Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Le bonheur est à portée de main vendredi, 10 juillet 2009

Le bonheur est à portée de main et il faut savoir le saisir. C’est l’anniversaire de mon épouse. Mon fils et mon petit fils sont là. Nous tranchons le jambon Serrano et pour mon fils ce sera un jambon à la goutte de sang car les couteaux effilés sont intraitables pour les doigts qui s’égarent hors des zones de sécurité. Un nouveau magnum de champagne Laurent Perrier Grand Siècle est d’une fraîcheur apaisante. Ce champagne qui compose des bouquets en brassées de fleurs blanches et de fruits blancs est d’une belle longueur et le jambon un peu sec lui répond.

Quoi de plus familial que deux coquelets ? Mon fils ouvre un Terrebrune, Bandol 1995. Le premier mot qui vient à l’esprit est : « bonheur total ». Ce vin réjouit le cœur de l’homme, et si l’on devait trouver un vin pour correspondre à l’adage : « bonum vinum laetificat cor hominum », ce serait ce vin là. Simple mais immédiatement charmant, ce vin remplit de bonheur. J’ai rarement bu un vin avec une impression aussi mentholée. Il y a tout le charme chaud du sud, et une fraîcheur rare, bonifiée par l’âge, car ces Bandol s’améliorent irrémédiablement avec le temps. Le champagne se continue sur des macarons. Celui au caramel salé est le meilleur, et le plus tétanisant est à la réglisse. Face à la mer, quand seuls le bruit des vagues et le crissement des cigales peuplent le silence, un Bandol résume le bonheur du vin.

Repas d’amis jeudi, 9 juillet 2009

Sur une colline qui surplombe le tombolo de la presqu’île de Giens, la rade de Giens, l’Almanarre et jette un regard vers Porquerolles, des amis ont une maison à la décoration d’un grand raffinement. A l’apéritif, un champagne Louis Roederer est assez limité. Frappé d’une légère amertume, il se signale par un final frustrant, tant il est court.

Le magnum de champagne Laurent Perrier Grand Siècle forme un grand contraste. Car son nez est expressif, sa longueur est remarquable, et il pianote sur des tons de blanche virginité. Les petits toasts savamment dosés sur lesquels cohabitent une discrète confiture de framboise et un bleu d’Auvergne bien calme sont très adaptés au champagne.

Sur des poivrons, un Beaune 2006 qui doit être un assemblage, n’est pas déplaisant, mais on sent trop l’effort scolaire mû par l’envie de plaire.

Un Blagny rouge 2007 sur un veau aux pêches est beaucoup plus intéressant car il joue la carte de l’authenticité. Une joyeuse assemblée aux attaches africaines ou asiatiques a gentiment devisé face à la mer, avec le beau souvenir d’un champagne romantique.

L’appel des cigales mercredi, 1 juillet 2009

Le pied à peine posé sur mes terres du sud, le téléphone sonne pour un message de plus en plus itératif et impératif : "François, il y a deux cigales qui t’attendent". Avec ma femme, nous obtempérons.

(la vue de notre table, un soir d’été)

Ce soir, chez Yvan Roux, ce sera à l’eau, car il me faut prendre de bonnes résolutions. Le jambon Pata Negra, proche de l’os, devient gras et lourd. Seul un champagne charpenté remettrait de l’ordre dans la sensation de pesanteur extrême. Mais ce jambon boucané est d’un grand charme. Sur chaque assiette, une moitié de cigale mâle et une moitié de cigale femelle. Les chairs sont belles, puissantes, au goût de noisette et une mâche dure, autoritaire. Pour apaiser cela, le dessert est léger, à base de pêche blanche et de sorbet à l’abricot. Même sans vin, il est possible de passer une merveilleuse soirée.

le début d’un long calvaire pour mon régime

Vin d’Algérie 1937, Yquem 1939, Vega 1967, Bâtard 1974 et une sublime Tarragone samedi, 27 juin 2009

Nous recevons très peu à la maison et c’est une erreur. Par une longue soirée de début d’été les amis de l’ami de Marc Veyrat arrivent quand les nénuphars ne sont pas encore fermés. Nous faisons un tour de jardin et je tranche un jambon Serrano offert par mon fils et dont j’ai monté de mes blanches mains le support de découpe. Jean-Philippe arrivera plus tard car il revient d’Hawaï où il a nagé avec des dauphins.

Pour l’attendre nous ouvrons une demi-bouteille de Champagne Léon Camuzet non millésimé, le champagne d’une cousine lointaine que je n’ai jamais connue. Cette bouteille doit avoir plus de vingt ans. Le premier nez n’est pas très net, mais en bouche on retrouve le charme des champagnes anciens. Ma femme pèse au nano-gramme près les ingrédients pour les gougères et multiplier par deux les doses de son cahier peut se révéler une opération mathématique du niveau de la médaille Fields, l’équivalent du prix Nobel pour les mathématiciens. Taillevent associe aussi champagne et gougères. Je préfère celles de ma femme, un peu plus volumineuses, plus moelleuses et cuites sur l’instant. Jean-Philippe arrive aussi passons-nous de façon erratique du jambon à la gougère en intercalant quelques gorgées de Champagne Mumm Cuvée René Lalou 1979 champagne de trente ans dont la couleur et le goût ne montrent aucun signe de vieillissement. Ce qui frappe, c’est l’énorme puissance de ce champagne. Il est aussi envahissant qu’un Salon mais le Salon est plus féminin et celui-ci combine à la fois virilité et une certaine douceur sous la puissance.

Nous passons à table et pour que chacun trouve sa place il faut qu’il résolve des énigmes en formes de jeux de mots tellement alambiqués qu’il est hautement improbable que l’on réussisse à les percer. Ma voisine, par un cheminement que je n’avais pas prévu a trouvé instantanément sa place. J’en suis éberlué.

La première entrée est un yaourt au foie gras à la façon de Marc Veyrat, pour se souvenir que nous avions goûté ce plat le jour où nous nous sommes rencontrés sur les rives du lac d’Annecy. Le Champagne Dom Pérignon 1978 est résolument différent du Mumm. La finesse de construction, l’évocation de pêches blanches sont d’une délicatesse sans pareille. Mais la vedette est dans le verre voisin. Le Bâtard-Montrachet Marc Morey 1974 est une surprise invraisemblable. Sa glorieuse couleur m’avait suggéré de l’ouvrir. Et c’est une explosion de joie que ce Bâtard, très Bâtard, qui nous fait presque totalement oublier qu’il est de 1974, année discrète. Je suis ébloui par tant de pureté naturelle et de décontraction du vin chaleureux. C’est presque invraisemblable qu’il soit si bon. Comme le champagne il accompagne trois préparations de foie gras de ma cuisinière préférée.

Le gigot à la Marc Meneau et sa purée de céleri accompagne trois vins. Le Château La Mission Haut-Brion 1964 offre un parfum caché par un voile de poussière. Le goût n’est pas net non plus et ce vin que j’ai depuis plus d’un quart de siècle en cave n’est pas au rendez-vous. Il sert de tremplin au F. Lung, vin d’Algérie Royal Kébir 1937 qui me remplit de joie. Je voulais montrer à mes amis la pertinence de ces vins d’Algérie et c’est plus qu’un succès. Lorsque j’avais ouvert le vin plus de cinq heures avant qu’il ne soit bu, je m’étais dit en le sentant : « voilà au moins un vin qu’on ne pourra pas accuser d’être hermitagé ». Et Jean-Philippe en le découvrant, car c’est une première pour tous mes convives, dit qu’il comprend mieux pourquoi certains bourgognes ont fait appel à ces vins pour leur donner du muscle. Ce vin d’un riche équilibre et d’une complexité de grande classe évoque une combinaison réussie de vin de Bourgogne et de vin du Rhône. On me dirait qu’il s’agit d’un Chambertin Grand Cru que je ne serais pas autrement surpris. Je suis enthousiasmé et fier que ce vin soit au rendez-vous, comme je l’espérais ou mieux encore.

Le troisième vin apporté par Yann est un Vega Sicilia Unico 1967 que j’ai ouvert à son arrivée, il y a quelque trois heures. C’est une explosion de fruit. Ce vin est beau comme un cœur. Il respire le fruit, la joie de vivre et la richesse. Il se boit avec une facilité déconcertante. Mais mon esprit est captivé par le Frédéric Lung, mis en valeur par le goûteux gigot. Deux camemberts, l’un peu affiné et l’autre un peu plus se picorent pour finir les trois rouges, dans une cohabitation très acceptable.

On pourrait se demander pourquoi l’on appelle Tarte Tatin la création transcendantale de mon épouse. Il faudrait la baptiser de son prénom. L’accord est d’une justesse extrême avec le Château d’Yquem 1939 dont la couleur jaune orange est plus lumineuse que mille soleils. Cet Yquem est merveilleux et d’une puissance très supérieure au souvenir que j’en avais. Yquem d’un grand équilibre, qui en fait beaucoup mais n’en fait pas trop, c’est un plaisir d’un confort rare, que je classerais volontiers dans la famille des grands Yquem, même s’il n’en a pas la réputation. Il est assez naturel que Yann, qui a apporté ce vin, le classe en premier, alors que je choisis le Royal Kébir. L’attachement que l’on a vis-à-vis de ses propres vins est quasiment parental.

Nous bavardons et le sujet porte un moment sur les alcools. Par une pulsion non contrôlée, une folie me prend d’ouvrir une rarissime Tarragone qui doit être antérieure à 1921. Cette liqueur des pères chartreux a été faite à Tarragone en Espagne lorsqu’en 1903, conséquence de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, ils ont été chassés de leur abbaye millénaire. Je remplis de petits verres et nous tombons tous de ravissement. Cette liqueur est d’une richesse et d’une profondeur incomparables. Ayant la chance d’avoir bu une Chartreuse d’avant 1903, je pense que cette Tarragone et plus puissante et plus profonde. C’est le bonheur absolu et aucun de nous n’hésite pas une seconde à classer premier ce breuvage unique par sa rareté. Ayant puisé dans mon armoire à alcools, je fais goûter un Cognac Hardy qui doit dater d’avant 1880 qui représente pour moi la séduction charnelle du cognac. Mais l’attirance magnétique de la Tarragone me fait revenir à cet élixir qui pourrait se boire sans fin. Il n’y a plus d’hésitation pour désigner le plus grand breuvage de cette soirée. Tout le monde plébiscite la Tarragone. Mon classement est ensuite : F. Lung 1937, Yquem 1939 et Bâtard-Montrachet 1974.

Ce repas d’amitié a permis d’ouvrir des bouteilles très inhabituelles, il faut vite recommencer.

dîner d’amis – les photos samedi, 27 juin 2009

Le Bâtard Montrachet Marc Morey 1974 à la belle couleur fut une divine surprise

Mission Haut-Brion 1964 et Vega Sicilia Unico 1967

F. Lung, vin de Royal Kébir Algérie 1937

Château d’Yquem 1939 a la couleur d’une beauté absolue

Le yaourt de foie gras façon Veyrat et les trois foie gras

La Tarte Tatin (déjà bien entamée sur la photo) et La Tarragone inoubliable

le goût des gros poissons chez Yvan Roux mercredi, 17 juin 2009

Epuisé après de nombreux dîners, je suis dans le hall 4 de l’aéroport d’Orly, attendant mon vol, lorsque mon téléphone vibre. « François, j’ai un beau poisson, un gros, et j’aimerais te montrer que les gros poissons sont goûteux ». Je n’ai qu’une envie, c’est de me terrer sous terre, de jouer les taupes, les vers de terre, et de fuir tout ce qui bouge autour de moi. Et  voilà que dans mon microphone une voix qui ne peut être que la mienne répond : « j’arrive ».

Yvan Roux n’est pas un cuisinier. C’est le pape des cuissons. C’est une grosse différence car je suis sûr que s’il s’aventurait à vouloir cuisiner, il perdrait le sens des cuissons. Mais Yvan est aussi du monde des pêcheurs. Une belle prise, c’est une belle prise. Aussi, lorsqu’il montre à ses hôtes quelques pêches récentes, il annonce : « regardez-moi cette belle pièce ». Car un gros poisson, c’est la fierté du pêcheur, mais aussi du cuiseur.

Yvan a admis que j’eusse ce propos iconoclaste : « je préfère la chair des petits poissons ». Et ceci se vérifie sur les poissons et les crustacés. Il y a une fierté à proposer une énorme langouste. Mais mon crédo est : « small is beautiful ». Le seul poisson qui supporte d’être gros, à mon sens, c’est le turbot, car l’épaisseur crée une mâche spéciale. Pour tous les autres, à mon goût, c’est le petit qui l’emporte.

Le challenge doit plaire à Yvan. Il m’intéresse aussi puisque je suis là. Je suis seul aussi le champagne Delamotte non millésimé fera très bien l’affaire. C’est un champagne un peut strict, voire un peu amer, mais très pur et dont la trace vineuse s’adapte à beaucoup de situations.

Le Pata Negra est goûteux et très gras, ce que j’adoucis avec de la baguette. Et la réflexion qui me vient est que le pain et la viande rouge s’accommodent particulièrement bien, ce qui justifie le succès de Mac Donald.

Yvan a fait frire des beignets de fleurs de courgettes aux anchois qui sont gourmands. Le champagne a adopté un profil de soir d’élection où il n’y a que des vainqueurs ou des incompris. Il s’adapte à chaque situation sans toutefois créer d’émotion intense. C’est un bon champagne, mais j’en bois de trop bons comme on dit dans le langage djeune.

Sur mon assiette deux demi-homards. Dessous, plus volumineux, un homard femelle. Dessus, plus maigre, un homard mâle. Il est très net que le mâle est plus ferme et plus goûteux. Les cuissons sont superbes. En mangeant, célibataire d’un soir, je me mets à penser. Que commande l’esthétisme du gourmet ? Faut-il comme un mineur de fond explorer chaque galerie des méandres de la carcasse de chaque homard ou se contenter des bouchées qui expriment l’ultime du goût ? Il faudrait sans doute que la queue soit servie dans son simple appareil et que la tête et les alvéoles servent à composer une préparation plus typée. Lorsqu’Yvan, venant recueillir mon verdict, me lance : « je savais que tu étais porté sur les mâles », j’ai eu peur que des oreilles indiscrètes ne le crussent assez.

Un épais matelas de mérou arrive sur une assiette plombée d’aulx confits. Il faut reconnaître que la cuisson d’Yvan est exceptionnelle. Ce mérou, dont Yvan m’a choisi la partie la plus tendre est absolument délicieux. Je reconnais la « mâche » d’un gros poisson, avec ce que cela comporte de pâteux, mais je reconnais aussi une tendreté exceptionnelle avec une personnalité pure et affirmée. Alors, que conclure ? C’est certainement le meilleur mérou que je n’aie jamais mangé. Mais la sensation de « gros poisson » est quand même présente, ce qui limite mon plaisir.

Je refuse le fondant au chocolat pour des fraises des bois au parfum entêtant, une glace vanille aux grains de raisin et rhum.

Comme s’il fallait jeter quelques roses sur le deuil de mon régime, Yvan m’apporte une cuiller de caramel qui se lèche comme un bonbon. Suis-je le Sisyphe de mon régime ?

déjeuner aux Ambassadeurs, restaurant de Jean-François Piège à l’hôtel Crillon mercredi, 10 juin 2009

Avec mon frère aîné et ma sœur cadette, après les inévitables blessures que provoque l’extinction de la génération du dessus, nous essayons de reconstruire un climat serein. Au centième anniversaire de la naissance de notre père j’avais invité à La Tour d’Argent, restaurant fétiche de notre père. Aujourd’hui mon frère invite aux Ambassadeurs, restaurant de Jean-François Piège à l’hôtel Crillon.

Nous prenons le menu chic et non pas le menu choc. Il commence par l’idée d’un plateau télé, fait d’une salade de carottes râpées en limonade, d’un gâteau de foies blonds selon Lucien Tendret, version 2007, d’un cromesquis de brandade de morue, d’une variation croustillante d’un jambon/cornichon et d’un bonbon, beurre de truffe noire à tartiner. Après cette entrée, nos menus divergent. Le mien est : foie gras de canard des Landes, en bouillon coriandre et gingembre, puis en feuille de chou et lard fumé / homard bleu, curry épicé, riz coco moelleux et croustillant / sole de petit bateau, riz croustillant au Château d’Arlay / cerises de pays en forêt noire à notre façon.

Tout est exécuté de façon délicate. C’est curieux, car en ce temps de crise, je ressens pour la première fois le caractère un peu décalé de ce formalisme drapé dans l’excellence. Tout le monde est aux petits soins pour nous, mais pour la première fois, je me demande : est-ce bien raisonnable ? C’est le foie gras qui est le plus spectaculaire des plats et le Champagne Substance de Jacques Selosse dégorgé en avril 2008 répond d’une merveilleuse façon au bouillon, dans un accord d’anthologie, et au lard fumé, cat la virilité du champagne sans concession répond à la force du lard. Ce champagne atypique et qui se veut comme tel est délicieusement dérangeant. Avec David Biraud et Antoine Pétrus, sommeliers que j’apprécie au plus haut point, je m’amuse à dire que c’est un champagne d’ayatollah. La démarche d’Anselme Selosse est couronnée dans ce liquide fortement ambré, à l’amertume revendiquée et au fumé de grande personnalité.

Le Morey-Saint-Denis rouge Domaine Dujac 1999 est un délicieux vin de Bourgogne. Ce qui frappe immédiatement, c’est la précision. Ce vin est pur, délicat, fragile comme un éventail battu par le vent. Il n’a pas le corps qu’une appellation plus riche offrirait, mais il est plein de charme. Aucun des plats ne crée de vibration intense avec lui comme le bouillon l’avait réussi avec le champagne.

Les cerises sont un casse-tête pour le vin, aussi le champagne Bollinger Spéciale Cuvée est-il le plus exact des accompagnements possibles. Une mention spéciale doit être faite de ce dessert de compétition.

Ce restaurant sera toujours une halte de grand bonheur, par l’émotion du lieu, par le service impeccable des plats et du vin, par la qualité des mets et des vins interprétés avec intelligence et par un je ne sais quoi proche de l’alchimie qui ajoute un supplément d’âme à un beau repas.

l’idée d’un plateau télé, fait d’une salade de carottes râpées en limonade, d’un gâteau de foies blonds selon Lucien Tendret, version 2007, d’un cromesquis de brandade de morue, d’une variation croustillante d’un jambon/cornichon et d’un bonbon, beurre de truffe noire à tartiner.

foie gras de canard des Landes, en bouillon coriandre et gingembre, puis en feuille de chou et lard fumé

homard bleu, curry épicé, riz coco moelleux et croustillant (je l’avais bien entamé quand j’ai pris la photo !)

sole de petit bateau, riz croustillant au Château d’Arlay

cerises de pays en forêt noire à notre façon

 

Un beau chateau et une coincidence samedi, 6 juin 2009

L’ami architecte que j’avais retrouvé à Pékin possède un château de la Loire, monument historique qui se visite. Il réalise un rêve que l’on fait à un moment ou l’autre de sa vie. Voir la décontraction avec laquelle ce couple gère un monument aussi complexe nous montre qu’il faut des qualités particulières pour dominer le quotidien d’une demeure historique. Nous partageons un Champagne Salon 1985 dont la complexité gustative correspond à celle de cet ensemble architectural commencé au XIème siècle. Un champagne à la personnalité forte, « à la » François 1er.

Pour répondre à notre cadeau, l’hôte ouvre – ou plutôt me fait ouvrir selon « the Audouze method » – un Château Lafite-Rothschild 1985 dont la richesse gustative et la plénitude en bouche sont un véritable plaisir. Lors d’une escapade au restaurant Saint Vincent à Oisly tenu par un jeune couple courageux et motivé, nous avons bu deux beaux vins de Loire très goûteux, l’un, un blanc de Touraine de Justine Barbou goûteusement ensoleillé et l’autre, un rouge Vieilles Vignes du domaine Octavie.

Au retour d’une promenade, nous croisons sur le pont millénaire qui enjambe les douves sèches un groupe de visiteurs. L’un d’eux ne m’est pas inconnu. Je me retourne. Il se retourne. Nous nous serrons la main. C’est l’un des serveurs du restaurant Macéo où je venais l’avant-veille de tenir l’académie des vins anciens. Quelle est la probabilité qu’une telle rencontre se produise ? A peu près la même que de voir une ride sur les photos du visage d’Isabelle Adjani. 

dîner chez Yvan Roux lundi, 1 juin 2009

Après les agapes du 119ème dîner, départ vers le sud. Un des fidèles parmi les fidèles, présent à ce dîner, part lui aussi dans la même direction. Avec une grande logique, nous nous retrouvons chez Yvan Roux.

Un nouvel arrivage de Pata Negra est absolument goûteux, le gras et le sel étant judicieusement équilibrés. Autant dire que le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs en magnum 1995 se régale à son contact. Ce champagne est serein, équilibré, goûteux, facile à boire. Un vrai champagne de plaisir. Le carpaccio de barracuda crée un accord encore plus émouvant, la fraîcheur citronnée de la chair excitant la bulle paisible. Les femmes se partagent un beau homard, les hommes se partagent des langoustes et une cigale. C’est le moment de faire entrer en piste le vin apporté par mon ami. Un Aloxe-Corton 1929. L’étiquette est drôle, car elle ne comporte que ces mentions : Aloxe-Corton, appellation contrôlée, et le nom et l’adresse d’un caviste du 12ème arrondissement de Paris : Appert et Cie 22 Cour Baudoin. Il s’agit donc d’un vin on ne peut plus ordinaire étiqueté longtemps après 1929. Qui plus est, le vin a pris l’avion, est allé chez mon ami, a voyagé avant le dîner et a cahoté sur le chemin criblé de trous qui mène chez Yvan Roux. Et avec une facilité insolente, ce 1929 se présente avec un velouté, un charme qui confirment l’invraisemblable excellence et la solidité de 1929. S’il y a une légère amertume, elle ne diminue en rien le plaisir d’un vin franc, doux, bien plein en bouche, sans imagination débordante mais porteur de joie de boire.

Alors que je suis assez habitué aux vins ce ces années, je m’émerveille toujours qu’un petit vin de 80 ans puisse supporter d’être baladé ainsi et délivrer un plaisir plein de charme, simple, sans sophistication, mais sincère. La chair du mérou est la meilleure que j’aie mangée de ce poisson. L’aubergine au pesto est la seule touche qui accompagne la sobriété de la chair. Une glace vanille conclut un beau repas riche de belles saveurs et de la surprise d’un 1929 frais comme un gardon.  

 le carpaccio, la cigale et la langouste

le mérou et l’aubergine

 

repas d’amis par un beau soir de printemps samedi, 23 mai 2009

Nous sommes reçus chez des amis, face à la mer, par une belle soirée du milieu du printemps. Le Champagne Henriot en magnum 1996 nous fait une énorme impression. Sa couleur commence à s’ambrer, son parfum est raffiné et en bouche il est généreux, confortable et de belle soif. Il se boit avec un immense plaisir, au point qu’à trois buveurs sur quatre nous finirons presque le magnum à l’apéritif. Il faut dire que les journées sont longues en cette période de l’année. Les poivrons grillés ne sont pas franchement des amis du champagne, alors que la sauce aux anchois, prise sur un peu de pain, excite bien le champagne chatoyant. Le dos de cabillaud vapeur sur poireaux,  gingembre et citron se mange sur un Quintessence, « R » de Rimauresq, Côtes de Provence 2004. L’année dernière, j’avais jugé brutal ce vin puissant. Il a gagné en rondeur et son âpreté, caractéristique des bons Côtes de Provence, trouve un écho dans la chair râpeuse et typée du cabillaud. Le vin est très appréciable, et l’on mesure encore plus sa réussite lorsqu’apparaît le Rimauresq, Côtes de Provence 2006. Trop jeune, fougueux, il joue dans la douceur et n’a pas encore trouvé la « râpe » que j’aime dans ces vins de soleil.

Nous testons des fromages variés sur les vins rouges et le dessert est une subtile crème au romarin du jardin. Ce dessert raffiné va repousser le Champagne Dom Pérignon 2000 par une opposition qui stérilise le champagne. Le goût du romarin est tellement prégnant que le champagne est noyé. Il reste dans une coupe un peu du Henriot qui s’est réchauffé. Cela permet de constater que le champagne Henriot accepte le romarin et n’est pas bridé alors que le Dom Pérignon, habituellement floral et romantique, est effrayé et tétanisé par la plante aromatique. Ce sont deux comportements opposés. Ce fut une belle soirée qui préfigure les plaisirs de l’été.