Archives de catégorie : dîners ou repas privés

le goût des gros poissons chez Yvan Roux mercredi, 17 juin 2009

Epuisé après de nombreux dîners, je suis dans le hall 4 de l’aéroport d’Orly, attendant mon vol, lorsque mon téléphone vibre. « François, j’ai un beau poisson, un gros, et j’aimerais te montrer que les gros poissons sont goûteux ». Je n’ai qu’une envie, c’est de me terrer sous terre, de jouer les taupes, les vers de terre, et de fuir tout ce qui bouge autour de moi. Et  voilà que dans mon microphone une voix qui ne peut être que la mienne répond : « j’arrive ».

Yvan Roux n’est pas un cuisinier. C’est le pape des cuissons. C’est une grosse différence car je suis sûr que s’il s’aventurait à vouloir cuisiner, il perdrait le sens des cuissons. Mais Yvan est aussi du monde des pêcheurs. Une belle prise, c’est une belle prise. Aussi, lorsqu’il montre à ses hôtes quelques pêches récentes, il annonce : « regardez-moi cette belle pièce ». Car un gros poisson, c’est la fierté du pêcheur, mais aussi du cuiseur.

Yvan a admis que j’eusse ce propos iconoclaste : « je préfère la chair des petits poissons ». Et ceci se vérifie sur les poissons et les crustacés. Il y a une fierté à proposer une énorme langouste. Mais mon crédo est : « small is beautiful ». Le seul poisson qui supporte d’être gros, à mon sens, c’est le turbot, car l’épaisseur crée une mâche spéciale. Pour tous les autres, à mon goût, c’est le petit qui l’emporte.

Le challenge doit plaire à Yvan. Il m’intéresse aussi puisque je suis là. Je suis seul aussi le champagne Delamotte non millésimé fera très bien l’affaire. C’est un champagne un peut strict, voire un peu amer, mais très pur et dont la trace vineuse s’adapte à beaucoup de situations.

Le Pata Negra est goûteux et très gras, ce que j’adoucis avec de la baguette. Et la réflexion qui me vient est que le pain et la viande rouge s’accommodent particulièrement bien, ce qui justifie le succès de Mac Donald.

Yvan a fait frire des beignets de fleurs de courgettes aux anchois qui sont gourmands. Le champagne a adopté un profil de soir d’élection où il n’y a que des vainqueurs ou des incompris. Il s’adapte à chaque situation sans toutefois créer d’émotion intense. C’est un bon champagne, mais j’en bois de trop bons comme on dit dans le langage djeune.

Sur mon assiette deux demi-homards. Dessous, plus volumineux, un homard femelle. Dessus, plus maigre, un homard mâle. Il est très net que le mâle est plus ferme et plus goûteux. Les cuissons sont superbes. En mangeant, célibataire d’un soir, je me mets à penser. Que commande l’esthétisme du gourmet ? Faut-il comme un mineur de fond explorer chaque galerie des méandres de la carcasse de chaque homard ou se contenter des bouchées qui expriment l’ultime du goût ? Il faudrait sans doute que la queue soit servie dans son simple appareil et que la tête et les alvéoles servent à composer une préparation plus typée. Lorsqu’Yvan, venant recueillir mon verdict, me lance : « je savais que tu étais porté sur les mâles », j’ai eu peur que des oreilles indiscrètes ne le crussent assez.

Un épais matelas de mérou arrive sur une assiette plombée d’aulx confits. Il faut reconnaître que la cuisson d’Yvan est exceptionnelle. Ce mérou, dont Yvan m’a choisi la partie la plus tendre est absolument délicieux. Je reconnais la « mâche » d’un gros poisson, avec ce que cela comporte de pâteux, mais je reconnais aussi une tendreté exceptionnelle avec une personnalité pure et affirmée. Alors, que conclure ? C’est certainement le meilleur mérou que je n’aie jamais mangé. Mais la sensation de « gros poisson » est quand même présente, ce qui limite mon plaisir.

Je refuse le fondant au chocolat pour des fraises des bois au parfum entêtant, une glace vanille aux grains de raisin et rhum.

Comme s’il fallait jeter quelques roses sur le deuil de mon régime, Yvan m’apporte une cuiller de caramel qui se lèche comme un bonbon. Suis-je le Sisyphe de mon régime ?

déjeuner aux Ambassadeurs, restaurant de Jean-François Piège à l’hôtel Crillon mercredi, 10 juin 2009

Avec mon frère aîné et ma sœur cadette, après les inévitables blessures que provoque l’extinction de la génération du dessus, nous essayons de reconstruire un climat serein. Au centième anniversaire de la naissance de notre père j’avais invité à La Tour d’Argent, restaurant fétiche de notre père. Aujourd’hui mon frère invite aux Ambassadeurs, restaurant de Jean-François Piège à l’hôtel Crillon.

Nous prenons le menu chic et non pas le menu choc. Il commence par l’idée d’un plateau télé, fait d’une salade de carottes râpées en limonade, d’un gâteau de foies blonds selon Lucien Tendret, version 2007, d’un cromesquis de brandade de morue, d’une variation croustillante d’un jambon/cornichon et d’un bonbon, beurre de truffe noire à tartiner. Après cette entrée, nos menus divergent. Le mien est : foie gras de canard des Landes, en bouillon coriandre et gingembre, puis en feuille de chou et lard fumé / homard bleu, curry épicé, riz coco moelleux et croustillant / sole de petit bateau, riz croustillant au Château d’Arlay / cerises de pays en forêt noire à notre façon.

Tout est exécuté de façon délicate. C’est curieux, car en ce temps de crise, je ressens pour la première fois le caractère un peu décalé de ce formalisme drapé dans l’excellence. Tout le monde est aux petits soins pour nous, mais pour la première fois, je me demande : est-ce bien raisonnable ? C’est le foie gras qui est le plus spectaculaire des plats et le Champagne Substance de Jacques Selosse dégorgé en avril 2008 répond d’une merveilleuse façon au bouillon, dans un accord d’anthologie, et au lard fumé, cat la virilité du champagne sans concession répond à la force du lard. Ce champagne atypique et qui se veut comme tel est délicieusement dérangeant. Avec David Biraud et Antoine Pétrus, sommeliers que j’apprécie au plus haut point, je m’amuse à dire que c’est un champagne d’ayatollah. La démarche d’Anselme Selosse est couronnée dans ce liquide fortement ambré, à l’amertume revendiquée et au fumé de grande personnalité.

Le Morey-Saint-Denis rouge Domaine Dujac 1999 est un délicieux vin de Bourgogne. Ce qui frappe immédiatement, c’est la précision. Ce vin est pur, délicat, fragile comme un éventail battu par le vent. Il n’a pas le corps qu’une appellation plus riche offrirait, mais il est plein de charme. Aucun des plats ne crée de vibration intense avec lui comme le bouillon l’avait réussi avec le champagne.

Les cerises sont un casse-tête pour le vin, aussi le champagne Bollinger Spéciale Cuvée est-il le plus exact des accompagnements possibles. Une mention spéciale doit être faite de ce dessert de compétition.

Ce restaurant sera toujours une halte de grand bonheur, par l’émotion du lieu, par le service impeccable des plats et du vin, par la qualité des mets et des vins interprétés avec intelligence et par un je ne sais quoi proche de l’alchimie qui ajoute un supplément d’âme à un beau repas.

l’idée d’un plateau télé, fait d’une salade de carottes râpées en limonade, d’un gâteau de foies blonds selon Lucien Tendret, version 2007, d’un cromesquis de brandade de morue, d’une variation croustillante d’un jambon/cornichon et d’un bonbon, beurre de truffe noire à tartiner.

foie gras de canard des Landes, en bouillon coriandre et gingembre, puis en feuille de chou et lard fumé

homard bleu, curry épicé, riz coco moelleux et croustillant (je l’avais bien entamé quand j’ai pris la photo !)

sole de petit bateau, riz croustillant au Château d’Arlay

cerises de pays en forêt noire à notre façon

 

Un beau chateau et une coincidence samedi, 6 juin 2009

L’ami architecte que j’avais retrouvé à Pékin possède un château de la Loire, monument historique qui se visite. Il réalise un rêve que l’on fait à un moment ou l’autre de sa vie. Voir la décontraction avec laquelle ce couple gère un monument aussi complexe nous montre qu’il faut des qualités particulières pour dominer le quotidien d’une demeure historique. Nous partageons un Champagne Salon 1985 dont la complexité gustative correspond à celle de cet ensemble architectural commencé au XIème siècle. Un champagne à la personnalité forte, « à la » François 1er.

Pour répondre à notre cadeau, l’hôte ouvre – ou plutôt me fait ouvrir selon « the Audouze method » – un Château Lafite-Rothschild 1985 dont la richesse gustative et la plénitude en bouche sont un véritable plaisir. Lors d’une escapade au restaurant Saint Vincent à Oisly tenu par un jeune couple courageux et motivé, nous avons bu deux beaux vins de Loire très goûteux, l’un, un blanc de Touraine de Justine Barbou goûteusement ensoleillé et l’autre, un rouge Vieilles Vignes du domaine Octavie.

Au retour d’une promenade, nous croisons sur le pont millénaire qui enjambe les douves sèches un groupe de visiteurs. L’un d’eux ne m’est pas inconnu. Je me retourne. Il se retourne. Nous nous serrons la main. C’est l’un des serveurs du restaurant Macéo où je venais l’avant-veille de tenir l’académie des vins anciens. Quelle est la probabilité qu’une telle rencontre se produise ? A peu près la même que de voir une ride sur les photos du visage d’Isabelle Adjani. 

dîner chez Yvan Roux lundi, 1 juin 2009

Après les agapes du 119ème dîner, départ vers le sud. Un des fidèles parmi les fidèles, présent à ce dîner, part lui aussi dans la même direction. Avec une grande logique, nous nous retrouvons chez Yvan Roux.

Un nouvel arrivage de Pata Negra est absolument goûteux, le gras et le sel étant judicieusement équilibrés. Autant dire que le Champagne Henriot Cuvée des Enchanteleurs en magnum 1995 se régale à son contact. Ce champagne est serein, équilibré, goûteux, facile à boire. Un vrai champagne de plaisir. Le carpaccio de barracuda crée un accord encore plus émouvant, la fraîcheur citronnée de la chair excitant la bulle paisible. Les femmes se partagent un beau homard, les hommes se partagent des langoustes et une cigale. C’est le moment de faire entrer en piste le vin apporté par mon ami. Un Aloxe-Corton 1929. L’étiquette est drôle, car elle ne comporte que ces mentions : Aloxe-Corton, appellation contrôlée, et le nom et l’adresse d’un caviste du 12ème arrondissement de Paris : Appert et Cie 22 Cour Baudoin. Il s’agit donc d’un vin on ne peut plus ordinaire étiqueté longtemps après 1929. Qui plus est, le vin a pris l’avion, est allé chez mon ami, a voyagé avant le dîner et a cahoté sur le chemin criblé de trous qui mène chez Yvan Roux. Et avec une facilité insolente, ce 1929 se présente avec un velouté, un charme qui confirment l’invraisemblable excellence et la solidité de 1929. S’il y a une légère amertume, elle ne diminue en rien le plaisir d’un vin franc, doux, bien plein en bouche, sans imagination débordante mais porteur de joie de boire.

Alors que je suis assez habitué aux vins ce ces années, je m’émerveille toujours qu’un petit vin de 80 ans puisse supporter d’être baladé ainsi et délivrer un plaisir plein de charme, simple, sans sophistication, mais sincère. La chair du mérou est la meilleure que j’aie mangée de ce poisson. L’aubergine au pesto est la seule touche qui accompagne la sobriété de la chair. Une glace vanille conclut un beau repas riche de belles saveurs et de la surprise d’un 1929 frais comme un gardon.  

 le carpaccio, la cigale et la langouste

le mérou et l’aubergine

 

repas d’amis par un beau soir de printemps samedi, 23 mai 2009

Nous sommes reçus chez des amis, face à la mer, par une belle soirée du milieu du printemps. Le Champagne Henriot en magnum 1996 nous fait une énorme impression. Sa couleur commence à s’ambrer, son parfum est raffiné et en bouche il est généreux, confortable et de belle soif. Il se boit avec un immense plaisir, au point qu’à trois buveurs sur quatre nous finirons presque le magnum à l’apéritif. Il faut dire que les journées sont longues en cette période de l’année. Les poivrons grillés ne sont pas franchement des amis du champagne, alors que la sauce aux anchois, prise sur un peu de pain, excite bien le champagne chatoyant. Le dos de cabillaud vapeur sur poireaux,  gingembre et citron se mange sur un Quintessence, « R » de Rimauresq, Côtes de Provence 2004. L’année dernière, j’avais jugé brutal ce vin puissant. Il a gagné en rondeur et son âpreté, caractéristique des bons Côtes de Provence, trouve un écho dans la chair râpeuse et typée du cabillaud. Le vin est très appréciable, et l’on mesure encore plus sa réussite lorsqu’apparaît le Rimauresq, Côtes de Provence 2006. Trop jeune, fougueux, il joue dans la douceur et n’a pas encore trouvé la « râpe » que j’aime dans ces vins de soleil.

Nous testons des fromages variés sur les vins rouges et le dessert est une subtile crème au romarin du jardin. Ce dessert raffiné va repousser le Champagne Dom Pérignon 2000 par une opposition qui stérilise le champagne. Le goût du romarin est tellement prégnant que le champagne est noyé. Il reste dans une coupe un peu du Henriot qui s’est réchauffé. Cela permet de constater que le champagne Henriot accepte le romarin et n’est pas bridé alors que le Dom Pérignon, habituellement floral et romantique, est effrayé et tétanisé par la plante aromatique. Ce sont deux comportements opposés. Ce fut une belle soirée qui préfigure les plaisirs de l’été.

rebelote ! mercredi, 20 mai 2009

La belote a ceci de récurrent qu’on ne sait jamais si l’on n’est pas en train de prendre la revanche d’une précédente bataille. Le Champagne Charles Heidsieck mis en cave en 1997 est extrêmement rassurant. L’âge lui a apporté rondeur et sérénité. Il est gentiment excité par de la poutargue. Le Champagne Dom Pérignon 1998 est d’une gracile noblesse. Tout en lui est romantique et iodé. En le buvant, je m’imagine gober des huîtres. Evoquant aussi les fleurs blanches, ce champagne nous conquiert. Un Côtes de Provence, Domaine des Cressonnières 1988 est satisfaisant. Bien sûr, il n’a pas inventé la poudre, même s’il évoque fugacement la pierre à fusil, mais il est fort plaisant à boire, ayant acquis une belle forme d’équilibre avec une râpe bien dominée. Sur un gigot cuit une demi-journée à basse température et un gratin de pommes de terre, c’est un régal. Si le vin déchaîne les passions, la belote le surpasse en magnitude.

BELOTE vendredi, 15 mai 2009

La belote attire les bouteilles de champagne par une symbiose aussi efficace que celle qui colle le rémora à la raie manta. Le champagne Laurent Perrier Grand Siècle est d’une fraîcheur et d’une envie de soif qui pousse aux coinches les plus hasardeuses. Un intermède avec un Champagne Ruinart n’est pas à l’avantage de celui-ci car sa structure plus stricte et sa maigre longueur souffrent mal la comparaison. Un champagne Laurent Perrier Grand Siècle en magnum cette fois montre l’effet déterminant du format sur le goût de ce romantique champagne. Un Hermitage dont je n’ai pas retenu le nom manque de civilité sur un camembert et se découvre un beau talent sur un fromage de chèvre frais.

déjeuner au restaurant Laurent mercredi, 13 mai 2009

J’avais, pour des raisons diverses, gardé peu de relations de mes métiers d’avant. Un de mes clients, entrepreneur comme moi, m’avait conservé une fidèle amitié. Nous déjeunons ensemble au restaurant Laurent où toutes les tables sont occupées d’habitués, gens qui comptent dans les sphères du pouvoir ou de l’industrie.  Nous choisissons des asperges présentées avec un œuf mollet et du parmesan puis un merlan cuit avec une délicate tapenade et des copeaux de chips. Le choix est évident : Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 1999. On pourrait me reprocher un manque d’imagination dans mes choix de vin, mais le buffle aime revenir laper les eaux qu’il a chéries. Je mesure à quel point l’oxygène est indispensable à ce vin. Car au début, un peu froid, il est agréable mais manque d’étoffe. C’est – comme souvent – la dernière gorgée qui exprime la séduction extrême de ce vin dont la limpidité est une signature reconnue. Que l’Alsace est belle quand elle parle ce discours. Patrick Lair vient nous apporter en fin de repas deux verres de couleur zinzolin. Le vin est tellement jeune ! Il s’agit de Grand Puy Lacoste 2008. Ce vin de six à huit mois sans doute se boit avec bonheur. Il est généreux à cet âge. Comment peut-on prédire l’avenir d’un vin qui va mille fois changer de visage ? Celui de ce jour est souriant.

40è anniversaire de mon fils chez lui mardi, 12 mai 2009

Mon fils fête un anniversaire de chiffre rond avec des amis de son âge à son domicile. Il me dit : « n’apporte rien, j’ai tout prévu ». Ce fut vrai. Par une belle soirée de printemps dans son petit jardinet, le Champagne Pierre Montcuit 1995 se boit avec une facilité rare. Né au Mesnil-sur-Oger, la Mecque du blanc de blancs, il est extrêmement agréable et de belle précision. J’adore ce type de champagnes. Le Champagne Ruinart rosé sans année est moins intéressant et un peu court. Il glisse bien en bouche. Les bulots, blinis aux œufs de saumon et autres cochonnailles se dévorent en accompagnant des discussions animées

Nous passons à table, et le Chevalier-Montrachet Domaine Ramonet 2004 impose le silence par son parfum capiteux et déclenche les bravos par son goût envoutant, profond de riche plénitude. Ma belle-fille a fait un menu très brillant, avec langoustines et coquilles Saint-Jacques crues, une épaule d’agneau confite avec boulgour et aubergines, fromages et crème caramel. Le bordeaux de l’année de mon fils, Lafleur-Pétrus 1969 est nettement plus avenant que le souvenir que j’en avais gardé. Il faudrait beaucoup d’imagination pour croire qu’il vient de cette maigre année. On se prend même à le trouver gouleyant. C’est dire ! Alors que je suis un farouche défenseur de la langue française, il existe des expressions anglaises qui ont une force d’évocation que le français ne donne pas. Le Château Latour 1928 est « jaw dropping ». Littéralement, il fait tomber la mâchoire tant on est ébahi. L’instant où on le découvre est saisissant. Il représente toute la justification de ma démarche vers les vins anciens et je suis heureux que mon fils ait choisi ce vin de sa cave pour son anniversaire. La richesse d’évocation dont toutes les notes sont subtiles, est incroyable. Ce vin pousse au recueillement, à l’intériorisation de saveurs dont on a envie de capter religieusement toutes les nuances, tant il tintinnabule des myriades de douceurs.

Alors, le pauvre Hermitage La Chapelle Paul Jaboulet Aîné 1996 qui lui succède n’est franchement pas aidé d’apparaître à cet instant sur le fromage. Rien en lui n’accroche l’attention, tant le mirage du vin de neuf fois neuf ans coiffe de béatitude nos cerveaux tétanisés. Le cerveau se réveille sur l’Aleatico vin doux fortifié de l’île d’Elbe, qui évoque les pruneaux confits, les figues et des saveurs doucereusement orientales.

De ce beau dîner affectueux et chaleureux deux vins émergent, un éblouissant Latour 1928 et un grand Chevalier-Montrachet 2004. Une très belle soirée.

quelques vins dans le sud vendredi, 8 mai 2009

Dans le sud, avec mon gendre, nous ouvrons un Champagne Substance de Jacques Selosse, dégorgé en mars 2008. J’avoue avoir plus de mal que d’habitude avec ce champagne extrême. Car il est difficile de se raccrocher à des repères. C’est grand, noble, mais c’est extrême. Sur un gigot cuit neuf heures et fondant comme du miel, un Château Larrivet-Haut-Brion rouge 1992 est une agréable surprise. On n’attendrait jamais un coffre pareil d’une si petite année. Le vin est court bien sûr, et ne déborde pas d’imagination, mais ce vin est plus que buvable, il est plaisant. Juste après lui, nous goûtons Château Mouton-Rothschild 1967. Bien sûr, après quelques minutes d’épanouissement dans le verre, ce vin ouvert deux heures avant le repas nous offre du velouté, de la grâce, et une rondeur apaisante. Mais on est loin du raffinement qu’un tel vin devrait avoir. Et on ne peut pas incriminer l’âge, car la couleur du vin est d’un beau rubis et son niveau dans la bouteille était quasiment comme au premier jour. Ce vin, tout simplement, n’avait pas envie de jouer les grands. Alors, c’est l’inattendu vin de 1992 qui est le plus plaisant des trois, surtout parce qu’attendant moins, on valorise la surprise.

les bordeaux