jeune grouille, car c’est carnaval ou festival. Les jeunes femmes blondes sont en short et s’exhibent naturellement, parfois maquillées comme pour des films d’horreur. Tout ce jeune monde marche une bière à la main ou s’assied sur les pavés proches des fontaines et profite du soleil du début juin. Nous allons prendre une bière et des frites dans un pub irlandais puis le moment venu, nous nous rendons au restaurant Relae un peu excentré dans un immeuble ancien. La décoration est minimaliste mais agréable, deux jeunes musiciens jouent une musique d’ambiance confortable. Le personnel est jeune et motivé. Notre sommelier est un chantre du mouvement bio, aussi tout ce que nous boirons se doit d’être militant. Mais son approche est compétente et ouverte. Notre serveuse parle un français parfait car elle a fait l’école d’hôtellerie de Lausanne. Un détail amusant : il n’y a aucun couvert sur la table. Chacun se sert dans un petit tiroir coulissant sous le plateau de la table, comme on prend des porteplumes dans un plumier.

Le menu unique est celui-ci : white asparagus and anchovies / bake bintje, olives and buttermilk / organic pork, salad and unripe fruit / rhubarb compote, almond and moscatel. C’est une cuisine en recherche, militante, active, exploratrice, qui peut faire sourire mais pose aussi des questions. Si le premier plat est une ébauche mais très suggestive, car l’anchois est diablement tentant et l’asperge croquante, si le deuxième plat interpelle avec son babeurre, le porc est d’une réussite absolue, valant à lui tout seul le voyage. Car les saveurs sont dosées pour interpeler, interroger nos sens. La cuisson basse température apporte de la tendreté au cou de porc, l’usage de pêches vertes et de romaine à peine cuite à la vapeur crée des sensations que j’adore. Le dessert est aussi une gentille énigme, car la glace au lait avec du vinaigre déroutante au début appelle la rhubarbe pour un bel accord. Dans une ambiance jeune et attentive, nous nous sommes régalés, car nous avons été entraînés dans du hors piste. Dans la carte aux vins majoritairement ciblés bio, nous avons choisi le Champagne Terre de vertus, chardonnay premier cru Larmandier Bernier sans année. C’est pour moi une déception, car la bulle est manifestement trop grosse, ce qui rend l’attaque pesante et le final est trop maigre, le vin s’arrêtant tout de suite. La matière n’est pas critiquable, mais le produit fini n’apporte aucune valeur ajoutée aux plats qu’il accompagne.

Par un hasard inattendu comme tous les hasards, un groupe d’une quinzaine de personnes vient s’installer dans la salle. Ils sont tous français et l’un me dit : « vous êtes bien François Audouze ». Il promène un groupe de journalistes pour une tournée des meilleurs restaurants et nous constatons que nous ferons les mêmes étapes, soit de façon décalée, soit comme demain et aujourd’hui à la même adresse. Et grâce à cette rencontre, nous allons bénéficier de quelques compléments à notre champagne.

Un champagne brut Christophe Mignon en pinot meunier sans année dont la bulle extrêmement fine me ravit a la joie d’un vrai champagne. Un Chenin blanc d’Anjou Navine les griottes 2006 a une couleur de vin de plus de vingt ans. Il y a même un dépôt imposant qui surnage. C’est un exercice de style assez troublant et le vin ressemblant à un vieux vin me plait. Un « panier de fruits » J.F. Chéné à Beaulieu sur Layon 2008 qui titre 13,5° est perlant, ambré comme un vieux vin et ressemble à un vieux vin jaune qui aurait fauté avec un vin pétillant. Tout cela, c’est de l’exercice de style de vignerons militants à qui je souhaite plein succès si leur profession de foi les conduits vers des vins plus accessibles et moins éphémères. Grâce à tous ces verres nous avons pu mesurer que la recherche de ce restaurant est passionnante. En cuisine comme dans les choix de vins on veut de l’authenticité et de la pureté. Voici une adresse à l’ambiance très sympathique qu’il faudra suivre dans le temps.

dîner de folie chez un américain à Paris vendredi, 27 mai 2011

Où l’on verra que la générosité peut jouxter la débauche. Laurence Féraud, vigneronne à Chateauneuf-du-Pape m’avait invité à rejoindre le « Printemps de Chateauneuf-du-Pape », à Chateauneuf-du-Pape. Lors du dîner chez elle, elle avait évoqué un dîner à Paris chez un de ses amis américains, où l’on ouvrirait de grands vins. Dans la chaleur communicative des banquets, j’ai dit oui. Il fallait coordonner les apports et lorsque j’ai appelé Ed pour mettre au point le programme, je lui ai annoncé mon intention de venir avec deux vins de 1921, qui ont 90 ans cette année. Je ne savais pas qu’Ed est d’un humour caustique, aussi ai-je pris sa moue téléphonique pour de l’insatisfaction vis-à-vis de ce que je trouvais assez généreux. Un peu vexé, je demande ce qu’il envisagerait d’inclure au programme et tout-à-coup, il prononce un nom qui agit sur moi comme un sésame. Il dit : « je pourrais ouvrir un « Screaming Eagle ». Aussitôt, comme si un ressort me propulsait, je réponds : « si vous ouvrez Screaming Eagle, j’apporte une bouteille de La Tâche ». Car ce vin américain, très rare, je ne l’ai jamais bu. La tentation est trop grande.

Le jour dit, je me présente à 17 heures à l’appartement d’Ed pour ouvrir mes bouteilles et éventuellement d’autres. La cuisine s’agite dans tous les sens, car nous serons quatorze dont les deux cuisiniers, Arnaud et Nicolas. Arnaud Faye est l’adjoint chef de cuisine de Thierry Marx au Mandarin Oriental Paris qui va ouvrir dans quelques jours. Cette équipe va réaliser un repas de grand raffinement avec une belle mise en valeur des produits, et quelques accords subtils opportuns, malgré la difficulté d’ajuster les recettes sur des vins très disparates.

J’ouvre le Brane Cantenac 1921 d’un niveau mi-épaule et le bouchon paraît comme brûlé. L’odeur sentie par le goulot est assez torréfiée. Est-ce que le vin va s’épanouir ? Je ne sais pas. L’Arche Vimeney cru classé de sauternes 1921 au niveau dans le goulot et d’une couleur merveilleuse exhale un parfum d’agrumes délicats. Il ne posera aucun problème. J’ouvre aussi La Tâche 1986 que j’ai apportée. Le parfum bourguignon est d’une rare subtilité. On me demande d’ouvrir certains apports qui arrivent au compte-goutte dont le Screaming Eagle que nous sommes allés chercher dans la cave d’Ed. J’ai demandé à Ed d’en goûter un peu à l’ouverture. J’ai fait un vœu, car c’est la réalisation d’un rêve.

Les convives arrivent et nous sommes quatorze. Il y a, si je n’oublie personne, Ed et un ami américain accompagné de sa femme d’origine indienne, trois vignerons de Chateauneuf-du-Pape dont Laurence accompagnée d’une amie américaine, un autre vigneron Hervé Bizeul accompagné de son épouse, un homme du monde du vin et un amateur, les deux cuisiniers qui mangeront avec nous et moi.

Du fait de l’abondance, mes descriptions des vins seront plus que succinctes, et je ne suis pas sûr que l’ordre des vins soit le bon. Pour l’apéritif, nous commençons par un Chateauneuf-du-Pape Cristia Vieilles Vignes magnum 2006 qui est joyeux, réjouissant, faisant plaisir à boire dans sa jeunesse. Il est suivi d’un Chateauneuf-du-Pape « Pure » domaine de la Barroche magnum 2005 que je trouve particulièrement brillant. Il est remarquablement bien fait.

Nous passons à table et nous goûtons deux vins blanc américains : le Marcassin Hudson Vineyard Carneros Chardonnay 1993 et le Marcassin Gauer Vineyard Alexander Valley Chardonnay 1993. Le premier a un léger défaut qui exacerbe son côté américain, alors que le second est délicieux, sans lourdeur, avec beaucoup de charme, sans les excès habituels des chardonnays américains. Le Meursault Perrières Jean François Coche Dury 2002 est pour moi un modèle de fraîcheur et d’expression alors qu’Hervé Bizeul préfère le deuxième Marcassin.

Le Chateauneuf-du-Pape Lou Destré d’Antan Christian Barrot 1976 est une merveille de Chateauneuf-du-Pape. Il a un équilibre et un charme qui m’ont convaincu, comme le Chateauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1997 aux aspects bourguignons d’une rare délicatesse. Sur des langoustines cuites à la perfection, ces vins se sentent bien. Le Vosne-Romanée Les Chaumes domaine Méo-Camuzet 1996 joue un peu en dedans à côté de ces Chateauneuf-du-Pape.

A l’arrivée du bar je demande de l’indulgence pour le Château Brane Cantenac 1921 dont le parfum est un peu torréfié. Quelle n’est pas ma surprise de voir que le vin n’a pas du tout en bouche le torréfié que je craignais. La couleur est divine, sans le moindre tuilé et en bouche le fruit est envahissant, fruit rouge d’une grande précision. Je pense « ouf » pendant que mes convives sont surpris de la présence de ce grand vin. L’accord avec le bar se trouve naturellement. J’en profite pour servir mon autre vin, La Tâche domaine de la Romanée Conti 1986 au nez d’un charme extrême. Sentir ce vin, c’est ouvrir la porte du domaine comme on ouvre la caverne d’Ali Baba ou l’armoire de ses souvenirs. Alors que j’avais adoré la Romanée Conti 1986, si j’aime La Tâche de la même année, je ne ressens pas autant que je souhaiterais l’émotion de La Tâche. C’est un grand vin mais avec une vibration un peu atténuée.

Laurence pense que ce serait le moment de boire un Chateauneuf-du-Pape sans étiquette et sans année, à la forte poussière opacifiant le verre, qui doit être des années 60 et provient de ses grands-parents. Hélas, le vin est bouchonné et malgré mes espoirs, ne reviendra jamais à la vie.

Nous goûtons maintenant en intermède un Meerlust Rubicon Afrique du Sud magnum 1984 et Ed nous raconte la rareté de son origine. Ce vin est solide, carré mais assez simple d’expression. Nous faisons un intermède à l’aveugle avec Les Sorcières du Clos des Fées, Côtes du Roussillon 2010. J’avais bu ce vin lors des primeurs à Bordeaux. Il s’est développé et est d’une grande sincérité.

Nous entrons maintenant dans le monde des vins à forte charpente et au degré d’alcool important. La Petite Sibérie Côtes de Roussillon Villages magnum 2004 est un vin que j’apprécie dans sa jeunesse pour un final d’une fraîcheur mentholée. Hervé Bizeul est fier que son vin ait un fort cousinage avec le Screaming Eagle cabernet sauvignon Napa valley 2003 qui titre 14,6°. Ce vin a le plaisir généreux d’une Mouline 2005. Il est puissant, au fort fruit noir et poivre, mais son final frais signe un très grand vin. Il est plus complexe que la Sibérie, mais les deux ne se nuisent pas. Viennent ensuite de nouvelles raretés apportées par l’amie américaine de Laurence : Sine Qua Non « the 17th nail in my cranium » syrah Californie 2005 qui titre, excusez du peu 15,8° et le Sine Qua Non « a shot in the dark » syrah Californie 2006 qui titre 15,5°. Il est certain que ces vins généreux sont plaisants à boire. Mais on est entraîné dans une direction qui n’est pas la mienne, où l’excès de fruit et d’épices peut devenir monotone. Sur le délicieux filet de bœuf ces vins sont à leur aise et le mariage se fait bien.

Il est temps de goûter l’Arche Vimeney Sauternes 1921. C’est un agréable sauternes fort aimable, mais qui n’a pas la complexité du Caillou 1921 bu tout récemment. Il est acceptable mais sans histoire, malgré sa belle couleur et son parfum d’agrumes. Il joue mezzo voce. Hervé a apporté une belle curiosité : un Sémillon Lagarde de Mendoza Argentine 1942. La bouteille porte le n° 17. Pour une curiosité, c’en est une. Le vin s’est oxydé et évoque les vins jaunes du Jura. Il brille surtout par son originalité et accompagne bien des tranches de comté.

J’ai apporté en cachette le vin que j’avais ouvert à Rennes lors de la découverte du vin de 1690. C’est un madère d’une bouteille très ancienne que je date de 1780 à 1840. Il a une force alcoolique extrême qui fait penser à certains qu’il s’agirait d’un whisky. Mais plusieurs convives confirment l’hypothèse madère. Il a un peu perdu de son fruit, mais il a encore une force persuasive extrême.

Si je devais décerner des brevets aux vins de ce soir, je les donnerais à : 1 – Chateauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1997, 2 – Chateauneuf-du-Pape Lou Destré d’Antan Christian Barrot 1976, 3 – Château Gruaud Larose 1921, 4 – Meursault Perrières Jean François Coche Dury 2002, 5 – Screaming Eagle cabernet sauvignon Napa valley 2003. Mais tous méritaient leur présence à ce beau dîner.

Merci a Ed d’avoir mobilisé des cuisiniers de grand talent qui nous ont offert des plats exquis. La générosité de tous fut remarquable. L’atmosphère cosmopolite et amicale a permis un repas de grande folie, ou générosité et débauche sont synonymes, dans le bon sens du terme.

dîner chez un américain à Paris vendredi, 27 mai 2011

les vins que j’ai apportés

dans l’ordre de dégustation :

Chateauneuf-du-Pape Cristia Vieilles Vignes magnum 2006

Chateauneuf-du-Pape « Pure » domaine de la Barroche magnum 2005

Marcassin Hudson Vineyard Carneros Chardonnay 1993

Marcassin Gauer Vineyard Alexander Valley Chardonnay 1993

Meursault Perrières Jean François Coche Dury 2002

Chateauneuf-du-Pape Lou Destré d’Antan Christian Barrot 1976 (la contre étiquette porte 1975)

Chateauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1997

Vosne-Romanée Les Chaumes domaine Méo-Camuzet 1996

Château Brane Cantenac 1921

La Tâche domaine de la Romanée Conti 1986

Chateauneuf-du-Pape sans étiquette et sans année (à droite de Chateauneuf-du-Pape Domaine du Pégau 1997)

Meerlust Rubicon Afrique du Sud magnum 1984

Les Sorcières du Clos des Fées, Côtes du Roussillon 2010

Petite Sibérie Côtes de Roussillon Villages magnum 2004

Screaming Eagle cabernet sauvignon Napa Valley 2003

je ne suis pas peu fier d’avoir ouvert cette bouteille de Screaming Eagle

Sine Qua Non « the 17th nail in my cranium » syrah Californie 2005

Sine Qua Non « a shot in the dark » syrah Californie 2006

L’Arche Vimeney Sauternes 1921

Sémillon Lagarde de Mendoza Argentine 1942

quelques plats

en cuisine

une partie du groupe (à gauche le chef)

Chez mon frère, avec un gros Caillou ! mercredi, 25 mai 2011

Trois fois par an avec mon frère et ma sœur et leurs conjoints, nous nous invitons à tour de rôle. Aujourd’hui, c’est chez mon frère. J’aurais pu ne rien apporter, mais l’envie est trop forte. Mon frère, grand intellectuel, grand scientifique et homme de culture, n’est pas tombé dans la marmite de l’amour du vin. C’est un champagne Fauchon rosé brut qui nous accueille, qui a le mérite d’être pétillant Sur une brouillade aux truffes et un ragoût d’asperges, nous buvons un Clos Vougeot élaboré par Albert Bichot 2007 gentil, fort agréable et sans histoire. Sur une fourme, j’ouvre une bouteille d’une rare beauté. La capsule dorée dit Barsac. L’étiquette encore bien lisible dit Château Caillou Haut-Barsac 1921.Le niveau est dans le goulot ce qui est rare. La couleur est d’un acajou d’une grande noblesse. Le bouchon indique 1921, Château Caillou et Haut-Barsac. Le parfum est à se damner, car il y a de la mangue et du coing mais aussi de merveilleuses épices dont du poivre. Il y a même des traces fraîches de menthe dans ce parfum.

En bouche, le vin est tout simplement prodigieux. Il a atteint un équilibre qui en fait la synthèse de ce que le sauternes a de plus beau. J’ai toujours adoré Caillou et là, c’est merveilleux de facilité, d’équilibre et d’élégance. Je suis sûr que j’en goûterais la bouteille entière si le partage n’était pas le motif de son ouverture, tant la fraîcheur du vin coule de source. C’est un divin Barsac dont j’ai encore la mémoire raffinée en écrivant ces lignes. Au-delà du plaisir familial, il y a un goût de première grandeur.

déjeuner au restaurant Laurent lundi, 23 mai 2011

Ma femme dit toujours que je ne sais pas dire non. Un canadien avec lequel j’ai conversé sur le web me dit qu’il aimerait déjeuner avec moi. Je ne sais rien de lui, mais je dis oui. Pourquoi, nul ne saura. Peu de temps après, je lui demande quels vins il apporte et la réponse est : un blanc de l’Ontario 2005 et un Kracher 1998. Il est avec son père aussi nous serons trois. Je me propose d’apporter trois vins et de choisir deux sur place.

La table est réservée au restaurant Laurent. Nous déjeunons dans le jardin, le plus agréable de Paris. Arrivé en avance, j’ouvre la plus basse des trois car elle va déterminer le choix de l’autre. Le Pommard Naigeon Chauveau 1961 a un niveau assez bas. Le bouchon vient en plusieurs morceaux. Le nez est étonnamment agréable. C’est une bonne nouvelle. J’attends l’arrivée de Mike et son père Gerald pour décider du choix du deuxième vin à ouvrir. Mike aime les bourgognes aussi le bordeaux restera à quai et l’autre 1961 sera ouvert, il s’agit d’un Volnay Clos des Chênes Tasteviné par de Moucheron 1961 d’un niveau parfait, à un centimètre sous le bouchon.

Le menu que nous prenons tous ensemble est composé d’un saumon sauvage aux asperges, d’un pigeon et d’un soufflé à la menthe fraîche.

Le Clos Jordanne, le Grand Clos, chardonnay du Niagara 2005 est d’un joli or jeune. Le liquide est épais lorsqu’il glisse sur le verre. Le nez est plaisant, assez neutre. L’attaque en bouche est très crémeuse, le milieu de bouche est joyeux et frais. Le final est fumé. Les premières salves de ce vin font très américaines. Puis le vin s’affine et devient plus meursault. Avec la chair du saumon, il devient un très joli vin.

Le Pommard Naigeon Chauveau 1961 a une couleur claire un peu tuilée. Le nez est magnifique de richesse et d’opulence. En bouche, l’acidité est présente et le vin, sous une fatigue indéniable, montre beaucoup de qualités. Il se boit agréablement mais le niveau bas dans la bouteille trahit son âge.

A l’inverse, le Volnay Clos des Chênes Tasteviné par de Moucheron 1961 plus sombre, sans trace de tuilé, est tout en charme, en séduction, en équilibre et finesse. On mesure l’incidence du niveau dans la bouteille, car le Volnay fait jeune et charmeur et le pommard fait plus vieux malgré ses qualités. Car le pommard est intrinsèquement plus précis que le Volnay, plus noble. Mais le charme est du côté du Volnay. Sur le délicieux pigeon, le Volnay est merveilleux. Sur un chèvre Valençay, le pommard retrouve une belle jeunesse.

Le Kracher Welschriesling Trockenbeeren Auslese Nummer 11 de 1998 qui titre 7,5° est d’un or radieux. Il sent le sucre ou plutôt une eau sucrée avec un peu d’alcool. En bouche, si on accepte le côté doucereux, c’est un vin capiteux, sensuel, sur des notes de confiture de coing et de mangue. C’est très plaisant, et si le sucre domine fortement, il y a une jolie fraîcheur qui rend le vin plaisant. Le soufflé à la menthe fraîche joue un rôle phénoménal pour propulser le vin à des hauteurs inouïes, car il gomme le sucre et il ne reste que la trame grandiose d’un grand vin. Si ce vin autrichien se comporte comme les sélections de grains nobles de Hugel qui « mangent » leur sucre, les vins anciens de Kracher sont ou seront redoutables.

Mike avait dans sa musette un Scotch whisky single malt the Octave cask from Duncan Taylor 1969 superbe et d’un équilibre rare. Sous un soleil de plomb dans le plus beau jardin de Paris, j’ai fait la rencontre d’un passionné du vin, mélomane et pianiste avec lequel j’ai passé un agréable déjeuner.

déjeuner au Laurent – photos lundi, 23 mai 2011

Clos Jordanne, le Grand Clos, chardonnay du Niagara 2005

Pommard Naigeon Chauveau 1961

Volnay Clos des Chênes Tasteviné par de Moucheron 1961

Kracher Welschriesling Trockenbeeren Auslese Nummer 11 de 1998

Scotch whisky single malt the Octave cask from Duncan Taylor 1969

un seul plat photographié !