La belote a ceci de récurrent qu’on ne sait jamais si l’on n’est pas en train de prendre la revanche d’une précédente bataille. Le Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1997 est extrêmement rassurant. L’âge lui a apporté rondeur et sérénité. Il est gentiment excité par de la poutargue. Le Champagne Dom Pérignon 1998 est d’une gracile noblesse. Tout en lui est romantique et iodé. En le buvant, je m’imagine gober des huîtres. Evoquant aussi les fleurs blanches, ce champagne nous conquiert. Un Côtes de Provence, Domaine des Cressonnières 1988 est satisfaisant. Bien sûr, il n’a pas inventé la poudre, même s’il évoque fugacement la pierre à fusil, mais il est fort plaisant à boire, ayant acquis une belle forme d’équilibre avec une râpe bien dominée. Sur un gigot cuit une demi-journée à basse température et un gratin de pommes de terre, c’est un régal. Si le vin déchaîne les passions, la belote le surpasse en magnitude.
Archives de catégorie : dîners ou repas privés
BELOTE vendredi, 15 mai 2009
La belote attire les bouteilles de champagne par une symbiose aussi efficace que celle qui colle le rémora à la raie manta. Le champagne Laurent Perrier Grand Siècle est d’une fraîcheur et d’une envie de soif qui pousse aux coinches les plus hasardeuses. Un intermède avec un Champagne Ruinart n’est pas à l’avantage de celui-ci car sa structure plus stricte et sa maigre longueur souffrent mal la comparaison. Un champagne Laurent Perrier Grand Siècle en magnum cette fois montre l’effet déterminant du format sur le goût de ce romantique champagne. Un Hermitage dont je n’ai pas retenu le nom manque de civilité sur un camembert et se découvre un beau talent sur un fromage de chèvre frais.
déjeuner au restaurant Laurent mercredi, 13 mai 2009
J’avais, pour des raisons diverses, gardé peu de relations de mes métiers d’avant. Un de mes clients, entrepreneur comme moi, m’avait conservé une fidèle amitié. Nous déjeunons ensemble au restaurant Laurent où toutes les tables sont occupées d’habitués, gens qui comptent dans les sphères du pouvoir ou de l’industrie. Nous choisissons des asperges présentées avec un œuf mollet et du parmesan puis un merlan cuit avec une délicate tapenade et des copeaux de chips. Le choix est évident : Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1999. On pourrait me reprocher un manque d’imagination dans mes choix de vin, mais le buffle aime revenir laper les eaux qu’il a chéries. Je mesure à quel point l’oxygène est indispensable à ce vin. Car au début, un peu froid, il est agréable mais manque d’étoffe. C’est – comme souvent – la dernière gorgée qui exprime la séduction extrême de ce vin dont la limpidité est une signature reconnue. Que l’Alsace est belle quand elle parle ce discours. Patrick Lair vient nous apporter en fin de repas deux verres de couleur zinzolin. Le vin est tellement jeune ! Il s’agit de Grand Puy Lacoste 2008. Ce vin de six à huit mois sans doute se boit avec bonheur. Il est généreux à cet âge. Comment peut-on prédire l’avenir d’un vin qui va mille fois changer de visage ? Celui de ce jour est souriant.
40è anniversaire de mon fils chez lui mardi, 12 mai 2009
Mon fils fête un anniversaire de chiffre rond avec des amis de son âge à son domicile. Il me dit : « n’apporte rien, j’ai tout prévu ». Ce fut vrai. Par une belle soirée de printemps dans son petit jardinet, le Champagne Pierre Montcuit 1995 se boit avec une facilité rare. Né au Mesnil-sur-Oger, la Mecque du blanc de blancs, il est extrêmement agréable et de belle précision. J’adore ce type de champagnes. Le Champagne Ruinart rosé sans année est moins intéressant et un peu court. Il glisse bien en bouche. Les bulots, blinis aux œufs de saumon et autres cochonnailles se dévorent en accompagnant des discussions animées
Nous passons à table, et le Chevalier-Montrachet Domaine Ramonet 2004 impose le silence par son parfum capiteux et déclenche les bravos par son goût envoutant, profond de riche plénitude. Ma belle-fille a fait un menu très brillant, avec langoustines et coquilles Saint-Jacques crues, une épaule d’agneau confite avec boulgour et aubergines, fromages et crème caramel. Le bordeaux de l’année de mon fils, Lafleur-Pétrus 1969 est nettement plus avenant que le souvenir que j’en avais gardé. Il faudrait beaucoup d’imagination pour croire qu’il vient de cette maigre année. On se prend même à le trouver gouleyant. C’est dire ! Alors que je suis un farouche défenseur de la langue française, il existe des expressions anglaises qui ont une force d’évocation que le français ne donne pas. Le Château Latour 1928 est « jaw dropping ». Littéralement, il fait tomber la mâchoire tant on est ébahi. L’instant où on le découvre est saisissant. Il représente toute la justification de ma démarche vers les vins anciens et je suis heureux que mon fils ait choisi ce vin de sa cave pour son anniversaire. La richesse d’évocation dont toutes les notes sont subtiles, est incroyable. Ce vin pousse au recueillement, à l’intériorisation de saveurs dont on a envie de capter religieusement toutes les nuances, tant il tintinnabule des myriades de douceurs.
Alors, le pauvre Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1996 qui lui succède n’est franchement pas aidé d’apparaître à cet instant sur le fromage. Rien en lui n’accroche l’attention, tant le mirage du vin de neuf fois neuf ans coiffe de béatitude nos cerveaux tétanisés. Le cerveau se réveille sur l’Aleatico vin doux fortifié de l’île d’Elbe, qui évoque les pruneaux confits, les figues et des saveurs doucereusement orientales.
De ce beau dîner affectueux et chaleureux deux vins émergent, un éblouissant Latour 1928 et un grand Chevalier-Montrachet 2004. Une très belle soirée.
quelques vins dans le sud vendredi, 8 mai 2009
Dans le sud, avec mon gendre, nous ouvrons un Champagne Substance de Jacques Selosse, dégorgé en mars 2008. J’avoue avoir plus de mal que d’habitude avec ce champagne extrême. Car il est difficile de se raccrocher à des repères. C’est grand, noble, mais c’est extrême. Sur un gigot cuit neuf heures et fondant comme du miel, un Château Larrivet-Haut-Brion rouge 1992 est une agréable surprise. On n’attendrait jamais un coffre pareil d’une si petite année. Le vin est court bien sûr, et ne déborde pas d’imagination, mais ce vin est plus que buvable, il est plaisant. Juste après lui, nous goûtons Château Mouton-Rothschild 1967. Bien sûr, après quelques minutes d’épanouissement dans le verre, ce vin ouvert deux heures avant le repas nous offre du velouté, de la grâce, et une rondeur apaisante. Mais on est loin du raffinement qu’un tel vin devrait avoir. Et on ne peut pas incriminer l’âge, car la couleur du vin est d’un beau rubis et son niveau dans la bouteille était quasiment comme au premier jour. Ce vin, tout simplement, n’avait pas envie de jouer les grands. Alors, c’est l’inattendu vin de 1992 qui est le plus plaisant des trois, surtout parce qu’attendant moins, on valorise la surprise.
les bordeaux
dîner chez Yvan Roux jeudi, 7 mai 2009
Après le 118ème dîner, direction le sud. A peine ai-je le temps de faire une sieste que l’on m’entraîne de force (on imagine ma souffrance) pour aller dîner à la table d’hôtes d’Yvan Roux. Les journées s’allongent et nous profitons un peu plus des plaisirs de la vue sur la presqu’île de Giens et les îles de la rade d’Hyères.
Le Champagne Delamotte brut blanc de blancs est très agréable à boire. Sa simplicité et sa clarté le rendent facile, porteur de plaisir. Babette avec sa sœur finissent de décortiquer un monceau d’araignées de mer qu’Yvan nous prépare en salade, simples, froides, avec une salade au jus de citron et quelques gousses d’ail confit. Ce plat est absolument délicieux. Dès que le saint-pierre cuit à 120° arrive dans sa simplicité sur la table, il est temps de passer au Champagne Salon 1996. La première gorgée démontre l’ampleur du saut gustatif et qualitatif entre les deux champagnes de la même maison. Et le Delamotte est un spectaculaire faire-valoir du Salon à la belle complexité. Je le trouve floral, fruité dans l’esprit des groseilles blanches, et d’une délicatesse assez inhabituelle pour le champagne Salon. C’est une merveille et le poisson blanc accompagne le breuvage divin avec harmonie. Pour ma fille et mon gendre, ce dîner a eu des parfums prometteurs de l’été et des vacances.
La salade d’araignée, dans sa pureté, avec des gousses d’ail
Le saint-pierre, c’est délicieux. Mais la tête n’est pas très belle !
mangues, avec une présentation très tropicale !
Le champagne Salon 1996 sous les sunlights, et dans une version tamisée, façon voyage au bout de la nuit
dîner au restaurant Matthias Dandine – photos vendredi, 1 mai 2009
La vue de la terrasse de l’hôtel des Roches, juste au dessus du restaurant (au fond, l’île du Levant)
amuse-bouche et homard bleu en fricassée, purée de fèves et ail nouveau, jus rouge et sucrine snackéee
Saint-pierre avec palourdes gratinées, fricassée de petits pois et fèvettes à la sarriette, sauté de seiche
Pièce de boeuf, ail confit, tapeno et olives, potimarron à l’huile d’olive, oignon paille confit croûte de parmesan
dessert fraises et rhubarbe
Troisième dessert et le Clos Mireille Domaine d’Ott en magnum 2005
Chateauneuf-du-Pape Domaine de la Janasse 1997 – Muntada Côtes du Roussillon Villages Domaine Gauby 2002
Château Vannières Bandol 1995
dîner au restaurant Matthias Dandine au Lavandou Aiguebelle vendredi, 1 mai 2009
Le soir au restaurant Matthias Dandine, j’ai le temps de féliciter le chef de son vin, car le comportement du vin lors du déjeuner a été sans faute. Le fidèle parmi les fidèles est venu avec des amis de la jeune quarantaine et nous commençons par un Champagne Comtes de Champagne Taittinger 1997. Ce champagne fort agréable et frais à boire me plait beaucoup plus que le dernier essai que j’en ai fait au même endroit. Est-ce que le climat marin le bonifie ? Sur de plaisants amuse-bouche, le champagne est à son aise, surtout sur un cromesquis à l’ail et un petit rouleau de sardine.
A table, nous prenons le menu intitulé « sur la Côte Varoise ». Mon ami commande un Clos Mireille Domaine d’Ott en magnum 2005. Le vin arrive trop froid et il faut de longues minutes avant qu’il ne révèle les réelles qualités qu’il possède, dont une mâche et un caractère charnu bien trempé. Le menu consiste en un homard bleu en fricassée, purée de fèves et ail nouveau, jus rouge et sucrine snackée, suivi d’un saint-pierre avec palourdes gratinées, fricassée de petits pois et févettes à la sarriette, sauté de seiche, puis d’une pièce de bœuf, ail confit, tapeno et olives, potimarron à l’huile d’olive, oignon paille confit croûte de parmesan.
Tout est exécuté de façon chaleureuse, et j’ai particulièrement apprécié la chair de bœuf. Le Clos Mireille est généreux, avec un final d’un beau panache. Le Chateauneuf-du-Pape Domaine de la Janasse 1997 est particulièrement plaisant et raffiné. Je l’adore sur le saint-pierre qui sait lui tirer des accents vibrants. Ce vin me plait beaucoup car il ne joue pas sur la force de son soleil mais joue d’un charme sécurisant.
J’ai beaucoup plus de mal avec le Muntada Côtes du Roussillon Villages Domaine Gauby 2002. Même si ce domaine a modéré ses ardeurs de naguère, je ne trouve pas assez de finesse. J’avoue que je pourrais être mauvais juge. Le plateau de fromages est bien composé et un Salers est divinement bon. Il anime un Château Vannières Bandol 1995 très convenable sans être ni tonitruant ni vraiment émouvant. Je l’apprécierais sans doute plus en une autre occasion.
Les desserts sont talentueux et l’un des convives insiste pour avoir un vin de plus. Ce sera un Champagne Gosset fort agréable à boire sur la terrasse, sous un ciel illuminé d’étoiles.
Matthias Dandine est toujours souriant et optimiste. Son équipe fidèle est très motivée avec un sens du service exemplaire. Par une des premières journées réellement belles dans cette région qui a souffert d’un hiver particulièrement arrosé, nous avons passé un excellent dîner.
deux beaux crustacés chez Yvan Roux vendredi, 1 mai 2009
Après avoir fréquenté six étoiles dans la même journée en déjeunant au restaurant Ledoyen et en dînant au restaurant Guy Savoy, il était urgent de faire une pause. Dans le sud, l’ordre du jour est au repos. Mais un ami fidèle ayant choisi la même destination me propose que nous dinions ensemble et j’accepte. A peine ai-je dit oui qu’un message arrive sur mon portable par lequel Yvan Roux m’annonce avoir reçu mes crustacés préférés. Ça ne se refuse pas.
Lorsque j’arrive pour déjeuner à la table d’hôtes d’Yvan Roux, deux cigales sont encore emballées dans un papier journal. Yvan prépare des beignets de calamar avec des violets.
Je m’assieds sur la terrasse et Yvan me dépose une assiette où un pesto va me permettre de faire trempette aux beignets de calamar. Peut-on imaginer goût plus franc et plus généreux ? J’ai apporté avec moi un Château Belle-Brise Pomerol 2002 que Matthias Dandine m’avait offert lors de ma précédente visite à son restaurant en me disant : « goûtez-le et donnez-moi votre avis ».
L’accord du pomerol avec les beignets se fait divinement bien. Ce pomerol très puriste est d’une définition très claire, et ce qui me séduit, c’est le final un peu rêche mais raffiné. Ce vin n’a pas l’ampleur des plus grands, année oblige aussi, mais il tient sa place à un niveau que je n’aurais pas soupçonné.
Yvan me sert la première cigale dont je saurai plus tard qu’il s’agit d’une femelle. En le goûtant, je repense à ce que disait Emma, sommelière à la Grande Cascade à propos du Bollinger Vieilles Vignes Françaises : « c’est un champagne d’initié ». Et la phrase qui s’impose est : « cette cigale a une chair d’initié ». Elle me fait l’effet d’être plus langouste que cigale, et je ne trouve ni la noix ni la noisette que l’on ressent dans la chair de la cigale. Babette me sert un verre de « R » de Rimauresq Côtes de Provence 2001 pour que je puisse comparer les sensations. Il est évident que le vin local est plus ensoleillé, mais il fait simple, et son final boisé s’accorde à la chair subtile beaucoup moins bien que le pomerol.
Le gratin d’aubergines à l’huile de noix, pignons et pesto est d’un goût juste et parfait, mais c’est un peu fort si l’on pense au vin. Vient maintenant le tour de la deuxième cigale, un mâle maintenant. La chair est dix fois plus excitante. Elle est moins typée, moins « initiée », plus doucereuse et incroyablement charmeuse. Comme la première, elle est servie pure, avec son jus de cuisson, sans aucune ajoute. Comme Yvan était venu aimablement me montrer comment manger la quasi-totalité de la tête de la première cigale, la tentation était grande de lui demander une nouvelle démonstration. J’ai préféré lui demander de me préparer la chair de la tête à sa façon, ce qu’il fit avec maîtrise, utilisant certains composants du gratin pour réaliser un mélange où la chair est mise en valeur. Le pomerol est à son aise et rend plus frustre le final du « R ». L’accompagnement de cœurs d’artichauts violets est très astucieux, car il modère et pondère la force de la cigale. Le pomerol s’est vraiment inscrit dans la continuité de la chair, ce qui constitue un test probant pour le Château Belle-Brise.
Après un dessert au chocolat et son sorbet au fruit de la passion, la sieste réparatrice avait un plaisir d’initié.
déjeuner à la table d’hôtes d’Yvan Roux – photos vendredi, 1 mai 2009
Les cigales encore dans leur emballage de papier journal. Yvan Roux fait frire des beignets de calamar avec de pets artichauts violets
La vue de ma table : à gauche l’Almanarre, e face la presqu’île de Giens
Une assiette artistiquement décorée de pesto, pour que j’y trempe calamars et artichauts
Château Belle-Brise Pomerol 2002
La première cigale est une femelle (à gauche, j’ai respecté la consigne "interdit d’en laisser")
La chair de la deuxième cigale est divine. A droite, sa présentation, comme avec des oreilles de lapin
Yvan a préparé la chair de la tête avec des condiments, de l’aubergine et du vinaigre de noix
Le dessert au chocolat et son sorbet au fruit de la passion
Quand on est assis avec cette vue, n’est-ce pas le bonheur ?