Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Déjeuner à l’Automobile Club de France lundi, 17 mai 2010

Déjeuner à l’Automobile Club de France avec mon frère et ma sœur, avec une très avenante Côte Rôtie Brune et Blonde Guigal 2000.

Comme quoi il n’y a pas que les « La La » (Mouline, Landonne et Turque) qui peuvent donner du plaisir. C’est le nez qui est spectaculairement dense.

Le Paris-Brest de l’ACF devrait être classé péril national tant il est redoutablement bon et terriblement efficace pour développer les poignets d’amour (est-ce poignets ou poignées, seul mon tailleur le sait).

dîner au Chateau de Beaune – photos jeudi, 13 mai 2010

Le chateau de Beaune, propriété de la maison Bouchard Père et Fils

Les vins du dîner : Champagne Henriot Cuvée de Enchanteleurs 1996

Avenay 1969, Bourgogne blanc générique de la maison de négoce Leroy

Chablis Village Henri Darviot à Beaune des années 20 à 30

Chevalier Montrachet la Cabotte Bouchard Père & Fils 2001

Beaune Clos de la Mousse Domaine Bouchard Père & Fils 1961

Beaune Teurons Domaine Bouchard Père & Fils 1961

Chateau Trotanoy Pomerol 1961

Château Latour 1934 dont la capsule millésimée est d’une rare beauté

Château Chalon Jean Bourdy 1947

Château Suduiraut 1959 d’une jolie couleur

vin de paille Château Chalon des années 20

Quelques bouchons. A droit celui où il y a marqué "syndicat Chateau Chalon".

Un ami a mis au point des petites épuisettes pour récupérer les débris de bouchons. Il m’en a fait cadeau.

Quelques vins du dîner (il manque le champagne et la Cabotte)

Les vins de 2008 que nous avons dégustés dans le caveau

Les vins avec la Cabotte dans l’orangerie du chateau

Stéphane Follin-Arbelet versant de l’eau, ça se photographie

les jolies couleurs des vins blancs

les langoustines, seul plat que j’ai photographié, car les discussions étaient passionnantes et prenantes

les belles couleurs des vins du repas

Vins d’un rare éclectisme lors d’un dîner d’amis au château de Beaune mercredi, 12 mai 2010

Je m’étais rendu à 17h30 à l’Orangerie du Château de Beaune pour ouvrir les vins du dîner. Mes amis m’avaient rejoint pour ouvrir leurs vins, ceux de Bouchard ayant été ouverts en début d’après-midi. Le Trotanoy 1961 avait montré un fort nez de bouchon. Le bouchon d’un vin de paille de Château Chalon porte une inscription que je rencontre pour la première fois : « syndicat Château Chalon ».

Après la dégustation des vins rouges du Domaine Bouchard Père & Fils de l’année 2008 au caveau du château, nous remontons au joli salon du château pour l’apéritif. Le champagne Henriot Cuvée de Enchanteleurs 1996 me surprend par un nez très sucré, doux et d’une folle puissance. C’est comme si la liqueur de dosage avait envahi le vin. En bouche, le champagne est fort et très grand, racé et de belle bulle. Je suis étonné que son final ne soit pas plus long. Les gougères se croquent avec plaisir.

Nous sommes cinq autour de la table et Stéphane fait remarquer qu’il est rare que l’on soit si peu dans l’orangerie que nous avons préférée à la petite salle à manger car la luminosité du soir est agréable dans l’orangerie. Autour de Stéphane Follin Arbelet directeur général de la maison Bouchard Père et Fils et de son directeur commercial Michel, il y a Steve, mon ami collectionneur californien, et un ami de Michel devenu mon ami, Sébastien, fou de vins anciens.

Stéphane m’a fait l’amitié de me consulter pour la mise au point du menu que Marie-Christine a fort bien réalisé : salade de langoustines / médaillon de sole au curry et riz sauvage / grenadin de veau aux morilles et ses petits légumes / comté de 18 mois / choco-passion.

Nous commençons par une série de trois vins blancs dont les couleurs sont impressionnantes du jaune citron jusqu’à l’ambre prononcé. Le Chablis Village Henri Darviot à Beaune des années 20 à 30 a un joli nez. Il est court et relativement simple, mais il est très buvable. Pendant un temps, son final fait assez dévié. Mais aidé par les langoustines le vin devenu meilleur se goûte agréablement.

Le Bourgogne blanc Avenay maison Leroy 1969 est bouchonné. Son attaque est presque plaisante, mais le final est trop désagréable. Aussi l’intérêt se porte sur le troisième blanc le Chevalier Montrachet la Cabotte Bouchard Père & Fils 2001, qui est magique. Je commence à lui trouver de la noix, mais Stéphane me fait remarquer que c’est la rémanence du Chablis qui me conduit à cette impression. J’ai un amour particulier pour ce vin de la maison Bouchard, d’un équilibre rare et à la longueur exemplaire C’est un très grand vin, aux notes de citron de grande élégance

Stéphane nous annonce que les deux vins de 1961 que nous allons goûter n’ont pas été servis en dégustation depuis plus de trente ans. Il n’y a aucune fiche de dégustation récente aussi nous demande-t-il de bien noter nos impressions pour les archives de la maison.

Le Beaune Clos de la Mousse Domaine Bouchard Père & Fils 1961 a une belle robe que je trouve plus fatiguée que celle de l’autre vin, le Beaune Teurons Domaine Bouchard Père & Fils 1961. Le nez du premier me semble un peu fatigué et parcheminé alors que celui du Teurons est beaucoup plus amène. Si Stéphane a choisi de nous ouvrir ces vins c’est aussi parce que pour mon anniversaire, j’avais ouvert récemment un Beaune Teurons Domaine Bouchard Père & Fils 1943 absolument exceptionnel.

La bouche du Clos semble très structurée, bien charpenté avec de belles épices. Le final est sur la finesse. Le vin est très élégant, racé et soyeux. Le Teurons est plus velouté en bouche, avec moins de profondeur mais beaucoup de charme. Le Clos est plus strict, plus râpeux, plus profond, très bourguignon. Il y a un côté vieille armoire mais qui passe très bien. Le final est très long.

Nous commentions tous les vins et depuis quelques minutes je sentais des divergences profondes avec ce qu’exprimait Stéphane alors que Michel et moi faisions les mêmes analyses. Le côté « vieille armoire » choquait Stéphane, alors que l’expression de velouté qu’il utilisait pour le Clos me paraissait inappropriée. Nous décidons de vérifier nos verres et il apparaît que les verres de Michel et moi, servis en premier, donnent du Clos de la Mousse une image différente du vin beaucoup plus agréable que l’on trouve dans les verres de Steve et de Stéphane. Il faudra donc retenir les analyses de Stéphane plutôt que celles de Michel et moi. L’explication que je hasarde est que les vins, ouverts à l’heure du déjeuner ont été rebouchés avec des bouchons en plastique et laissés debout dans une armoire à vins. Je n’exclue pas que ces bouchons en plastique aient marqué le haut de la bouteille, donc les verres de Michel et moi.

Lorsque nous sommes resservis, les goûts se rapprochent. Ces deux 1961 sont de grands vins, profonds, le Teurons ayant sans doute plus de charme et le Clos de la Mousse ayant à mon sens une plus grande aptitude au vieillissement à long terme.

Marie Christine s’est étonnée que l’on puisse associer des rouges avec la sole au currry. L’accord est spectaculairement bon.

Stéphane a fait servir peu après les bourgognes le Trotanoy Pomerol 1961. Sa robe est d’un rouge presque noir, beaucoup plus profond que celui des deux Beaune. Sans doute du fait de mes incantations, le nez ne montre plus aucune trace de bouchon. Mais hélas on le retrouve en bouche. Le vin est trop amer.

Lorsque le grenadin de veau arrive, les morilles jouent un rôle fantastique sur le Trotanoy qui regagne cette profondeur truffée que l’on aime dans le Pomerol. On sert alors l’un de mes vins, le Château Latour 1934. Lorsque je suis servi en premier de ce vin, je m’écrie : « ça au moins c’est du vin », qui doit se traduire par : « je suis content qu’il soit bon ». Le nez est majestueux et en bouche, c’est du velours. Mais pour une raison que je n’arrive toujours pas à m’expliquer, lorsque je suis servi pour compléter mon verre, une acidité que je n’avais pas perçue est envahissante. Je continue à penser que le vin est immense, mais, force est de constater que le vin ne se présente pas aussi bien qu’il le devrait. Et je ne comprends pas, car tout, dans son parfum et dans ce que je perçois derrière l’acidité, est spectaculairement bon. Mais le résultat final n’est pas ce que j’espérais. Comme on le verra au moment des votes, je suis content que Steve et Sébastien aient compris ce qu’il y a dans ce vin.

Le nez du Château Chalon Jean Bourdy 1947 est une pure merveille. C’est l’une des grandes réussites de cette maison dont j’ai bu plus de quarante millésimes de vins jaunes. Le Comté de dix-huit mois est parfait et forme un accord qui est sans doute l’un plus édifiants de la gastronomie française. Tout à ce moment est du plaisir pur, le vin montrant une longueur impérissable.

Le Château Suduiraut 1959 a une couleur d’une belle jeunesse. Le vin n’est presque pas marqué par l’ambre. Son nez est explosif. Ses notes d’écorces d’oranges sont glorieuses. En bouche, sa lourdeur sensuelle est confondante. Il y a des fruits confits et de l’orange. J’aime beaucoup des versions plus anciennes de Suduiraut, comme 1947 ou l’inapprochable 1928, de réussite absolue. Mais dans cette expression jeune, je trouve ce Suduiraut abouti.

Le dernier vin se distingue par son étiquette minimaliste qui indique en grosses lettres « Château Chalon » puis en dessous « Vin de paille ». Les deux titres sont antinomiques, mais en fait c’est bien un vin de paille présenté dans un demi clavelin, fait à partir de raisIns de Château Chalon. La mention sur le bouchon est « syndicat Château Chalon », que je rencontre pour la première fois. Il n’y a pas d’années mais je pense qu’il s’agit d’un vin de paille Château Chalon des années 20 ; mon imagination me pousse vers 1921 que j’ai déjà goûté. Le vin est très doux, sucré, avec beaucoup de charme et une impression étrange de vin qui n’est pas fini, un peu comme un ratafia en moins alcoolique. On sent les grains de raisins surmûris que l’on croque.

Voter pour des vins aussi disparates n’est pas chose aisée. Ayant voulu honorer mes amis avec Latour 1934, je suis content que Steve l’ait placé en premier et Sébastien en second dans leurs votes. Les vins qui ont été nommés premier sont le Suduiraut 1959 deux fois, le Château Chalon 1947 une fois, comme le Château Latour 1934 et le Beaune Teurons 1961.

Le vote du consensus serait : 1 – Château Suduiraut 1959, 2 – Chevalier Montrachet la Cabotte Bouchard Père & Fils 2001, 3 – Château Chalon Jean Bourdy 1947, 4 – Château Latour 1934.

Mon vote a été : 1 – Château Suduiraut 1959, 2 – Chevalier Montrachet la Cabotte Bouchard Père & Fils 2001, 3 – Château Chalon Jean Bourdy 1947, 4 – Vin de Paille de Château Chalon vers 1921.

Les votes ont plutôt couronné les vins extravagants ou hors norme, alors que les deux Beaune mériteraient tous les éloges. Nous avons vécu un dîner de chaude amitié où les vins représentaient la générosité partagée. La palette des couleurs des vins dans les cinquante verres est d’une beauté rare. De tels moments sont chauds aux cœurs lorsque l’on forme un tel groupe d’amis.

fête de famille au Plateau de Gravelle samedi, 8 mai 2010

Un de mes cousins invite à la Rôtisserie du Plateau de Gravelle, tout à côté du champ de courses de Vincennes. Contrairement aux annonces de la météo, il fait beau et nous prenons l’apéritif dans un beau jardin sur un champagne Liébart 2004 qui est très agréable à boire et d’un gentil goût de revenez-y. Mon cousin fête ses 85 ans. Avec sa compagne qui a organisé la fête, ils ont l’habitude de lire mes bulletins, aussi guettent-ils mon avis sur les vins choisis.

Malgré une assemblée de plus de soixante-dix personnes, ils ont mis en cachette une bouteille au frais de champagne Gosset 1979. Nous serons quelques uns à profiter de ce grand champagne à la couleur de miel d’acacia, au nez profond et qui éclate en bouche de consistance et de profondeur. Un grand champagne.

Sur la table du buffet, en décoration, un double magnum d’un vin rouge de Chinon 1985 n’aura pas d’autre rôle, car il est définitivement mort.

Nous passons à table et le repas est très bien réalisé pour une telle assemblée : salade de homard et Saint-Jacques / filet de daurade, petits légumes, sauce olives / carré d’agneau, purée maison et champignons / fromages / gâteaux d’anniversaire, millefeuille et gâteau au chocolat.

Le Clos du Château du Château de Meursault 2006 est très typé. Il se boit bien, il est juteux à souhait mais il surjoue un peu. Je préfère la gentille expression du Château Haut-Grelot premières Côtes de Blaye 2005 qui est précis, équilibré, et conforme à son appellation. Une belle rencontre.

On applaudit l’arrivée du gâteau d’anniversaire, accompagné d’un champagne Veuve Clicquot Ponsardin qui pétille bien sur les framboises et fraises fraîches.

Pour le gâteau au chocolat, j’ai apporté trois bouteilles de Maury La Coume du Roy Paule de Volontat 1925. Pour beaucoup de mes cousins, c’est une grande surprise de déguster un vin de l’année de nôtre hôte célébré ce jour. Ce vin doux à la trace alcoolique profonde est riche de saveurs enveloppantes qui forment avec le chocolat un bel accord. Il y a des pruneaux, des traces de griottes, et le palais jouit de ces douceurs.

L’ambiance familiale est joyeuse, affectueuse, et beaucoup de souvenirs anciens sont évoqués par les uns et les autres lors d’une fête de famille réussie.

Une Landonne au Mathusalem rue Exelmans mercredi, 5 mai 2010

S’il devait y avoir un titre pour ce déjeuner, ce serait le mot traquenard. Denis est sommelier. Il est un des piliers de l’académie des vins anciens, qu’il a aidée en assurant le service du vin. Il fait partie de ces gens dont la générosité conduit à l’aveuglement. Il a partagé sa vie entre l’Afrique du sud et la France et nous ne nous sommes pas vus depuis longtemps. Il m’envoie un message demandant quand nous pouvons déjeuner ensemble. J’écoute ce message dans une salle de sport où je suis à portée de fusil du restaurant qu’il me suggère. Je l’appelle pour lui dire : « pourquoi pas ce midi ». Il me dit : « je t’attends ». Voilà comment une journée que je pensais sans vin se transforme en un traquenard.

Le Mathusalem, rue Exelmans, est un gentil petit bistrot où les murs sont transformés en ardoises, calligraphiées pour donner envie de manger et de boire. Le voiturier m’appelle par mon nom. Suis-je célèbre ? Non, c’est Denis qui a signalé ma présence. Le patron du lieu a un visage qui m’est familier. J’apprendrai qu’il était auparavant l’un des sommeliers de la maison Hédiard. La table est dressée pour trois, car Fabrice, le gérant d’une salle de sport concurrente de celle que je venais de quitter nous rejoint. Sur la table, un vin décante dans une carafe.

Denis demande à Rémi le patron de nous apporter le champagne que Denis connaît comme sa poche. C’est un champagne Damien Hugot Blanc de Blancs Brut à Epernay, pur chardonnay. La bulle est un peu lourde en bouche, mais je suis conquis par le vineux du champagne. Il se boit bien, sa définition est précise, il ne pèse pas, même si son message manque de profondeur et de longueur. Pour le prix que Denis m’indique, c’est une excellente affaire, car il se goûte bien.

Devant moi il y a deux verres que Denis veut me faire découvrir à l’aveugle. Comme il revient d’Afrique du Sud, je regarde si cette piste est possible et elle ne l’est pas. Ce sont des vins français. Le premier, par sa couleur, par sa fraîcheur me conduit vers la Bourgogne, et la bouteille apparaît très vite pour me dispenser de chercher. C’est un Nuits-Saint-Georges premier cru aux Perdrix Domaine de Perdrix 2007. Je dis : « si je me souviens bien, la vigneronne qui fait ce vin est d’une rare beauté ». On a les repères que l’on choisit. Le vin est extrêmement plaisant, avec cette subtilité bourguignonne amplifiée par la délicatesse de l’année. A côté, je cherche et malgré l’aide de Denis je ne trouve pas. J’aime le velouté de ce vin et la réponse est évidente quand on me la dit : c’est une Côte Rôtie La Germine, domaine Benjamin et David Duclaux 2005. J’aime le velouté de ce vin.

Nous avons pris des couteaux en entrée et Denis demande un Sauvignon. J’insiste pour que l’on goûte le Nuits-Saint-Georges sur ce crustacé et j’ai bien raison, car l’accord est parfait alors que la Côte Rôtie n’en veut pas.

Là où est le traquenard, à la limite du coup monté, c’est que Denis me montre une ardoise pendue en l’air, pour que je lise le nom du vin. Or, qu’y a-t-il sur l’ardoise qui était dans mon dos : cette Côte Rôtie bien sûr, mais juste en dessous Côte Rôtie La Turque Guigal 2005. Je lis l’ardoise et je dis « stop. Il nous faut celle-là. Je vous l’offre ».

Rémi, maître des lieux revient avec une Mouline 2006 et je commence à montrer des signes d’agacement. Rémi n’a plus de Turque 2005. Il me dit qu’il lui reste une Landonne 2005. L’affaire est conclue, ce sera Côte Rôtie La Landonne Guigal 2005. Alors que la Côte Rôtie Duclaux nous plaisait par son velouté discret, avec l’apparition de la Landonne, c’est un peu comme le tennisman classé 15-4 qui fait briller les yeux des jolies spectatrices et doit céder la place à Rafael Nadal. Car maintenant les limites du Duclaux apparaissent au grand jour à côté d’un monstre de perfection. Le nez tout seul est déjà un monument. Riche, intense, profond, il enivre comme un parfum. En bouche, la richesse, le gouleyant sont insolents d’aisance et de séduction. Quel vin splendide. On voit bien les similitudes avec Duclaux, qui montrent que j’aurais dû deviner le vin à l’aveugle, mais le poids léger ne peut pas boxer dans les super-lourds.

J’avais commandé des sardines comme plat principal, mais la présence de La Landonne l’interdit. Fort aimablement Rémi accepte que je remplace par un navarin d’agneau. Hélas, le navarin est bourré d’épices et il est évident que les épices sont des ennemies des grands vins car elles anesthésient la bouche au lieu de la clarifier pour apprécier le vin. Mais en dosant nourriture et breuvage, on arrive à jouir de ce vin transcendantal.

Comme si cela ne suffisait pas, Rémi a sorti un Vieil Armagnac 1959 mis en bouteille en 2006, au goût prononcé de caramel et de café, qui est un peu une exagération de l’Armagnac, même s’il se goûte bien.

Mathusalem est un bistrot de belle gaieté, géré par un amoureux du vin où il y a des pioches crédibles sur une cuisine de belle réalisation. C’est simple, mais ne pas y aller serait un crime. Aujourd’hui, ce fut le traquenard d’un ami très cher. Pas question de le regretter. Allez-y !

Rayas au restaurant Patrick Pignol mardi, 4 mai 2010

Le fils d’un ami de quarante ans est devenu lui aussi un ami très proche. Nous déjeunons au restaurant Patrick Pignol. Quand j’arrive – en avance – l’aspirateur est au milieu de la pièce. Maîtres d’hôtel et sommelier sont encore en jeans. Me suis-je trompé de jour ? Patrick et son épouse ont fait refaire la décoration du lieu pendant le week-end, et le nettoyage final se fait à la dernière seconde.

Pendant qu’on se prépare, j’ai le temps d’étudier la carte des vins du restaurant. C’est une des plus belles cartes de vin de Paris. Patrick gère les achats, et comme il est gourmet, il n’achète que le meilleur. Il y a des prix très chers lorsque Patrick veut gérer la rareté avec parcimonie et il y a des prix doux qu’il faut savoir aller chercher dans le livre imposant.

Je ne jette même pas un œil aux bordeaux qui ont définitivement quitté la raison. Je jette mon dévolu sur Château Rayas Châteauneuf-du-Pape 2000 qui fait partie des fondamentaux du bien boire. Si Raymond Domenech gérait la cave comme une équipe de foot, Rayas ne serait pas sur les bancs des remplaçants. Du moins, c’est ce qu’on aimerait que Domenech fasse.

Nous prenons le menu du jour, avec des ravioles de Saint-Jacques au jus corsé et le cochon de lait saisi au four légèrement pimenté au gingembre et à la coriandre. Nicolas carafe le vin. La couleur est légèrement tuilée, évoquant un bourgogne de vingt-cinq ans. Le nez est d’une rare subtilité qui m’évoque certains bordeaux comme les Graves. En bouche, mais c’est la première gorgée qui me piège souvent, je trouve le message un peu fermé, le vin jouant avec un petit bémol. En fait, il faut attendre. Progressivement le vin découvre l’une de ses caractéristiques uniques : c’est le plus bourguignons des Châteauneuf-du-Pape. Selon le plat, on suivra une délicieuse amertume, comme sur les ravioles, ou un velouté délicat, charmeur, enjôleur et captivant comme sur le cochon de lait. L’accord avec le cochon est admirable de confort. Mais le Rayas ne m’a pas donné l’émotion dont il est capable.

Un saint-nectaire un peu trop affiné n’est pas un bon partenaire. Sur une mandarine gentiment confite, un Klein Constantia Afrique du Sud 2005 crée un accord charmant et convaincant.

L’ambiance du restaurant est toujours aussi sympathique. La cuisine est précise et goûteuse. Ici on se sent bien.


déjeuner restaurant Laurent – photos lundi, 3 mai 2010

Chante Alouette Hermitage blanc Chapoutier 1945

Puligny-Montrachet J.B. Duchesne 1961

On voit le bouchon qui flotte dans le vin de belle couleur

Barolo Giacomo Borgogno 1961

Royal Kébir Frédéric Lung Algérie 1945

Anjou J. Touchais 1959

Foie gras de canard poêlé, haricots risina aux olives noires et relevés par un gaspacho

Friands de pieds de porc croustillants, purée de pommes de terre

Charlotte contemporaine aux gariguettes et baies de sureau (on sent le nouveau code de couleurs du restaurant Laurent)

Les belles couleurs des vins

vins de curiosité au restaurant Laurent lundi, 3 mai 2010

Le fait d’écrire sur le site de Robert Parker m’a permis de rencontrer des américains amoureux de vins, dont j’apprécie l’enthousiasme et la compétence de dégustation. Et la différence d’approche est très intéressante.

Un jour, je reçois un message d’un américain du Nebraska qui me complimente, non pas tant pour mes écrits sur le forum de Parker que pour mon livre, qu’il a trouvé « inspirant ». C’est un psychanalyste lacanien et ce détail excite ma curiosité. Il est de passage à Paris pour un congrès de psychanalyse et il me demande que nous déjeunions ensemble, sachant qu’il apporterait des vins. Je ne le connais pas mais ses propos ayant l’effet de la fable du corbeau et du renard, j’ouvre mon large bec.

Nous nous retrouvons au restaurant Laurent, l’endroit de Paris le plus accueillant qui soit. Mes deux vins déjà présents sur place depuis dix jours ont été ouverts il y a plus de deux heures et ceux de Tom peut-être une demi-heure, puisque Tom est arrivé avant l’heure du rendez-vous.

J’avais prévu pour l’entrée un Chante-Alouette Hermitage blanc Chapoutier 1945. La couleur m’étant apparue affreuse, je suis descendu hier en cave pour prévoir une bouteille de remplacement. La première que je prends, un Puligny-Montrachet J.B. Duchesne 1961, de magnifique couleur, a hélas le bouchon qui flotte dans le liquide. Je prends une autre bouteille, un Corton-Charlemagne dont l’année est illisible.

Le premier contact avec le Chante-Alouette est assez désagréable, mais à mon grand étonnement, le final est enlevé et brillant. La question se pose : gardons-nous ce vin, ou prenons-nous les réserves ? Tom me dit qu’il se contenterait bien de ce 1945. Ne sachant pas si c’est de pure politesse, je fais ouvrir le Puligny dont la couleur est très belle, d’un jaune citron de belle jeunesse. Le nez de ce vin est très déplaisant, tendance bouchon. Mais en bouche, quelle surprise ! Le vin est précis, bien dessiné, sans le moindre défaut, et son final citronné est d’une belle définition. Quelle surprise ! Il n’est donc pas nécessaire que j’ouvre le Corton Charlemagne. Tom me dit n’avoir jamais rencontré un vin qui ait un tel écart entre le nez et la bouche. Et, chose importante, le bouchon qui flottait n’avait créé aucune déviation définitive qui eût exclu que le vin fût bu.

L’entrée est un foie gras de canard poêlé, haricots risina aux olives noires et relevés par un gaspacho. C’est fou comme le Chante-Alouette que je commençais à trouver désagréable est mis en valeur par le foie gras. Il gagne en originalité, en coffre, et son petit côté fumé qui le rend rhodanien emporte l’adhésion. J’ai envie d’essayer le premier rouge sur le foie gras. Tom a apporté un Barolo Giacomo Borgogno 1961. Le nez est extrêmement délicat et raffiné. La première approche du vin est celle d’un vin légèrement acide, un peu fluet en bouche, mais au final solide. J’adore ce vin et je dis à Tom qu’il n’a pas d’âge tant il paraît intemporel, accompli et équilibré, fait pour tracer la route de l’histoire sous cette forme inchangée. La deuxième approche est plus étoffée, car le vin s’ébroue, et sur le foie gras, il prend définitivement du coffre, de l’assise et je suis impressionné par la prestance de ce vin charmeur. C’est bon un Barolo de cet âge.

Le foie gras est beaucoup plus accueillant envers le Barolo que vis-à-vis de mon vin, un Royal Kébir Frédéric Lung Algérie 1945 rouge. La bouteille est parfaite, provenant de la caisse d’origine que j’avais moi-même décerclée. J’avais été étonné que les étiquettes soient aussi parfaites que si elles avaient été imprimées la veille, et que les niveaux soient dans le goulot. N’importe quel expert me dirait que c’est forcément un faux, tant elle semble fabriquée il y a moins d’un an. La couleur est noire, à peine tuilée, le nez est convaincant et intense, et en bouche, l’image qui me vient immédiatement est celle de Vega Sicilia Unico. Car les arômes de café, de marc de café, de caramel sont présents, ainsi que des traces d’écorce d’orange que signale Tom. Le vin est résolument non conventionnel et je dis en souriant que l’on comprend pourquoi les bourguignons ont ajouté du vin algérien dans leurs cuves. Car ce vin a de la puissance, du charme et une typicité de vin conquérant. Sa complexité est extrême. Le foie gras ne l’intéresse pas.

Ce qui m’a plu, c’est que Tom, après l’essai des deux rouges vient revisiter les deux blancs pour voir comment ils se comportent avec le foie gras. Cette attitude ouverte vis-à-vis de vins relativement peu glamour m’indique que Tom sait écouter le message des vins.

Le plat suivant est un plat traditionnel de ce restaurant : les friands de pieds de porc croustillants, purée de pommes de terre. Et là, c’est de loin le domaine d’excellence du Royal Kébir qui devient impérial. Il prend une stature de première grandeur. Il s’est coordonné et offre l’opulence des plus grands vins. Il faut absolument que je prévoie d’en ouvrir une bouteille avec un Vega Sicila Unico. Le Barolo avec ce plat riche devient plus strict, plus synthétique, gardant sa densité sans le côté charmeur qu’il avait jusqu’alors.

Comme nous ne sommes que deux, il reste beaucoup à boire aussi un saint-nectaire aide à finir les rouges, et c’est le Barolo qui l’accepte le mieux, et un comté aide à poursuivre l’exploration des blancs. Contrairement à ce que je pensais, l’Hermitage fait un blocage avec le comté, qui lui donne un aspect giboyeux, voire laiteux, alors que le Puligny-Montrachet gagne en élégance, en étoffe et en charme.

Le dessert est une charlotte contemporaine aux gariguettes et baies de sureau. Tom est un peu circonspect sur la pertinence de l’accord avec son vin, mais il verra que ça fonctionne subtilement. L’Anjou J. Touchais Grande Année 1959 a une couleur d’un or glorieux. Quel beau vin dans le verre ! Son nez est discret et c’est en bouche qu’il s’exprime. Il est délicat, pianote dans la douceur, et ce sont des fruits blancs comme les litchis qui jouent piano mais continuo. Ce vin est tout simplement délicieux, mariant une jolie acidité qui fait oublier qu’il est doux avec une longueur déployée comme l’écharpe d’un ange de douceur. Je me reproche de ne pas explorer plus souvent ces vins de Loire qui sont vraiment attachants. Une chose m’a intéressé, c’est que les deux vins de Tom sont intemporels, dans une forme qu’ils garderont pendant de longues années, avec un équilibre rare.

Pour s’amuser, nous avons voté pour nos quatre favoris. Tom a voté ainsi : 1 – Touchais 1959, 2 – Chante-Alouette 1945, 3 – Royal Kébir 1945, 4 – Barolo 1961.

Mon vote est : 1 – Touchais 1959, 2 – Royal Kébir 1945, 3 – Barolo 1961, 4 – Puligny 1961.

Le fait que Tom place le Chante Alouette en second montre son ouverture d’esprit pour ne pas s’arrêter à un petit défaut de fatigue et pour savoir mettre à l’honneur le vin quand un plat le sublime. Nous avons bavardé de choses diverses sur le vin. Tom est un amateur qui a découvert le monde des vins anciens, et qui adopte une approche ouverte à l’écoute des vins. C’est un plaisir pour moi de découvrir ainsi des amateurs qui vibrent de cette façon.