Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Petit Verdot – photos mercredi, 15 septembre 2010

Les deux Laurent Perrier Grand Siècle, le nouveau et l’ancien

Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1986

Château Margaux 1985

Château Haut-Brion 1985

Château Lafite Rothschild 1943

Richebourg Mongeard Mugneret 1990

Chambertin Clos de Bèze Domaine Armand Rousseau 1998

Chateau Filhot 1942

Le Monbazillac probablement vers 1890, d’une bouteille de faible contenance (55 cl ?) et en verre soufflé

Photos de groupe

Un observateur attentif pourrait remarquer que les tables ne sont pas les mêmes avant et pendant. C’est qu’un des membres du groupe a pesé de tout son poids pour écrouler la pauvre table ronde du premier plan

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Les plats

Les rhums, le JM 94 et La favorite de la Flibuste

grands vins et jeunes passionnés au Petit Verdot mercredi, 15 septembre 2010

De jeunes amateurs, disons de 25 à 35 ans, se réunissent périodiquement pour boire de grandes bouteilles. Ils m’ont contacté pour que je participe à leurs agapes. Leurs choix de vins ont de quoi me tenter, mais j’ai tendance à refuser de telles invitations du fait d’un emploi du temps chargé. J’ai essayé de les tenter de venir à l’académie des vins anciens, mais rien n’y fit. Une opportunité se présentant, je me suis joint à eux d’autant que le plaisir de revoir Hidé, le patron du restaurant Le Petit Verdot ajouterait beaucoup à cette rencontre. J’ai connu Hidé comme sommelier à Cordeilhan Bages, puis comme directeur d’Hiramatsu lorsque ce restaurant était dans l’île Saint Louis et ensuite au Petit Verdot. Grand amateur de vin, il a un jugement très sûr.

Arrivant plus d’une heure en avance, la tentation est grande d’ouvrir les bouteilles déjà livrées, même en l’absence de leurs apporteurs, ce que je fais. Le parfum du Haut-Brion 1985 est inouï de puissance et de grandeur. Le nez du Margaux 1985 est d’un charme envoûtant de fruits délicats. Sous la capsule du Lafite 1943, ça sent la terre de cave et le nez du vin, qui n’est pas influencé par cette poussière noire de haut de bouchon est d’une grande délicatesse encore discrète.

Le petit groupe se forme lentement au rythme des arrivées. Nous sommes sept et Hidé viendra de temps à autre goûter les vins, nous gratifiant de commentaires très pertinents.

Nous commençons par un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle du restaurant, très jeune, qui développe son charme quand il est bien frappé. C’est un champagne de soif agréable. J’ai apporté pour la comparaison un Champagne Laurent Perrier Grand Siècle que je date de la fin des années 60, et le bouchon confirme cette hypothèse. La couleur est ambrée, le nez est intense, et la bulle est très active. Ce vin nous emporte dans un ballet de saveurs où l’attaque est doucereuse et le final est salé. Si la longueur est un peu faible, elle s’affirmera progressivement au cours de la dégustation. Il y a un peu d’amer, mais très joli. C’est un champagne déroutant de grand plaisir.

Hidé a prévu au programme un amuse-bouche fait de différentes carottes et un jus de cacao que j’ai trouvé assez osé, une lotte rôtie avec un ris de veau, absolument superbe, une cuisse de lapin désossée au jus de cuisson, un foie gras poêlé aux cèpes, un carré d’agneau rôti à basse température et des navets poêlés, Stilton et Aisy cendré puis un soufflé aux fruits de la passion et sorbet. Ce fut magistral.

Au contraire du ‘vieux’ champagne, avec le Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1986 on s’installe comme en un canapé profond. Ce vin est exactement ce qu’un Corton Charlemagne doit être, et il ne montre aucun défaut. La balance entre l’équilibre, la précision et le charme est exemplaire.

Le Château Margaux 1985 est exactement ce qu’on attend d’un Margaux. Il a le charme féminin, selon une image mille fois ressassée mais qui exprime réellement ce que l’on ressent, et son fruit rouge est d’une grande beauté. A l’inverse, le Château Haut-Brion 1985 se présente avec des saveurs cachées derrière un voile de poussière. Je le signale, mais à peine l’ai-je fait remarquer que le Haut-Brion, tel un plongeur du Grand Bleu, fait un retour à la vie qui nous surprend tous. Alors que le Margaux surclassait le Haut-Brion, le Haut-Brion va nous époustoufler par son expression aboutie, terrienne, solide et maintenant parfaite. C’est un vin immense.

L’attitude de tous a été exemplaire, pour accueillir le Château Lafite-Rothschild 1943 en ne s’arrêtant pas à ses défauts. Il est certain que nous avons pu prendre un grand plaisir avec ce vin qui évoque la grandeur de Lafite. Mais c’est quand même un vin fatigué qui ne permet pas de déguster un plaisir complet. La truffe, les roses séchées se sont bien exprimées sur le délicieux foie gras.

Sans le vouloir, le Richebourg Mongeard Mugneret 1990 a donné un coup de poignard au Lafite, car l’insolence de sa jeunesse éclipse tout sur son passage. Le parfum du vin est envoûtant et ce vin résume la beauté du vin bourguignon, avec ses aspects de champignons des bois, de sel, et de légère amertume convaincante. C’est manifestement un grand vin.

Le Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau 1998 qui lui est associé s’exprime plus discrètement. On sent que sa définition est plus belle, plus riche. Mais il joue en finesse un ton au dessous du glorieux Richebourg. C’est mon deuxième apport à ce dîner que j’aurais aimé plus conquérant.

Le Château Filhot 1942 est d’une couleur quasi noire, dans sa bouteille au verre bleuté. Le parfum est un miracle. Il résume tout ce que le sauternes ancien a de grandiose. Ce sauternes riche, sans l’ombre d’un défaut sera mon champion au moment des votes. Il est très au dessus de ce qu’on attendrait de son année.

J’ai apporté sans dire de quoi il s’agit une curiosité. J’ai acquis au fil des années beaucoup de vieux Monbazillac. Ils se situent généralement dans les années 20. Mais la bouteille de ce soir est là car elle m’a intrigué. Sa contenance ne dépasse pas – à l’œil – les 55 cl. La bouteille est de verre soufflé qui ne peut être que du 19ème siècle, car j’ai des bouteilles d’Alicante de 1870 qui sont quasi identiques. Enfin, la bouteille est cirée avec une cire cassante comme on n’en trouve sur des bouteilles du 19ème siècle. Alors nommons cette bouteille : Monbazillac probable # 1890. La couleur est d’un jaune clair qui ne semble pas marquée par l’âge. Le nez est tentant. En bouche le vin est gentiment doucereux, mais il se distingue par une simplicité incroyable. Il est doucereux et puis c’est tout. Il est agréable à boire, mais on est loin des complexités du sauternes.

Des membres du groupe étant passionnés de rhums, nous avons goûté un Rhum JM 1994 et un Rhum La Favorite, Cuvée de la Flibuste, rhums très différents en termes de charme et de teneur alcoolique. C’était un appel aux cigares qui ont parfumé l’amitié naissante et ont mis en valeur ces rhums de grandes qualités. Le rhum à ce niveau est un vrai bonheur.

Il a fallu voter pour tous les neuf vins de ce dîner, car c’est le désir de ce jeune groupe, le premier champagne et les rhums ne participant pas aux votes. Cela donne ceci :

Vote du consensus : 1 – Château Haut-Brion 1985, 2 – Château Filhot 1942, 3 – Richebourg Mongeard Mugneret 1990, 4 – Champagne Laurent Perrier Grand Siècle fin années 60, 5 – Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1986, 6 – Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau 1998, 7 – Château Lafite-Rothschild 1943, 8 – Château Margaux 1985, 9 – Monbazillac probable # 1890.

Mon vote : 1 – Château Filhot 1942, 2 – Château Haut-Brion 1985, 3 – Richebourg Mongeard Mugneret 1990, 4 – Corton Charlemagne Bonneau du Martray 1986, 5 – Chambertin Clos de Bèze Armand Rousseau 1998, 6 – Château Margaux 1985, 7 – Champagne Laurent Perrier Grand Siècle fin années 60, 8 – Château Lafite-Rothschild 1943, 9 – Monbazillac probable # 1890.

La position du Margaux me semble après coup injuste aussi bien dans le vote du consensus que dans le mien. Mais c’est la cruauté des votes.

Ces jeunes amateurs sont des mordus sympathiques qui visent l’excellence, Hidé a réalisé une cuisine d’un très haut niveau, adaptée aux vins. Avec des jeunes de cette qualité, l’amour du vin trouvera sans difficulté sa pérennité.

découverte du Citrus Etoile mercredi, 15 septembre 2010

Nicolas de Rabaudy, écrivain du vin et journaliste qui a été un des premiers à montrer un intérêt pour mes dîners et l’académie des vins anciens, me propose de temps à autre de découvrir des restaurants qui montent. Il me suggère que nous allions déjeuner au Citrus Etoile, près de l’Etoile à Paris, restaurant de Gilles Epié.

L’ambiance créée par la décoration est très agréable et intime. Il n’y a aucun problème de proximité, ce qui est à signaler. Le service est jeune et attentionné. Nicolas a fait mettre au frais un Côtes de Provence Cuvée Clarendon Domaine Gavoty blanc 1998. Alors que je pensais que ces vins ne brillent que dans leur région, j’en serai pour mes frais, car ce vin épanoui, très aidé par la maturité que lui donne son âge, tout en gardant tous les signes de la jeunesse, est plus que plaisant à boire. Il est franchement bon. Sa précision et la profondeur de sa structure en font un grand vin, au citronné intelligent.

L’entrée que j’ai prise est un énorme cèpe dont la texture est nettement plus engageante que celle des cèpes mangés récemment au restaurant Taillevent. Et la sauce citronnée met en valeur le champignon. C’est un très grand plat. Je suis un peu moins séduit par le cabillaud dont la cuisson raffinée adoucit le râpeux naturel du poisson. On perd de son originalité. Le soufflé au chocolat est excellent. Avec Nicolas nous avons bavardé sur les dernières nouvelles qui agitent le monde du vin et de la gastronomie. Dans l’atmosphère agréable de ce restaurant à la bonne cuisine, ce fut un bon moment d’amitié.

Le menu du restaurant (à 39 € il n’est pas cher, mais nous avons déjeuné à la carte, pour le double)

les plats

le vin

adieux, toujours adieux dimanche, 12 septembre 2010

Maurice Chevalier avait pour habitude de faire ses adieux de scène à une fréquence aiguë. Lorsque j’étais enfant, les souvenirs de l’entre-deux-guerres peuplaient mon imaginaire. Les français célèbres aux Etats-Unis étaient Georges Carpentier, Jean Sablon et Maurice Chevalier. Ce dernier jouissait d’une image au firmament et pouvait donc faire ses adieux tous les deux ans.

Ma fille cadette bénéficiant d’une aura au moins identique fait avec mon gendre ses adieux pour la troisième fois. Et les adieux, ça se fête. Leur aînée étant de 2007, j’ai acheté quelques vins de ce millésime. C’est un bon prétexte pour goûter un Châteauneuf-du-Pape Domaine du Pégau, Cuvée Réservée 2007. J’ai déjà bu ce vin lors d’une réunion d’un nombre important de vignerons de cette appellation à l’occasion de la signature du livre remarquable d’Harry Karis sur les Châteauneuf-du-Pape. Nous savons donc qu’il s’agira d’un infanticide, mais nous l’assumons.

Le vin titre 14° mais en fait plus en bouche. C’est une bombe de fruits et de sirops, mais d’une intelligente fraîcheur. Ce vin est bien dessiné et nous l’aimons. Il est évident que dans vingt ans, des subtilités apparaîtront, cachées sous la gangue de jeunesse folle de ce vin. Mais il est bon à boire, chaleureux, frais et joyeux. Sur un gigot d’agneau cuit à basse température de notre traiteur préféré, accompagné de petites pommes de terre coupées en dés et gousses d’ail, ce vin est un bonheur.

Ma femme a prévu des petits fours sucrés et des macarons. Je laisse à mon gendre le choix du champagne et il prélève un Champagne Perrier Jouët rosé 1969. Le bouchon rétréci laisse la dernière lamelle de liège dans le goulot et je dois l’extirper au tirebouchon. La couleur est d’un ambre foncé. La bulle n’est pas visible mais le pétillant excite la bouche. Ce champagne discret est d’une charmante complexité, donnant l’impression d’un sauternes qui aurait fauté avec un vin mousseux. C’est un champagne très agréable à boire, avec des saveurs de fruits jaunes et dorés et des suggestions de thé. Il est parfait sur les saveurs sucrées variées.

S’agit-il du dernier adieu ? Le calendrier aura le dernier mot.

les vins, deux jours après.. vendredi, 3 septembre 2010

Il y a une suite !

Alors que je voulais me mettre à la diète totale, ma femme a invité un couple à déjeuner. Il se trouve que toutes les bouteilles du dîner n’étaient pas vides.

Suivons leur parcours : à la fin du repas, je les remets en caisse, ouvertes et debout. Arrivant à l’hôtel dans la voiture d’un ami, les caisses sont données à un concierge. Le lendemain, je repars en voiture avec les caisses dans mon coffre. Dehors, il fait 25 – 26 ° J’arrive après 2h30 de trajet et je sors les caisses que je mets dans une pièce à 22° environ. Elles restent ainsi pendant un jour environ. Je mets le reste du Krug 1982 ce matin au frais. J

e propose aux invités de boire les fonds de bouteilles, après leur avoir demandé d’accepter une offre qui n’est pas très raffinée. Mais j’ai évidemment aussi ouvert autre chose.

Le Krug 1982 a perdu beaucoup de bulle et a pris un petit coup de vieux. Mais sur du saucisson, il se réveille. Et il montre la richesse de sa structure. Le Pétrus 1976 sent bon, mais je n’en ai pas bu, réservant le peu qui restait à mon invité. Le Bouscaut 1918 est étonnamment charmant. Il est bien. On dirait qu’il n’a pas souffert d’avoir été ouvert il y a 45 heures et d’avoir été chahuté depuis. Sa solidité est bluffante. Pour le Lafite 1922, on est au niveau de la lie. On sent un peu d’acidité mais atténuée, on sent la force de la trame à côté du Bouscaut, mais le vin est nettement moins plaisant que le 1918. Le Romanée Saint-Vivant 1990 est réjouissant. Pas de défaut, pas de fatigue, et un bel équilibre bourguignon. Je le préfère presque à ce que j’ai bu lors du dîner, car il s’est épanoui. La divine surprise, c’est le Beaune Grèves Vigne de l’Enfant Jésus 1947. Le vin est glorieux. Pas le moindre défaut, comme lors du repas. La force alcoolique est là. Mais c’est surtout la plénitude en bouche qui est impressionnante. L’Yquem 1976 a un goût de fruit confit impressionnant. Il n’est pas altéré par le temps.

On a donc presque deux jours après l’ouverture et divers chahuts, la confirmation d’enseignements du dîners : la belle surprise d’un Bouscaut 1918, la déception d’un Lafite 1922 qui n’est plus ce qu’il pourrait être, la glorieuse présence du Beaune Grèves, qui justifie sa place de premier pour le consensus.

La solidité de tous ces vins après le traitement subi est à signaler.

déjeuner chez Yvan Roux – photos dimanche, 29 août 2010

Carpaccio de pélamide et roquette

Thon cru-cuit aux sésames torréfiés

Cigale (de face et de profil)

Mérou et pomme de terre en ourée à l’ail confit

Soufflé à la vanille et sa truffe au chocolat

Stefan Potzinger, sauvignon blanc « Joseph » 2005

Montrachet réserve de la reine Pédauque 1937

Côte Rôtie Côte Brune Joseph Jamet 1982

Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1970

Longuicher Maximiner Herrenberg Riesling Trockenbeerenauslese 1976

les bienfaits des rencontres de forumeurs dimanche, 29 août 2010

Robert Parker, le personnage incontournable du monde du vin a créé des sites internet où, moyennant finances, on peut obtenir des informations sur les vins. En dehors de ces sites payants, il avait ouvert un forum où tous les amoureux du vin pouvaient échanger des informations, avec le côté foisonnant et non hiérarchisé qu’ont tous les sites où l’on cause. J’étais venu parler de vins anciens sur ce forum très riche où des avis s’exprimaient dans toutes les directions possibles.

Un jour, Robert Parker a décidé que le forum deviendrait payant. Beaucoup, comme moi, ont réagi à cette décision. Un forum est une place de village rendue universelle par la magie de la transmission sans distance, où l’on vient bavarder librement. Si l’on me demande de payer pour aller sur l’agora du village, je reste chez moi. Nous fumes nombreux à refuser de suivre Robert Parker dans cette voie.

Un site d’amateurs devint rapidement le « refuge » des exilés du forum de Robert Parker. J’aurais pu ignorer ce site si un ami ne m’avait alerté sur le fait qu’on disait du mal de moi de façon insistante. Il faut savoir que sur internet, tous les aigris peuvent cracher leur venin en toute impunité. Prévenu par un membre du forum, je suis allé sur la discussion dont j’étais l’accusé public pour expliquer qui je suis.

Par un réflexe dont seuls les américains sont capables, la diatribe contre moi se transforma rapidement en un accueil dont la chaleur est tout à fait étonnante. Parmi les membres de cette nouvelle communauté, j’ai conversé avec un autrichien de Graz, amoureux fou des vins et notamment des vins anciens.

Il m’annonce sa venue en France, dans le sud, et m’exprime son envie de partager des vins avec moi. Je lui suggère que nous nous retrouvions chez Yvan Roux.

Un ami fou de vins anciens qui me faisait souvent signe pour partager de grands moments chez Yvan Roux avait été muet. J’appris qu’un méchant accident de moto l’avait gravement handicapé. Connaissant cette nouvelle, et observant son retour à la vie, il apparut qu’une visite chez notre restaurateur fétiche était possible. Il vint accompagné de son épouse et d’amis.

C’est donc une table de onze qui s’organise à déjeuner chez Yvan Roux, avec mes amis de longue date, et un autrichien inconnu, sa femme et ses deux fils. Gerhard et sa famille arrivent chez nous. De nombreuses bouteilles, ouvertes depuis longtemps, sont dans une caisse isotherme. Il faut vérifier que les températures sont bonnes.

Nous nous rendons chez Yvan Roux, et nous choisissons parmi tous les apports, plus nombreux que ce que nous pourrons boire, ce qui se mariera le mieux avec le menu d’Yvan.

Le champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs en magnum 1990 cohabite avec un nouveau Pata Negra Cinco Jotas, bien gras au goût de noisette. Le champagne bien jaune mirabelle est dans une expression de joie de vivre. On sent qu’il s’est épanoui et qu’il en est heureux. Avec le jambon, il se régale du gras qui renforce sa bulle.

Nous passons à table et le vin d’un ami autrichien de Gerhard, un Stefan Potzinger, sauvignon blanc « Joseph » 2005 se confronte à un carpaccio de pélamide et roquette. C’est un vin intéressant, qui titre 14°, avec une fraîcheur de vin de Loire, où le citron est bien marqué, mais pour moi, cela manque de complexité. C’est un exercice de style charmant, mais peu au-delà. Le carpaccio est fondant, nettement plus doux que le récent que nous avons mangé.

Sur un tartare de liche au gingembre et des fleurs de courgettes en tempura, c’est un Montrachet réserve de la reine Pédauque 1937 qui offre sa robe ambrée. Si l’on admet que ce Montrachet de 73 ans n’a plus grand-chose à voir avec un Montrachet actuel, on ne peut qu’applaudir devant la précision élégante de ce vin. Plusieurs amis pensent que ce Montrachet est jeune, mais je trouve qu’il fait vraiment son âge. Il a une belle maturité et une complexité aguichante. C’est un grand vin. Ce qui me plaît le plus, c’est son équilibre, qui laisse en bouche une grande impression de sérénité.

Nous passons maintenant au thon « cru-cuit » selon l’expression de Babette, la femme d’Yvan, préparé au sésame torréfié. C’est un Châteauneuf-du-Pape Beaucastel 2001 qui vient se confronter à son goût délicieux. Et je suis très favorablement impressionné par ce Beaucastel qui a trouvé une maturité qu’on pourrait ne pas espérer. Le vin est riche, puissant, mais sacrément gracieux.

Le temps fort du repas, ce sont les langoustes et les cigales qui nous sont servies, dans la virginale vertu de leur cuisson minimaliste. La Côte Rôtie Côte Brune Joseph Jamet 1982 est tout simplement merveilleuse. Je n’imaginais pas qu’une Côte Rôtie puisse avoir cette grâce. Ce vin est élégant, délicat, ciselé, et je suis sous le charme, pensant qu’il serait difficile de faire plus grand. Chaque gorgée me transporte dans un monde de douceur et de précision. Gerhard évoque la Mouline, mais je pense que ce vin est plus gracieux que la Mouline, qui dispose d’une force herculéenne.

Nous recevons ensuite une « minute » de mérou accompagnée d’une purée de pomme de terre à l’ail confit. Le Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 1970 qui l’accompagne est impressionnant, car il a la trame historique de Rayas, sur une expression extrêmement tranquille. C’est la sérénité qui impressionne. Gerhard et Siegrid sont étonnés qu’on ait pu associer des vins rouges avec des crustacés et des poissons et que cela marche aussi bien. Les chairs des crustacés et des poissons sont d’une précision absolue.

J’avoue que je suis assez confondu de constater qu’un inconnu, puisque les relations sur un forum ne donnent aucune indication sur celui que l’on rencontrera, ait pu apporter deux vins d’aussi grande valeur que cette Côte Rôtie 1982 à l’élégance aussi rare, et ce Rayas aussi serein. Et tous les propos de Gerhard respirent la passion. Je me suis d’ailleurs gentiment moqué de lui, car lorsqu’il est arrivé chez Yvan Roux, alors que tout le monde est sans voix devant le spectacle de la mer qui s’offre aussi généreusement à notre vue, il n’a même pas regardé autour de lui : une seule chose le concernait : que ses vins trouvent les bonnes températures.

Tous ses propos respirent l’amour du vin ; il est compositeur et professeur de composition musicale, sa femme est violoniste, et l’on sait que les musiciens ont un sens aigu du vin. Nous parlions, nous parlions, et Gerhard veut aller chercher le vin de dessert qu’il a mis au frais. Il contourne la table, et nous entendons un immense « plouf ». Car chez Yvan notre table est installée dans la salle centrale, devant la piscine qui nous sépare de la terrasse qui ouvre sur le panorama magique de la baie de Giens. C’est un fou rire qui a accueilli la subite plongée de Gerhard. Ses deux fils, Mathias et David, sont gênés que leur père soit le sujet d’un événement aussi cocasse, mais Gerhard va se changer et nous buvons un Longuicher Maximiner Herrenberg Riesling Trockenbeerenauslese 1976. Les rieslings allemands ont un équilibre assez impressionnant. Le vin est doré, avec une couleur incroyablement intense ; le nez est riche, mais c’est en bouche que tout se joue. Il y a la richesse, les fruits jaunes riches, et il y a la finesse et la fraîcheur. Le soufflé à la vanille n’apporte rien au vin d’une rare profondeur. Sa complexité est quasi infinie. Sur une truffe au chocolat, l’accord avec le Maury Mas Amiel 15 ans d’âge vers 1980 est transcendant. C’est un bonheur simple.

Nous finissons sur un champagne Perrier Jouët rosé 1969 qui est d’une rare élégance. Le dernier que j’avais ouvert était fatigué. Celui-ci est d’une belle jeunesse, et ce rosé intense, riche, goûteux, et plus profond que ce que j’attendais est ravissant. Il se sirote sans fin.

Les seuls votes que j’ai collectés sont ceux de Gerhard et le mien. Gerhard dit : 1 – Rayas 1970, 2 – Mas Amiel 15 ans d’âge, 3 – Côte Rôtie 1982, 4 – Montrachet 1937.

Mon vote est : 1 – Côte Rôtie 1982, 2 – Rayas 1970, 3 – Riesling 1976, 4 – Beaucastel 2001.

Recevoir un correspondant d’un forum, c’est une loterie. Jamais je n’aurais pensé toucher le gros lot avec un vrai amoureux des vins anciens et grand connaisseur de vins de grande émotion. Nous sommes appelés à nous revoir.

des Chateauneuf-du-Pape inconnus samedi, 28 août 2010

Des amis viennent dîner à la maison. La viande de bœuf fumée Cecina de León devient quasiment un rite ; la viande est fondante et bien accueillie par le champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs magnum 1990. La couleur est d’un jaune intense, la bulle est fine, et le nez est élégant. En bouche le champagne est chaleureux, plein, lourd et charnu, évoquant des fruits jaunes. Un saucisson sec se place très bien en compagnie du champagne, mais c’est la boutargue qui réussit le mieux à mettre en valeur le champagne qui prend une profondeur et une longueur encore plus belles.

Nous passons à table pour déguster un faux-filet qui a bien mûri chez Cédric, le traiteur du Pradet. La viande est accompagnée de petites pommes de terre croquantes en robes des champs. J’ai choisi de faire accompagner ce plat par des Châteauneuf-du-Pape qui me sont inconnus. Le premier est un Châteauneuf-du-Pape Domaine de la Petite Gardiole, Charles Establet Propriétaire 1965. Le niveau est dans le goulot. Le vin est un peu tuilé, assez clair. Son odeur est agréable, et le vin est charmant, délicat, relativement faible en alcool. Lorsqu’il s’épanouit dans le verre, ses notes sont délicates, raffinées. Ce n’est pas un Châteauneuf-du-Pape typique, mais il est agréable.

Le second Châteauneuf-du-Pape est un Châteauneuf-du-Pape Domaine Trintignant, Jean Trintignant 1964 dont la collerette d’année porte la mention : « réserve du vigneron ». L’étiquette est composée avec une écriture d’écolier, assez désuète. Le niveau dans la bouteille est assez bas. La couleur du vin est très noire, dense. Le nez à l’ouverture, puisque tous les vins sont ouverts au dernier moment, est fermé, et un peu poussiéreux. La première gorgée tire une grimace de mon ami. Il faut attendre un peu et le vin devient puissant, plus précis, vin de soleil qui passe en force. C’est une expression un peu fatiguée du Châteauneuf-du-Pape, mais elle est plaisante.

Le troisième Châteauneuf-du-Pape est un Châteauneuf-du-Pape Domaine de Beaurenard, Paul Coulon 1975. Le niveau dans la bouteille est quasiment parfait, la couleur du vin est belle, mais le vin manque d’inspiration. Il se bonifierait avec du temps devant lui, mais nous n’avons pas envie de chercher ce qu’il pourrait délivrer. Mon classement des vins rouges de ce dîner est : 1965, 1964 et 1975. La subtilité délicate du 1965 a justifié d’exhumer ces trois Châteauneuf-du-Pape.

Pour le dessert qui est une mousse au chocolat, au lieu de servir un Maury, j’ai voulu essayer un Champagne Perrier-Jouët rosé 1969. Je sais que ce n’est pas l’idéal, mais la chaleur ambiante se supportera mieux avec un champagne. La couleur est d’un rose tendant vers l’ambre. Le nez est assez neutre. En bouche, on sent que le champagne est fatigué. Il est buvable, avec un pétillant encore présent, même si la bulle s’est éteinte. Mais notre intérêt n’est pas suffisamment éveillé.

J’ouvre donc un Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1999, à la belle couleur d’un léger jaune citron. Le nez est profond et intense. La bulle est petite mais envahissante. Le champagne est absolument délicieux, ciselé, intense. C’est un champagne dont je commence à saisir les complexités. Un vrai régal pour finir un repas d’amitié.

dîner de Chateauneuf – photos vendredi, 27 août 2010

Châteauneuf-du-Pape Domaine de la Petite Gardiole, Charles Establet Propriétaire 1965

Châteauneuf-du-Pape est un Châteauneuf-du-Pape Domaine Trintignant, Jean Trintignant 1964

Châteauneuf-du-Pape Domaine de Beaurenard, Paul Coulon 1975

Champagne Perrier-Jouët rosé 1969

Champagne Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1999

beaux poissons chez Yvan Roux mercredi, 25 août 2010

Un ami vigneron de Vosne Romanée passe ses vacances avec sa femme et ses enfants à peu de distance de notre lieu de villégiature. Assidu de la lecture de ces bulletins, sa curiosité est excitée de découvrir la table d’hôtes d’Yvan Roux. Si l’accès est difficile, la récompense est au bout du chemin, avec une vue féerique sur la mer argentée.

Yvan est encore torse nu, préparant les futurs plats, car nous sommes en avance sur l’horaire que j’avais annoncé. Nous mettons au point l’ordre des plats en fonction des vins que j’ai apportés. L’apéritif se prend dans la magnifique cuisine que nous prenons comme comptoir, ce qui nous permet de bavarder avec Yvan et Babette pendant qu’ils organisent les entrées. Yvan tranche le Pata Negra et j’ouvre un Champagne Salon magnum 1995. Je me sers un verre et mon visage se barre d’une grimace : ce que je bois n’est pas ce que j’attends de Salon 1995. L’odeur n’est que tristesse, le vin est bouchonné. Et effectivement en bouche, on ressent un léger goût de bouchon. Je comptais sur ce vin pour honorer mon ami et son épouse, aussi suis-je contrarié. C’est l’esprit bougon que je sers ma fille, mon gendre et mes amis. Tout en croquant les fines tranches de Pata Negra « Cinco Jotas », le champagne devient légèrement plus amène, mais il reste un peu d’amertume. Ce n’est qu’au moment où nous nous asseyons à table que le Salon retrouve 100% de ses facultés. Pour en être bien sûr, je le goûte à de multiples reprises, et c’est clair qu’il est revenu à son vrai niveau, joyeux, goulu, fait de fruits jaunes et de citron. Il retrouve la belle longueur de Salon 1995. Une fois de plus, la patience est récompensée.

Le carpaccio de thon rouge au citron vert est délicieux et s’accorde bien avec le Salon. Yvan nous explique que la pêche au thon rouge est autorisée sous condition de taille du poisson et lorsque le poisson est pêché, il est bagué, et une partie de la bague est adressée à un organisme de contrôle de la pêche. Nous ne sommes donc pas des complices d’une prédation.

Des tempuras de lotte et de feuilles de sauge baignent dans un pesto suffisamment léger pour que le champagne trouve le diapason qui vibre avec la lotte.

Pour les seiches rôties au Pata Negra et piment d’Espelette, déglacées au champagne Salon, nous pouvons essayer aussi bien le champagne que le Châteauneuf-du-Pape Beaucastel Hommage à Jacques Perrin 1998. Le vin est riche, puissant, lourd, fort en alcool, mais réussit à montrer une belle élégance. Ce vin plait à ma fille qui raffole de ces vins riches. Cet Hommage d’une grande année est un vin de grand plaisir.

Le filet de rouget poêlé et safrané à l’ail confit est préparé avec les foies du poisson, et cette chair est mise en valeur de façon exemplaire. Nous nous régalons. C’est le moment d’ouvrir le Moulin des Costes Bandol 1983. Je croyais que la comparaison serait possible avec le Châteauneuf, mais le combat n’aura pas lieu. Le Bandol est légèrement torréfié, un peu cuit, sur une pente de maturité mal maîtrisée. Le vin est bon, bien sûr, mais il ne peut pas s’inscrire dans une comparaison valorisante. Le thon cru, cuit au sésame sur un coulis de poivrons aux noix a une chair fondante qui conclut bien ce festival de poissons.

Le moelleux au chocolat et son caramel au beurre salé accompagne un Maury Mas Amiel 15 ans d’âge qui doit être de 1980 environ. L’accord est merveilleux avec ce vin au goût de pruneau, de griottes, qui sait garder une belle fraîcheur sur sa douceur.

Pendant ce temps, la mer joue de son charme argenté. L’originalité du lieu, l’atmosphère amicale créée par nos hôtes, les mets délicieux et des vins aux performances variables ont créé un grand moment d’amitié.