Archives de catégorie : dîners ou repas privés

casual Friday 19/03 – les vins vendredi, 19 mars 2010

Champagne Dom Ruinart blanc de blancs 1990

Champagne Maurice d’Arhanpé à Mareuil sur Ay 1942

Champagne Mumm Cordon Rouge 1959

Chateauneuf-du-Pape blanc Chapoutier 1977

Château Mouton-Rothschild 1972

Château Gruaud Larose Sarget 1921

Château illisible (Montrose ou Lynch Bages) vers 1900 (estimé Beychevelle par des décrypteurs habiles)

Beaune rouge Bouchard Père & Fils 1955

Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961

Chateau d’Yquem 1969

déjeuner au restaurant Gérard Besson – photos vendredi, 19 mars 2010

Le menu conçu par Gérard Besson est composé avec pour objectif de mettre en valeur les vins :

Pomme de terre Pompadour truffes, andouillette varoise

Gâteau de topinambour, ris de veau, truffe

Lieu jaune, asperges du Lubéron

Crépinette de cochon de lait

Gigot d’agneau de lait, coco Tarbais, truffe de Bourgogne

Tourte de caneton rouennaise

Long bec

Tarte confite, tarte à l’orange, cédrats et mignardises.

mes verres et l’impression finale de la table (la photo ne montre pas la densité des verres sur table)

déjeuner au Yacht Club de France mercredi, 17 mars 2010

C’est un nouveau déjeuner au Yacht Club de France, dans la belle salle de réception. Le directeur est un amoureux de cuisine et de vins, et fait tout pour nous plaire. Le ris de veau n’est pas extraordinaire, mais les filets de sole aux gambas rattrapent largement la mise.

Le Château Talbot 1998 a une belle structure solide. Son nez est profond, typé, de grande expression.

Le Château Rauzan Gassies 1998 est très différent. Il a plus de rondeur, de fruit, de grâce. Il est très Margaux. Le Talbot est plus profond et le Rauzan-Gassies est plus charmeur. Les deux vins sont bons et montrent que 1998, sans exubérance, se boit bien.

Entre les deux rouges, nous avons intercalé un bourgogne blanc, un Vougeot premier cru les Cras domaine Bertagna 2007 qui est une belle surprise, car je ne l’attendais pas si gouleyant.

Comme à chacun de nos repas, les conscrits refont le monde dans l’amitié.

Déjeuner à l’Arpège mardi, 16 mars 2010

Lorsque Cédric est apparu à l’un de mes dîners, son amour du vin, sa compétence, ses envies ont immédiatement enfanté une amitié coup de foudre. Nous avons bâti mille plans pour goûter le plus extrême, le plus subtil et le plus charmant. Un petit pépin de santé a mis un frein à ces projets et Cédric m’a demandé un an de répit. Au terme de sa pause sabbatique, je l’appelle pour des retrouvailles. Il me dit : « rendez-vous chez Alain Passard. Je t’invite et tu apportes le vin ».

Le jour dit, je suis très en avance. J’ai donc le temps de bavarder avec Gaylord, le sommelier qui en d’autres endroits a participé au service du vin lors de certains de mes dîners. Il se souvient que grâce à moi, il a bu Yquem 1907 dont il garde un souvenir impérissable. Cédric arrive et dès les premiers mots, c’est comme si nous nous étions quittés hier. Et avec la même folie et le même enthousiasme, nous bâtissons mille projets, comme s’il fallait absolument rattraper le temps perdu.

Cédric est un habitué du restaurant Arpège, et il a demandé à Alain Passard de mettre les petits plats dans les grands. Le menu impromptu veut voler à Ferran Adria la palme du plus grand nombre de plats. C’est un voyage dans l’univers créatif d’Alain. Sur deux plats je n’ai pas vibré outre mesure : un carpaccio de coquilles Saint-Jacques dont l’acidité de la sauce bride le sucré naturel de la coquille, et une asperge blanche emmitouflée elle aussi dans des saveurs citronnées qui mettent une camisole autour des amertumes naturelles délicieuses de l’asperge. Mais sur tous les autres, ce fut un festival exceptionnel, la palme revenant au pigeon à l’hibiscus et au blini de saumon sauvage.

J’ai apporté deux vins dont Cédric doit choisir un seul. Un Marquès de Riscal Rioja 1992 et un Mission Haut-Brion 1978. Après l’assaut de politesse où chacun dit : « non, c’est toi qui choisis », je fais ouvrir le Mission Haut-Brion 1978. Gaylord n’a pas les outils pour extraire un bouchon qui part en charpie. Je l’aide à finir l’ouverture pour éviter un carafage. Le parfum de ce vin est éblouissant. Au jeu des sept familles, il joue dans la famille Haut-Brion, avec une richesse aromatique rare. En bouche, l’attaque est riche, pleine, solide comme un Graves. Et ce qui est étonnant, c’est que le final au goût précis s’arrête instantanément. Le vin est court tout en étant riche, son temps d’exposition étant réglé sur le minimum.

Selon les plats le vin déploie de nouveaux charmes. Il est impérial sur un plat de foies de poulet. J’aime sa sérénité, son côté très prévisible dans la complexité. Nous parlons, nous parlons, les plats se multiplient, et ce qui devait arriver est arrivé : la marée est devenue basse. Il faut ouvrir le vin espagnol. Alain qui passe à proximité se moque de nous, raillant les simagrées que nous avions faites sur le choix du vin à boire, puisqu’il eût été plus simple d’ouvrir immédiatement les deux. A l’ouverture, nous sommes saisis par le nez du vin espagnol, d’une fraîcheur rare, et par le côté opulent et frais qu’il a en bouche. C’est un vin agréable, qui n’a pas la complexité du bordelais, mais dont la joie de vivre est charmante. Ce que j’aime, c’est que sous la puissance certaine, il y a une expression de fraîcheur et de gracilité.

Cédric est le premier à signaler que le vin se referme. Il aura suffi de moins de dix minutes pour que la fraîcheur aérienne se transforme en rigidité, le vin perdant de son charme, tout en étant un vin qui n’entraînerait que des approbations dans d’autres contextes.

Alain Passard est en pleine forme et sa création s’en ressent. Les plats montrent une belle inventivité sur une structure raisonnée des goûts. Le personnel est joyeux, aimable, créant une atmosphère tonique. C’est un vrai grand restaurant sympathique où l’on mange bien. Les retrouvailles avec un gourmet furent une réussite et appellent des suites.

Côte Rôtie La Turque 1995 et Charles Heidsieck 1985 samedi, 13 mars 2010

Ma fille aînée, leader du club des Ginette vient déjeuner à la maison avec son compagnon et ses deux filles. Sur des gressins tortillés de saumon, un Champagne Charles Heidsieck 1985 montre que l’âge n’a pas de prise sur lui. La couleur est légèrement dorée, mais jeune encore, la bulle est présente, et le goût est fruité et joyeux. Il est presque sucré tant il est doux, mais cela n’enlève rien à sa race. Le champagne répond mieux sur des gressins au jambon fumé. Il gagne en profondeur. Et c’est surtout sur la poutargue découpée en fines tranches que le champagne trouve l’excitation idéale. Car la salinité des œufs de mulet donne au doucereux du champagne une longueur quasi irréelle. On se sent bien avec ce champagne de 25 ans.

Nous passons à table et l’osso buco aux champignons, où la tomate n’est présente qu’en trace, accueille l’Himalaya du vin de Ginette : une Côte Rôtie La Turque Guigal 1995. Le nez est une bombe aromatique. En bouche c’est un coulis de fruits rouges et noirs, comme la mûre et la groseille qui prennent possession du palais qui devient l’otage du vin. Il y a une prise de pouvoir, sans possibilité de discussion, d’un vin impérial, impérieux, qui dicte sa loi. Le vin est riche, goûteux, charnu, possessif, et l’on ne peut que suivre son charme, sans échappatoire possible. Ce vin de quinze ans fait comme s’il en avait deux. Il envahit l’espace, et l’on est heureux. Il est la sublimation du vin moderne, en donnant à cette acception un sens positif qu’elle n’a normalement pas.

Il faudrait sans doute qu’il attende une bonne décennie de plus pour adoucir son agressivité juvénile, mais force est de constater que ce vin figure au sommet de l’art du vin du Rhône. C’est un vin immense.

Le camembert fait des signes d’amitié au vin du Rhône, beaucoup plus qu’au reste de champagne. Le dessert n’appelle aucun des deux vins, tarte au chocolat avec une petite salade d’ananas et de mangue. Ce fut un beau déjeuner de famille.

Rayas 2005 au restaurant Villaret jeudi, 4 mars 2010

C’est François Simon qui m’avait fait découvrir le restaurant Villaret. Je m’y rends à nouveau. La carte des vins est toujours spectaculairement belle, intelligente et abordable. Cela tient à la rare connaissance des vins du chef Olivier Gaslain. Mon menu est : terrine de poitrine de pigeon et sa cuisse confite, salade de mesclun, puis le poulet « pattes bleues », dont la garniture d’olives et chanterelles est changée en fonction du vin par le chef au profit d’une purée de pommes de terre truffée. Il y a l’embarras du choix sur la carte des vins. Je choisis Château Rayas, Châteauneuf-du-Pape 2005. C’est un infanticide, je le sais, mais comme disait la grand-mère de je ne sais plus qui : « c’est toujours ça de pris ».

La patronne veut carafer le vin mais j’arrête son geste. J’ai envie de voir l’éclosion du vin dans sa tendre fraîcheur. Et c’est proprement dionysiaque. Le vin est gymnopédique. Il est d’une subtilité invraisemblable qui entoure un fruit généreux. Tout est délicat dans ce vin qui titre pourtant 14° mais ne les fait pas.

Avec la virile terrine très profonde, le fruit est opulent et remplit la bouche. La chair du poulet est magistrale et l’accord est tout aussi splendide, mais sur un registre plus délicat que fruité. J’ai discuté avec Olivier Gaslain et suggéré que dans un tel contexte la délicieuse sauce qui a enveloppé le volatile ne soit pas présente dans l’assiette si elle l’est à la cuisson, car la pureté de l’accord se trouve sur la chair intense du poulet. François Simon adore le poulet. C’était une façon de le remercier que d’avoir pris ce plat réussi.

Cette adresse est une pioche de première catégorie.

déjeuner au restaurant de l’hôtel Bedford lundi, 22 février 2010

La date du 11 mars que j’ai annoncée pour la prochaine académie des vins anciens a sans doute été mal choisie, car il y a des empêchements pour beaucoup d’habitués. Nous serons moins nombreux, aussi aurais-je mauvaise grâce à réserver le premier étage du restaurant Macéo où nous tenons habituellement nos réunions.

Un ami me dit qu’il a peut-être la solution pour le 11 mars. C’est un restaurant d’hôtel que l’on peut privatiser le soir. Nous décidons d’aller y déjeuner pour en faire l’inspection. Au moment où je m’assieds à la table, l’ami me dit : « le restaurant est pris le soir du 11 mars ». Ma réponse fuse comme un smash : « comme c’est un coup d’épée dans l’eau, c’est toi qui invites ». On m’a connu plus élégant, mais je sais que j’ai dans mes manches de quoi réciproquer. L’hôtel Bedford est un de ces hôtels que l’on ignore quand on passe devant. Au fond du vaste hall, la salle de restaurant fait comprendre pourquoi l’excès de stuc est appelé pâtisserie. Car la pièce ressemble aux gâteaux surchargés de mon enfance. Mais au-delà de cet aspect enfantin et kitsch, il y a comme une atmosphère. Nous sommes bien assis, le personnel a le service attentif des pensions de famille de province. Bien sûr, j’exagère. Nous prenons le menu du jour, charcuterie variée pour moi puis volaille à la purée truffée.

La charcuterie est bonne et la volaille n’est pas merveilleuse. Dans la carte des vins très limitée je repère un vin qui me vaut une approbation appuyée du sommelier qui nous dit que c’est sa dernière bouteille de ce millésime. Le Clos de Vougeot Domaine Tortochot 2000 surprend aussi bien mon ami que moi. Nous ne l’attendions pas à ce niveau. Le vin est agréable, d’une fraîcheur remarquable et d’une élégance certaine. C’est un vin qui fait plaisir à boire. C’est rare qu’on se sente aussi bien sans avoir besoin d’analyser pourquoi. Comme il est bon, il est asséché assez vite aussi pour le fromage prenons-nous un Meursault les Narvaux Domaine Bachelet 2006. Il n’y a avec ce vin pas l’ombre d’une surprise. Il est meursault, il est riche et gouleyant, d’une belle présence, mais sans créer l’émotion que le rouge avait créée.

Le lieu a du charme, kitsch mais amusant, aussi avons-nous réservé pour la session suivante de l’académie. Il faudra bien sûr voir ce que l’on nous propose, mais cet essai est engageant. Le restaurant n’est ouvert au dîner que s’il est privatisé. Aussi, comme dans les bonnes pensions, on installe sur les tables les confitures et les tasses pour le petit-déjeuner, pendant que nous continuons nos passionnantes discussions.

la solidarité des chaudières !! dimanche, 21 février 2010

(lire le sujet du 20 Février avant celui-ci)

Le lendemain midi, les mêmes se retrouvent à notre domicile. Je suis allé dans ma cave pour choisir du vin, et voyant un carton qui n’est pas ouvert, j’ai la curiosité de l’ouvrir. Dedans, trois bouteilles d’un Châteauneuf-du-Pape. Comment et pourquoi ai-je acquis ce vin, je n’en ai aucune idée.

Les enfants et petits-enfants arrivent, et il faut organiser les vins. Guillaume descend en cave avec moi et préfère explorer un vieux champagne. Dans une zone où j’ai des Mumm 1937 il sort une bouteille. Je pense qu’il s’agit d’un Mumm 1937 mais en fait c’est un Champagne Mumm Cordon Rouge sans année. Compte tenu des torsades du fil du muselet, des couleurs et des blessures, ce champagne doit être des années 30. Je constate qu’il a une belle couleur et un beau niveau. Ce sera donc le champagne du repas. Nous commençons à grignoter des noisettes sur ce champagne à la couleur de pêche, au parfum délicat qui ne montre aucune déviance, et au goût charmant et romantique comme un tableau d’Elizabeth Vigée-Le Brun. Il y a du fruit frais orangé comme la pêche fraîche, une bulle active, un pétillant joyeux et un équilibre ravissant. C’est le 18ème siècle galant.

Guillaume cuit des coquilles Saint-jacques, coquille d’abord et corail ensuite. La coquille s’accouple en délicatesse avec le champagne joyeux. Sur le corail, qui conviendrait aussi au champagne, nous essayons le Châteauneuf-du-Pape Ch. Bader-Mimeur 1961. Je n’ai jamais entendu parler de ce négociant installé au Château de Chassagne-Montrachet. La couleur du vin dans les verres Riedel est très belle. Le parfum est franc, précis. En bouche, ce qui frappe instantanément, c’est le velours. Ce vin est velouté, charmant, enveloppant, avec une force alcoolique non négligeable. Les coraux sont d’une finesse extrême, créée par une cuisson au millième de degré.

Le plat principal est un gigot d’agneau cuit à basse température avec des haricots blancs et des petits légumes. La chair de l’agneau est d’une intensité fondante, ce qui accentue le velouté du vin. Dans une telle délicatesse de sensations on remarque que le vin est légèrement influencé par un petit coup de chaud antérieur. Mais le plaisir est complet.

Une salade de fruits rouges et noirs n’accompagne aucun vin. Une sieste informelle et impérieuse suit ces agapes. Au réveil, je constate que la vengeance est un plat qui se mange effectivement froid, au sens propre du terme, car ayant ironisé sur la chaudière de mes enfants, je constate que notre chaudière hyper sophistiquée de moins d’un an est absente. La complexité des cadrans interdit toute manipulation de redémarrage. Un dimanche après-midi et probablement encore toute la nuit, nous allons rêver du sketch de Fernand Raynaud : « c’est le plombier ».