Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Ah, c’est dur d’être danois ! samedi, 2 février 2008

Dans le Sud, je suis invité chez des amis. Le thème de la soirée est un dîner danois. La maîtresse de maison a composé des plats véritablement danois qui se dégustent sur de l’Aquavit et une bière Kronenbourg qui est écossaise maintenant. Cela me donne moins de scrupules d’avoir apporté une vodka faite en Hollande. Nous sommes vingt-et-un et nous adoptons la coutume danoise qui veut que l’on ne puisse boire sans toaster avec ses voisins en les regardant droit dans les yeux. Les rythmes de nos soifs n’étant pas coordonnés, les « skoll » éclatent dans le paysage sonore. Mais les foies avec, car cette population de quadragénaires heureux de célébrer le retour en France d’un couple expatrié ne fit pas preuve de raison. L’Aquavit me plaisait par son aspect terrien, brut, de foin dans lequel on se couche avec le soleil pour témoin. Mais la vodka m’est apparue plus raffinée.

Notre hôte ajouta à un moment propice un Haut-Marbuzet 1999 fort précis et un Château Carbonnieux rouge 1989 de belle prestance.

L’alcool, quand il ne fait pas tomber K.O., désinhibe les conversations. Ce fut une chaude et joyeuse soirée.

Chambertin Armand Rousseau au Petit Verdot jeudi, 31 janvier 2008

Retrouver Hidé au restaurant le Petit Verdot est un de mes plaisirs. Je fais ouvrir un Chambertin Armand Rousseau 1993 ce qui explique sans plus de commentaires pourquoi j’aime retrouver Hidé, l’ancien directeur d’Hiramatsu qui a racheté le Petit Verdot il y a deux ans. Je grimace au premier contact car le vin a des aspects fumés, voire parcheminés. Et nous allons assister tout au long du repas à la lente mais fabuleuse ascension de ce vin merveilleux. Les dernières gorgées me donnent des sourires de pur plaisir. Le fruit étriqué devient joyeux, plein et rebondi. C’est un beau vin manquant un peu de puissance, mais d’une séduction bourguignonne qui ne s’en laisse pas compter. Gésiers, onglet, fromage ont su parler au vin. Ce sont les gésiers qui ont créé la plus belle émotion.

 

C’est le gésier, plus que l’onglet, qui fit briller le Chambertin.

 

déjeuner au Yacht Club de France mercredi, 30 janvier 2008

Notre traditionnel déjeuner de conscrits se tient au Yacht Club de France. Le maître d’hôtel a voulu mettre les petits plats dans les grands, et ce fut réussi. Un Château Lynch Bages 1997 me plait beaucoup par sa délicate subtilité. Certains vins s’expriment bien dans des années plus discrètes. Le Château Beychevelle 1998, plus carré, fait plus convenu. Reconstruire le monde est plus facile sur du homard et de grands bordeaux.

 

dîner à Taillevent – les photos mardi, 29 janvier 2008

Pour une fois, les photos ne sont pas de moi. C’est un ami, Christophe, qui m’a envoyé les siennes.

Trois bouteilles nous attendent, de dates qui correspondent toutes à l’histoire de Taillevent et de Jean-Claude Vrinat.

 

Oeufs brouillés et Meursault 1962

 

 

Epeautre, Bourgueil 1946 et Richebourg 1973

 

Coquille Saint-Jacques et ris de veau

 

Agneau et Lafite 1948

 

Chateau Chalon 1954

 

Stilton et dessert au pamplemousse

 

Merveilleux Yquem 1936

 

Un accord sublime entre le Banyuls 1950 et le dessert au chocolat.

Hommage à Jean Claude Vrinat au restaurant Taillevent mardi, 29 janvier 2008

Dans un forum sur le vin plusieurs personnes ont évoqué le décès de Jean-Claude Vrinat. Je lance l’idée d’un dîner en son hommage au restaurant Taillevent. Des membres du forum souhaitent y participer. Un ami se propose de faire le lien entre la cuisine et les vins. Nous décidons d’apporter des vins dont les millésimes correspondent à des dates importantes de la vie de Jean-Claude Vrinat et de Taillevent : 1936 : année de naissance de Jean-Claude Vrinat, 1946 : création du Taillevent, 1948 : première étoile au guide Michelin, 1950 : installation au 15 Rue Lamennais, 1954 : seconde étoile au guide Michelin, 1962 : prise de fonction de Jean-Claude Vrinat au Taillevent, 1973 : troisième étoile au guide Michelin. Nous arrivons à trouver un vin de chacune de ces années, ce qui n’est pas si facile. Jean-Marie Ancher, le fidèle directeur de salle y ajoutera une autre date : 2002 : prise de fonction du chef actuel, Alain Solivérès.

Autour de notre table sept des neuf convives écrivent sur le même forum, dont un que je n’ai jamais vu et un vigneron que je connais mais avec lequel je n’ai jamais partagé de repas. Les deux autres amis sont des compagnons de belles agapes. J’étais venu ouvrir mes vins à 17 heures, et lorsque je reviens, toutes les autres bouteilles sont ouvertes sauf une que l’on me demande amicalement d’ouvrir, l’Yquem 1936 au nez glorieux d’agrumes et de thé.

Nous passons à table, une jolie table où j’ai déjà fait de beaux dîners et le Champagne Taillevent, Blanc de Blancs 2000 accompagne les classiques et goûteuses gougères et une brouillade d’œufs à la truffe noire. Ce soir, je ne vibre pas trop à ce champagne un peu dosé et sans véritable émotion. Il en va tout autrement du Meursault Villages, Domaine R. Rossignol-Changarnier 1962 d’une couleur bien ambrée, au nez séduisant, qui dégage une chaleur de vivre passionnante. La belle acidité citronnée lui donne un final enlevé. C’est le meursault évolué comme on les aime, d’une année qui en a fait de bons. L’épeautre du pays de Sault en risotto, cuisses de grenouille en persillade est délicieux, le vin blanc répondant magnifiquement à la chair des grenouilles. Un de nos amis n’ayant pas trouvé de vin d’une des années jalon, avait apporté un vin dont Jean-Claude Vrinat vantait les qualités et qu’il suivait fidèlement, le Meursault 1er Cru Perrières, Dom. J-F. Coche-Dury 2000. Joyeux, très jeune, ce grand vin dont le léger fumé constitue une signature du domaine prestigieux dans le monde des blancs de Bourgogne accompagne de goûteuses coquilles St Jacques, beurre demi-sel, purée de céleri rave et cresson de fontaine. L’association est très belle et le plat sobre est précis. Le vin ravit tout le monde.

J’avais choisi des années plutôt difficiles et mes deux vins ont bien eu besoin de la noix de ris de veau meunière pour donner quelque plaisir. Lorsqu’on me sert en premier du Bourgueil Domaine P. Marchand 1946, un nez de bouchon m’assaille puis disparaît, et le vin paraît plat, salé, fatigué. Des amis sympathiques ont trouvé que ce vin est pur et intéressant. Je pense que c’est l’amitié qui a commandé leurs remarques. Un ami fut en revanche nettement plus critique envers le Richebourg Domaine Charles Noëllat, 1973 dont j’ai apprécié quelques vibrations, malgré un message fatigué.

Nous allons fort heureusement changer de monde car le Château Lafite-Rothschild 1948 est absolument divin. Ce qui m’a conquis, au-delà d’un joli fruité, c’est la précision de la trame et l’élégance de la structure. Il y a des années plus riches. Celle-ci est élégante. Nous succombons à son charme sur une selle d’agneau rôtie, jus à la truffe noire écrasée magnifiquement réalisée par Alain Solivérès, aussi fumes nous plutôt marris de voir notre ami vigneron insensible à ce vin. Comment peut-il faire ses vins avec l’ambition de les voir bien vieillir et ne pas comprendre la réussite de ce 1948 ? Cela restera une énigme.

Sur un vieux Comté trop fort à mon goût, le Château Chalon Jean Bourdy 1954 que je connais bien rappelle comme les goûts des vins jaunes sont une récompense. Celui-ci n’a pas une chant de stentor, mais il parle d’une voix juste. Le vin qui suit, ajouté par Jean-Marie Ancher, nous est servi à l’aveugle et nous ne trouvons pas. C’est un Vin de Paille Berthet-Bondet 2002, qui accompagne une tartelette poire-Stilton. Alors que je ne suis pas un fanatique des vins de paille jeunes, j’ai été agréablement surpris par la légèreté agréable de celui-ci.

Un des grands moments du dîner, c’est l’apparition de Château d’Yquem 1936. Le nez est d’une poésie extrême. Intense, subtil, il est ravissant. La couleur est d’un or clair. En bouche c’est l’image fidèle de l’Yquem de cette année et l’un d’entre nous fit un parallèle avec Jean-Claude Vrinat né cette année. Intelligence, finesse, discrétion, subtilité et équilibre, tout cela s’applique à l’homme et au vin. C’est un très grand Yquem si l’on accepte qu’à cette décennie le sucre est discret, les notes de pamplemousse et de thé étant plus suggestives qu’explosives. Pour mon palais c’est un Yquem parfait dans cette acception. Le dessert, gourmandise au pamplemousse et au thé vert est très agréable, mais seul le pamplemousse répond vraiment à la subtilité du vin.

L’accord qui suit est une véritable leçon, car on mesure à quel point un mariage réussi peut transcender le plat et le vin. Le croustillant au chocolat et aux fèves de Tonka est le partenaire idéal du Banyuls Domaine C. Raynal 1950. Sans ce chocolat, le banyuls serait assez conventionnel. Avec lui, c’est de la luxure. Et le vin a un final tellement frais qu’on a l’impression d’une totale légèreté. Le sommelier Manuel Peyrondet, meilleur sommelier de France, qui commenta avec nous certains des vins, joyeux de notre communion à l’histoire de la maison nous servit un Calvados Domfrontais 1968 qui n’a pas que de la pomme mais aussi de la poire. Comme c’est l’année de naissance de l’ami qui détermina le menu et l’ordre des vins, un sourire illumina son visage heureux d’avoir créé de belles harmonies.

Les discussions allaient bon train, parfois un peu lourdes quand on ne parlait que de techniques vinicoles ou d’érudition œnologique, mais chacun était porté par la ferveur de ce moment de reconnaissance envers un grand personnage de la restauration. L’équipe qui nous entourait a toujours la même motivation et ce sens unique du service. Alain Solivérès est venu nous saluer et nous l’avons félicité pour une cuisine franche, solide, conforme à ce que Taillevent doit continuer d’offrir. Notre message de fidélité à cette grande maison a fait, ce soir, des heureux.

déjeuner au Cinq du George V avec un amateur australien mercredi, 23 janvier 2008

Il est des instants où l’on se félicite d’écrire sur des forums. Ce déjeuner est une récompense. Un australien, son épouse et leur adorable petit bout de fille se promènent en France et visitent des producteurs de vins. Il est collectionneur de vins depuis fort longtemps et pousse son amour du vin de Bourgogne au point d’acheter une maison avec une belle cave voûtée dans un village emblématique de la zone des grands crus. Il déjeune avec Didier Depond, président de Salon. Mon nom est évoqué et Didier m’appelle sur mon portable et me dit : « je te passe Anthony ». Suis-je libre à déjeuner dans deux jours ? La réponse est oui. 

Dans la belle salle à manger du Cinq de l’hôtel George V, nous allons partager un repas tous les quatre, lui, elle, le petit bout de chou et moi. Comme j’étais arrivé en avance, j’ai étudié la carte des vins. Cette carte a l’intelligence que lui confère la science d’Eric Beaumard, mais elle a la tarification d’un bandit de grand chemin. On ne voit pas pourquoi l’hôtel se priverait de rançonner le touriste pour qui le prix d’un vin n’a aucune importance. Mais cela met en quarantaine l’amateur français. J’ai repéré quelques pépites et constaté que la plupart des vins que j’aime sont irrémédiablement inaccessibles. Il y a toujours un sentiment complexe quand on se rend compte qu’on devient petit joueur.

Le service du Cinq est un modèle du genre et l’on voit que tout a été pensé pour atteindre la perfection. Bien qu’étant invité, j’ai suggéré le champagne pour qu’on évite la culbute des grandes cuvées. Nous avons bien fait car le champagne blanc de blancs Diebolt-Vallois est plein de charme. Il n’est pas très complexe mais il est franc, pur, gentiment vineux. Il répond du tac au tac aux petits amuse-bouche dont un crustacé cru qui l’excite particulièrement.

Le menu que j’ai pris est composé de : tarte d’artichaut et de truffes noires du Périgord / poulette de Bresse et homard George V en cocotte lutée / millefeuille allégé à la vanille de Bourbon rafraîchi aux kumquats.

Le sommelier nous apporte sur la tarte un verre de Madère Boal d’Oliveras 1922 mais je ne suis pas convaincu. La continuité gustative existe, mais le vin est beaucoup trop fort. Il écrase la subtilité de l’artichaut. Le plat est délicat mais j’aurais aimé que l’artichaut soit mis un tout petit peu plus en valeur. Il se montre plus sur le champagne.

La poulette est délicieuse et cohabite de belle façon, grâce à la sauce, avec le homard. Le Bâtard-Montrachet Domaine Leflaive 2005 arrive un peu coincé, mais dès qu’il s’ébroue, c’est un vin magnifique d’une rare sérénité. J’ai un faible pour les Bâtard de Leflaive. Les chairs sont belles et le vin leur répond. C’est surtout sur la purée que le vin s’épanouit car elle chauffe le palais qui tressaute sur le Bâtard. Nous ferons la même expérience un peu plus tard sur le deuxième service du plat où des morceaux de poulet et de homard concassés dans une sorte de ravioli sont noyés dans un bouillon. C’est le bouillon qui complexifie le goût vif de ce blanc de Bourgogne adoré.

Le millefeuille est un dessert stratosphérique. Il est immense. La délicatesse du kumquat le rafraîchit effectivement, comme il est dit dans le texte du menu. Le Champagne Diebolt-Vallois 1997 est un champagne particulièrement strict. Très sec, cistercien, il cache sous sa rigueur de belles qualités. Il permet de finir ce repas délicieux dans de belles conditions. Ce nouvel ami a commencé à collectionner les vins il y a plus de trente ans, quand il était encore adolescent. Il possède quelques vins anciens d’Australie qui sont aujourd’hui des trésors. Nous avons échafaudé de futures agapes pour partager certaines de nos pépites.

les photos du déjeuner au George V mercredi, 23 janvier 2008

délicieux Diebolt-Vallois blanc de blancs

 crustacé cru …

 

Jolie tarte d’artichaut un peu écrasée par le madère de 1922

 

Si la photo de droite est apparemment floue, c’est que j’ai voulu capter la vapeur qui s’échappe à l’ouverture de la cocotte lutée

 

 

homard et poulette reliés par la délicieuse sauce

 

deuxième service du plat et le merveilleux Bâtard Montrachet Domaine Leflaive 2005

 

miraculeux millefeuille

 

fleurs, luxe et confiserie…

esquisse de contact avec la Chine mardi, 22 janvier 2008

Quelqu’un m’ayant demandé de trouver une entreprise du monde du vin qui pourrait créer à Pékin un bar à vins, vitrine de l’œnologie française, j’ai, par un concours de circonstances, initié un contact entre un négociant en vins chinois et une femme française qui va ouvrir une galerie d’art à Pékin, destinée à promouvoir l’art français. Un dîner impromptu s’organise chez moi avec le négociant chinois et des amis, et nous commençons à boire un champagne Léon Camuzet 1979 vin de Vertus, champagne consommé par ma famille depuis deux générations. C’est le champagne de famille, celui qui marque le goût futur. Le vin est splendide. L’âge a arrondi le champagne qui a des tonalités de fruits roses. Long en bouche, il accompagne très bien des petites sardines.

Le repas devant être frugal, nous dégustons des tagliatelles au foie gras et à la truffe sur un Corton Charlemagne Bouchard Père & Fils 1997. Que je suis heureux de ne pas vouloir approcher le vin de façon objective ! Si ce 1997 était en comparaison, de doctes sages trouveraient un millésime plus puissant. Mais je n’avais pas besoin de puissance à ce moment-là. J’ai adoré ce vin à cet instant précis. Juteux, changeant en bouche, avec des ondulations canailles, ce vin s’amuse sur le palais.

Sur une fine tarte aux pommes j’ai servi une Fine Bourgogne Domaine de la Romanée Conti 1979 d’un rare équilibre, moins virile que la Fine Parent vers 1904 d’il y a peu de jours, plus joyeuse en bouche. Mon hôte chinois m’a fait un portrait des perspectives qu’offre la Chine en ce qui concerne les vins anciens. On comprend que le soleil se lève à l’Est.